Cass. 1re civ., 15 octobre 2014, n° 13-20.919
COUR DE CASSATION
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocat :
SCP Gatineau et Fattaccini
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte sous seing privé du 14 mars 2007, la Société d'équipement du Biterrois et de son littoral (Sebli) a conclu avec la société CDC Béziers un contrat de location-gérance portant sur un fonds de commerce ; que, par acte sous seing privé du 2 mars 2010, M. X... s'est porté caution solidaire de la société CDC Béziers pour l'exécution des obligations nées de ce contrat ; que, le 26 janvier 2012, la Sebli a assigné M. X... en paiement des redevances restant dues par le preneur ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le cautionnement souscrit est nul au motif qu'il ne respecte pas le formalisme prescrit par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, lequel s'impose dès lors que la location-gérance consentie par la Sebli relève de ses activités professionnelles consistant en la gestion d'immeubles qu'elle acquiert et en la promotion immobilière de logements ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans mieux préciser en quoi la créance litigieuse serait née de la profession de la Sebli ou serait en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles dont il était soutenu qu'elles se limitaient à l'aménagement, la rénovation urbaine et la restauration immobilière de construction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et quatrième branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité du cautionnement souscrit par M. X... et rejeté les demandes de la Sebli, l'arrêt rendu le 16 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer la somme de 2 000 euros à la Sebli ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la Société équipement du Biterrois et de son littoral.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant dit que l'acte de cautionnement est nul et non avenu et ayant débouté la SEBLI de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la caution, Monsieur X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de l'article L.341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de..., couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens, si X.., n'y satisfait pas lui-même » ; que selon l'article L.341-3 du même code, également issu de la loi du 1er août 2003, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante: « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X... je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X... » ; que le formalisme ainsi édicté qui vise à assurer l'information complète de la personne se portant caution quant à la portée de son engagement, conditionne la validité même de l'acte de cautionnement et que son nonrespect est sanctionné par la nullité automatique de l'acte ; qu'insérés au titre IV « Cautionnement » du livre III du code de a consommation, les articles L.341-2 et L.341-3 susvisés, ne concernent pas seulement le cautionnement des prêts et opérations de crédit relevant des chapitres 1er ou II du titre III « Crédit » du livre III, relatifs au crédit à la consommation et au crédit immobilier, dont sont expressément exclus les prêts et opérations de crédit destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle ; que pour l'application de ces dispositions relatives à la mention manuscrite exigée comme condition de validité du cautionnement souscrit par une personne physique, aucune distinction n'est faite selon que l'engagement de caution est de nature civile ou commerciale ou selon que la personne physique qui s'engage pour le compte d'une société est dirigeante ou pas de celleci ; que le dispositif destiné à assurer l'information de la caution, personne physique, s'engageant par acte sous seing privé envers un créancier professionnel, ne comporte pas davantage de restriction, quant à l'objet du cautionnement ; que même si l'expression « je m'engage à rembourser au prêteur¿ », est utilisée à l'article L.341-2, il ne peut être soutenu que seul le cautionnement de prêts d'argent entre dans les prévisions de ce texte, lequel doit, en effet, être appliqué à toutes les dettes cautionnées, qu'elles procèdent ou pas d'opérations de crédit ; qu'il est, par ailleurs, de principe qu'au sens des articles L.341-2 et L.341-3, le créancier professionnel, demandeur du cautionnement, s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale ; qu'en l'occurrence, le cautionnement demandé à M. X... par la SEBLI, l'a bien été dans le cadre de l'exercice d'une des activités professionnelles exercées par celle-ci consistant en la gestion d'immeubles qu'elle acquiert puisqu'il avait pour objet de garantir le paiement des redevances dues dans le cadre du contrat de location gérance consenti à la société CDC ; que l'engagement de caution souscrit le 2 mars 2010 par M. X... ainsi libellé « Lu et approuvé pour caution personnelle, solidaire et