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Décisions

Cass. com., 21 avril 2022, n° 20-18.800

COUR DE CASSATION

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Avocat :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Zribi et Texier

Cass. com. n° 20-18.800

20 avril 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 11 mai 2020), rendu en matière de référé, et les productions, le groupe LDRH et ses filiales, d'une part, et le groupe Framag et ses filiales, représentés par M. [Z], d'autre part, ont, le 12 mars 2008, conclu un protocole d'accord, aux termes duquel ils sont notamment convenus de l'apurement des comptes courants de la société Framag et ont arrêté l'état des dettes de cette société envers le groupe LDRH à la somme de 100 000 euros.

2. Dans ce protocole, M. [Z] a déclaré garantir personnellement le paiement de cette somme en cas de défaillance de la société Framag et a signé l'acte en y portant la mention « Bon pour caution à hauteur de cent mille euros (100 000 euros) ».

3. La société Framag ayant été mise en liquidation judiciaire, la société Luc de Reynal et compagnie (la société Luc de Reynal), société du groupe LDRH, a assigné M. [Z] devant le juge des référés en paiement d'une provision au titre du solde impayé de la dette de la société Framag. M. [Z] a opposé la nullité de son engagement de caution au motif que celui-ci ne respectait pas le formalisme prescrit par l'article L. 341-2 du code de la consommation.

4. La société Luc de Reynal a été mise en redressement judiciaire le 10 janvier 2019, M. [G] étant désigné administrateur judiciaire et M. [T] mandataire judiciaire.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [Z] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir constater l'existence de contestations sérieuses portant sur la nullité de son engagement de caution et de le condamner à payer à la société Luc de Reynal une provision de 48 450,32 euros, alors « que toute personne physique, qu'elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu'elle s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu'il soit commercial ou civil, de la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au jour de l'acte ; qu'en retenant que M. [Z] ne pouvait valablement se prévaloir de ces dispositions, le protocole du 12 mars 2008 aux termes duquel il s'était engagé comme caution étant de nature commerciale et conclu entre deux dirigeants de société, dont lui-même, parfaitement informés des engagements qu'ils prenaient, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

7. Il résulte de ce texte que toute personne physique, qu'elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu'elle s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu'il soit commercial ou civil, de la mention manuscrite exigée par ledit texte.

8. Pour dire que l'obligation de M. [Z] de garantir la dette de la société Framag n'est pas sérieusement contestable et le condamner à payer une provision à la société Luc de Reynal, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'il ne résulte pas des pièces produites que M. [Z] se serait engagé dans les formes exigées par le code de la consommation, alors qu'il est fait expressément allusion à un protocole de nature commerciale entre deux dirigeants de sociétés parfaitement informés des engagements qu'ils prenaient. Il retient, par motifs propres, que le protocole d'accord du 12 mars 2008 précise que les parties s'engagent mutuellement à un code de bonne conduite dans les affaires commerciales et que le litige a toujours été porté devant une juridiction commerciale, et en déduit que l'appelant ne peut valablement se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

10. M. [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles ; que la nature commerciale d'une créance n'exclut pas son caractère professionnel ; qu'en retenant pourtant que M. [Z] ne pouvait valablement se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, le protocole du 12 mars 2008 aux termes duquel M. [Z] s'était engagé comme caution de la société Framag portant sur différentes cessions de parts sociales et sur l'apurement des comptes courants de la société Framag, de sorte que la créance litigieuse était commerciale et non professionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :

11. Au sens de ce texte, le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale.

12. Pour dire que l'obligation de M. [Z] de garantir la dette de la société Framag n'est pas sérieusement contestable et le condamner à payer une provision à la société Luc de Reynal, l'arrêt retient que la créance litigieuse est de nature commerciale et non professionnelle et en déduit que l'appelant ne peut valablement se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation.

13. En se déterminant ainsi, alors que le caractère commercial d'une créance n'est pas de nature à exclure la qualité de créancier professionnel de celui qui la détient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. En l'état de ce qui précède, il y a lieu de constater que l'obligation litigieuse fait l'objet d'une contestation sérieuse.

