CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 10 mai 2023, n° 20/00976
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
S.C.P. GARNIER
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseiller :
M. Berthe
Conseiller :
Mme Girousse
Avocat :
Me Tixier-Vignancour
Avocat :
Me Guerreau - SELARL PONTAULT LEGALIS
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous-seing privé du 18 septembre 2015, M. [L] [G] a consenti à la société Le Relais Gourmand un bail commercial portant sur des locaux à destination de « crêperie, petite restauration et vente à emporter (sandwichs, salades) » situés [Adresse 1]), moyennant un loyer annuel de 14.400 euros HC.
Ce bail est intervenu dans le cadre de l'acquisition d'un fonds de commerce de « crêperie, préparation et vente à emporter, salades » exploité à cette adresse, consenti par la société la Fourchette Gourmande au profit de la société Le Relais Gourmand, suivant acte notarié du 23 septembre 2015.
La société Le Relais Gourmand a constaté, après la prise de possession des lieux, que les locaux concernés ne disposaient d'aucune extraction.
Suite à l'absence de solution amiable, la société Le Relais Gourmand a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux aux fins d'être autorisé à suspendre le paiement de ses loyers.
Par exploit du 28 juin 2016, la société Le Relais Gourmand a fait assigner à comparaître M. [L] [G] devant le tribunal de grande instance de Meaux aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire du contrat de bail aux torts de M. [L] [G] et d'obtenir l'indemnisation du préjudice en résultant.
Par exploit du 12 septembre 2017, M. [L] [G] a fait assigner à comparaître Mme [I] [M] en intervention forcée aux fins de, notamment, voir ordonner la jonction entre ces deux procédures, débouter la société Le Relais Gourmand de toutes ses demandes, prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial aux torts du preneur avec toutes conséquences de droit attachées.
La jonction entre ces deux dossiers a été prononcée par ordonnance du 5 février 2018.
Le 14 mai 2018, la société Le Relais Gourmand a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, maître [D] [N] étant désignée en qualité de liquidateur.
Par jugement du 28 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Meaux a :
- rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;
- prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial du 18 septembre 2015 aux torts de la société Le Relais Gourmand ;
- fixé au passif de la société Le Relais Gourmand prise en la personne de maître [D] [N], son mandataire judiciaire, la somme de 29.680 euros pour solde locatif arrêté au 31 mai 2018, compte non tenu de la provision allouée par l'arrêt du 29 mars 2018 mais déduction faite du montant du dépôt de garantie ;
- condamné Mme [I] [M], ès-qualité de caution de la société Le Relais Gourmand à payer à M. [L] [G] la somme de 27.162,25 euros pour solde des loyers et charges dus au 31 mai 2018 ;
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
- condamné in solidum la société Le Relais Gourmand prise en la personne de maître [D] [N] son liquidateur et Mme [I] [M] à payer à M. [L] [G] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Le Relais Gourmand prise en la personne de maître [D] [N] son liquidateur et Mme [I] [M] aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Pontault Legalis en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 2 janvier 2020, la société Garnier [N] et Mme [I] [M] ont interjeté appel total du jugement.
