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Décisions

CA Rouen, ch. proximite, 2 juin 2016, n° 15/00388

ROUEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

SCI MONVILLE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brylinski

Conseiller :

Mme Labaye

Conseiller :

Mme Delahaye

Avocat :

Me Pannier

Avocats :

Me Sedillot, Me Lelandais

CA Rouen n° 15/00388

1 juin 2016

A l'audience publique du 31 Mars 2016, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Juin 2016

ARRÊT :

Par défaut

Prononcé publiquement le 02 Juin 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

Signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL DAZY, Greffier présent à cette audience.

Suivant acte sous seing privé signé le 1er juin 2012, la SCI Monville a donné en location à M. Fabrice F. et Mme Laura V., un logement situé [Adresse], moyennant le paiement d'un loyer mensuel d'un montant initial de 540 € et d'une provision sur charges mensuelles.

Suivant acte sous seing privé en date du 05 juin 2012, M. Philippe F. et Mme Nathalie F. née M. se sont portés cautions solidaires du règlement des sommes dues par M. Fabrice F. et Mme Laura V. au titre du contrat de bail.

Par actes d'huissier en date du 20 mai 2014 et du 21 mai 2014, la SCI Monville a fait assigner M. Fabrice François, M. Laura V., M. Philippe F. et Mme Nathalie F. née M. devant le tribunal d'instance, afin de faire, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail à raison du défaut d'assurance et du non paiement des loyers

- ordonner l'expulsion de M. Fabrice F. et Mme Laura V. des lieux loués

- condamner M. Fabrice François, M. Laura V., M. Philippe F. et Mme Nathalie F. née M. solidairement à lui payer :

* la somme de 6.562,60 €, au titre des loyers et charges dus au 14 mai 2014, ladite somme portant intérêts judiciaires à compter de la présente assignation, sur le fondement de l'article 1153 alinéa 1er du code civil

* une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges à compter du 14 mai 2014 et jusqu'au départ effectif des lieux

* la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- les condamner solidairement au paiement des entiers dépens.

Par jugement du 28 novembre 2014, le tribunal d'instance de Rouen a :

- constaté l'acquisition au 23 février 2014 de la clause résolutoire du contrat de bail conclu le 1er juin 2012 entre la SCI Monville d'une part, et M. Fabrice F. et Mme Laura V. d'autre part, et portant sur un logement situé [Adresse]

- constaté que la SCI Monville s'est désistée de sa demande d'expulsion formée à l'encontre de M. Fabrice F. et Mme Laura V.

- condamné solidairement M. Fabrice François, M. Laura V., M. Philippe F. et Mme Nathalie F. née M. à payer à la SCI Monville la somme de 6.158,78 €, au titre des loyers, charges, réparations locatives et indemnités d'occupation arrêtés au 26 septembre 2014, ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 20 mai 2014

- débouté la SCI Monville de sa demande en paiement de trois mois de loyers supplémentaires

- condamné in solidum M. Fabrice François, M. Laura V., M. Philippe F. et Mme Nathalie F. née M. à payer à la SCI Monville la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné in solidum M. Fabrice François, M. Laura V., M. Philippe F. et Mme Nathalie F. née M. aux entiers dépens de l'instance, lesquels comprendront les coûts du commandement de payer, de sa dénonciation aux cautions, de l'assignation, de la dénonciation à la Préfecture de Seine Maritime de cette assignation

- débouté la SCI Monville de toutes ses autres demandes

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

Les locataires ont quitté les lieux le 03 juin 2014 d'où le désistement de la demande d'expulsion. Le constat d'acquisition de la clause résolutoire a été prononcé par le tribunal pour défaut d'assurance des lieux loués. Le tribunal a rejeté la demande de paiement de trois mois loyers présentée par la SCI pour absence de possibilité de faire visiter les lieux pendant trois mois du fait de l'absence de clause en ce sens au contrat.

M. Philippe F. et Mme Nathalie F. née M. ont interjeté appel du jugement par déclaration du greffe en date du 26 janvier 2015.

Dans leurs dernières conclusions du 04 août 2015, ils demandent à la cour de :

Vu l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989,

Vu l'article L. 341-3 du code la consommation,

- dire et juger que l'acte de caution souscrit par eux est nul

- en conséquence, réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnés à payer à la SCI Monville:

* 6.158.78 € au titre des loyers, charges, réparations locatives et indemnités d'occupation arrêtés au 26 septembre 2014, ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 20 mai 2014

* 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

* les entiers dépens de l'instance

- débouter la SCI Monville de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la SCI Monville à verser à Me Agnès Pannier la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

- condamner la SCI Monville aux entiers dépens.

Selon M. et Mme F., l'acte de cautionnement est nul car seul Mme F. a apposé la mention manuscrite prescrite par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, or, selon eux, lorsque plusieurs personnes se portent cautions, chacune doit écrire l'ensemble des mentions manuscrites exigées par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989. En outre, l'acte de caution ne contient pas la mention obligatoire imposée à peine de nullité par l'article L. 341-3 du code de la consommation.

Si l'acte de cautionnement de M. F. est seul annulé, il convient de considérer soutient Mme F. qu'elle a commis une erreur sur l'étendue de son obligation. En effet, lors de son engagement, elle n'avait pour ressources que le RSA et elle n'a accepté de s'engager que si M. F. l'était aussi. Mme F. affirme que son engagement était disproportionné eu égard à ses biens et revenus ce qui l'invalide nécessairement.

