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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 24 octobre 2025, n° 24/03589

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 24/03589

24 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°271

N° RG 24/03589 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JMLI

AV

JUGE DE L'EXECUTION DE [Localité 7]

25 octobre 2024 RG :23/01531

S.A. ABEILLE RETRAITE PROFESSIONNELLE ANCIENNEMENT DÉNO MMEE AVIVA RETRAITE PROFESSIONNELLE

C/

[C]

Copie exécutoire délivrée

le 24/10/2025

à :

Me Brigitte MAURIN

Me Yves BONHOMMO

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2025

Décision déférée à la cour : Jugement du Juge de l'exécution de [Localité 7] en date du 25 Octobre 2024, N°23/01531

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Christine CODOL, Présidente de Chambre

Agnès VAREILLES, Conseillère

Yan MAITRAL, Conseiller

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Octobre 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A. ABEILLE RETRAITE PROFESSIONNELLE ANCIENNEMENT DÉNO MMEE AVIVA RETRAITE PROFESSIONNELLE Société anonyme au capital de

305 821 820,00 € immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le n° 833105067 dont le siège social est [Adresse 3] (France), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Eric NOUAL de la SELARL NOUAL-DUVAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Brigitte MAURIN, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

M. [Y] [C]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Yves BONHOMMO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Affaire fixée en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 18 Septembre 2025

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 24 Octobre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 15 novembre 2024 par la SA Abeille retraite professionnelle, venant aux droits de la société Aviva retraite professionnelle, à l'encontre du jugement rendu le 25 octobre 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Carpentras dans l'instance n° RG 23/01531 ;

Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 19 novembre 2024 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 25 août 2025 par la SA Abeille retraite professionnelle, venant aux droits de la société Aviva retraite professionnelle, appelante à titre principal, intimée à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 23 juillet 2025 par Monsieur [Y] [C], intimé à titre principal, appelant à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance du 19 novembre 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 18 septembre 2025.

Sur les faits

Le 27 décembre 1993, Monsieur [Y] [C] a adhéré à un contrat d'assurance groupe « newton 83 » avec effet au 1er octobre 1993, conclu entre la société Aviva Vie et l'Union des vignerons des côtes du Ventoux (UVEV), en vue de percevoir une retraite sous forme de rente viagère payable à la fin de chaque trimestre civil.

Le 21 juin 2001, Monsieur [Y] [C] a adhéré également à un autre contrat d'assurance groupe « UFF83 », n° 5700002886, conclu entre l'UVEV et la société Aviva Vie.

Souhaitant faire valoir ses droits à la retraite au 1er janvier 2012, Monsieur [Y] [C] a sollicité de la société cocontractante les documents et informations nécessaires pour demander la liquidation de la rente lui revenant.

Par jugement du 28 mai 2015, le tribunal de grande instance de Carpentras a condamné la société Aviva Vie à communiquer à monsieur [Y] [C], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un mois après la signification du jugement, et ce sur une période de 200 jours :

- les conditions particulières signées contrat d'assurance groupe « UFF83 » n°5700002886,

- les conditions générales et particulières signées contrat « newton 83 » n°0099850 / 00004671,

- un décompte précis et détaillé des droits acquis par Monsieur [Y] [C] pour chacun des contrats d'assurances groupe et depuis la souscription, avec mention de la participation aux bénéfices, des sommes investies avec leur répartition sur les différents supports, de la valorisation des supports, du décompte de la rente réévaluée à percevoir au titre de la retraite complémentaire par application du taux de conversion, du taux technique et de la table de mortalité.

Par jugement du 26 juin 2020, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Carpentras a liquidé l'astreinte à 20 000 euros et prononcé une nouvelle astreinte qualifiée de définitive de 500 euros par jour, commençant à courir un mois après la signification du jugement.

Par arrêt du 3 mars 2021, la cour d'appel de Nîmes a :

- confirmé le jugement précité en toutes ses dispositions, exceptée la fixation d'une nouvelle astreinte définitive,

- et statuant à nouveau, dit qu'il y a lieu d'assortir le jugement du 28 mai 2015 rendu par le tribunal de grande instance de Carpentras, qui fait obligation à la société Aviva retraite professionnelle, anciennement dénommée Aviva Vie, de remettre à Monsieur [Y] [C] les conditions particulières signées au contrat UFF 83 numéros 57000028861 ainsi que pour chacun des contrats d'assurance groupe et depuis la souscription, un décompte portant mention de la participation aux bénéfices, d'une nouvelle astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard commençant à courir à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signification de la décision et pour une durée de six mois.

