Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 6e ch. a, 20 février 2014, n° 2014/122

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meallonnier

Conseiller :

M. Junillon

Conseiller :

Mme Blume

Avocats :

Me Saraga Brossat, Me Mouele

Avocat :

Me Ader Reinaud

CA Aix-en-Provence n° 2014/122

19 février 2014

Vu le jugement rendu par le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance d'Aix en Provence le 18 février 2013 dans l'instance opposant Monsieur Ghalem H. à Madame Mimouna A. épouse H.,

Vu l'appel interjeté par Monsieur H. à l'encontre de cette décision par déclaration du 6 juin 2013,

Vu l'avis donné aux parties le 18 juin 2013 en application de l'article 388-1 du code civil et l'absence de demande d'audition,

Vu les dernières conclusions notifiées par Monsieur H. le 18 septembre 2013,

Vu les dernières conclusions notifiées par Madame A. le 2 novembre 2013,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 janvier 2014,

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur H. et Madame A. se sont mariés le 1er juillet 1978 sans contrat préalable. Dix enfants sont issus de leur union :

- Redouane né le 20 février 1974

- Saïd né le 7 février 1976

- Naouel née le 10 avril 1978

- Foued né le 22 mai 1981

- Hayat née le 14 décembre 1982

- Mourad né le 12 août 1987

- Sabria née le 11 septembre 1990

- Samira née le 17 juin 1992

- Yamina née le 3 juillet 1995

- Assïa née le 19 février 1997.

Par jugement du 6 mars 2006, confirmé pour l'essentiel par arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance d'Aix en Provence a prononcé la séparation de corps aux torts exclusifs de l'époux et statué sur les mesures accessoires.

Monsieur H. a déposé une requête en divorce et une ordonnance de non conciliation a été rendue le 24 mars 2011 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance d'Aix en Provence qui a notamment :

- attribué à l'époux la jouissance du domicile conjugal et des meubles meublant ;

- dit que l'autorité parentale sur les enfants mineurs sera exercée en commun par les deux parents ;

- fixé la résidence habituelle des enfants Yamina et Assïa chez leur mère ;

- fixé un droit de visite et d'hébergement classique au profit du père ;

- fixé à 200 euros par mois la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation des enfants s'appliquant à concurrence de 50 euros par enfant à charge, avec indexation.

Monsieur H. a assigné son épouse en divorce par citation du 28 octobre 2011.

Par jugement rendu le 18 février 2013, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance d'Aix en Provence a notamment :

- prononcé le divorce des parties aux torts exclusifs de l'époux ;

.../...

- ordonné la liquidation du régime matrimonial et le partage des intérêts patrimoniaux des époux ;

- dit n'y avoir lieu à désignation d'un notaire ;

- débouté Monsieur H. de sa demande visant à se voir accorder la jouissance gratuite du domicile conjugal ;

- fixé les effets du divorce entre les époux au 24 novembre 2004 ;

- dit que l'occupation du domicile conjugal par Monsieur H. est onéreuse à compter du 24 novembre 2004 ;

- dit que l'autorité parentale sur les enfants mineurs sera exercée conjointement par les deux parents ;

- fixé la résidence habituelle des enfants mineurs au domicile de la mère avec un droit de visite et d'hébergement du père ;

- fixé à 100 euros par mois la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation des enfants mineurs soit 50 euros par mois et par enfant, avec indexation et condamné Monsieur H. au paiement de cette somme ;

- condamné Monsieur H. à payer à Madame A. une prestation compensatoire de 50.000 euros ;

- condamné Monsieur H. à payer à Madame A. la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Monsieur H. a interjeté appel de cette décision par déclaration du 6 juin 2013.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 septembre 2013, il demande à la Cour de :

- constater qu'il justifie d'un logement autre que l'ancien domicile conjugal et ce depuis que les époux étaient parvenus à un accord sur la vente de la maison ;

- constater qu'il est seul à faire face aux frais d'entretien, de copropriété et fiscaux ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'occupation serait à titre onéreux à compter du 12 novembre 2004 alors que le devoir de secours subsistait entre les époux et qu'en tout état de cause la date de l' ordonnance de non conciliation à prendre éventuellement en compte est celle du 24 mars 2011 ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une prestation compensatoire de 50.000 euros ainsi qu'à une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laisser à chacun la charge de ses propres dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 novembre 2013, Madame A. conclut à la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions et à la condamnation de Monsieur H. à lui verser une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il est expressément renvoyé aux dernières écritures pour l'exposé complet des faits de la cause et des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ DE L'APPEL

Attendu que rien au dossier ne révèle une cause d'irrecevabilité de l'appel que la Cour serait tenue de relever d'office ;

Attendu que l'appel n'étant pas limité, les dispositions non contestées du jugement déféré seront confirmées ;

SUR LA JOUISSANCE DU DOMICILE CONJUGAL

Attendu que l'ordonnance de non conciliation du 24 mars 2011 a accordé la jouissance du domicile conjugal, constitué par une maison d'habitation sise Lotissement Le Penequet n°12 à Luynes , à Monsieur H. en relevant que chaque partie en sollicite l'attribution mais que le logement est occupé par l'époux et que les parties se satisfont de cette situation depuis deux ans ;

Attendu qu'eu égard aux revenus et charges des parties, il n'y a pas lieu de faire bénéficier Monsieur H. d'une occupation gratuite au titre du devoir de secours ;

Attendu que l'appelant, qui indique ne plus habiter cette maison depuis que les parties sont parvenues à un accord sur sa vente, est toujours domicilié dans ses dernières conclusions à la même adresse et ne justifie pas de la date à laquelle il aurait déménagé pour un autre logement;

Qu'il sera redevable envers la communauté d'une indemnité d'occupation jusqu'à la date d'abandon du logement ;

Attendu que les charges acquittées par lui pour le compte de la communauté donneront lieu à récompense dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial ;

SUR LA DATE D'EFFET DU DIVORCE E. L.

