Livv
Décisions

CA Nancy, 1re ch., 27 octobre 2025, n° 25/00369

NANCY

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cunin-Weber

Conseillers :

M. Firon, Mme Roustaing

Avocats :

Me Bauer, Me Benghalia, Me Schaf-Codognet, Me Cuny

TJ Nancy, du 4 févr. 2025, n° 24/00416

4 février 2025

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon ordonnance du 7 décembre 2022, la société MB Immobilier, exerçant sous l'enseigne Century 21, a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire de la copropriété du [Adresse 2] à [Localité 6] avec la mission de :

- assurer la gestion de la copropriété jusqu'à acceptation de sa mission par le syndic régulièrement élu, avec les mêmes pouvoirs qu'un syndic,

- réunir l'assemblée générale de copropriété avec, à l'ordre du jour, outre la désignation du syndic, toutes délibérations utiles à la vie de la copropriété.

La société MB Immobilier ayant renoncé à sa mission, la société ACJ Immobilier a été désignée en qualité d'administrateur provisoire par ordonnance du 10 février 2023, avec la même mission.

Par jugement en date du 12 octobre 2023, rendu à la demande de Madame [R] [O] et dont Monsieur [V] [M] a relevé appel, le tribunal judiciaire de Nancy a, notamment, annulé l'assemblée générale du 4 février 2023 convoquée et présidée par Monsieur [M] et l'ayant désigné syndic bénévole de la copropriété, et déclaré nuls et de nul effet l'ensemble des actes subséquents ainsi que tout acte postérieur éventuellement dressé par Monsieur [M], agissant en qualité de syndic bénévole.

Par acte du 20 avril 2023, Madame [O] a, à nouveau, saisi le tribunal judiciaire de Nancy aux fins, notamment, d'annulation d'une nouvelle désignation de Monsieur [M] en qualité de syndic bénévole issue de l'assemblée générale tenue le 3 juin 2023 sur la convocation de ce dernier.

Par acte du 18 juillet 2024, Monsieur [M] a fait assigner en référé Madame [O] pour obtenir la rétractation de l'ordonnance du 7 décembre 2022, l'annulation de l'ordonnance du 10 février 2023 ayant modifié l'administrateur provisoire, outre la condamnation de Madame [O] à lui verser la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure.

Pour soutenir qu'il est recevable en sa demande, Monsieur [M] fait valoir que la notification de l'ordonnance, dont la rétractation est sollicitée, était irrégulière, de sorte que le délai de recours prévu par l'article 59 du décret du 17 mars 1967 n'aurait pas commencé à courir.

Au soutien de sa demande en rétractation, il fait valoir qu'à la date à laquelle l'ordonnance du 7 décembre 2022 avait été rendue, la copropriété n'était pas dépourvue de syndic et qu'en conséquence, l'article 47 du décret du 17 mars 1967 ne pouvait trouver à s'appliquer.

Par ordonnance contradictoire du 4 février 2025, le président du tribunal judiciaire de Nancy statuant en tant que juge des référés a :

- déclaré Monsieur [M] irrecevable en son action en rétractation de l'ordonnance du 7 décembre 2022,

- condamné Monsieur [M] à verser à Madame [O] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire par provision même en cas d'appel,

- condamné Monsieur [M] aux dépens.

Pour statuer ainsi sur la recevabilité du recours en rétractation, le juge des référés a relevé, sur le moyen principal, que l'acte de signification argué d'erreur mentionnait que '(...) tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance dans le délai de quinze jours (...)'. Or, il a rappelé que la mention 'le juge qui a rendu l'ordonnance' s'entendait non du juge personne physique, mais de la juridiction dont était issue la décision, soit le président du tribunal judiciaire ou tout juge chargé de ce contentieux.

En conséquence, le juge a retenu que la mention portée sur l'acte de signification était parfaitement exacte et ne pouvait conduire le signifié à saisir une juridiction incompétente.

En outre, la voie du référé étant clairement mentionnée, le juge a considéré qu'il n'y avait pas lieu de préciser les modalités de représentation dont la mention n'était pas exigée par les textes.

A titre subsidiaire, le juge des référés a relevé que Monsieur [M] soutenait que sa demande était recevable dès lors qu'il serait subrogé dans les droits d'un copropriétaire dont il avait racheté le lot et auquel l'acte n'aurait pas été signifié. Cependant, le juge a rappelé que le droit d'agir était un droit personnel, attaché à la personne qui subit un préjudice ou qui a un intérêt à agir, et non pas un droit réel attaché au lot de copropriété, de sorte que Monsieur [M], à qui l'acte avait été régulièrement signifié et qui avait laissé passer le délai de quinze jours dont il disposait pour agir en rétractation, devait être déclaré irrecevable en son action.

