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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 13 septembre 2018, n° 17/01621

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SCP Christophe ANCEL

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Picard

Conseiller :

Mme Rossi

Conseiller :

M. Bedouet

Avocat :

Me Ingold - SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS

Avocat :

Me Chassin - AARPI CHASSIN COURNOT VERNAY

CA Paris n° 17/01621

12 septembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Lir Packaging, créée en décembre 1987, est une Sas ayant pour activité la fabrication d'emballages en matière plastique.

Par jugement rendu le 21 septembre 2009, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Lir Packaging.

Par un second jugement en date du 19 octobre 2009 le tribunal de commerce de Melun a converti cette procédure de sauvegarde en redressement judiciaire.

Par jugement en date du 18 octobre 2010, le tribunal de commerce de Melun a arrêté le plan de redressement par continuation de l'entreprise sous certaines conditions, notamment sous le cautionnement personnel de Monsieur Alain M. en sa qualité de représentant légal de la société, à hauteur de 40.000 euros afin de garantir le paiement du passif restant dû en cas de résolution du plan.

Le même jour monsieur M. signait un acte de cautionnement dans les termes suivants:

Je soussigné Monsieur Alain M.,

Né le 02/01/1949 à [Adresse] 10°

Demeurant 15, Allée de la Pépinière 78690 Saint Rémy l'Honoré,

Déclare en ma qualité de Président, me porter caution de la SAS Lir Packaging 12, avenue de la Voulzie 77160 Provins.

Avec renonciation au bénéfice de discussion et de division pour les obligations résultant du plan de continuation qui lui serait consenti par le Tribunal de Commerce de Melun au cours de l'audience du 18.10/2010 dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouvrert par jugement en date du 19/10/2009.

Cet engagement est donné pour une somme de 40.000 € (raturé) (quinze mille Euros (barré) quante mille Euros)

Fait à Provins le 18 octobre 2010.

Signature

Par jugement en date du 18 janvier 20l2, le tribunal de commerce de Melun a, sur déclaration de cessation des paiements de Monsieur M., prononcé la liquidation judiciaire de la société Lir Packaging après avoir prononcé la résolution du plan d'apurement du passif qui lui avait été consenti.

Dans ces conditions, le liquidateur a tenté, sans succès, de recouvrer auprès de Monsieur M. le cautionnement consenti à hauteur de 40.000 euros.

Suivant exploit d'huissier de justice en date du 16 novembre 2015, la Scp Christophe A., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Lir Packaging, a fait assigner Monsieur M. aux fins de le voir condamner à lui payer notamment la somme de 40.000 euros outre intérêts à compter du 3 octobre 2012, ainsi que la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 21 novembre 2016 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Melun a jugé que le liquidateur de la société Lir Packaging n'avait pas la qualité de créancier professionnel, de sorte que les dispositions du code de la consommation ne pouvaient s'appliquer, que l'acte de cautionnement de Monsieur M. était valable dès lors que l'engagement de caution de 40.000 euros est précisé dans le jugement en date du 18 octobre 2010 qui lui a été signifié et dont aucun appel n'a été interjeté, et qu'au surplus un acte séparé d'engagement de caution a été rédigé par ses soins précisant la portée de son engagement, que le liquidateur de la société Lir Packaging ne justifiait pas d'un préjudice distinct du simple retard de paiement lequel est indemnisé par l'allocation de l'intérêt au taux légal et que la situation financière de Monsieur M. justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 1244-1 du Code Civil.

Ce faisant, le tribunal de commerce de Melun a, d'une part condamné Monsieur M. à verser à la Scp Christophe Ancel, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Lir Packaging, la somme de 40.000 euros en sa qualité de caution personnelle, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 octobre 2012, payables en 24 mensualités égales à compter de la signification du jugement, et, d'autre part, dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour résistance abusive.

Selon déclaration en date du 19 janvier 2017, Monsieur M. a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 26 mai 2017, la Scp Christophe Ancel a demandé au conseiller de la mise en état d'ordonner la radiation du rôle de l'affaire dès lors que l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel.

Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 13 septembre 2017, M. M. a demandé au conseiller de la mise en état de constater que l'intimé n'avait pas conclu dans le délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile, et de le juger en conséquence irrecevable à conclure.

Par ordonnance rendue le 28 septembre 2017, le conseiller de la mise en état a débouté la Scp Christophe Ancel de sa demande de radiation et l'a déclaré irrecevable à conclure au fond.