Par conclusions déposées le 8 juin 2020, M. [L] [G] a interjeté appel incident partiel du jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 septembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées le 9 mars 2020, par lesquelles la société Garnier [N] et Mme [I] [M], appelantes à titre principal et intimées à titre incident, demandent à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau de,
- déclarer Maître [D] [N], ès-qualité de liquidateur de la société le Relais Gourmand recevable et bien fondée en ses demandes ;
- prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial en date du 18 septembre 2015 portant sur des locaux sis [Adresse 1] aux torts exclusifs de Monsieur [L] [G], bailleur ;
- débouter M. [L] [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de Maître [D] [N], ès-qualité de liquidateur de la société le Relais Gourmand ;
- condamner M. [L] [G] à payer à Maître [D] [N], ès-qualité de liquidateur de la société le Relais Gourmand, la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- juger nul l'engagement de caution souscrit par Madame [I] [M] ;
En conséquence,
- débouter M. [L] [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de Madame [I] [M] ;
Subsidiairement,
- limiter la condamnation de Madame [I] [M] au bénéfice de M. [L] [G] au montant des loyers impayés, à l'exclusion de toute somme due au titre des indemnités d'occupation ;
- ordonner la compensation des sommes dues par Madame [I] [M] au titre des loyers impayés avec le dépôt de garantie versé par le débiteur principal à concurrence de 3.600 euros, et avec la créance détenue par lui au titre des matériels non restitués à concurrence de la somme de 5.000 euros ;
En tout état de cause,
- condamner M. [L] [G] à payer à Maître [D] [N] ès-qualité de liquidateur de la société le Relais Gourmand, la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [L] [G] à payer à Madame [I] [M] la somme de 7.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner en tous les dépens de première instance et d'appel.
Vu les conclusions déposées le 17 juin 2020, par lesquelles M. [L] [G], intimé à titre principal et appelant à titre incident, demande à la Cour de :
- déclarer Maitre [D] [N] ès-qualité de liquidateur de la société le Relais Gourmand irrecevable en sa demande de résiliation judiciaire du bail commercial du 18 septembre 2015 et la débouter en conséquence de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions non contraires ;
Subsidiairement :
- déclarer recevoir mais mal fondée la société Le Relais Gourmand et Mme [M] en leur appel ;
- les débouter de toutes leurs demandes fins et conclusions ;
- confirmer en conséquence le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux en date du 18 novembre 2019 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial du 18 septembre 2015 aux torts de la société Le Relais Gourmand ;
- fixer au passif de la société le Relais Gourmand prise en la personne de Maitre [D] [N]
son mandataire judiciaire à la somme de 29.680 euros pour solde locatif arrêté au 31 mai 2018 compte non tenu de la provision allouée par l'arrêt du 29 mars 2018 mais déduction faite du montant du dépôt de garantie la créance de Monsieur [G] ;
- condamner Madame [M] ès-qualité de caution de la société Le Relais Gourmand à payer à Monsieur [L] [G] la somme de 27.162,25 euros pour solde des loyers et charges dus au 31 mai 2018 ;
Y ajoutant,
- condamner in solidum la société le Relais Gourmand prise en la personne de Maitre [D] [N] son liquidateur et Madame [M] à payer à Monsieur [L] [G] la somme complémentaire en cause d'appel de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre condamnation aux dépens d'appel dont distraction requise au profit de la société Pontault Legalis, Avocat aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.
Sur l'irrecevabilité de la demande des appelantes relatives à la résiliation judiciaire du bail,
L'intimé expose, sur appel incident, que la demande de résiliation judiciaire est irrecevable dès lors que maître [D] [N], ès-qualité de liquidateur de la société Relais Gourmand, a acquiescé aux termes de l'arrêt rendu par la cour d'appel le 29 mars 2018, lequel a constaté la résiliation du bail ; qu'elle a sollicité l'interruption de la poursuite du bail à compter du 31 mai 2018, celle-ci étant irrecevable à agir en résiliation judiciaire du bail par application de l'article 122 du code de procédure civile ; que sa demande de résiliation judiciaire est donc devenue sans objet ; que l'arrêt a force de chose jugée en l'absence de recours.
Les appelantes exposent que l'arrêt de la cour d'appel rendu le 29 mars 2018 sur appel d'une ordonnance de référé, a un caractère provisoire et que le juge du fond a pris une décision contraire.
Sur la résiliation judiciaire du bail,
Les appelantes exposent qu'elles sont bien fondées à solliciter la résolution judiciaire aux torts exclusifs du bailleur et sa déchéance de son droit à percevoir des loyers compte tenu du manquement à son obligation de délivrance ; qu'en revanche la demande de résiliation judiciaire de M. [G] ne figurait pas dans ses conclusions en première instance ; que le tribunal a ainsi statué ultra petita en violation de l'article 4 du code de procédure civile en prononçant la résiliation judiciaire du bail.
