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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 1, 2 juin 2016, n° 14/03877

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SA BANQUE POPULAIRE DU NORD

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charbonnier

Conseiller :

M. Pety

Conseiller :

Mme Billieres

Avocat :

Me Ramas Muhlbach

Avocat :

Me Vynckier

CA Douai n° 14/03877

1 juin 2016

LA COUR,

Attendu que Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A. ont interjeté appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Lille du 10 juin 2014 qui les a déboutés de leur demande en nullité de l'engagement qu'ils ont pris le 30 janvier 2009 de garantir, en qualité de caution, le remboursement d'un prêt de 356 000 euros avec intérêts au taux de 5,55 % l'an que la BANQUE POPULAIRE DU NORD consentait le même jour à une société civile immobilière HBDESIGN (ci après dénommée HBDESIGN) ;

Attendu qu'il ressort du dossier que suivant un acte reçu le 30 janvier 2009 par Maître Florent TELLIEZ, notaire à Douai, la S. C.I. HBDESIGN a souscrit auprès de la BANQUE POPULAIRE DU NORD un prêt immobilier de 356 000 euros, remboursable par deux cent quarante mensualités de 2 583,54 euros chacune incluant des intérêts au taux nominal de 5,55 % l'an et au taux effectif global de 6,34504 % l'an, destiné à financer partiellement l'acquisition d'un immeuble situé 6 place Jean Jaurès à Waziers ;

Qu'à cet acte est intervenu Monsieur Bertrand L., clerc de l'étude, agissant au nom et comme mandataire de Monsieur Lahcen B. et Madame Rahman O., épouse B., d'une part et de Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A., d'autre part, se constituant, pour eux, caution personnelle et solidaire de la société emprunteuse en vertu de pouvoirs conférés par procurations sous seing privé établies le 28 janvier 2009 à Halluin pour les premiers et à Nice pour les seconds dont il est précisé que « l'original demeurera annexé aux présentes après mention » ;

Qu'à la suite de la défaillance de la société emprunteuse, Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A. ont assigné la banque en nullité de leur cautionnement devant le tribunal de grande instance de Lille qui a rendu le jugement déféré ;

Attendu qu'aux termes d'un précédant arrêt du 12 février 2015, la Cour de céans a ordonné une mesure d'expertise, confiée à Madame Marie Aimée S., afin de vérifier les mentions manuscrites apposées sur les procurations du 28 janvier 2009 au nom de Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A. ; que par une ordonnance du 10 mars 2015, il a été procédé à la désignation de Madame Stéphanie TOULEMONDE, en remplacement de Madame S. ;

Attendu que l'expert a clôturé ses opérations le 29 juin 2015 ;

Attendu qu'au vu du rapport d'expertise et par conclusions du 30 septembre 2015, Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A., qui exposent ne savoir ni lire ni écrire et ne pas être les auteurs des mentions manuscrites apposées sur les actes sous seing privé de cautionnements, au demeurant incomplètes en ce qui concerne Madame Malika B., épouse A., concluent à la nullité desdits cautionnements pour défaut de conformité aux dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; qu'ils réclament en outre la condamnation de la BANQUE POPULAIRE DU NORD à leur verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que par écritures en réplique du 3 décembre 2015, la BANQUE POPULAIRE DU NORD conclut au rejet des demandes adverses et à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande qu'elle avait formée devant le premier juge au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle réclame en conséquence la condamnation solidaire de Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A., à lui payer une somme de 1 800 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, outre une somme de

2 000 euros au titre de ceux exposés en cause d'appel ;

Attendu qu'est nul l'engagement de caution, souscrit sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas les L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation ;

Attendu que pour débouter Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A. de leur demande en nullité de leur cautionnement, le premier juge retient que le cautionnement donné résulte indiscutablement de l'acte authentique et qu'il est donc affranchi du formalisme prescrit par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ;

Mais attendu que l'annexion d'un acte sous seing privé à un acte authentique ne lui confère pas la force probante de celui ci ;

Qu'il suit que si les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ne s'appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique, les mandats sous seing privé de se porter caution doivent répondre aux exigences des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; qu'à défaut, l'irrégularité qui entache le mandat s'étend au cautionnement subséquent donné sous la forme authentique ;

Qu'il suit que pour être valables, les mandats de se porter caution donnés par les époux B. et A. et annexés à l'acte authentique du 30 janvier 2009, dès lors qu'ils sont pris par acte sous seing privé par des personnes physiques envers la BANQUE POPULAIRE DU NORD, créancier professionnel, doivent comporter la signature de chacun d'eux ainsi que la reproduction, de leur main, de chacune des mentions exigées, à peine de nullité de leur engagement, par les articles susvisées ;

Attendu que si les paraphes et signatures apposées au nom de chacun des mandants ne sont pas déniés, il ressort du rapport établi par Madame AUBERT TOULEMONDE, expert graphologue, que les mentions manuscrites apposées sur les procurations sous seing privé de se porter caution donnés par les époux B. et A. et annexés à l'acte authentique du 30 janvier 2009, ne sont pas de la main de ceux ci ;