Sur la procédure

Par exploit du 16 octobre 2023, Monsieur [Y] [C] a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Carpentras la société Abeille retraite professionnelle, venant aux droits de la société Aviva retraite professionnelle, aux fins notamment de voir ordonner la liquidation de l'astreinte provisoire et la fixation d'une astreinte définitive.

Par jugement du 25 octobre 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Carpentras a statué et :

« Liquide à la somme de 18000.00 euros, l'astreinte prévue par l'arrêt du 3 mars 2021 rendu par la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne en conséquence la SA Aviva retraite professionnelle à payer la somme de 18 000.00 euros à Monsieur [Y] [C] ;

Condamne la SA Aviva retraite professionnelle à remettre à monsieur [Y] [C] les conditions particulières signées au contrat UFF 83 numéro 57000028861, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard pendant un délai de 06 mois et ce à compter d'un délai de 15 jours après de la signification de la présente décision ;

Déboute la SA Aviva retraite professionnelle de sa demande de dommages et intérêts ;

Déboute monsieur [Y] [C] de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la SA Aviva retraite professionnelle à payer la somme de 1000 euros à monsieur [Y] [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA Aviva retraite professionnelle aux dépens. »

La société Abeille retraite professionnelle a relevé appel le 15 novembre 2024 de ce jugement pour le voir infirmer ou annuler, ou, tout au moins, réformer en ce qu'il a :

- liquidé à la somme de 18 000 euros, l'astreinte prévue par l'arrêt du 3 mars 2021 rendu par la cour d'appel de Nîmes ;

- condamné, en conséquence, la société Abeille retraite professionnelle à payer la somme de 18 000 euros à Monsieur [Y] [C] ;

- condamné la société Abeille retraite professionnelle à remettre à monsieur [Y] [C] les conditions particulières signées au contrat UFF 83 numéro 57000028861, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard pendant un délai de six mois et ce à compter d'un délai de quinze jours après de la signification de la décision ;

- débouté la société Abeille retraite professionnelle de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la société Abeille retraite professionnelle à payer la somme de 1000 euros à monsieur [Y] [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Abeille retraite professionnelle aux dépens.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, la société Abeille retraite professionnelle, appelante à titre principal, intimée à titre incident, demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, des articles L 131-1 et suivants R 121-1, R 131-1 et R 131-2 du code des procédures civiles d'exécution, et de l'article 132- 1 du code de procédure civile, de :

« Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

Liquide à la somme de 18000.00 euros, l'astreinte prévue par l'arrêt du 3 mars 2021 rendu par la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne en conséquence la SA Aviva retraite professionnelle à payer la somme de 18 000.00 euros à Monsieur [Y] [C] ;

Condamne la SA Aviva retraite professionnelle à remettre à monsieur [Y] [C] les conditions particulières signées au contrat UFF 83 numéro 57000028861, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard pendant un délai de 06 mois et ce à compter d'un délai de 15 jours après de la signification de la présente décision ;

Déboute la SA Aviva retraite professionnelle de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la SA Aviva retraite professionnelle à payer la somme de 1000 euros à monsieur [Y] [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA Aviva retraite professionnelle aux dépens. ».

Statuant à nouveau :

- Débouter Monsieur [Y] [C] de ses demandes de liquidation d'astreinte et de fixation d'une nouvelle astreinte.

- Débouter Monsieur [Y] [C] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner Monsieur [Y] [C] au paiement de la somme de 12 000 euros à titre de dommages intérêts

- Condamner Monsieur [J] [C] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouter Monsieur [J] [C] de son appel incident

- Condamner Monsieur [Y] [C] en tous les dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant recouvrés par Maître Brigitte Maurin dans les formes prévues à l'article 699 du code de procédure civile. ».

