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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 avril 2012, n° 10/24043

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SAS OLIVIER LANGLOIS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseiller :

Mme Chokron

Conseiller :

Mme GABER

Avocat :

Me Toporkoff

Avocats :

SCP AUTIER, Me Poidevin

CA Paris n° 10/24043

10 avril 2012

Vu le jugement réputé contradictoire du 28 octobre 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Paris sur l'action en paiement introduite par la société OLIVIER LANGLOIS à l'encontre de Géraldine T. dite M. et de la société IN.TRIO,

Vu l'appel interjeté le 2 décembre 2010 par la société OLIVIER LANGLOIS à l'encontre de Géraldine T. dite M.,

Vu les dernières conclusions du 29 décembre 2011 de la société appelante,

Vu les dernières conclusions du 21 novembre 2011 de l'intimée,

Vu l'ordonnance de clôture du 31 janvier 2012,


SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'un accord transactionnel, sous seing privé, intitulé <<RECONNAISSANCE DE DETTE-CAUTION SOLIDAIRE ET PROMESSE D'AFFECTATION HYPOTHECAIRE>> a été signé le 9 juillet 2007 par la société In. Trio, Géraldine M. et le Comité Français du Thé (ci-après dit le Comité) représentant 5 sociétés, créancières de la société In.Trio depuis la tenue du salon du Thé 2005, dont la société Olivier Langlois pour près de 79 % (24.958,63 € sur une dette totale de 31.598 € TTC) ;

Qu'aux termes de cet accord, la société In.Trio s'est engagée à apurer sa dette en 24 mensualités et Géraldine M. a déclaré être prête à se porter caution solidaire, à titre de garantie de ces engagements, et s'est engagée, <<à titre de garantie de son propre engagement en tant que caution>>, à constituer à première demande du Comité une hypothèque sur un bien immobilier lui appartenant en propre ;

Que le Comité, ensuite de l'arrêt du règlement des mensualités prévues à l'accord, a adressé une mise en demeure, le 18 décembre 2007, puis poursuivi, le 9 janvier 2008, Géraldine M. en paiement du solde restant dû, mais a été déclaré irrecevable à représenter les sociétés créancières, selon jugement du tribunal de grande instance de Paris du 4 mars 2009 ;

Que, dans ces circonstances, la société OLIVIER LANGLOIS, créancière principale, se prévalant de l'inexécution partielle de l'accord susvisé a fait assigner, le 16 juillet 2009, Géraldine M., en qualité de caution solidaire, devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir le paiement de la somme lui restant personnellement due en principal, de 20.801,40 euros, prétendant, à titre subsidiaire, que l'accord précité vaudrait reconnaissance de dette de la part de l'intéressée ;

Considérant que, selon jugement dont appel, la société OLIVIER LANGLOIS a été déboutée de l'ensemble de ses demandes, les premiers juges ayant, en particulier, retenu que :

- l'engagement de caution est nul et de nul effet, à défaut des mentions requises par les articles L 341-2 et L 341-3 du Code de la consommation, les paiements effectuées par Géraldine M. ne pouvant par ailleurs valoir renonciation à ces dispositions protectrices,

- seule la société IN.TRIO s'est reconnue débitrice, Géraldine M. s'étant limitée à apporter son cautionnement, frappé de nullité, et à le garantir par une affectation hypothécaire ;


Considérant que la société OLIVIER LANGLOIS soutient, pour l'essentiel, que les dispositions sur lesquelles le tribunal s'est fondé pour prononcer la nullité du cautionnement ne seraient applicables qu'à une situation de cautionnement de prêt, inexistante en la cause, et que l'accord qui le contient constituerait également une reconnaissance de dette que Géraldine M. aurait ratifié en réglant les quatre premières mensualités prévues ;

Sur le cautionnement

Considérant que l'appelante fait valoir qu'elle n'a pas la qualité de prêteur professionnel et que l'obligation cautionnée ne constituant pas un prêt le cautionnement litigieux n'entrerait pas dans le champ d'application de l'article L 341-2 du Code de la consommation (issu de la loi du 1er août 2003) qui prévoit l'apposition d'une formule visant le prêteur ;

Considérant toutefois que cet article précise que <<Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature>> d'une mention déterminée et uniquement de celle-ci ;

Que ce texte est d'application générale, englobant dans un souci de protection de la caution, tous les cautionnements souscrits par acte sous seing privé au profit de créanciers professionnels par une personne physique, peu important qu'il s'agisse ou non d'un simple consommateur agissant en dehors de toute activité professionnelle ;

