CA Grenoble, 1re ch. civ., 12 septembre 2017, n° 14/06041
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNE ALPES
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Combes
Conseiller :
Mme Jacob
Conseiller :
Mme Blatry
Avocat :
Me Ducki
Avocat :
Me Palacci
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes a consenti, le 20 novembre 2006, à la société Trans Documents une ouverture de crédit de 39.000,00€ garantie par la caution solidaire de Monsieur Jean Marie A., de Monsieur Jean Pierre V. et de Monsieur Fabien L., dans la limite de la somme de 39.000,00€.
La société Trans Documents ayant été mise en liquidation judiciaire avec clôture pour insuffisance d'actif, leCrédit Agricolea, suivant exploits d'huissier en date des 18, 20 et 21 juin 2013, fait citer messieurs A., V. et L. devant le tribunal de grande instance de Valence à l'effet d'obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes.
Par jugement réputé contradictoire du 16 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Valence a :
- prononcé la nullité de l'engagement de caution souscrit par Monsieur L.,
- ordonné, en conséquence, la radiation de l'hypothèque prise le 21 juin 2013 par leCrédit Agricolesur l'immeuble lui appartenant sis à Bourg de Péage et cadastré section ZD 274 pour une surface de 15a50ca,
- condamné Monsieur A. et Monsieur V. solidairement à payer au Crédit Agricole la somme de 39.000,00€ avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2013, outre une indemnité de procédure de 1.500,00€, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 30 décembre 2014, messieurs A. et V. ont relevé appel de cette décision.
Par ordonnance juridictionnelle du 24 novembre 2015, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel interjeté à l'encontre de Monsieur L..
Au dernier état de leurs écritures en date du 20 mars 2015, Messieurs A. et V. demandent d'infirmer le jugement déféré et de :
- constater la nullité de leur engagement de caution,
- constater que leur engagement était non solidaire entre les cautions, limité à la durée de 37 mois et à la somme de 18.022,48€,
- débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses prétentions,
- leur donner acte de ce qu'ils se réservent d'analyser les mentions manuscrites qu'on leur attribue après communication des pièces en défense dont ils n'ont pas connaissance,
- condamner le Crédit Agricole à leur payer, à chacun, la somme de 6.500,00€ de dommages intérêts au titre de sa responsabilité, outre une indemnité de procédure globale de 2.500,00€.
Ils font valoir que :
- les assignations ont été délivrées alors que la durée de leur engagement était expirée,
- la solidarité n'a été prévue qu'avec la société Trans Documents et pas entre les cautions, elles mêmes,
- le Crédit Agricole a manqué à son obligation de conseil,
- le Crédit Agricole a fait preuve de légèreté dans la manière dont il a fait rédiger le cautionnement de Monsieur L..
Par conclusions récapitulatives du 19 mai 2015, le Crédit Agricole sollicite la confirmation du jugement, le rejet des prétentions adverses et, y ajoutant, la condamnation des appelants à lui payer une indemnité de procédure de 2.500,00€.
Il expose que :
- aucune prescription ne frappe l'action engagée au titre du cautionnement,
- les appelants, ayant bien rédigé leurs engagements de caution dans les locaux de la banque, ils étaient parfaitement informés de ce que l'engagement de Monsieur L. précédait les leurs.
La clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2017.
SUR CE
1/ sur les demandes de Monsieur A. et de Monsieur V.
- sur les engagements de caution
La décision déférée est définitive concernant la nullité de l'engagement de caution de Monsieur L..
Les appelants demandent à la cour de prononcer la nullité de leurs engagements.
Ils critiquent le jugement déféré sur le montant et la durée de leur cautionnement et soutiennent l'absence de solidarité entre eux.
Outre le fait que les appelants ne caractérisent aucunement ce qui justifierait de prononcer la nullité de leurs engagements de caution, l'examen des actes sous seing privés démontre le respect des dispositions de l'article L 341-2 du code de la consommation applicable lors de leur rédaction manuscrite reprenant les mentions visées à ce texte.
La défaillance de la société Trans Documents, étant intervenue dans le délai de 37 mois de l'action de la banque à l'encontre des cautions, le Crédit Agricole est parfaitement recevable.
Par application de l'article 2302 du code civil, lorsque plusieurs personnes se sont rendues caution d'un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette.
Il ressort des actes de cautionnement que les appelants se sont engagés chacun à hauteur de 39.000,00€ et non, comme ils le soutiennent à tort, pour un montant de 18.022,48€.
La solidarité ne se présumant et en l'absence de mention d'une solidarité entre les cautions, seule une solidarité avec la société Trans Documents étant stipulée, il n'y a pas lieu de condamner solidairement Monsieur A. et Monsieur V. à paiement au bénéfice du Crédit Agricole.
- sur la responsabilité du Crédit Agricole
Les appelants excipent la responsabilité de la banque du fait de la nullité de l'engagement de caution de Monsieur L. non rédigé de façon manuscrite par lui, ce qui les empêche de se retourner contre lui.
Il est définitivement tranché que l'engagement de Monsieur L. est nul en ce qu'il n'a pas rédigé de sa main les mentions requises par la loi.
La banque, qui devait appliquer le formalisme attaché à la rédaction de l'engagement de caution, en ne veillant pas à son respect, a fait perdre à messieurs A. et V. la possibilité de se retourner contre Monsieur L. afin de partager la charge de la dette de la société Trans Documents.
Le préjudice en résultant pour chacun s'élève à la somme que chacun d'eux aurait pu réclamer à Monsieur L..
Par voie de conséquence, il convient de condamner le Crédit Agricole à payer tant à Monsieur A. qu'à Monsieur V. la somme de 6.500,00€.
2/ sur la créance du Crédit Agricole
Au regard des considérations précédentes, il convient de condamner Monsieur A. et Monsieur V. à payer auCrédit Agricolela somme de 39.000,00€ avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2013, sans solidarité entre eux.
3/ sur les mesures accessoires
L'équité justifie de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, chacune des parties supportera ses propres dépens en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'ordonnance juridictionnelle du 24 novembre 2015 déclarant irrecevable l'appel interjeté à l'encontre de Monsieur L.,
Constate que la décision déférée est définitive sur la nullité de l'engagement de caution de Monsieur Fabien L. et sur la radiation de l'hypothèque prise le 21 juin 2013 par la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur A. et Monsieur V. à payer à la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes la somme de 39.000,00€ avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2013, ainsi qu'aux dépens de l'instance,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation solidaire entre Monsieur Jean Marie A. et Monsieur Jean Pierre V. au bénéfice de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes,
Condamne la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes à payer à Monsieur Jean Marie A. et à Monsieur Jean Pierre V. , chacun, la somme de 6.500,00€ au titre de sa responsabilité contractuelle,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
Y ajoutant,
Rejette la demande en indemnité de procédure en cause d'appel,
Laisse à la charge de chacune des parties ses dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,