S'agissant de la liquidation de l'astreinte, la société Abeille retraite professionnelle expose qu'elle a satisfait à l'exécution du jugement du 28 mai 2015 en produisant le 7 mai 2021 les conditions particulières du contrat collectif n° 5700002886, datées du 21 juin 2001, signées le 16 avril 2021 par Monsieur [T] [M] alors directeur général délégué et administrateur d'Aviva Retraite professionnelle. Les conditions particulières signées au moment de la souscription en 2001, ont été perdues, selon toute vraisemblance. En affirmant péremptoirement qu'il était évident que les décisions précédentes avaient entendu imposer la communication des conditions particulières signées du contrat UFF 83 « à la date de souscription », le premier juge a grossièrement dénaturé le dispositif du jugement du 28 mai 2015 en y ajoutant une exigence qui n'y figurait pas, ni d'ailleurs dans aucune des décisions précédentes.

A l'appui de sa demande en dommages-intérêts, l'appelante fait valoir que, dans son assignation du 16 octobre 2023, Monsieur [C] a volontairement omis de mentionner l'envoi des courriers recommandés du 7 mai 2021 et des trois pièces jointes qui satisfaisait aux exigences de la cour d'appel de Nîmes ; il a attendu deux années et demie après avoir reçu le courrier recommandé du 7 mai 2021 avant d'assigner à nouveau devant le juge de l'exécution; il a demandé communication de pièces contractuelles qu'il avait lui-même versées au débat dans l'instance principale ayant abouti au jugement du 28 mai 2015 ; son intérêt à agir est plus que douteux puisqu'il est en possession de tous les éléments lui permettant de liquider ses droits à retraite. C'est à lui qu'il appartient de faire une telle demande.

S'agisssant de l'appel incident, l'appelante réplique que l'intimé a remis en cause devant le

premier juge les éléments qui ont été tranchés par une décision définitive et revêtue de l'autorité de la chose jugée.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur [Y] [C], intimé à titre principal, appelant à titre incident, demande à la cour, au visa des articles articles 1134, 1147 et 1273 du code civil, des articles L.131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de l'article 1240 du code civil, et des articles 696 et 700 du code de procédure civile, de :

« Débouter la société Abeille retraite professionnelle de son appel,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a liquidé l'astreinte dans son principe et débouté la société Abeille retraite professionnelle de l'ensemble de ses prétentions

Néanmoins, réformer le jugement sur les montants alloués

Statuant à nouveau,

Liquider l'astreinte provisoire fixée par la cour d'appel de Nîmes dans son arrêt du 3 mai 2021, à la somme de 36.000 euros ;

Condamner la société Abeille retraite professionnelle au paiement de 36.000 euros avec intérêts de droit à compter de la notification du jugement querellé, au titre de l'astreinte provisoire ;

Condamner la société Abeille retraite professionnelle, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter de la notification l'arrêt à intervenir, pour la durée que la présente juridiction jugera utile, à communiquer sur la base de justificatifs fiables

un décompte précis et détaillé des droits acquis par Monsieur [C], pour chacun des contrats précités et depuis la souscription, avec mention de la participation aux bénéfices, des sommes investies et de leur répartition sur les différents supports, de la valorisation des supports et un décompte de la rente réévaluée à percevoir au titre de la retraite complémentaire par application du taux de conversion, du taux technique et de la table de mortalité ;

Condamner la société Abeille retraite professionnelle au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Condamner la société Abeille retraite professionnelle au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Abeille retraite professionnelle aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Yves Bonhommo sur ses affirmations de droit. ».

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [Y] [C] indique que les conditions particulières communiquées le 7 mai 2021 n'ont jamais été signées à l'occasion de la conclusion du contrat UFF83 n°5700002886 0003. L'injonction faite par le tribunal de grande instance de Carpentras, dans les termes de son jugement du 28 mai 2015, s'entendait en une signature concomitante à la souscription du contrat litigieux, soit au 21 juin 2001. Il incombe ainsi à l'assureur de démontrer la remise effective des conditions particulières et générales aux assurés. En l'absence de signature par l'assuré des conditions particulières, celles-ci ne lui sont par principe pas opposables. L'obligation de faire, mise à la charge de l'appelante, s'entend tout naturellement par la délivrance d'un document original respectant les formes et conditions nécessaires à sa validité. A l'évidence, la SA Abeille, venue aux droits de la SA Aviva, est dans l'impossibilité pure et simple de produire les conditions particulières signées du contrat UFF83. Le juge de l'exécution est en mesure d'interpréter un jugement qui sert de fondement aux poursuites et d'en fixer le sens. La SA Abeille n'a toujours pas satisfait à ses obligations, à ce jour.