indivisible du paiement du montant de la redevance, des frais de procédure, des indemnités d'occupation dus par la SARL CDC Béziers et de l'exécution des conditions du contrat de location-gérance pour la durée de celui-ci et de ses éventuels renouvellements », qui n'est manifestement pas conforme au formalisme prescrit aux articles L.314-2 et L. 341-3 du code de la consommation, encourt l'annulation ; que les autres moyens développés sont inopérants ; qu'il en résulte que la SEBLI ne peut qu'être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 85.273,96, augmentée des intérêts au taux légal, faite â l'encontre de M. X...,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur les dispositions de l'art. L.341-2 du Code de la consommation, les dispositions du texte sus-visés précisent : « toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n'y satisfait pas lui-même" » ; que l'acte d'engagement de Mr X... du 2 mars 2010, dûment signé par ce dernier, ne fait pas apparaître la mention précédente ; que la SEBLI prétend que cet article ne peut recevoir application ; que le cautionnement doit être en garantie d'une opération de crédit et doit être donné en faveur d'un créancier professionnel ; que cependant la jurisprudence précise que le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles ; que la définition de "l'exercice de la profession" est très large et non restrictive à une opération de crédit ; que la SEBLI est déclarée au Registre du commerce et des sociétés comme ayant une activité de promotion immobilière de logements ; que donner en location gérance un fonds de commerce lui appartenant est bien en rapport direct avec l'activité professionnelle de la SEBLI ; qu'il convient donc de dire et juger que l'art. L.341-2 du Code de la consommation s'applique en l'espèce et que l'acte de cautionnement est nul pour violation de cet article ; qu'il convient donc de débouter la SEBLI de toutes ses demandes, fins et conclusions,
1- ALORS QUE la mention manuscrite de l'article L.341-2 du Code de la consommation visant expressément « le prêteur », elle ne peut être exigée qu'en cas de cautionnement des dettes nées d'un prêt ; qu'en jugeant pourtant que cette mention manuscrite est exigée pour tout type de cautionnement, et notamment pour le cautionnement des dettes nées d'un contrat de location-gérance, la Cour d'appel a violé l'article L.341-2 du Code de la consommation par fausse application.
2- ALORS QUE la mention manuscrite de l'article L.341-2 du Code de la consommation n'est exigée qu'en présence d'un « créancier professionnel », c'est à dire d'un créancier dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles ; qu'en l'espèce, la SEBLI expliquait, extrait K-bis à l'appui, que son activité consistait en des opérations d'aménagement, de rénovation urbaine et de restauration immobilière de construction, à l'exclusion de toute exploitation d'un fonds de commerce par le biais de contrats de location-gérance ; qu'en jugeant pourtant, par motifs propres, que la SEBLI avait une activité de « gestion d'immeubles qu'elle acquiert » et que le contrat de location gérance consenti à la société CDC s'inscrivait donc dans le cadre de ses activités professionnelles, sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour étendre ainsi le champ de l'activité professionnelle de la SEBLI, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.341-2 du Code de la consommation.
3- ALORS QUE la mention manuscrite de l'article L.341-2 du Code de la consommation n'est exigée qu'en présence d'un « créancier professionnel », c'est à dire d'un créancier dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que la SEBLI avait une activité de promotion immobilière de logements, de sorte que donner en location-gérance un fonds de commerce lui appartenant était bien en rapport direct avec son activité professionnelle ; qu'en statuant ainsi par voie de pure affirmation non étayée, sans mieux préciser quel était le lien direct existant entre une activité de promotion immobilière portant sur des logements et le fait d'exploiter, par sa mise en location-gérance, un fonds de commerce, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L.341-2 du Code de la consommation.
4- ALORS, en tout état de cause, QUE la mention manuscrite apposée sur l'engagement est suffisante dès lors qu'elle reflète la parfaite information dont a bénéficié la caution quant à la nature et la portée de son engagement ; qu'en se bornant, pour conclure à la nullité du cautionnement, à relever que la mention manuscrite recopiée par Monsieur X... n'était pas exactement celle imposée par l'article L.341-2 du Code de la consommation, sans rechercher si la mention portée sur l'acte ne permettait pas de conclure que la caution avait bénéficié d'une parfaite information quant à la nature et la portée de son engagement, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L.341-2 du Code de la consommation.