Que cet expert a procédé à une description et une cotation des pièces, à savoir une copie du mandat donné le 11 décembre 2008 à Madame Laïla A., épouse B., par Monsieur Lahcen B. et Monsieur Mimoun A. afin d'agir pour leur compte dans l'intérêt et pour le compte de la S. C.I. HBDESIGN, une copie des pièces d'identité de chacun des intéressés, quatre originaux réalisés lors de la réunion des parties du 17 avril 2015 dont l'expert précise que leur recueil a été lent et fastidieux, comprenant pour Monsieur Lahcen B., ses nom, prénom, adresse, suite de chiffres et signatures, pour Madame Rahman O., épouse B., quelques signatures seulement, pour Monsieur Mimoun A., ses coordonnées et une phrase sous dictée, et pour Madame Malika B., épouse A., sa signature, son nom et des chiffres, et quatre originaux de comportant des annotations de la main de Monsieur Mimoun A. ; qu'elle a ensuite rappelé sa méthodologie et ses limites, les examens étant menés selon le protocole d'examen de la méthode Standart Handwrinting Objective Examination dite SHOE dès lors que c'est l'absence de différences significatives qui conduit à attribuer une signature à une même personne ;

Que Madame AUBERT TOULMONDE a procédé à l'examen intrinsèque des mentions manuscrites de question pour en conclure que le scripteur de celles attribuées à Monsieur Lahcen B. était également le scripteur de celles attribuées à Madame Rahman O., épouse B. alors que deux scripteurs différents du premier ont rédigé les mentions manuscrites attribuées à Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A., l'expert précisant toutefois ne pas disposer d'éléments suffisants pour permettre d'attribuer les paraphes apposés sur les documents litigieux à l'un ou l'autre des scripteurs ;

Qu'elle a procédé ensuite à une étude critique des documents de comparaison en concluant sur ce point que seuls les écrits recueillis lors de la réunion d'expertise avaient valeur de pièces de comparaison ;

Que Madame AUBERT TOULEMONDE a ensuite procédé à un examen comparatif approfondi des écritures de question avec les écrits de comparaison de chacun des mandants et relevé de nombreuses discordances portant sur des caractéristiques essentielles de l'écriture comme les dimensions, les proportions, la liaison, le rythme ou encore la pression s'agissant de Monsieur Lahcen B., la qualité du trait, le rythme de la qualité du trait, le rythme de l'écriture, la structure de la lettre et la dimension pour Madame Rahman O., épouse B., les proportions, la liaison, la formation des lettres pour Monsieur Mimoun A. et les proportions, la liaison ou le rythme pour Madame Malika B., épouse A. ;

Que l'expert en conclut que Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A. ne sont pas les scripteurs des mentions manuscrites portées sous leur nom sur les procurations sous seing privé de se porter caution donnés par eux et annexés à l'acte authentique du 30 janvier 2009, ce qui correspond au degré le plus affirmatif de l'avis que cette technicienne pouvait rendre sur une échelle de sept degrés rappelée en page 23 de son rapport ;

Attendu qu'il faut, à la lecture du rapport d'expertise de Madame AUBERT TOULEMONDE relever que cet expert s'est livré à un travail rigoureux, objectif et exhaustif qui, s'il n'est qu'un élément du dossier parmi d'autres, n'est en rien contredit par les éléments relevant du contexte factuel dont fait état la banque pour établir que Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A., connaissaient en réalité la langue française et étaient établis sur le territoire français depuis plusieurs années au moment où ils se sont engagés comme caution, ces éléments étant en tout état de cause indifférents à cet égard ;

Qu'à défaut en ces conditions pour Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A. d'avoir fait précéder leur signature, des mentions reproduites de leur main, exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-4 du code de la consommation, les mandats de se porter caution donnés par chacun d'eux le 28 janvier 2009, et par suite les cautionnements donnés à leur nom sous la forme authentique le 30 janvier 2009 sont nuls ;

Que vainement la BANQUE POPULAIRE DU NORD invoque t elle une prétendue confirmation, au sens de l'article 1338 du code civil, par les époux B. et les époux A., de leurs engagements irréguliers qui les empêcherait d'en invoquer la nullité dès lors que si la violation du formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-23 précités, qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, est effectivement sanctionnée par une nullité relative, à laquelle elle peut renoncer par une confirmation, une ratification ou une exécution volontaire de son engagement irrégulier, la confirmation, la ratification ou encore l'exécution volontaire au sens de l'article 1338 du code civil d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer, ce qui ne saurait résulter de l'absence de dénégation par Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A. des signatures apposées à leur nom sur les procurations sous seing privé du 28 janvier 2009 ni de leur absence de protestation à la réception des lettres de mise en demeure d'exécuter leurs engagements de caution ou des lettres d'information annuelle des cautions qui leur ont été adressées par la banque ;

Attendu que Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A. ne démontrent pas que la BANQUE POPULAIRE DU NORD, quand même elle n'obtient pas gain de cause, ait, en s'opposant à la demande, abusé de son droit de sa défendre en justice ;

Attendu qu'eu égard aux circonstances, il n'apparaît pas équitable de mettre à la charge de la BANQUE POPULAIRE DU NORD ou de Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A. les frais exposés par la partie adverse et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Annule les engagements de caution pris au nom de Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A., par acte authentique du 30 janvier 2009 ;

Déboute Monsieur Lahcen B., Madame Rahman O., épouse B., Monsieur Mimoun A. et Madame Malika B., épouse A., comme non fondés, de leur demande en dommages et intérêts formée contre la BANQUE POPULAIRE DU NORD ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la BANQUE POPULAIRE DU NORD aux dépens de première instance et d'appel.

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