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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 15 janvier 2013, n° 11/04447

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SARL HOTELIERE DROUCHE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseiller :

Mme Brylinski

Conseiller :

Mme Poinseaux

Avocats :

Me Dumeau, Me Benarroch - SCP BENARROCH

Avocats :

Me Ricard, Me Nakache

CA Versailles n° 11/04447

14 janvier 2013

FAITS ET PROCEDURE,

Vu l'appel interjeté le 7 juin 2011 par M. Iuso d'un jugement contradictoire rendu le 27 avril 2011 par le tribunal de commerce de Versailles lequel, ordonnant l'exécution provisoire,:

* a constaté que son engagement de caution était régulier et valable,

* l'a condamné à payer à la société Hôtelière Drouche la somme de 86 305,27 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2010,

* l'a condamné à payer à la société Hôtelière Drouche la somme de 2 000 euros au titre d e l'article 700 du code de procédure ci vile et aux dépens;

Vu les dernières écritures en date du 18 mai 2012, par lesquelles M. Iuso demande à la cour, au visa des articles L.341-2 du code de la consomma tion, 1315, 1326, 2290 et 2292 du code civil, :

* à titre principal,

- de constater la nullité de son engagement de caution et d'infirmer le jugement le déclarant régulier et valable,

- de débouter la société Hôtelière Drouche de ses demandes,

* à titre subsidiaire,

- de constater la nullité de l'engagement de caution,

- d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société Hôtelière Drouche de ses demandes,

* à titre très subsidiaire,

- de constater qu'il ne saurait être condamné à une somme excédant 27 805,63 euros,

- en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société Hôtelière Drouche de ses demandes,

* de condamner la société Hôtelière Drouche à lui payer la somme de 6 000 euros au titre d e l'article 700 du code de procédure ci vile et aux dépens de première instance et d'appel avec distraction;

Vu les dernières écritures en date du 21 mars 2012, par lesquelles la société Hôtelière Drouche demande à la cour, au visa des articles 1147, 2292 du code c ivil et L.145-1 et suivants du code de commerce, d'infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau,

* de dire et constater que l'engagement de caution de M. Iuso est régulier et valable,

* de condamner M. Iuso à lui payer la somme de 138 073,89 euros toutes taxes comprises, avec intérêts de droit au taux légal à compter du 23 février 2010,

* de condamner M. Iuso à lui payer la somme de 7 000 euros au titre d e l'article 700 du code de procédure ci vile et aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :

* Le 28 juillet 2008, la société Hôtelière Drouche a conclu par acte sous seing privé avec la société Diagonale Group un contrat de sous-bail commercial, portant sur un local situé à Saint-Ouen l'Aumône (Val d'Oise), pour une durée de neuf ans à compter du 21 juillet 2008, moyennant un loyer annuel de 96 000 euros hors taxes et hors charges, le loyer de la première année étant fixé à la somme de 54 000 euros hors taxes et hors charges;

* par acte du 21 juillet2008, M. Iuso, en sa qualité de gérant de la société Diagonale Group, s'est porté caution solidaire pour une somme équivalente à un an de loyer et charges et ce pendant toute la durée du bail initial et un renouvellement;

* le 25 août 2009, le redressement judiciaire de la société Diagonale Group a été prononcé par le tribunal de commerce de Paris, lequel a désigné la société Thevenot et Perdereau en qualité d'administrateur judiciaire et Me Moran en qualité de mandataire judiciaire;

* le 10 septembre 2009, la société Hôtelière Drouche a déclaré sa créance entre les mains de Me Moran ès-qualités, pour un montant de 86 305,27 euros arrêté au 25 août 2009;

* le 6 novembre 2009, la société Hôtelière Drouche aurait récupéré les clés des locaux;

* le 7 décembre 2009, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Diagonale Group;

* le 3 mars 2010, le président du tribunal de commerce de Versailles, statuant en référé sur la demande de la société Hôtelière Drouche, aux fins de condamnation de M. Iuso, en sa qualité de caution solidaire de la société Diagonale Group, au paiement de la somme de 138 073,89 euros toutes taxes comprises, a constaté l'existence de contestations sérieuses et a renvoyé l'affaire au fond;

Sur la validité de l'engagement de caution :

Considérant que M. Iuso fait valoir que la mention manuscrite figurant en dernière page du contrat de sous-bail ne correspond nullement à la mention requise à peine de nullité pa r l'article L.341-2 du code de la consomma tion;

qu'il reproche au tribunal d'avoir rejeté l'application de ce texte, au motif que les renseignements relatifs à l'activité commerciale du demandeur, relevés à partir de l'extrait Kbis de DROUCHE indique que ce dernier assure la gestion de 'l'Hôtel Neva' alors que l'extrait Kbis de la société Hôtelière Drouche n'a jamais été communiqué, et, en conséquence, d'avoir outrepassé ses pouvoirs;

qu'il fait valoir, en outre, que le tribunal a méconnu le champ d'application de cet article, le créancier professionnel devant s'entendre de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou de celui dont la créance se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles;