Que ces dispositions ne visent pas seulement le prêteur professionnel mais bien le créancier professionnel', qualité non sérieusement déniée par la société appelante, qui relate que sa créance est née de la vente de ses marchandises (dont le produit aurait été indûment conservé par la société In.Trio) et, donc bien, dans l'exercice de son activité commerciale ;

Considérant que, certes, le libellé de la mention manuscrite obligatoire précédent la signature de caution prévue par le texte précité inclut l'engagement de rembourser

<< au prêteur>> les sommes dues ;

Que cependant le droit spécial du cautionnement, pour les opérations de crédit mobilier et immobilier à la consommation, exige la même mention (article L 313-7 du même code) que le texte en cause, lequel est intégré au titre des dispositions relatives au CAUTIONNEMENT ce qui tend à en conforter la portée générale ;

Que le seul fait, dans ces conditions, que le créancier professionnel n'ait pas la qualité de prêteur , mais seulement de créancier d'une obligation de paiement, résultant du non respect par une société débitrice d'un échéancier de remboursement d'une dette par elle reconnue, ne saurait suffire à priver la caution, personne physique, qui ne bénéficie d'aucune autre règle spécifique en la matière, de la protection d'ordre public instituée au profit d'une telle caution par le législateur le 1er août 2003 ;

Qu'au surplus s'agissant en l'espèce d'un cautionnement solidaire, l'intimée revendique justement l'application des dispositions de l'article L 341-3 du Code de la consommation, également issues de la loi du 1er août 2003, qui exigent l'apposition d'une mention manuscrite par laquelle la personne physique qui se porte caution s'engage notamment à rembourser <<le créancier>> et non le prêteur , ce qui tend à corroborer le fait que la protection instituée par le législateur n'est pas limitée aux seules dettes cautionnées procédant d'opérations de prêt ;

Considérant qu'il n'est par ailleurs pas discuté que les mentions exigées par les dispositions des article L 341-2 et L 341-3 précités, ainsi applicables, ne sont pas reproduites dans l'acte sous seing privé de cautionnement solidaire litigieux ;

Que c'est par des motifs pertinents, que la cour approuve, que les premiers juges en ont déduit que l'engagement souscrit par Géraldine M. est nul et de nul effet, étant ajouté que c'est par une exacte appréciation des faits de la cause, et une juste application des règles de droit s'y rapportant, qu'ils ont estimé que les paiements effectués ne sauraient valoir renonciation aux dispositions impératives s'appliquant en la cause et que les quatre chèques émis par l'intimée (dont les copies ont été produites sur autorisation en cours de délibéré) n'emportent aucune reconnaissance d'obligation de paiement à la charge de Géraldine M., même si leur montant correspond sensiblement à

quatre versements mensuels dus par la société In.Trio ;

Sur la reconnaissance de dette

Considérant que la société appelante, qui ne peut ainsi valablement arguer d'une ratification d'un engagement de caution, ne saurait pas plus se prévaloir, à raison des paiements effectués, d'un commencement d'exécution d'une reconnaissance de dette de l'intimée ;

Qu'en effet l'accord dont elle se prévaut, même s'il porte à la fois sur des garanties et une reconnaissance de dette, rappelle expressément qu'il est la résultante d'une offre de garantie des engagements de la société In.Trio et vise clairement, et exclusivement, la dette préexistante de cette société ; que les garanties convenues dans l'acte sont, sans la moindre ambiguïté, convenues au seul titre, d'une part, des engagements de ladite société, s'agissant de la caution solidaire, d'autre part, de l'engagement de caution, s'agissant de la promesse d'affectation hypothécaire ;

Qu'il ne peut, dès lors, être sérieusement soutenu que l'intimée serait tenue par la reconnaissance de dette contenue dans l'acte, étant observé que le paiement partiel de la dette d'un tiers ne saurait valoir transfert de la charge du solde restant dû au préjudice du payeur qui ne s'est pas personnellement reconnu débiteur ;

Considérant que le jugement déféré, par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, a, en conséquence, justement débouté la société OLIVIER LANGLOIS de l'ensemble de ses prétentions à l'égard de Géraldine M. ;


PAR CES MOTIFS,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne la société OLIVIER LANGLOIS aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile , et à verser à Géraldine M., au titre de l'article 700 du même Code, une somme complémentaire de 1.500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.

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