Attendu que Madame A. demande à ce que la date d'effet du divorce entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, soit reportée au 24 novembre 2004 ;

Attendu cependant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer à cette date ;

Attendu en effet que si une ordonnance de non conciliation a été rendue le 12 novembre 2004 dans le cadre de la procédure de séparation de corps ayant abouti au jugement du 6 mars 2006 confirmé pour l'essentiel par arrêt du 10 septembre 2009, Madame A. reconnaît expressément dans ses écritures avoir tenté à plusieurs reprises de reprendre la vie commune avec son mari qui avait promis de s'amender, entre le mois de novembre 2004 et le mois de mars 2011, ces tentatives s'étant à chaque fois soldées par un échec ;

Attendu qu'en l'absence de justification de la date à laquelle les époux ont définitivement cessé de cohabiter et de collaborer, le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre eux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l'ordonnance de non conciliation soit en l'espèce le 24 mars 2011, et ce conformément aux dispositions de l'article 262-1 du code civil ;

SUR LA DEMANDE DE PRESTATION COMPENSATOIRE

Attendu que l'article 270 du code civil dispose qu'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ;

Attendu qu'à cet effet, le juge doit notamment prendre en considération :

- la durée du mariage .

- l'âge et l'état de santé des époux ;

- leur qualification et leur situation professionnelles ;

- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

- leurs droits existants et prévisibles ;

- leur situation respectives en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à la retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les choix professionnels liés à la vie familiale ;

Attendu qu'en l'espèce le mariage a duré 34 ans, que les époux sont âgés respectivement de 56 ans pour le mari et de 60 ans pour la femme, qu'ils ont eu ensemble dix enfants nés entre 1974 et 1997 ;

Attendu que les époux sont propriétaires de la maison sise à Luynes ayant constitué le domicile conjugal qui est évaluée entre 300.000 euros et 320.000 euros (attestation agence GHIBAUDO) et sur laquelle resterait à payer un solde de crédit de 6.000 euros ;

Attendu que Monsieur H., qui a exercé la profession de mécanicien automobile, est actuellement en invalidité après plusieurs interventions chirurgicales au niveau des épaules, qu'il perçoit une pension de 697,53 euros brut par mois (attestation CPAM du 6 septembre 2013) outre des versements de IPSA P. (444,79 euros le 2 septembre 2013), et a déclaré en 2012 un revenu mensuel de 975,41 euros (avis d'impôt 2013) ;

Attendu que l'allégation de Madame A. selon laquelle son époux tirerait un revenu supplémentaire de réparations de voitures n'est pas corroborée par les pièces produites ;

Attendu que Monsieur H. mentionne dans sa déclaration sur l'honneur qu'il pourra bénéficier d'une retraite d'environ 850 euros par mois avec un départ en retraite en juillet 2020 sans toutefois en justifier ;

Attendu que l'intéressé doit régler actuellement en plus de ses charges courantes et de celles charges afférentes à l'ancien domicile conjugal (retard de charges de copropriété de 6.599 euros au 27 décembre 2013), un loyer mensuel de 299,44 euros, APL déduite;

Attendu que Madame A. du fait de ses multiples grossesses n'a jamais travaillé de façon rémunérée et s'est consacrée à élever les enfants du couple ;

Attendu qu'elle ne produit aucun justificatif de revenus récents, que selon une attestation de la CAF du 11 septembre 2012 elle peut prétendre au RSA pour un montant mensuel de 507 euros;

Attendu que compte tenu de son âge et de son absence de qualification professionnelle il lui sera très difficile de trouver un emploi ;

Que ses droits en matière de pension de retraite seront forcément très limités ;

Attendu qu'au vu de l'ensemble des éléments du dossier et notamment du temps qu'elle a nécessairement consacré à l'éducation des 10 enfants du couple au détriment d'une carrière professionnelle et de ses droits à la retraite quasi inexistants, il apparaît que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux une disparité au préjudice de Madame A. qui sera compensée par le versement d'une prestation compensatoire de 30.000 euros en capital ;

Que le jugement déféré sera sur ce point réformé ;

SUR L'APPLICATION DES ARTICLES 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET 37 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1991

Attendu qu'il est équitable d'allouer à Madame A. la somme de 800 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance, que le jugement déféré sera à cet égard confirmé ;

Attendu par contre qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais irrépétibles d'appel dès lors que les deux parties sont bénéficiaires de l'aide juridictionnelle totale ;

Attendu que Monsieur H. qui succombe pour l'essentiel sera condamné aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil

- Confirme le jugement déféré sauf sur le montant de la prestation compensatoire et en ce qu'il a reporté les effets du divorce entre les époux au 24 novembre 2004 et dit que l'occupation du domicile conjugal par Monsieur H. est onéreuse à compter de cette date ;

- Le réforme sur ces points ;

Et statuant à nouveau de ce chef,

- Condamne Monsieur Ghalem H. à payer à Madame Mimouna A. une prestation compensatoire d'un montant de 30.000 Euros en capital ;

- Fixe la date d'effet du divorce dans les rapports patrimoniaux des époux au 24 mars 2011 ;

Y ajoutant

- Constate que l'enfant Yamina H. est désormais majeure et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'autorité parentale, la résidence et le droit de visite et d'hébergement à son égard ;

- Rejette toutes autres demandes des parties ;

- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991;

- Condamne Monsieur Ghalem H. aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés selon la réglementation applicable en matière d'aide juridictionnelle.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site