qu'il souligne que l'engagement de caution étant la contrepartie de la signature d'un contrat signé dans le cadre de l'activité professionnelle de la société Hôtelière Drouche, cette dernière est un créancier professionnel soumis aux dispositions d e l'article L.341-2 du code de la consomma tion;

que, contrairement à ce qui a été retenu en première instance, il soutient que la mention manuscrite portée sur le contrat de sous-bail ne comporte aucune indication précise sur le montant de la dette cautionnée, ni sur la durée de l'engagement, que le loyer mentionné est erroné pour la première année et que les charges ne sont pas chiffrées;

qu'il soutient, en conséquence, la nullité de l'acte de caution sur le fondement d e l'article L.341-2 du code de la consomma tion;

que, subsidiairement, il soulève l'irrégularité de cet acte de caution en application des articles 1326 et 2292 du code c ivil, faute d'avoir été informé du montant de son engagement de caution, en l'absence de mention d'une somme en chiffres et en lettres, par l'indication d'un loyer faux au vu de l'article IV du contrat de sous-bail, à défaut d'indication du montant des charges et de la mention du dépôt de garantie injustifiée au regard de la caution;

considérant que la société Hôtelière Drouche demande la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu qu'elle n'avait pas la qualité de créancier professionnel et que les dispositions d e l'article L.341-2 du code de la consomma tion ne lui étaient donc pas applicables;

qu'elle affirme que la conclusion d'un contrat de sous-bail commercial n'a pas de lien avec son activité professionnelle et soutient que l'engagement souscrit par M. Iuso constitue un commencement de preuve par écrit, corroboré par des éléments extrinsèques, soit sa qualité de gérant de la société Diagonale Group et sa qualité de caution personne physique solidaire;

qu'elle rappelle que la mention manuscrite de M. Iuso figure en dernière page du contrat de sous-bail et que le montant du loyer réel, et non celui exceptionnellement réduit pour la première année au bénéfice de la locataire, étant bien inscrit en chiffres, M. Iuso avait donc une parfaite connaissance de l'étendue de son obligation de caution;

considérant qu'en droit, aux termes d e l'article L. 341-2 du code de la consomma tion, Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci: 'En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même';

qu'en l'espèce, M. Iuso, personne physique, s'est engagé comme caution par acte sous seing privé à l'égard de la société Hôtelière Drouche, dont l'objet social, selon ses statuts et sans que la référence irrégulière à un extrait Kbis non communiqué ne soit nécessaire, comprend, outre une activité de création, achat, vente, et exploitation de tout établissement ou fonds de commerce d'hôtel-meublé, maison-meublée, pension de famille, résidence hôtelière, salon de thé, bar, restaurant, brasserie, licence de débit de boissons, celle de toutes opérations financières, commerciales, industrielles, civiles, immobilières ou mobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'un des objets spécifiés ou à tout patrimoine social;

que la société Hôtelière Drouche indique avoir réalisé une opération d'acquisition de locaux par un contrat de leasing, ayant pour but un investissement locatif, le leasing l'autorisant à sous-louer et à percevoir des loyers, afin de devenir propriétaire de l'immeuble à l'issue et de continuer à percevoir les loyers de son locataire;

qu'ayant ainsi réalisé un investissement rattaché à son patrimoine social, et donné les locaux en sous-location dans le cadre d'une opération commerciale de gestion de ce patrimoine, elle a la qualité de créancier professionnel au sens d e l'article L. 341-2 du code de la consomma tion, dont les mentions devaient être reproduites, manuscrites, à l'acte de caution engageant M. Iuso;

que M. Iuso a écrit au bas de l'acte de sous-location la mention suivante Bon pour caution solidaire de la société diagonale GROUP dont je suis le gérant au titre du bail commercial consenti à elle par la société Hôtelière drouche pour une somme équivalente à un an de loyer et charges et ce pendant Toute la durée du bail initial et un renouvellement étant précisé que le loyer de la 1ère année est de 96 000 euros hors taxes hors charges et le dépôt de garantie de

24 000 euros, étant accepté que je renonce au bénéfice de division et de discussion;

que les mentions de L. 341-2 du code de la consommation relatives au montant de la limite de l'engagement et à sa durée ne figurent pas à l'engagement de caution, dont la nullité sera en conséquence constatée;

qu'il résulte de ce qui précède que le jugement sera infirmé et les demandes de la société Hôtelière Drouche rejetées;

Sur les autres demandes

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à M. Iuso la charge de ses frais irrépétibles;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

- INFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,

- STATUANT à nouveau, PRONONCE la nullité de l'engagement de caution de M. Iuso envers la société Hôtelière Drouche,

- REJETTE l'ensemble des demandes de la société Hôtelière Drouche,

- CONDAMNE la société Hôtelière Drouche à payer à M. Iuso la somme de 6 000 euros au titre d e l'article 700 du code de procédure ci vile,

- CONDAMNE la société Hôtelière Drouche aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure ci vile,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure ci vile.

- signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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