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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 22 mai 2014, n° 13/00256

CAEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseiller :

Mme Beuve

Conseiller :

Mme Boissel Dombreval

Avocats :

Me Pieuchot, Me Truquet

Avocats :

Me Delcourt, SCP CHAPRON YGOUF LANIECE

CA Caen n° 13/00256

21 mai 2014

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 18 septembre 2009, M. L. a prêté à la société Afavel Voyages la somme de 50 000 euros sans intérêt, l'emprunteur s'étant engagé à rembourser cette somme au plus tard le 31 octobre 2009.

Par acte séparé du même jour, M. F., père de la gérante de la société emprunteuse, s'est porté caution solidaire de cette créance pour un montant de 50 000 euros.

Après la liquidation judiciaire de la société Afavel Voyages prononcée le 5 novembre 2009, M. L. a déclaré sa créance le 20 novembre 2009 et a mis M. F. en demeure de payer le 21 janvier 2010.

Puis, par acte du 22 février 2010, il a fait assigner celui ci en paiement devant le tribunal de grande instance de Cherbourg, lequel a, par jugement du 20 août 2012 :

• Condamné M. F. à lui payer la somme de 50 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2010, • Dit que le débiteur pourra s'acquitter de sa dette en 24 mensualités, • Ordonné l'exécution provisoire de la décision, • Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, • Condamné M. F. aux dépens.

M. F. a relevé appel de cette décision le 21 janvier 2013, en demandant à la cour de :

• À titre principal, constater qu'aucune justification n'a été apportée concernant l'admission de la créance dont se prétend titulaire M. L., • En conséquence, dire que celui ci n'est pas fondé à le poursuivre en sa qualité de caution, • À titre subsidiaire, dire que M. L. est un créancier professionnel au sens des articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation,

• Constater que la mention manuscrite portée dans l'engagement de caution du 18 septembre 2009 n'est pas conforme à ces dispositions, • Constater également le caractère disproportionné de l'engagement de M. F. au regard de ses biens et de ses revenus, • En conséquence, déclarer nul, caduc et non avenu l'engagement de caution, • À titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement de première instance en ce qu'il lui a accordé un délai de grâce, • En toute hypothèse, condamner M. L. au paiement d'une indemnité de 4 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. L. conclut quant à lui à la confirmation du jugement attaqué, sauf en ce qu'il a accordé à M. F. un délai de grâce et a rejeté sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite en outre le paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre des ses frais irrépétibles d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. F. le 7 janvier 2014, et pour M. L. le 19 juin 2013.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il ressort de la reconnaissance de dette du 18 septembre 2009, du justificatif de virement de la somme de 50 000 euros sur le compte de la société Afavel Voyages et de l'échange de correspondances électroniques entre Mme Audrey F., gérante de cette société, et M. L. que ce dernier est bien créancier de la somme de 50 000 euros.

Il est par ailleurs parfaitement recevable à agir contre la caution sans avoir à justifier de l'admission de sa créance, l'absence de vérification des créances chirographaires autorisant seulement M. F. à invoquer des exceptions inhérentes à la dette sans pouvoir se voir opposer l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance du juge commissaire.

L'acte de cautionnement du 18 septembre 2009 comporte la mention manuscrite suivante : En me portant caution de la société Afavel Voyages dans la limite de la somme de 50 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard et pour une durée expirant le 31 octobre 2009, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues si la société Afavel Voyages n'y satisfait pas elle même'.

Il est certain que cette mention méconnaît les dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dès lors que la caution n'a pas précisé qu'elle s'engageait sur ses revenus et sur ses biens, ce qui n'est pas une omission mineure et altère la compréhension de la portée de son engagement.

Cependant, ces dispositions de l'article L. 341-2 ne sont applicables qu'aux cautionnements consentis à un créancier professionnel, lequel s'entend de celui ci dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, fut elle accessoire.

Or, si M. L., agent de voyage, avait envisagé en août 2009 d'entrer dans le capital de la société Afavel Voyages, et si cette dernière était en relation d'affaires avec la société Voyages aux îles dont il était le gérant, le prêt de 50 000 euros n'a pas été consenti dans l'exercice de sa profession, exercée dans le cadre de cette société, et, en outre, n'a pas de rapport suffisamment direct avec ses activités professionnelles.

En effet, le projet d'association consistait, pour M. L., en une prise de participations de 50 % dans le capital de la société Afavel Voyages après une augmentation de capital de 7 500 euros, ainsi qu'en un apport en compte courant d'associé de 20 000 euros.

Ce projet d'association, qui n'a au demeurant pas abouti, n'incluait donc pas le crédit de trésorerie de 50 000 euros litigieux.

Ainsi que l'a à juste titre relevé le premier juge, il ressort en réalité des échanges de courriers électroniques entre M. L. et la gérante de la société Afavel Voyages que ce prêt, sans intérêt et de court terme, s'apparentait en réalité à un service rendu entre futurs associés afin de pallier ce que la gérante pensait être une difficulté passagère de trésorerie qu'elle escomptait résoudre rapidement, et non comme une modalité de la prise de participation réalisée par le prêteur en rapport direct avec ses activités professionnelles.

Dès lors que M. L. n'est pas un créancier professionnel, l'insuffisance de la mention manuscrite ne saurait entraîner la nullité du cautionnement en application de l'article L. 341-2 du code de la consommation.

En dépit de l'absence de mention manuscrite de la somme en lettres, l'acte de cautionnement constitue, en application de l'article 1326 du code civil, un commencement de preuve par écrit complété par les courriers électroniques de la gérante de la société Afavel Voyages démontrant l'existence du cautionnement donné par son père.

Ayant été précédemment démontré que M. L. ne peut être considéré comme un créancier professionnel, les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation lui sont inapplicables.

Le moyen tiré de la disproportion des engagements de la caution au regard de ses biens et de ses revenus, exclusivement fondé sur ce texte, sera rejeté.

Le premier juge a donc à juste titre condamné M. F. au paiement de la somme de 50 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 janvier 2010.

Il a également pertinemment accordé un délai de grâce à M. F., qui justifie en produisant son avis d'imposition, un avis d'actualisation de pension alimentaire et diverses factures, se trouver dans une position difficile.

Au regard de l'ancienneté de la dette au jour où la cour statue, le délai de grâce sera cependant ramené à deux mois.

Eu égard à la brièveté de ce délai, il n'y a pas lieu de prévoir de clause de déchéance du terme.

Le tribunal a équitablement laissé les frais irrépétibles de première instance à la charge de la partie qui les a exposés.

En revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. L. l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, de sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 20 août 2012 par le tribunal de grande instance de Cherbourg, sauf en ce qui concerne la durée du délai de grâce restant à courir ;

Accorde à M. F. un délai de grâce de deux mois à compter du prononcé du présent arrêt contradictoire ;

Dit n'y avoir lieu à clause de déchéance du terme ;

Condamne M. F. à payer à M. L. une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. F. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

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