L'intimé réplique que le nouveau décompte notifié le 7 mai 2021 ne clarifie aucunement la situation puisqu'il se contente de dresser une simple liste des dividendes prétendument réinvestis sur le contrat, sans pour autant le renseigner sur les modalités de calcul y présidant. Pour le reste, et après plus de dix années de vaines réclamations, les explications sur le mode de calcul de la rente et sur la détermination du taux technique brillent toujours par leur absence. Monsieur [C] ne s'est vu communiquer aucun décompte de la rente réévaluée à percevoir au titre de la retraite complémentaire par application du taux de conversion, du taux technique et de la table de mortalité. L'appelante a fourni par trois fois en justice des documents qu'elle a revendiqués comme officiels et aujourd'hui, pour les besoins de la cause, elle prétend qu'ils n'auraient jamais existé.

A l'appui de sa demande en dommages-intérêts, l'intimé souligne que cela fait plus donc de onze années qu'il réclame vainement les documents nécessaires à la liquidation de la rente lui revenant.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur la production des conditions particulières du contrat UFF83

Le 25 juillet 2017, la société Aviva a communiqué un exemplaire non signé des conditions particulières du contrat d'assurance groupe UFF83 n° 5700002886. Par la suite, elle en a produit un exemplaire comportant une signature isolée sans cachet et sans mention de l'identité du signataire.

Dans son arrêt du 3 mars 2021, la présente cour a relevé que, dans son jugement définitif du 28 mai 2015, le tribunal de grande instance de Carpentras avait condamné la société Aviva à remettre, sous astreinte, à Monsieur [C] les conditions particulières signées du contrat d'assurance groupe UFF83 n° 5700002886 et que la société d'assurance devait se conformer à cette exigence expresse de signature.

A la suite de cette décision assortissant l'injonction de faire d'une nouvelle astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard commençant à courir à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signfication de l'arrêt et pour une durée de six mois, la société Abeille retraite professionnelle a transmis le 7 mai 2021 à Monsieur [C] un exemplaire des conditions particulières daté du 21 juin 2021 et signé le 16 avril 2001 par Monsieur [M], directeur général délégué.

L'article R.121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. Il appartient toutefois au juge de l'exécution qui liquide une astreinte en application de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 (devenu l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution), de rechercher, s'il y a lieu par une nécessaire interprétation de la décision l'ayant ordonnée, quelles injonctions ou interdictions en étaient assorties (2e Civ., 26 mars 1997, n° 94-21.590, 94-21.613).

En l'occurrence, le jugement du 28 mai 2015 n'a pas précisé quelle version des conditions particulières devait être communiquée. Or, il relève du bon sens et de l'évidence que seule la communication des conditions particulières en vigueur à la date de l'adhésion de Monsieur [C] à effet au 1er janvier 2000 et donc opposables à ce dernier présente un intérêt pour la liquidation de sa retraite complémentaire. Les conditions particulières à communiquer étaient incontestablement celles signées à la date de la souscription du contrat d'assurance. La société Abeille retraite professionnelle qui vient aux droits de la société Aviva, n'a donc pas satisfait à l'injonction de faire prononcée le 28 mai 2015.

Il résulte cependant de l'aveu même de la société d'assurance que les conditions particulières signées au moment de la souscription du contrat sont vraisemblablement perdues et qu'elle est dans l'impossibilité de les retrouver et de les produire.

Aux termes de l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte, provisoire ou définitive, est supprimée en tout ou partie, s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient d'une cause étrangère.

En l'occurrence, la société Aviva n'a pas invoqué devant le juge du fond l'impossibilité de produire les conditions particulières du contrat d'assurance UFF83 de sorte que sa demande de rejet de la liquidation d'astreinte ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 28 mai 2015. La société Aviva, puis la société Abeille retraite professionnelle venant à ses droits, ont tenté de déférer à l'injonction judiciaire en produisant, à plusieurs reprises, les conditions particulières en leur possession et en les faisant authentifier le 16 avril 2021 par la signature du directeur général délégué.

