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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 9 septembre 2020, n° 18/03953

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCI GE BAT

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Penavayre

Vice-président :

M. Arriudarre

Conseiller :

M. Truche

Avocats :

Me Croels, Me Sorel

Avocat :

Me Astie

CA Toulouse n° 18/03953

8 septembre 2020

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 22 octobre 2014, la SCI GE BAT a donné à bail commercial à la SARL ESPACE DE COWORKING TOULOUSAIN (ESPACE CWT), dirigée par Monsieur

A G, fondateur et associé unique, un local commercial situé au [Adresse], pour une durée de 9 années à compter du 1er novembre 2014 pour expirer au 31 octobre 2023, moyennant un loyer annuel de 33.000 € hors charges et hors taxes, auquel devait s'ajouter la taxe sur la valeur ajoutée au taux légal en vigueur, que le preneur s'obligeait à payer d'avance en douze termes égaux de 2.750,00 € au bailleur, et dont le règlement devait être effectué le 1er de chaque mois.

Il était toutefois stipulé que dans le cadre de négociations relatives à la surface louée à la prise d'effet du bail, les loyers des mois de novembre et décembre 2014 ne seraient pas dus par le preneur, et que les loyers de janvier à avril 2015 seraient ramenés à 2 400€.

Le bail commercial prévoyait également en son article 10 que le preneur devrait, en sus du règlement du loyer, rembourser au bailleur l'ensemble des charges afférentes tant aux locaux loués qu'à l'immeuble dans lequel ils se trouvent, le loyer étant stipulé net de charges, à savoir :

- les frais d'entretien et de réparation des parties communes,

- les frais d'entretien d'espaces extérieurs,

- les frais d'entretien de climatisation,

- les frais d'eau et d'électricité,

- les frais d'entretien du portail extérieur,

- les frais d'entretien des portes de parking et de sous sol,

- les frais d'entretien d'alarmes, interphones, de badges d'accès »

Une provision mensuelle était fixée à 495,00 € H. T par mois.

Monsieur A G s'est porté caution solidaire des engagements souscrits.

La SARL ESPACE CWT a, par jugement du tribunal de commerce de TOULOUSE, été placée en liquidation judiciaire le 5 mars 2015, maître Y D étant désigné mandataire liquidateur.

La SCI GEBAT a déclaré sa créance par courrier du 15 avril 2015, pour un montant de 10 422€ correspondant aux loyers et charges impayés arrêtés au premier avril 2015.

La résiliation du bail et la restitution des clés ont été actées par courrier recommandé de maître REY à la SCI GE BAT en date du 20 avril 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 avril 2015, la SCI GE BAT par l'intermédiaire de son conseil a mis en demeure Monsieur G en sa qualité de caution de lui payer la somme de 10 422€.

Par acte d'huissier du 26 janvier 2017, la SCI GE BAT a assigné Monsieur G devant le tribunal de grande instance de Toulouse en paiement de la somme de 10 422€ outre intérêts à compter de la mise en demeure.

Par jugement en date du 24 Août 2018, le tribunal de grande instance de Toulouse a:

- débouté la SCI GE BAT et maître REY es qualité de commissaire a l'execution du plan de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de Monsieur A G,

- condamné la SCI GE BAT à payer à Monsieur A G la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procèdure civile

- condamné la SCI GE BAT aux dépens.

Le tribunal, faisant droit à l'argumentation présentée par Monsieur G, a considéré que l'engagement de caution était nul, aux motifs que la mention manuscrite rédigée n'était pas conforme aux dispositions de l'article L.341-2 du code de la consommation en ce qu'elle ne mentionnait pas la somme dans la limite de laquelle la caution s'était engagée, ne reproduisaitt pas l'intégralite des termes exigés et n'était pas suivie de la signature de M. H

La SCI GE BAT a interjeté appel de cette décision par déclaration du 17 septembre 2018.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses écritures du 13 décembre 2018, la SCI GE BAT demande à la cour de réformer la décision dont appel et statuant à nouveau, en l'absence de résolution amiable du litige suite à l'envoi du courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 avril 2015, et déboutant l'intimé de tous ses arguments sur les nullités et inopposabilités soutenues, de:

- constater que Monsieur G s'est porté caution des engagements souscrits au terme du bail commercial liant la Société ESPACE CWT à la Société SCI GE BAT,

- de constater les manquements de la Société CWT à ses obligations,

- de dire et juger le montant de l'arriéré de loyers et de charges imputables à la Société ESPACE CWT d'un montant de 10.422,00 €,

- de condamner Monsieur G à payer la somme de 10.422,00 €, majoré des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure infructueuse,

- de condamner Monsieur G à lui payer la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le condamner aux dépens.