Elles exposent que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance ; que la charge de la preuve d'une délivrance conforme incombe au bailleur ; qu'une telle preuve n'est pas rapportée ; que les locaux ne disposait pas d'un système d'extraction de l'air vicié ; que l'existence d'un conduit d'extraction est obligatoire pour tout établissement de petite restauration, disposant en outre d'une capacité excédant les 20 kilowatt-heures ; que l'absence de conduit n'a pas été visible lors des visites préalables ; que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance même après la réalisation de travaux car il n'a pas réalisé entièrement l'installation d'une extraction ; que le conduit installé n'est pas conforme en ce qu'il ne débouche pas à plus de huit mètres du premier ouvrant ; qu'il ne justifie pas avoir installé un moteur pour extraire les fumées.
L'intimé expose que les loyers et charges sont restés impayés malgré la réalisation des travaux de mise en conformité permettant l'exploitation des lieux ; que ces éléments justifient la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la société preneuse ; que la société le Relais Gourmand méconnaît les termes du bail en ce qu'elle a déclaré avoir parfaitement connu les locaux après les avoir visités, renonçant ainsi à élever toute réclamation fondée sur une erreur dans la désignation des locaux ; que Mme [M] a pu se rendre compte lors de ses visites que le système d'extraction était une hotte à recyclage d'air ; qu'il appartenait au preneur, par application du bail, de pourvoir à l'installation d'un mode d'extraction de l'air vicié afin de se conformer aux exigences d'hygiène, de sécurité et de mise en conformité ; que la société le Relais Gourmand n'a jamais eu l'intention d'exploiter réellement le fonds de commerce, lequel a été exploité jusqu'au mois de mars 2016 ; que le mur a été percé.
Sur les dommages et intérêts,
Les appelantes sollicitent le paiement de la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts, en considération du prix d'acquisition du fonds de commerce à hauteur de 20.000 euros, de la diminution constante du chiffre d'affaires de la société en raison des clients incommodés, de l'absence de restitution de ses biens et du montant de loyers versés à hauteur de 7.200 euros.
L'intimé expose que les demandes sont infondées en ce que le lien de causalité n'est pas certain entre les incidents relatifs au système d'extraction et la baisse du chiffre d'affaires ; que c'est la propre turpitude du preneur qui a fait perdurer son éventuel préjudice.
Sur la condamnation de la caution,
L'intimé expose que Mme [M] devra être condamnée en sa qualité de caution à payer la somme de 27.162,25 euros pour solde des loyers et charges dû au 31 mai 2018 ; que les dispositions de l'article L.341-2 du code de la consommation ne sont pas applicables dans le cadre d'un bail commercial, lesquelles sont uniquement applicables à l'égard d'un créancier professionnel, ce que n'est pas le concluant ; que la caution ne pouvait ignorer la portée et la durée de son engagement en ce qu'elle avait la qualité de gérante du preneur des locaux ; que la première page de l'acte de cautionnement fait mention explicite de la durée du bail, laquelle est l'étendue temporelle de l'engagement ; que l'étendue matérielle de celui-ci ne pourra pas être modifié dès lors qu'il vise « la dette », laquelle est une notion générale s'étendant à toute somme ; que la somme versée au titre du dépôt de garantie a déjà été portée au crédit de la dette locative ; que le bailleur ne fait qu'exercer son droit de rétention sur les biens de son débiteur principal.
