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Décisions

CA Orléans, 15 février 2007, n° 06/00676

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

BANQUE POPULAIRE DU VAL DE FRANCE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remery

Conseiller :

Mme Magdeleine

Conseiller :

M. Garnier

Avocats :

Me Garnier, Me Despers

Avocat :

Me Daudé - SCP CELCE-VILAIN

CA Orléans n° 06/00676

14 février 2007

Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 15 Février 2007, par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par acte sous seing privé du 29 avril 2004, Madame C. s'est portée caution solidaire, dans des conditions discutées entre les parties, de toutes les obligations dont son mari, Monsieur C., exploitant la « Boucherie des Carmes » à ORLEANS, pourrait être tenu vis à vis de la BANQUE POPULAIRE VAL DE France, dans la limite de la somme globale de 10.400 Euros. Le débiteur principal ayant été mis en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance et fait signifier à la caution une ordonnance d'injonction de payer à laquelle Madame C. a fait opposition.

Par jugement du 5 janvier 2006, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal d'Instance d'ORLEANS a condamné Madame C. à payer à la BANQUE POPULAIRE VAL DE France la somme de 8.966,07 Euros outre celle de 300 Euros à titre d'indemnité de procédure.

Madame C. a relevé appel.

Par ses dernières conclusions signifiées le 16 janvier 2007, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, elle fait valoir qu'elle n'a jamais signé d'engagement de caution le 29 avril 2004, la mention manuscrite correspondant au consentement donné à l'époux dans le cadre de l'article 1415 du Code Civil, et non pas aux dispositions de l'article L. 341-2 du Code de la Consommation, de sorte qu'en tout état de cause, la nullité du cautionnement doit être prononcée. Elle ajoute que sa proposition de régler une somme mensuelle de 200 Euros concernait un autre prêt. Elle indique qu'en exécution du jugement déféré la banque a fait procéder à une saisie des biens familiaux et sollicite, à titre de dommages et intérêts, l'allocation de la somme de 3.000 Euros ainsi que d'une somme identique sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par ses dernières écritures du 18 janvier 2007, la BANQUE POPULAIRE VAL DE France prétend que les mentions exigées par les articles 1326 du Code Civil et L. 341-2 du Code de la Consommation ont été respectées et qu'il importe peu que la mention apposée sur l'acte du 29 avril 2004 ne satisfasse pas à celle prévue en bas du document. Elle affirme, compte tenu de l'intitulé de l'acte et de la désignation de la caution et du débiteur principal, qu'aucun doute ne subsiste sur la nature de l'engagement et sur la personne cautionnée. Elle considère que l'appelante n'a pas subi de préjudice et conclut à la confirmation du jugement, à la capitalisation des intérêts et à la condamnation de Madame C. à lui verser la somme de 2.500 Euros à titre d'indemnité de procédure.

Par note conjointe du président et du greffier adressée la veille de la date du présent arrêt, les avoués des parties ont été également avisés que le prononcé de l'arrêt était avancé à cette date.

SUR QUOI


Attendu que la mention manuscrite de Madame C. figurant dans l'acte du 29 avril 2004 est ainsi rapportée :

« Bon pour accord express au cautionnement donné à hauteur de la somme de dix mille quatre cents Euros (10.400,00) couvrant le principal, tous les intérêts, frais commissions et accessoires y compris toute indemnité de résiliation anticipée, comme indiqué ci-dessus » ;

Attendu qu'en vertu de l'article L. 341-2 du Code de la Consommation, issu de la Loi 2003-721 du 1er août 2003, applicable à compter du 6 février 2004, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de...... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de......, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même » ;

Qu'aux termes de l'article L. 341-3 du même code créé par la même loi et entré en vigueur à la même date, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2021 du Code Civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X... » ;

Que, par ces textes, le législateur a conditionné désormais la validité des actes de cautionnement souscrit par une personne physique, lorsque le créancier est un professionnel tel un banquier, au respect de formalités de nature à assurer la parfaite information du débiteur de l'obligation ;

Que l'insuffisance et le caractère erroné de la mention manuscrite de la caution personne physique, sont indiscutables en l'espèce, ce d'autant plus que le cautionnement a été délivré pour une durée indéterminée, contrairement aux nouvelles dispositions, et doivent être sanctionnés automatiquement, en vertu des textes précités, par la nullité du cautionnement, sans que le juge puisse apprécier la gravité ou la portée du manquement constaté ;

Que le jugement sera donc infirmé, dès lors que la nullité du cautionnement litigieux est encourue, et que la banque sera déboutée de sa demande en paiement ;

Attendu que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables ; qu'en faisant saisir les meubles des époux C., l'établissement de crédit a indubitablement causé un préjudice moral et financier à Madame C. qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1.500 Euros à titre de dommages et intérêts.

Attendu que BANQUE POPULAIRE VAL DE France supportera les dépens de première instance et d'appel, et versera, en outre, une indemnité de 2.000 Euros à Madame C., sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;


PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme le jugement entrepris ;

Prononce la nullité de l'acte de cautionnement souscrit par Madame C. le 29 avril 2004 ;

Déboute, en conséquence, la BANQUE POPULAIRE VAL DE France de sa demande en paiement dirigée contre Madame C. ;

Condamne la BANQUE POPULAIRE VAL DE France à payer à Madame C. la somme de 1.500 Euros à titre de dommages et intérêts ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Madame C. la somme de 2.000 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Dit que les dépens seront recouvrés conformément à la Loi sur l'Aide Juridictionnelle ;

Accorde à Maître GARNIER, Avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du même code ;

Et le présent arrêt a été signé par Monsieur REMERY, Président, et Madame FERNANDEZ, Greffier présent lors du prononcé.

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