Aux termes de ses écritures du 12 février 2019, Monsieur G demande à la cour:

- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris,

- à titre subsidiaire, de dire et juger que l'acte de cautionnement était manifestement disproportionné au regard de ses capacités financières, et de constater l'inopposabilité de l'acte de cautionnement,

- à titre infiniment subsidiaire, de constater que tant le quantum que la durée de l'engagement de caution étaient indéterminables, et constater la nullité du contrat de cautionnement au visa des dispositions des articles 1104 et 2292 du code civil,

- en tout état de cause, de débouter la SCI GE BAT de l'ensemble de ses demandes,

- de la condamner au paiement de la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La cour pour plus ample exposé des faits de la procédure, des demandes et moyens des parties, se réfère expressément à la décision entreprise et aux dernières conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

En page 9 du bail, à l'article 12 intitulé "cautionnement", Monsieur G a apposé la mention manuscrite suivante:

"pour garantir au bailleur le paiement régulier et exact du loyer ci dessus stipulé ainsi que d'une somme garante l'exécution des présentes et à la demande de ce dernier, Monsieur A G né le 21 septembre 1989 à LAVAUR, de nationalité française et demeurant au [Adresse] (31 200) , intervient aux présentes sous la dénomination la caution, à l'effet de:

déclarer avoir parfaite connaissance des présentes par la lecture complète effectuée et parfaitement connaître la portée de l'engagement souscrit ci après au moyen des explications fournies, le présent cautionnement est destiné à profiter au propriétaire actuel du bien ainsi qu'à tous les propriétaires du présent bien lui est opposable l'engagement de caution est souscrit sans limite de montant ni d'objet (loyers et charges impayés coût de remise en état des locaux loués) le présent engagement sera valable tant que le preneur débiteur restera redevable du bailleur au titre du bail en conséquence les sommes restant dues par le bailleur en principal intérêts et accessoires demeureront garanties par le présent engagement qui produira ses effets jusqu'au complet paiement desdites sommes"

Comme toutes les pages du bail , la page 9 supporte 2 paraphes pour le preneur et le bailleur, à l'exclusion de tout autre.

La signature de Monsieur A G en qualité de caution figure, comme celles du preneur et du bailleur, en page 19 du bail.

L'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version en vigueur à la date de conclusion du contrat, dispose que "toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

"En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même."

Ce texte s'applique sans distinction selon la nature du cautionnement, la qualité de celui qui s'engage ou la dette cautionnée. Il n'est pas réservé aux personnes ayant agi en qualité de consommateur et Monsieur A G, bien qu'il soit fondateur, associé unique et gérant d'une société à bail commercial, est une personne physique au sens de ce texte.

S'agissant de la qualité de créancier professionnel, elle s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle ci n'est pas principale.

Contrairement à ce que soutient la SCI GE BAT, cette qualité n'est pas réservée aux établissements de crédit. Son application ne se limite pas davantage aux seuls commerçants, qualité qui ne se confond pas avec celle de professionnel, peu important dès lors que le bailleur ait bénéficié d'une procédure collective ouverte par le tribunal de grande instance.

Selon ses statuts en date du 14 février 2009 à en tête "société civile immobilière de location", la SCI GE BAT a pour associés Messieurs C F et Monsieur E, personnes physiques sans lien de famille apparent, et a pour objet " l'acquisition, l'administration et la gestion par location ou autrement de tous immeubles et biens immobiliers, et toutes opérations financières, mobilières ou immobilières se rattachant directement ou indirectement à cet objet et de nature à en favoriser la réalisation ou le développement à condition d'en respecter le caractère civil". Aucun élément ne permet de considérer que le bien loué, soit des bureaux et des parties communes dédiées au coworking, constitue un bien familial pour la gestion duquel la SCI aurait été crée. Un tableau de répartition des locations versé aux débats par Monsieur G mentionne 6 bureaux dont 2 déjà loués, et 8 emplacements d'open space dont 2 déjà loués, le loyer et les charges de chaque emplacement étant précisé, ce qui illustre le professionalisme de l'activité.

Dès lors l'objet de la SCI est bien professionnel, de sorte que la bailleresse se devait, pour obtenir l'engagement de caution de Monsieur G, se conformer aux dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation précité, ce qui n'est pas le cas, la mention manuscrite apposée ne contenant pas certaines mentions essentielles et n'étant pas suivie d'une signature.

C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a considéré que l'engagement de caution de Monsieur G était nul, et a débouté la SCI GE BAT de ses prétentions.

Il y a lieu à raison de l'équité de condamner la SCI GE BAT au paiement d'une somme complémentaire de 1500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme la décision déférée,

Y ajoutant,

Condamne la SCI GE BAT à payer à Monsieur A G la somme complémentaire de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procèdure civile ;

Condamne la SCI GE BAT aux dépens exposé en cause d'appel.

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