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CA Orléans, 19 mai 2011, n° 10/03281

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SAS HEINEKEN ENTREPRISE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Raffejeaud

Conseiller :

M. Garnier

Conseiller :

M. Monge

Avocat :

SELARL F.-S.-E

Avocat :

SCP SCP ENVERGURE AVOCATS

CA Orléans n° 10/03281

18 mai 2011

Par acte sous seing privé du 1er août 2005, auquel est intervenue la société HEINEKEN ENTREPRISE (la société HEINEKEN), en qualité de caution solidaire, la BNP PARIBAS a consenti à la société Le STANDING, exploitant de deux fonds de commerce de bar-restaurant à TOURS, un prêt de 90.400 €, et par actes séparés du 23 mai 2005, Madame A. et les époux C. se sont constitués cautions solidaires de la débitrice principale envers la société HEINEKEN pour le remboursement de toutes les sommes que celle-ci, en sa qualité de caution de la société Le STANDING, serait amenée à régler à la banque. La société Le STANDING ayant été défaillante, la société HEINEKEN a réglé à l'établissement de crédit les sommes restant dues au titre du prêt en obtenant la délivrance d'une quittance subrogative et, après liquidation judiciaire de la société Le STANDING et déclaration de sa créance au passif de la procédure collective, a assigné les sous-cautions, par acte du 10 mars 2009, en paiement.

Par jugement du 10 septembre 2010, après s'être préalablement déclaré incompétent à l'égard de Mesdames A. et C., le tribunal de commerce de TOURS a condamné Monsieur C. à payer à la société HEINEKEN la somme de 55.200,20 € avec intérêts au taux de 6,50 % à compter du 9 octobre 2008.

Monsieur C. a relevé appel.

Par conclusions signifiées le 11 mars 2011, il invoque la nullité du cautionnement pour absence de cause, dans la mesure où l'acte de garantie a été signé le 23 mai 2005, alors que le contrat de prêt a été conclu le 1er août 2005 et que l'on ne peut se porter caution d'une dette qui n'existe pas encore, au regard du caractère accessoire du cautionnement. Subsidiairement, il prétend que la société HEINEKEN a manqué à ses obligations de respect du principe de proportionnalité édicté par l'article L 341-4 du code de la consommation, les revenus de son couple ayant été de 35.108 € en 2004, soit 2.284 € par mois et de 2.500 € mensuels en 2005, sans aucun patrimoine personnel. Il fait valoir que la société HEINEKEN ne s'est pas renseignée sur ses capacités financières et ne peut donc se prévaloir du cautionnement souscrit à hauteur de 108.480 €, manifestement disproportionné. Il ajoute qu'en 2010, il ne peut davantage honorer sa dette. Il fait grief à la société HEINEKEN de ne pas avoir contesté la créance réclamée par la banque ni consulté les cautions à ce sujet. Il reproche également à la société intimée d'avoir choisi, dans le cadre du plan de redressement et sans consultation des cautions, l'option de règlement à 100 % sur 8 ans, au lieu de 40 % immédiatement et demande à être déchargé de son engagement sur le fondement de l'article 2314 du code civil. Il souligne que la quittance subrogative est d'un montant de 80.340,13 € et que la société HEINEKEN ne peut revendiquer une somme supérieure, ce d'autant plus qu'elle n'a pas rempli ses obligations d'information annuelle des cautions et doit être déchue du droit aux intérêts.

Par ses écritures du 22 février 2011, la société HEINEKEN réplique que Monsieur C. est malvenu à invoquer le défaut de cause de son engagement alors qu'il a signé le contrat de prêt en sa double qualité de gérant et d'associé de la société et que les fonds lui ont été remis le 18 mai 2005. Elle rappelle que le cautionnement d'une dette future est valable. S'agissant de la disproportion, elle considère que la caution dirigeante est un professionnel averti capable d'apprécier la portée de son engagement et ses capacités financières et, qu'en outre, l'appelant n'apporte pas la preuve du caractère disproportionné de la sûreté souscrite. Elle souligne que l'engagement de caution à l'égard de la banque était solidaire et qu'elle ne pouvait donc contester le principe et le quantum de la créance. Elle indique que la liquidation judiciaire est intervenue en raison de l'impossibilité d'honorer la première échéance du plan de redressement et n'est pas la conséquence de l'option de remboursement qu'elle avait prise. Elle fait observer que sa créance a été admise au passif de la société Le STANDING et que cette admission s'impose à la caution. Elle déclare justifier de l'information annuelle de la caution. Elle demande, en définitive, la condamnation de Monsieur C. à lui payer la somme de 92.002,34 € avec intérêts contractuels à compter du 9 octobre 2008.