17. En application de l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, il convient de dire n'y avoir lieu à référé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à référé ;

Condamne la société Luc de Reynal et compagnie et MM. [G] et [T], en qualité, respectivement, d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Luc de Reynal et compagnie, aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Luc de Reynal et compagnie et par MM. [G] et [T], en leur qualité, respectivement, d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Luc de Reynal et compagnie, et les condamne in solidum à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [Z].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [V] [Z] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir déclarer la société Luc de Reynal et compagnie irrecevable en ses prétentions, et de l'avoir condamné à payer à la société Luc de Reynal et compagnie une provision de 48 450,32 euros,

1- Alors que le juge ne peut pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que le jugement du 7 décembre 2011 du tribunal mixte de commerce de Cayenne, confirmé par l'arrêt définitif du 24 février 2014 de la cour d'appel de Cayenne, avait rejeté les demandes de la société Luc de Reynal et compagnie « dirigées à l'encontre de Monsieur [V] [Z] » sur le fondement de l'engagement de caution contenu dans le protocole du 12 mars 2008, au motif notamment que la formule utilisée, lapidaire, « ne correspond nullement aux dispositions légales sur le cautionnement personnel prévues par les articles sur le code civil » ; qu'en jugeant pourtant qu'il ressortait de la motivation de l'arrêt du 24 février 2014 et du jugement du 7 décembre 2011 que la garantie de M. [Z] n'avait pas encore été recherchée, la cour d'appel a dénaturé ces décisions, en violation du principe précité.

2- Alors que le juge ne peut méconnaître la chose antérieurement jugée ; que le jugement du 7 décembre 2011 du tribunal mixte de commerce de Cayenne, confirmé par l'arrêt définitif du 24 février 2014 de la cour d'appel de Cayenne, avait rejeté les demandes de la société Luc de Reynal et compagnie « dirigées à l'encontre de Monsieur [V] [Z] » sur le fondement de l'engagement de caution contenu dans le protocole du 12 mars 2008, au motif notamment que la formule utilisée, lapidaire, « ne correspond nullement aux dispositions légales sur le cautionnement personnel prévues par les articles sur le code civil » ; qu'en jugeant pourtant que cette décision n'avait pas autorité de la chose jugée, au prétexte inopérant que la procédure de liquidation judiciaire ouverte le 16 mars 2016 avait modifié les relations contractuelles entre les parties, motif impropre à caractériser une circonstance nouvelle venant modifier la situation antérieurement reconnue en justice s'agissant de l'illégalité de la formule de cautionnement utilisée dans l'acte, la cour d'appel a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil, et 480 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

M. [V] [Z] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir constater l'existence de contestations sérieuses portant sur l'absence d'exigibilité de la créance, et de l'avoir condamné à payer à la société Luc de Reynal et compagnie une provision de 48 450,32 euros,

Alors que le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que M. [Z] contestait son obligation en faisant valoir qu'il ne s'était engagé à garantir la dette de la société Framag qu'en cas de défaillance de cette dernière et que cette défaillance n'était pas démontrée, dès lors qu'elle ne pouvait résulter de la seule production par la société Luc de Reynal et compagnie de l'accusé réception de sa déclaration de créance auprès des organes de la liquidation judiciaire de la société Framag mais supposait que soient prouvées d'une part l'admission de cette créance au passif et d'autre part la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif ; qu'en condamnant M. [Z] à payer une provision à la société Luc de Reynal et compagnie, en retenant que celle-ci avait déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de la société Framag et n'avait pas été réglée, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse quant à l'exigibilité de la créance, a violé l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

M. [V] [Z] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir constater l'existence de contestations sérieuses portant sur la nullité de son prétendu engagement de caution et de l'avoir condamné à payer à la société Luc de Reynal et compagnie une provision de 48 450,32 euros,

1°) Alors que toute personne physique, qu'elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu'elle s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu'il soit commercial ou civil, de la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction an vigueur au jour de l'acte ; qu'en retenant que M. [Z] ne pouvait valablement se prévaloir de ces dispositions, le protocole du 12 mars 2008 aux termes duquel il s'était engagé comme caution étant de nature commerciale et conclu entre deux dirigeants de société, dont lui-même, parfaitement informés des engagements qu'ils prenaient, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

2°) Alors que le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles ; que la nature commerciale d'une créance n'exclut pas son caractère professionnel ; qu'en retenant pourtant que M. [Z] ne pouvait valablement se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, le protocole du 12 mars 2008 aux termes duquel M. [Z] s'était engagé comme caution de la société Framag portant sur différentes cessions de parts sociales et sur l'apurement des comptes courants de la société Framag, de sorte que la créance litigieuse était commerciale et non professionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars

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