La société Abeille retraite professionnelle n'a aucun intérêt à retenir intentionnellement le document litigieux dans la mesure, où faute de rapporter la preuve que les conditions particulières qu'elle fournit soient celles en vigueur à la date de l'adhésion, elle ne saurait les opposer à son assuré. L'absence de communication de la pièce requise est donc préjudiciable à l'assureur lui-même.

La sincérité de l'affirmation de la perte du document invoquée ne peut donc être sérieusement mise en doute et, d'ailleurs, Monsieur [C] indique lui-même en page 11 de ses dernières écritures qu'à l'évidence, la société Abeille retraite professionnelle est dans l'impossibilité pure et simple de produire les conditions particulières signées du contrat UFF83 et qu'il y a fort à penser que lorsqu'Aviva France a rejoint Aema groupe pour ensuite devenir Abeille assurances, ce remaniement a eu de nombreuses conséquences, notamment en ce qui concerne la gestion des dossiers.

La perte fortuite est d'autant plus vraisemblable que le document à produire est ancien s'agissant d'un contrat de 2001 et que la société Aviva a fait l'objet en novembre 2018 d'une opération de fusion-absorption qui a probablement entraîné des difficultés au sein de son organisation.

Eu égard à l'impossibilité pour la société Abeille retraite professionnelle de se conformer à l'injonction de faire, constitutive d'une cause étrangère, il convient de débouter Monsieur [C] de sa demande de liquidation d'astreinte et de fixation d'une nouvelle astreinte s'agissant des conditions particulières du contrat UFF83.

2) Sur la communication d'un décompte

Dans son arrêt du 3 mars 2021, la présente cour a constaté que la société Abeille retraite professionnelle avait satisfait à l'obligation de faire, s'agissant de la production d'un décompte précis et détaillé des droits acquis par Monsieur [C] pour chacun des contrats d'assurance groupe, depuis la souscription, avec mention des sommes investies avec leur répartition sur les différents supports, de la valorisation des supports, du décompte de la rente réévaluée à percevoir au titre de la retraite complémentaire par application du taux de conversion, du taux technique et de la table de mortalité.

Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ces points déjà tranchés définitivement.

En revanche, l'arrêt du 3 mars 2021 a assorti l'obligation non respectée de remise d'un décompte portant mention de la participation aux bénéfices d'une nouvelle astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard commençant à courir à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signification de la décision et pour une durée de six mois.

Le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Carpentras a relevé, de manière pertinente, que la société Abeille retraite professionnelle avait finalement exécuté son obligation en communiquant un tel décompte suivant correspondance du 7 mai 2021 (pièce n°7). Le décompte transmis est suffisamment précis et détaillé et il remplit l'objectif d'information claire et complète de l'assuré en ce qu'il mentionne, pour chaque exercice, les dividendes réinvestis après détachement du coupon, la valeur liquidative de la part du support financier après détachement du coupon, le montant des dividendes réinvestis sur le contrat et le cumul des dividendes réinvestis sur le contrat ou 'participation aux bénéfices'.

Par conséquent, l'appel incident formé par Monsieur [C] ne saurait prospérer en ce qui concerne l'astreinte assortissant la communication du décompte portant mention de la participation aux bénéfices.

3) Sur les demandes de dommages-intérêts

Monsieur [C], qui n'a émis aucune protestation ou réserve sur les documents qui lui ont été envoyés le 7 mai 2021, a attendu plus de deux années avant de saisir le juge de l'exécution, par exploit du 16 octobre 2023. Toutefois, la société Abeille retraite professionnelle ne démontre pas avoir subi du fait de la tardiveté de la procédure un préjudice distinct de celui découlant de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de devoir assurer sa défense.

Monsieur [C] ayant succombé en ses demandes jugées infondées, la résistance de la société Abeille retraite professionnelle ne saurait revêtir un caractère abusif.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté chacune des parties de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

4) Sur les frais du procès

L'intimé qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'appelante et de lui allouer une indemnité de 2 500 euros, à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté tant la société Abeille retraite professionnelle que Monsieur [Y] [C] de leurs demandes de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [Y] [C] de sa demande de liquidation d'astreinte et de fixation d'une astreinte définitive,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [Y] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Brigitte Maurin, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [Y] [C] à payer à la société Abeille retraite professionnelle une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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