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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 22 octobre 2025, n° 25/05743

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 25/05743

22 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 22 OCTOBRE 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/05743 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMEBY

Décision déférée : ordonnance rendue le 20 octobre 2025, à 11h14, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Camille Besson, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [Y] [O] [I]

né le 24 mars 1969 à [Localité 1], de nationalité camerounaise

Etablissant à l'audience être [Y] [O] [I] et être né le 24 mars 1972 à [Localité 3] au Cameroun (CNI remise au centre)

RETENU au centre de rétention : [Localité 2] 1

assisté de Me Henri-louis Dahhan, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ :

LE PREFET DE POLICE

représenté par Me Aimilia Ioannidou du cabinet Mathieu, avocats au barreau de Paris

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

- Vu l'ordonnance du 20 octobre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris, ordonnant la jonction des deux procédures, déclarant recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention, la rejetant, rejetant les exceptions de nullité soulevées et ordonnant la prolongation du maintien de M. [Y] [O] [I] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt-six jours, à compter du 18 octobre 2025 soit jusqu'au 13 novembre 2025 et invitant l'administration à faire examiner dans un délai de 4 jours l'intéressé par le responsable du service médical du centre de rétention ou par tel praticien désigné par ce dernier afin de déterminer si son état de santé est compatible avec la mesure de rétention et d'éloignement ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 20 octobre 2025, à 13h16, par M. [Y] [O] [I] ;

- Après avoir entendu les observations :

- de M. [Y] [O] [I], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

M. [Y] [O] [I], né le 24 mars 1969 à [Localité 1] (Cameroun) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 15 octobre 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du 27 juillet 2023.

La mesure a été prolongée par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 2] le 20 octobre 2025.

M. [Y] [O] [I] a interjeté appel et demande à la cour d'infirmer la décision aux motifs pris de :

- L'atteinte portée à ses droits en ce qu'il ne lui a pas été permis de se rendre au rendez-vous avec le SPIP prévu le 17 octobre 2025

- L'irrecevabilité de la requête pour défaut d'actualisation du registre qui ne mentionne pas les demandes de laissez-passer consulaire effectuées, et défaut de production d'une pièce justificative utile, en l'espèce la convocation devant le SPIP

- Le défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention, son caractère disproportionné et la non prise en compte de son état de vulnérabilité

Réponse de la cour

Sur le rendez-vous avec le SPIP

La cour, à la suite du premier juge, constate qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'interdit de poursuivre une mesure d'éloignement et de placer une personne en rétention administrative en raison de l'existence d'obligations de suivi devant le SPIP qui lui auraient été imposées à l'occasion d'une précédente condamnation.

Dans ces conditions, il n'existe aucune irrégularité dans le fait que M. [Y] [O] [I] n'ait pas été en mesure de se rendre au rendez-vous devant le SPIP du fait de son placement en rétention. Il n'existe pas plus de moyen d'irrecevabilité de la requête, la pièce consistant en la convocation devant le SPIP n'étant pas une pièce justificative utile en ce sens qu'elle n'est pas utile au contrôle de l'exercice effectif des droits de la personne placée en rétention.

Sur l'irrecevabilité de la requête et le registre incomplet

Il convient de rappeler qu'il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être 'actualisé' pour être pertinent.

L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.

S'agissant en outre des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux « conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ».

En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) en son article 2 dispose que :

« Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »

Cet article est complété par une annexe plus précise.

Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.

S'agissant de la mention des diligences réalisées aux fins d'obtention d'un laissez-passer consulaire, il n'est pas nécessaire de les faire apparaître sur le registre dès lors que les pièces nécessaires au contrôle du juge figurent en procédure, comme c'est le cas en l'espèce.

Le registre produit est donc suffisamment renseigné et le moyen sera écarté.

Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention et l'état de vulnérabilité allégué

En application de l'article L.741-1 du ceseda, « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »

Par ailleurs, l'article L.741-32 du même code prévoit que « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »

Enfin, l'article L. 741-4 énonce que « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.

Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention. »

Le préfet n'est pas tenu de de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention. Il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a statué pour procéder à l'examen de la légalité de l'arrêté de placement en rétention.

En l'espèce, l'arrêté de placement en rétention affirme que Monsieur [Y] [O] [I] ne présente aucun état de vulnérabilité. Or, la préfecture se fonde, pour soutenir cette affirmation, sur une audition administrative réalisée le 7 août 2024, soit plus d'un an avant la décision de placement en rétention, au cours de laquelle aucune question sur l'état de santé ne sera posée, et sans qu'aucune actualisation ne soit effectuée ultérieurement. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait affirmer qu'il n'existait pas d'état de vulnérabilité alors qu'il s'est abstenu de toute vérification sur ce point. Partant l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé, la procédure irrégulière et la requête sera rejetée sur infirmation de la décision.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré la requête recevable et rejeté le moyen tiré de la non comparution devant le SPIP;

L'INFIRMONS pour le surplus,

Statuant à nouveau,

DECLARONS la procédure irrégulière,

REJETONS la requête de la préfecture de police,

DISONS n'y avoir lieu à maintien en rétention de M. [Y] [O] [I]

LUI RAPPELONS qu'il a l'obligation de quitter le territoire national;

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 2] le 22 octobre 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé

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