Les appelantes exposent que l'acte de cautionnement est nul en ce que la mention manuscrite indiquée à l'acte ne respecte pas les conditions posées à l'article L.341-2 du code de la consommation ; que la durée précise de l'engagement de la caution et son montant maximal sont absents ; qu'il n'est pas établi que M. [G] ait une activité professionnelle distincte de celle d'investisseur immobilier ; qu'à titre subsidiaire, l'étendue de la somme garantie doit être limitée en ce que Mme [M] s'est engagée à garantir « la dette, des réparations locatives, et des frais éventuels de procédure, pour le paiement du loyer charges comprises s'élevant à ce jour à 1.280 euros, et de sa révision chaque année » ; que cette mention ne prévoit pas la garantie au titre d'indemnités d'occupation, la somme à garantir se limitant ainsi à celle de 7.680 euros ; que par application de l'article 1347-6 du code civil, la caution s'estime bien fondée à solliciter la compensation entre les sommes dues et celle de 3.600 euros versées à titre du dépôt de garantie par la société le Relais Gourmand, celle de 1.500 euros représentant les biens d'exploitation conservés par le bailleur et celle de 5.000 euros représentant la créance détenue par la société le Relais Gourmand au titre du matériel non restitué.
Motifs de l'arrêt :
Sur la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée :
La cour d'appel de Paris a par arrêt du 29 mars 2018 statué sur l'appel de l'ordonnance de juge des référé de Meaux du 19 août 2016. Ce faisant, la cour n'a pu statuer que dans les limites du pouvoir de la juridiction dont la décision était frappée d'appel, soit le juge de référé. Il s'ensuit que tant le premier juge que la cour statuaient au provisoire comme le prévoit l'article 484 du code de procédure civile, la cour n'ayant pas plus de pouvoir que le juge qui a rendu l'ordonnance. Dès lors que l'article 488 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de chose jugée, dès lors, le moyen tirée de la chose jugée de l'arrêt du 29 mars 2018 ne peut prospérer. En outre et comme le relève le premier juge, la cour dans son arrêt du 29 mars 2018 avait statué sur l'acquisition de la clause résolutoire après délivrance infructueuse d'un commandement de payer du 29 juin 2016 et pas sur une demande en résiliation judiciaire.
La fin de non-recevoir invoquée sera donc rejetée.
Sur la résiliation judiciaire du bail au torts du preneur :
Il résulte des conclusions de première instance du bailleur du 3 janvier 2019 que ce dernier ne demandait pas la résiliation judiciaire du bail mais la confirmation l'arrêt du 29 mars 2018 qui avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail au « 29 juillet » 2016 par l'effet du commandement de payer de « 29 juin » 2016 demeuré infructueux.
En ce sens, le tribunal judiciaire de Meaux, qui a prononcé la résiliation judiciaire du bail aux torts du preneur à effet au 28 novembre 2019, a ce faisant statué ultra petita, cette demande de résiliation judiciaire aux torts du preneur n'ayant été formée par aucune des parties. Dès lors, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire aux torts du preneur :
Selon les articles 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat et 1728 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de deux obligations principales, soit d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et de payer le prix du bail aux termes convenus. L'article 1225 du code civil dispose que la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat, que la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse et que la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. L'article L 145-41 du code de commerce dispose quant à lui que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux et que le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l'espèce, le bailleur demande la confirmation l'arrêt du 29 mars 2018 qui avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail dans le délai d'un mois suivant la délivrance d'un commandement de payer infructueux. Il est constant que le bailleur a fait délivrer le 13 juin 2016 (et non au 29 juin, pièce n° 8 du bailleur) au preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 5 805,08 € (loyers impayés depuis mars 2016) et il résulte des pièces produites et des débats que la société le Relais Gourmand n'a pas été en mesure d'apurer les causes du commandement dans le mois de sa signification. En outre, l'ordonnance exécutoire de référé du 19 août 2016, qui autorisait rétroactivement la suspension du paiement des loyers à compter du 1er avril 2016 a été infirmé par l'arrêt du l'arrêt du 29 mars 2018 de la cour d'appel de Paris, de sorte que les loyers étaient effectivement exigibles.
