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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 27 octobre 2025, n° 25/00949

BORDEAUX

Autre

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Beabat (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Masson, Mme Vallée

Avocats :

Me Fonrouge, Me Da Costa, Me Maris, Me Degioanni

T. com. Périgueux, du 16 déc. 2024, n° 2…

16 décembre 2024

EXPOSE DU LITIGE

1. La SAS [Adresse 5] propose des prestations de services en matière de conseil et d'audit en recherche de financements publics et crédits d'impôts. Dans le cadre de cette activité, elle a recours à des prestataires externes tels que des sociétés de téléprospection et un réseau d'apporteurs d'affaires ou agents commerciaux.

C'est ainsi qu'elle a contracté, le 02 novembre 2020, avec la SARL Beabat un contrat d'apporteurs d'affaires.

Les relations entre les parties se sont dégradées en cours d'exécution du contrat, la société Beabat reprochant à la société [Adresse 5] de ne pas payer les factures et de détourner plusieurs de ses clients au profit d'un autre agent commercial, tandis que la société JP Conseil Centre s'est plaint de l'irrespect par la société Beabat de la clause d'exclusivité territoriale.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 14 juin 2023, la société Beabat a démissionné de ses fonctions d'apporteur d'affaires auprès de la société [Adresse 5].

2. Par acte du 21 juillet 2023, la société Beabat a fait assigner la société [Adresse 5] devant le tribunal de commerce de Périgueux en paiement de factures impayés et de commissions illégalement détournées.

3. Par jugement du 16 décembre 2024, le tribunal de commerce de Périgueux s'est déclaré compétent et a :

- Retenu la cause,

- Débouté la société JP Conseil Centre de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société [Adresse 5] à verser à la société Beabat la somme de 13 863,64 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, jusqu'à parfait paiement,

- Condamné la société [Adresse 5] à verser à la société Beabat la somme de 135 399,16 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, jusqu'à parfait paiement,

- Ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamné la société [Adresse 5] à verser à la société Beabat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société Beabat du surplus de ses demandes,

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution,

- Condamné la société [Adresse 5] aux dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 69,59 euros TTC.

4. Par déclaration au greffe du 21 février 2025, la société JP Conseil Centre a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société Beabat.

Par ordonnance du 4 mars 2025, le président de la 4ème chambre de la cour d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la société [Adresse 5] aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe la société Beabat.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 22 septembre 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

5. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 03 septembre 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société [Adresse 5] demande à la cour de :

- Déclarer l'appel de la société JP Conseil Centre à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Périgueux du 16 décembre 2024 recevable et fondé,

- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

A titre principal,

- Déclarer le tribunal de commerce de Périgueux territorialement incompétent au profit du tribunal de commerce d'Orléans,

En conséquence,

- Renvoyer la présente affaire devant le tribunal de commerce d'Orléans à charge pour celui-ci de convoquer les parties à une date d'audience,

A titre subsidiaire,

- Débouter la société Beabat de l'ensemble de ses demandes financières infondées,

A titre subsidiaire sur la créance d'un montant de 13 863,64 euros.

- Juger que la société Beabat a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société [Adresse 5] et la condamner à l'indemniser du préjudice financier en résultant d'un montant fixé à la somme de 13 863,64 euros outre les intérêts de retard échus à titre de dommages et intérêts,

- Ordonner la compensation entre ces créances réciproques des parties,

En tout état de cause,

- Condamner la société Beabat à payer à la société [Adresse 5] la somme de 5 000 euros HT sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

6. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 02 septembre 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Beabat demande à la cour de :

Vu l'article 48 du code de procédure civile

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu l'article 1231-1 du code civil,

Vu les articles L.134-1 et suivants du code de commerce,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance rendu le 16 décembre 2024 par le tribunal de commerce de Périgueux,

En conséquence

- Débouter la société [Adresse 5] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner la société JP Conseil Centre à régler à la société Beabat la somme de 3 000 euros au titre de la procédure en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

7. L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exception d'incompétence territoriale

Moyens des parties

8. Avant toute défense au fond, la société [Adresse 5] reproche au tribunal de s'être déclaré compétent alors que l'article 11 du contrat du 02 novembre 2020 stipule de manière très apparente une clause attributive de compétence au profit des juridictions du ressort de la ville d'Orléans, la qualité des parties permettant de déterminer qu'il convient de renvoyer l'affaire au profit du tribunal de commerce d'Orléans.