Dans ses conclusions du 10 juillet 2015, la SCI Monville demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 28 novembre 2014 par le tribunal d'instance de Rouen

- dire et juger que l'engagement de caution de Mme Nathalie F. est régulier

- dire et juger que M. Philippe F. a donné son consentement au cautionnement

- rejeter toutes les demandes de M. Philippe F. et de Mme Nathalie F.

- condamner solidairement ou à défaut in solidum M. Philippe F. et Mme Nathalie F. au paiement de la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- les condamner aux entiers dépens.

La SCI Monville fait valoir que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables à l'engagement de caution souscrit par les époux F. dans la mesure où elle n'est pas un établissement financier mais une SCI familiale qui ne peut être qualifiée de créancier professionnel.

M. et Mme F., selon la SCI, n'apportent aucunement la preuve de ce que Mme Nathalie F. a, seule, rédigé l'acte de caution litigieux. Quoi qu'il en soit, et même si Mme F. est bien le rédacteur de cet acte, ce dernier est signé également par M. Philippe F.. En le signant, M. F. a donné son consentement à cet engagement de caution. Les biens communs des époux F. sont ainsi engagés dans le cadre de cette garantie. Mme F. ne démontre nullement le vice du consentement qu'elle invoque et n'apporte aucunement la preuve que le fait de se porter caution, alors qu'elle connaît de prétendues difficultés financières, s'analyse en une erreur excusable.

M. Fabrice F. et Mme Laura V. n'ont pas constitué avocat, les appelants leur ont fait signifier la déclaration d'appel et leurs conclusions par actes du 09 avril 2015 déposés en l'étude de l'huissier.

SUR CE

La SCI Monville soutient être une SCI familiale ce que les appelants ne contestent pas, il n'est pas démontré qu'elle a agi à titre professionnel, de sorte que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables à la présente espèce.

Seul l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 s'applique, cet article précise que 'la personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte et de la reproduction manuscrite de l'alinéa précédent. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement'.

Les mentions manuscrites doivent émaner de la caution elle même, permettant de retenir qu'elle a eu sans équivoque connaissance de l'étendue et de la nature de son engagement ; chaque personne qui se porte caution doit faire précéder sa signature de la reproduction manuscrite par elle même des mentions ci dessus rappelées.

Il n'est pas contesté que seule Mme Nathalie F. a rédigé la mention manuscrite sur l'acte de caution contesté, même si M et Mme F. ont signé tous deux sous cette seule mention ; si en en tête de la mention manuscrite figurent 'je soussigné Mr et Mme F. Philippe déclare me porter caution', cela est insuffisant à établir que M. P. s'est valablement porté caution au regard des règles imposées par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989.

Mme F. est ainsi seule engagée en qualité de caution, le fait que M. F. n'ait pas rédigé la mention manuscrite ne pouvant entraîner la nullité de l'engagement de caution de celle ci.

L'article 1415 du code civil dispose que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres.

Dès lors, en signant l'engagement de caution de son épouse, M. Philippe F. a donc donné son consentement à l'engagement de caution et pour que soient engagés les biens communs, seuls ses biens propres ne l'étant pas. S'agissant d'un problème d'exécution, il n'y a pas lieu à condamnation.

Mme F. s'est engagée comme caution au profit de son fils M. Fabrice F., elle n'établit pas qu'elle aurait fait dépendre son consentement de l'engagement pris par son époux, ni qu'elle aurait commis une erreur en s'engageant dans la mesure où la mention manuscrite qu'elle a rédigée l'informe parfaitement de ses obligations. En outre, M. F. ayant donné son consentement à son engagement de caution, les biens communs seront engagés.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. F. en sa qualité de caution, à payer à la SCI Monville la somme de 6.158.78 € au titre des loyers, charges, réparations locatives et indemnités d'occupation arrêtés au 26 septembre 2014, ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 20 mai 2014, la condamnation de Mme F. sera confirmée, étant précisé que le montant des condamnations n'est pas contesté.

Mme F. ne peut invoquer l'article L. 341-4 du code de la consommation pour voir dire son engagement disproportionné, les dispositions du code de la consommation ne lui étant pas applicables.


Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux indemnités de procédure et dépens de première instance, en cause d'appel M. et Mme F. supporteront les dépens et devront verser à la SCI Monville une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à la somme de 500 €.


PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt par défaut,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. Philippe F. à payer à la SCI Monville la somme de 6.158.78 € au titre des loyers, charges, réparations locatives et indemnités d'occupation arrêtés au 26 septembre 2014, ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 20 mai 2014 ;

Le confirme sur les autres dispositions ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant :

Dit que seul l'engagement de caution de Mme Nathalie M. épouse F. est régulier ;

Déboute la SCI Monville de sa demande en paiement à l'encontre de M. Philippe F. au titre des sommes dues en exécution du bail ;

Dit que M. Philippe F. a donné son consentement au cautionnement donné par son épouse ;

Condamne in solidum M. Philippe F. et Mme Nathalie M. épouse F. à payer à la

SCI Monville la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne in solidum M. Philippe F. et Mme Nathalie M. épouse F. aux dépens de la procédure d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.

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