L'infraction au bail reprochée par le commandement de payer est ainsi caractérisée et il y a donc lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail à compter du 13 juillet 2016.
Sur l'obligation de délivrance du bailleur :
Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée. Il en résulte que la chose louée doit être délivrée conformément à la destination du bail et pour l'usage auquel elle est prévue.
En l'espèce, la clause du bail du 18 septembre 2015 portant sur la destination des lieux destine les locaux à l'activité suivante : « crêperie, petite restauration et vente à emporter (sandwichs, salades) ».
Il en résulte que le bailleur s'obligeait à délivrer au preneur un dispositif d'évacuation des fumées nécessaire aux activités de crêperies et de petite restauration au titre de sa seule obligation de délivrance et indépendamment des normes réglementaires applicables.
La clause stipulant que le « bénéficiaire prendra les lieux dans l'état où ils se trouvent » n'est par ailleurs pas de nature à exonérer le bailleur de son obligation de délivrance.
Selon acte non contradictoire du 12 février 2016, le preneur faisait constater que son local était enfumé et que la cuisine était équipée d'une hotte aspirante équipée d'une cartouche amovible absorbant les fumées. Le constat ne précise pas si la hotte était en fonction ni si le filtre était entretenu.
Le 29 mars 2016, le preneur faisait assigner le bailleur en référé en arguant que le bailleur avait manqué à son obligation de délivrance.
Le propriétaire faisait également constater le 23 et 24 juin 2016 que le local loué était fermé, les commerçant voisins indiquant que l'exploitant semblait avoir définitivement quitté les lieux qui n'étaient plus exploités depuis plusieurs semaines, voir mois.
Le 19 août 2016, le juge des référés de Meaux autorisait la suspension du paiement des loyers à compter du 1er avril 2016 jusqu'à la mise en conformité des locaux par le bailleur.
Le 6 octobre 2016, le bailleur faisait constater la pose d'une gaine d'extraction des fumées dont le raccord à la hotte était obturé par les aménagements du preneur.
Le bailleur fournissait la facture de pose de la gaine du 11 octobre 2016 pour un montant de 2 112 €.
Le 18 octobre 2016, le bailleur informait par courrier le preneur qu'au égard au jugement de référé du 19 août 2016, il avait fait procéder à la pose d'une gaine d'évacuation des fumées.
Par courrier du 6 novembre 2016, le bailleur confirmait au preneur que la gaine d'extraction avait été posée par une entreprise spécialisée et qu'il avait obtenu toutes les autorisations administratives nécessaires.
Le bailleur produit un devis du 23 décembre 2016 relatif à un projet de fourniture et de pose d'une hotte de cuisine destinée à être raccordée à l'évacuation.
Le 22 mars 2017, le preneur faisait constater que les fumées absorbées par l'extracteur sont directement rejetées dans la salle de fonds de commerce, salle qui n'est équipée d'aucune bouche d'aération ni de VMC.
Le preneur produit un devis du 6 avril 2017 faisant état de la nécessité de remplacer le conduit extérieur posé car « sous dimensionné » (diamètre 125 mm) par un conduit de 315 mm de diamètre puis son raccordement à la hotte intérieure.
Le bailleur faisait constater que les 5,7,15,20 et 24 avril le commerce était fermé, les riverains confirmant que le commerce était fermé depuis plusieurs mois et que le fonds de commerce était mis en vente depuis le 6 janvier 2016.
Le preneur a été formellement expulsé selon procès-verbal du 1er juin 2018 et les clefs du local ont été restituées la veille par le liquidateur de la société LE RELAIS GOURMAND à Monsieur [L] [G], propriétaire.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il incombait au seul bailleur de délivrer un local présentant un équipement conforme à la destination des lieux et qu'en dépit d'une mise en 'uvre partielle d'une gaine extérieure et d'un projet de raccord de ladite gaine à une nouvelle hotte, la finalisation d'un système d'évacuation des fumées de cuisson n'a jamais aboutie. Par conséquent, il est constaté que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance.