Dans ses dernières conclusions au fond auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 19 avril 2017, M. M. demande à la Cour'de :

- infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Melun rendu le 22 novembre 2016 en toutes ses dispositions,

En conséquence':

- débouter la Scp Christophe Ancel de toutes ses demandes, fins et conclusions et en particulier':

dire et juger que la Scp Christophe Ancel agit en qualité de créancier professionnel et que les dispositions du code de la consommation s'appliquent ;

- dire et juger que la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution du 18 octobre 2010 n'est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ;

- dire et juger irrégulière la mention manuscrite portée en toutes lettres du montant de l'engagement de caution du 18 octobre 2010 ;

- dire et juger en conséquence, sur le fondement des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation et de l'article 1326 du Code civil que l'engagement de caution est nul et que M. Alain M. est déchargé de son engagement de caution ;

- condamner la Scp Christophe Ancel à payer à M. M. une somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépenses d'appel qui seront recouvrées, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur l'application du droit de la consommation

L'appelant soutient en premier lieu que son acte de cautionnement est irrégulier au regard du droit de la consommation. Il fait ainsi valoir, d'une part, que le droit de la consommation est applicable à l'espèce dès lors que l'intimé a la qualité de créancier professionnel au sens de l'alinéa 3 de l'article préliminaire du code de la consommation et d'autre part qu'il est nul au vu des dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dès lors que sa signature n'est pas précédée des mentions manuscrites imposées par lesdits articles.

Enfin, l'appelant précise que son acte de cautionnement ne comporte aucune mention de la durée de l'engagement.

La cour rappelle qu'un créancier professionnel au sens de l'article L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation est un créancier dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si elle n'est pas principale.

En l'espèce ce sont les créanciers de la société Lir Packaging figurant dans la plan de continuation qui sont les bénéficiaires du cautionnement, ces créanciers étant représentés dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire par la Scp Christophe Ancel, mandataire judiciaire.

La Scp Ancel, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Lir Packaging puis de commissaire à l'exécution du plan puis de mandataire liquidateur, remplit tous les critères de la définition donnée par une jurisprudence constante au créancier professionnel. Les créances figurant dans le plan d'apurement du passif sont l'objet même de l'exercice de sa profession.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté les dispositions du code de la consommation sur ce fondement.

Sur la nullité du cautionnement

Monsieur M. soutient en second lieu que son acte de cautionnement est nul en application du droit commun, et en particulier aux termes des dispositions de l'article 1326 du code civil, dès lors que la mention du montant du cautionnement en toutes lettres comporte des ratures et des rajouts rendant incertaine la détermination de l'étendue du cautionnement.

Aux termes des dispositions de l'article L 341-2 du code de la consommation 'Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même."

L'article L 341-2 est limité aux actes sous seing privé et exclut les engagements qui résulteraient d'un acte authentique.

L'article L 341- 3 du même code est relatif à la clause de solidarité.

En l'espèce, la cour relève que monsieur M. a signé le 18 octobre 2010 un engagement de caution pour une somme de 15.000 euros pour les obligations qui résulteraient du plan de continuation 'qui lui serait consenti par le Tribunal de Commerce de Melun au cours de l'audience du 18/10/2010 dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire (...)'.

Il résulte des termes de cet engagement que celui ci était antérieur à l'audience du tribunal de commerce et donc au jugement.

Le jugement du 18 octobre 2010 arrête le plan de redressement aux conditions suivantes : '(...) - caution personnelle de Mr M. Alain en sa qualité de représentant légal de l'entreprise Sté LIR PACKAGING, à hauteur de QUARANTE MILLE EUROS (40.000. 00 euros) , dans le but de garantir le paiement du passif restant dû en cas de résolution du plan

Dit que Mr M. Alain devra justifier de cette caution entre les mains du Commissaire à l'exécution du plan dans la quinzaine du présent jugement (...)'.

L'acte de cautionnement a, par la suite ou concomitamment, été modifié sur le montant de la somme cautionnée.

L'engagement de caution de monsieur M. n'a pas été recueilli dans le jugement arrêtant le plan de continuation puisqu'il y est mentionné que monsieur M. devait justifier de la caution auprès du commissaire à l'exécution du plan dans les 15 jours du jugement.

Le formalisme de l'article L 342-1 du code de la consommation doit en conséquence s'appliquer, l'engagement de cautionnement n'ayant pas été homologué par une décision de justice.

La lecture de l'acte de cautionnement montre qu'aucune des mentions prescrites par la loi n'y figure. En outre la somme cautionnée est raturée.

Il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris et d'annuler cet acte.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Monsieur M. sollicite le paiement de la somme de 1.800 euros sur ce fondement.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais qu'il a exposé et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient en conséquence de faire droit à la demande.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 22 novembre 2016 par le tribunal de commerce de Melun,

Statuant à nouveau,

ANNULE l'engagement de caution consenti par monsieur Alain M. au profit des créanciers de la liquidation judiciaire de la société Lir Packaging,

CONDAMNE la Scp Christophe Ancel, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lir Packaging à payer à monsieur Alain M. la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

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