9. La société Beabat conclut au contraire à la confirmation du jugement de ce chef, faisant valoir que le contrat du 02 novembre 2020 a été signé à [Localité 3], dans le département de la Dordogne (24) où la société [Adresse 5] avait, à cette date, son seul et unique établissement. Elle précise que si cette dernière a eu, par le passé, des établissements situés dans le Loiret, ils ont tous été fermés en avril 2019 et juin 2020, de sorte que c'est à la faveur d'une simple omission de mise à jour des conditions générales des contrats d'apporteurs d'affaires que la clause attributive de compétence territoriale a été conservée. Elle soutient que la société JP Conseil Centre invoque cette clause de mauvaise foi puisque son application est contraire à son objet qui a pour finalité de lui permettre de plaider devant le tribunal le plus proche de son établissement principal ainsi qu'à ses intérêts puisqu'elle serait de ce fait contrainte d'effectuer un long déplacement devant le tribunal de commerce d'Orléans. Elle ajoute qu'en toutes hypothèses cette clause ne peut lui être opposée dans la mesure où, comme l'a justement retenu le tribunal, elle n'est pas spécifiée de manière très apparente et n'indique pas précisément la juridiction compétente.

Réponse de la cour

10. Aux termes de l'article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle a été opposée.

11. En l'espèce, le contrat d'apporteur d'affaires conclu le 02 novembre 2020 entre la société [Adresse 5] et la société Beabat stipule :

'ARTICLE 11 : Attribution de juridiction et droit applicable

Tous litiges, non résolus par la voie amiable et pouvant survenir entre les parties à l'occasion de l'exécution du présent contrat, devront être portés devant les juridictions du ressort de la ville d'[Localité 6]. Seul le droit français s'applique.'

12. Il est constant que les parties au contrat ont la qualité de commerçant.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, cette clause est rédigée dans des termes très apparents et est située juste au-dessus de la signature des parties.

En outre, il est rappelé qu'une clause attributive de compétence territoriale souscrite par des commerçants et rédigée en termes très apparents est valable dès lors qu'elle permet de déterminer le tribunal choisi. Tel est le cas en l'espèce de la clause stipulant que les litiges seront portés devant 'les juridictions du ressort de la ville d'Orléans', la nature et le siège de la juridiction choisie, soit le tribunal de commerce d'Orléans, étant aisément déterminables par la seule qualité des parties et la lecture du contrat.

Enfin, la société Beabat échoue à rapporter la preuve de la mauvaise foi de la société [Adresse 5], étant rappelé que le principe de la liberté contractuelle autorise les commerçants à choisir une juridiction extérieures au siège de leur établissements ou au lieu d'exécution de la prestation.

13. Il résulte de ce qui précède que seul le tribunal de commerce d'Orléans était territorialement compétent pour connaître du présent litige. La décision du tribunal de commerce de Périgueux doit être infirmée du chef de la compétence.

14. La demande de renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce d'Orléans devra cependant être rejetée. Il est en effet nécessaire de faire application des dispositions de l'article 90 du code de procédure civile qui prévoient que, lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, et que la cour infirme du chef de la compétence, elle renvoie l'affaire devant la cour qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance.

La présente affaire sera donc renvoyée devant la cour d'appel d'Orléans qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance, en l'espèce le tribunal de commerce d'Orléans.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

15. Il appartiendra à la cour de renvoi de statuer sur les dépens de première instance. L'intimée qui succombe supportera les dépens de la présente instance d'appel. Il n'y a pas lieu à ce stade à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Périgueux du chef de la compétence territoriale,

Renvoie l'affaire et les parties devant la cour d'appel d'Orléans pour qu'il soit statué au fond et sur les dépens de l'instance,

Dit que le dossier lui sera transmis par les soins du greffe avec une copie du présent arrêt,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Beabat aux dépens de la présente instance d'appel.

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