À la date du présent arrêt, la cour ne peut que constater que la bail avait pris son terme au 13 juillet 2016 du fait de l'acquisition de la clause résolutoire et la demande de résiliation judiciaire du bail déjà résolue se trouve dès lors être à ce jour infondée.
Sur la demande en dommages et intérêts du RELAIS GOURMAND :
Il résulte des éléments produits aux débat que le preneur a acquis les éléments incorporels de son fonds à l'exclusion du matériel pour la somme de 7 851 €, que celui-ci a effectivement exploité le fonds d'octobre 2015 à mars 2016, le fonds présentant un chiffre d'affaires mensuel moyen de 1897 € et ayant chuté de 95 % sur la période.
Il en résulte que le défaut d'extraction des fumées n'a pas empêché le preneur d'exploiter de façon absolue son commerce mais que cependant cette absence de système d'extraction des fumées a nécessairement entravé l'exploitation normale du commerce et le développement de l'activité du preneur. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il conviendra de fixer le préjudice du preneur à la somme de 9 00 € .
Sur les comptes entre les parties :
La cour d'appel de Paris, statuant provisoirement en appel sur référé, a estimé que le bail avait pris fin le 29 juillet 2016 et avait condamné le preneur au paiement d'une l'indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer charges en sus à compter de cette date. Le tribunal de grande instance de Meaux ' statuant sur le fond - a considéré que le bail n'avait pris fin qu'à compter de la résiliation judiciaire qu'il prononçait lui-même à compter du 28 novembre 2019 et a considéré que le loyer et les charges du bail restait donc exigibles de mars 2016, date d'interruption du paiement des loyers jusqu'à la libération des locaux intervenue au 1er juin 2018. Dès lors, que le tribunal avait refuser de constater l'acquisition de la clause résolutoire et que les locaux avaient été restitués, il n'a pas statué sur l'indemnité d'occupation due à compter de la résolution du bail, la fixation d'une indemnité d'occupation ne lui étant d'ailleurs pas demandée ni par le bailleur, ni a fortiori par le preneur. À hauteur d'appel, l'intimé persiste à bon droit à soutenir que la clause résolutoire a été acquise à l'expiration du mois suivant son commandement de payer du 13 juin 2016 tout en persistant également à ne solliciter que l'arriéré correspondant aux seuls loyers et charges impayés et ne demande pas la condamnation du preneur à une indemnité d'occupation. Les appelants sollicitent l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a arrêté le dette locative à 29.680 € et n'offrent rien au principal à ce titre. Faute pour le bailleur d'avoir tiré les conséquences de sa demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire dès le mois de juillet 2016, en sollicitant une indemnité d'occupation, la cour ne pourra donc statuer ultra petita et ne prendra en compte que les seuls loyers qui sont sollicités outre les charges.
Le bailleur ne fournit aucun décompte actualisé mais il est toutefois établi que le preneur ne s'est plus acquitté du loyer de 1200 € mensuel depuis mars 2016 jusqu'au terme du bail, en juillet 2016 inclus, soit 5 mois. À l'expiration du bail, le preneur était donc redevable d'une dette de loyer de 6000 € (1200 € x 5 mois). Il est par ailleurs établi que le preneur ne s'est plus acquitté de la provision pour charges de 80 € prévues par le bail depuis mars 2016 ni d'aucun règlement au titre des charges jusqu'à la restitution des clés, intervenue le 31 mai 2018, soit 22 mois. Toutefois, le bailleur ne produit aucun décompte de charges (la pièce n° 28 annoncée d'auto-décompte ne figurant pas au dossier de plaidoirie) ni surtout de justification de celles-ci sur la période. Le quantum de la dette de charges n'est donc pas démontré. La dette du preneur s'établit donc à la somme de 6 000 €, de laquelle il convient de retrancher le montant du dépôt de garantie (3600 €). En outre, il est établi que M. [L] [G] a bénéficié de la vente des actifs corporels du preneur laissés dans les locaux pour un montant de 1 500 €. Il conviendra en outre de déduire de la créance du preneur les dommages-intérêts alloués au titre du défaut de délivrance, soit 900 €.
