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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 24 octobre 2025, n° 25/05795

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 25/05795

24 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 24 OCTOBRE 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/05795 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMEMS

Décision déférée : ordonnance rendue le 21 octobre 2025, à 11h17, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire d'Evry

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Ophanie Kerloc'h, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT

M. [M] [R] [H]

né le 24 août 1995 à [Localité 1], de nationalité algérienne

RETENU au centre de rétention : [Localité 4]

assisté de Me Raymond Ondze, avocat de permanence, avocat au barreau de Paris

et de Mme [S] [V] (interprète en arabe) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté

INTIMÉ

LE PREFET DU VAL DE MARNE

représenté par Me Aiminia Ioannidou pour le cabinet Actis, avocat au barreau de Val-de-Marne

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

- Vu l'ordonnance du 21 octobre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire d'Evry ordonnant la prolongation pour une durée de quinze jours supplémentaires à compter du 21 octobre 2025, de la rétention du nommé M. [M] [R] au centre d'hébergement du centre de rétention administrative de [5] ou dans tout autre centre d'hébergement ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 22 octobre 2025, à 15h02, par M. [M] [R] [H] ;

- Après avoir entendu les observations :

- de M. [M] [R] [H], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet du Val-de-Marne tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [M] [R] [H], né le 24 août 1995 à [Localité 1] (Algérie) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 07 août 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du 06 décembre 2024.

La mesure a été prolongée pour la quatrième fois par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté d'[Localité 3]-[Localité 2] le 21 octobre 2025.

Monsieur [M] [R] [H] a interjeté appel et demande à la cour d'infirmer la décision aux motifs pris de :

- L'irrecevabilité de la requête pour défaut d'actualisation du registre sans préciser quelles mentions seraient manquantes,

- La violation de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'absence totale de perspectives d'éloignement le concernant compte tenu des relations diplomatiques actuelles entre la France et l'Algérie

Réponse de la cour

Sur l'irrecevabilité de la requête et le registre incomplet

Il convient de rappeler qu'il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être "actualisé" pour être pertinent.

L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.

S'agissant en outre des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux « conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ».

En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) en son article 2 dispose que :

« Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »

Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.

En l'espèce la déclaration d'appel n'indique pas quelles mentions seraient manquantes, de sorte qu'il convient de considérer que le registre tel que communiqué satisfait aux exigences légales.

La requête de la préfecture est donc recevable.

Sur le moyens pris de l'absence de perspective raisonnable d'éloignement

Il résulte de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la personne retenue ne peut le rester que le " temps strictement nécessaire ".

L'article L.743-5 du même code précise, en matière de troisième et quatrième prolongation que :

« A titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours. ».

Enfin, l'article 15 §4 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 dite « directive Retour » prévoit que « lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté ».

En l'espèce, s'il ne peut être contesté que l'administration a saisi les autorités consulaires algériennes dès le placement en rétention de Monsieur [M] [R] [H], aucune audition n'a pu avoir lieu et ce malgré des relances régulières de la préfecture, lesquelles n'ont jamais reçu la moindre réponse.

Il n'est donc pas démontré que des diligences effectives vont permettre d'établir la réalité de l'état civil de Monsieur [M] [R] [H], sa nationalité et obtenir un laissez-passer consulaire, et qu'elles sont de nature à permettre l'exécution de la mesure d'éloignement. Dans ces conditions, après plus de deux mois de rétention, il n'est pas établi qu'existent des perspectives raisonnables d'éloignement, au sens de l'article 15 de la « directive Retour », en sorte que l'ordonnance du premier juge ne peut qu'être infirmée, et la requête de la préfecture rejetée.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance sauf en ce qu'elle a déclaré recevable la requête de la préfecture,

STATUANT À NOUVEAU,

DECLARONS recevable la requête du préfet du Val de Marne,

LA REJETONS,

DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur [M] [R] [H],

RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 6] le 24 octobre 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé L'interprète

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