SUR QUOI

Sur la nullité du cautionnement

Attendu que si l'obligation de la caution suppose l'existence d'une obligation principale, il n'est pas exigé que cette obligation préexistât à l'engagement de cette caution ; qu'en effet, le cautionnement d'une dette future est admis et licite et il suffit que les obligations futures garanties soient déterminées ou suffisamment déterminables ;

Qu'en conséquence, n'est pas nul pour absence de cause l'engagement de caution, limité dans son montant à la somme de 108.480 €, qui garantit le remboursement d'un prêt contracté ultérieurement par la société Le STANDING dès lors qu'y est identifié le débiteur cautionné et que l'acte de cautionnement indique le montant du prêt (90.400,00 €) et les modalités de remboursement, à savoir 58 échéances de 1.856 € s'échelonnant du 18 août 2005 au 18 mai 2010, au taux de 6,70 % ;

Sur la disproportion alléguée

Attendu, selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Que ce texte n'opère pas de distinction selon les qualités de la personne physique en cause, à savoir caution dirigeante, ou caution non-avertie, ni selon la nature du crédit accordé et qu'il est indifférent que Monsieur C. ait été associé unique et gérant de la société Le STANDING ; qu'il incombait donc à la société HEINEKEN de s'assurer, lors de la souscription de la garantie le 23 mai 2005 à concurrence de 108.480 €, de la capacité de Monsieur C. de faire face aux engagements de la société cautionnée en cas de défaillance de cette dernière ;

Que le dossier de la société HEINEKEN ne contient aucun renseignement sur la caution et sa solvabilité ; qu'il était imprudent de prévoir que le revenu de Monsieur C., d'environ 2.500 € net par mois, augmenterait de façon sensible et régulière dans le cadre de son activité au sein de la société Le STANDING, et son revenu professionnel déclaré pour 2004 ne s'était d'ailleurs élevé qu'à 34.257 € ; qu'il n'est pas démontré que l'appelant aurait disposé d'un patrimoine mobilier ou immobilier propre à répondre de la garantie, puisque sa participation dans le capital de la société le STANDING ne représentait que 7.500 € ; qu'il résulte de ces constatations que le cautionnement de 108.480 € était manifestement disproportionné aux ressources de la caution, pour être équivalent à plus de trois fois sa rémunération annuelle ; qu'en outre, le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de plusieurs cautions solidaires s'apprécie au regard des revenus de chacune d'entre elles, dès lors que chacune peut se voir réclamer le paiement intégral de la dette, sans que le créancier soit tenu de discuter préalablement les biens des débiteurs ou de mettre en 'uvre les autres garanties dont il dispose ; que Monsieur C., qui n'est pas revenu à meilleure fortune, au regard de la procédure de surendettement en cours dont il justifie, n'avait donc pas la capacité financière de faire éventuellement face aux obligations de la société Le STANDING et la société HEINEKEN ne peut donc se prévaloir de l'acte de cautionnement souscrit par Monsieur C., le jugement étant infirmé de ce chef, sans qu'il soit nécessaire d'analyser les autres moyens des parties ;

Attendu que la société HEINEKEN supportera les dépens de première instance et d'appel, et versera à Monsieur C. une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort;

Infirme le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau ;

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

Dit que la société HEINEKEN ENTREPRISE ne peut se prévaloir de l'acte de cautionnement souscrit par Monsieur C. le 23 mai 2005 pour 108.480 € ;

Condamne la société HEINEKEN ENTREPRISE aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à Monsieur C. la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Accorde à la SCP L.-L., titulaire d'un office d'avoué, le droit reconnu par l'article 699 du même code ;

Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, président de chambre et Madame CHEVREAU, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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