La créance de M. [L] [G] est donc nulle (6 000 € - [3600 € +1500 €+ 900 €]) et aucun montant ne sera dès lors à inscrire au passif de la société « Le Relais Gourmand » .
Sur la demande de condamnation de Madame [I] [M] en qualité de caution :
Il résulte de l'article L.341-2 du code de la consommation que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : " En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même."
Il ressort de la lecture de l'acte distinct de caution solidaire, signé le 18 septembre 2015, que Mme [I] [M] a déclaré par mention manuscrite ' [s]e porte[r] caution solidaire sans bénéfice de discussion et de division pour la durée du contrat initial et de son renouvellement, pour un montant égal à la dette, des réparations locatives, et des frais éventuels de procédure, pour le paiement des loyers charges comprises, s'élevant à ce jour à 1280 € et de sa révision chaque année sur la base de l'indice ICC selon la référence figurant au contrat du 1er trimestre 2015, d'une valeur de 1632, ces obligations résultant du bail dont j'ai reçu un exemplaire. Je confirme avoir une parfaite connaissance de la nature et de l'étendue de mon engagement ».
Le bail du 18 septembre 2015 a en outre été consenti par M. [L] [G], en qualité de personne physique et il est bénéficiaire de la caution au même titre.
Il résulte de ces éléments que M. [L] [G] n'a pas qualité de créancier professionnel et, dès lors, il ne saurait être fait application de l'article L.341-2 du code de la consommation au cas d'espèce, l'acte de caution n'encourant pas la nullité ou n'étant pas réputé non écrit à ce titre.
En outre, Mme [I] [M] a eu connaissance de la durée pour laquelle elle s'engageait, soit la durée du bail (9 ans) qui est stipulée clairement dans l'engagement de caution ainsi que des montants de son engagement, soit 14 400 € par an au titre des loyers et 960 € par an au titre des charges.
Toutefois, Mme [I] [M] ne saurait être actionnée en qualité de caution dès lors que la société Le Relais Gourmand n'est plus débitrice d'aucune somme à l'égard M. [L] [G].
Sur la demande de « juger » :
Par application de l'article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « juger » qui ne constituent pas des prétentions mais ne sont en réalité que le rappel de moyens invoqués.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les parties succombant toutes partiellement à hauteur d'appel, il y a lieu de leur laisser la charge de leurs dépens. Il apparaît dès lors équitable de leur laisser également la charge de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée portant sur la demande de résiliation judiciaire du bail commercial formée par Me [D] [N] es qualité de liquidatrice de la SAS LE RELAIS GOURMAND,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 28 novembre 2019 du tribunal de grande instance de de Meaux.
Statuant à nouveau,
CONSTATE l'acquisition de la clause résolutoire du bail à compter du 13 juillet 2016,
REJETTE les demandes de résiliation judiciaire du bail,
CONSTATE le manquement de M. [L] [G] à son obligation de délivrance et en conséquence fixe la créance de la SAS Le Relais Gourmand à l'encontre de M. [L] [G] à titre de dommages-intérêts à la somme de 900 €,
DIT n'y avoir lieu de fixer aucune somme au passif de la liquidation de la SAS Le Relais Gourmand, au regard des créances réciproques de M. [L] [G] et de la SAS Le Relais Gourmand,
REJETTE la demande de condamnation de Mme [I] [M], ès qualité de caution de la SAS Le Relais Gourmand à raison du défaut de créance de M. [L] [G] sur le débiteur principal, la SAS Le Relais Gourmand,
Y ajoutant,
LAISSE aux parties la charge de leurs frais irrépétibles et de leurs dépens de première instance et d'appel,
REJETTE les autres demandes.