¿ ¿ ¿

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 19 février 2025, Monsieur [M] a relevé appel de cette ordonnance.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 3 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [M] demande à la cour, sur le fondement des articles 47 et 59 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, 497, 680, 700 et 845 du code de procédure civile, et 4 du contrat de syndic, de :

- infirmer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 4 février 2025 (numéro RG 24/00416) en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable l'action en rétractation de l'ordonnance du 7 décembre 2022 de Monsieur [M],

- condamné Monsieur [M] à payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- ordonner la rétractation de l'ordonnance en date du 7 décembre 2022 (numéro RG 22/00398) rendue par le président du tribunal judiciaire,

- annuler l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire en date du 10 février 2023 (numéro RG 22/00398),

- condamner Madame [O] au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [O] aux entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 25 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [O] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance du 4 février 2025 rendue par le tribunal judiciaire de Nancy en toutes ses dispositions,

Subsidiairement, si les demandes de Monsieur [M] étaient déclarées recevables,

- dire n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance du 7 décembre 2022,

- débouter Monsieur [M] de ses demandes,

En toute hypothèse,

- condamner Monsieur [M] au paiement de la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [M] aux dépens d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er septembre 2025.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 22 septembre 2025 et le délibéré au 20 octobre 2025, prorogé au 27 octobre suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [M] le 3 avril 2025 et par Madame [O] le 25 avril 2025 et visées par le greffe, auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 1er septembre 2025 ;

Sur la recevabilité du recours en référé rétraction

Pour conclure à la recevabilité de son recours, l'appelant fait valoir que la notification qui lui a été faite par le tribunal est irrégulière, en ce qu'elle n'a pas mentionné quelle était la juridiction de recours et n'a pas indiqué que la représentation par avocat était obligatoire ;

Il en conclut que le délai de 15 jours pour faire un recours en rétractation contre l'ordonnance de référé n'a pas couru, ce qui rend son recours recevable ;

En second lieu il conclut à la recevabilité de son recours, en qualité d'ayant-droit des précédents copropriétaires auxquels la décision contestée n'a pas été notifiée, ce qui exclut toute mise en oeuvre du délai de 15 jours pour agir ;

En réponse, le syndicat de copropriété conclut à la confirmation de la décision déférée qui a déclaré Monsieur [M] irrecevable en son recours ; il affirme que les

mentions de la signification de l'ordonnance contestée, sont claires quant à la juridiction à saisir en cas de recours, et qu'aucun texte n'oblige à mentionner que le recours est soumis à la représentation de celui qui le fait, par avocat ;

Elle conteste toute recevabilité de Monsieur [M] en qualité d'ayant droit des précédents propriétaires de son second lot, ce droit étant personnel et ne se transmettant pas avec la propriété du bien ;

Aux termes de l'article 47 du décret du 17 mars 1967, dans tous les cas où le syndicat de copropriété est dépourvu de syndic, un administrateur provisoire peut être désigné par ordonnance du président du tribunal judiciaire, afin notamment de voir réunir une assemblée générale des copropriétaires aux fins de nomination d'un syndic, représentant la copropriété ;

Il résulte des dispositions de l'article 59 du même texte, que l'ordonnance sus énoncée est notifiée à tous les copropriétaires dans le mois de son prononcé, par l'administrateur provisoire ;

Les copropriétaires peuvent en référer au juge qui a prononcé la mesure, dans les quinze jours de la notification ce, en application des dispositions de l'article 497 du code de procédure civile;

Cette mention figure dans l'acte de signification, que l'appelant conteste, délivré le 4 janvier 2023 par un clerc de la Selarl Acti Huissier, société de commissaires de justice ;

En l'espèce, l'ordonnance sur requête contestée a été notifiée le 4 janvier 2023 à Monsieur [V] [M], à la demande de Century 21, administrateur provisoire de la copropriété ;

Elle mentionne les dispositions de l'article 495 du code de procédure civile (exécutoire sur minute) ainsi que celles de l'article 59 sus énoncé ;

Elle précise également que 'tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance dans un délai de quinze jours à compter de la date portée en tête du présent acte' ;

Le recours de Monsieur [M] a été formé par assignation du 18 juillet 2024 ; il argue de sa recevabilité, motif pris que l'acte de signification est irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas les modalités de la voie de recours, notamment s'agissant de la représentation à la procédure par un avocat ; il considère de plus, que la désignation de la juridiction compétente est insuffisante ;

La mention des modalités de représentation n'est aucunement prévue dans le texte qui indique le délai de quinzaine pour faire un recours ; elle résulte des conditions générales de l'action qui permet la rétractation d'une ordonnance sur requête laquelle relève de la procédure contentieuse avec représentation obligatoire ;

De plus, la désignation comme juridiction de recours du juge qui a rendu la décision est précise ; Elle implique la désignation du président du tribunal judiciaire du lieu où l'ordonnance sur requête a été signée, quand bien même celle-ci émane d'un vice-président, intervenant à la place du président du tribunal, la notion de 'juge' étant fonctionnelle et non attachée à la personne physique qui l'a rendue ;

En conséquence, elle désigne en l'espèce et sans conteste, la présidente du tribunal judiciaire de Nancy au demeurant saisie par Monsieur [M] ;

Monsieur [V] [M] a assigné en référé rétractation, Madame [R] [O] le 18 juillet 2024, soit au delà du délai mentionné dans l'acte de signification contesté ; il y a lieu de relever que ce délai est spécifique à la désignation d'un administrateur de copropriété provisoire et à ce titre, déroge au droit commun ;

Enfin, le fait que l'ordonnance du 7 décembre 2022 n'ait pas été notifiée à tous les copropriétaires n'est pas une cause de nullité de celle-ci, faute pour Monsieur [M] qui en a reçu notification, d'établir en quoi cela lui cause grief ;

En conséquence, l'ordonnance du 4 février 2025 de Madame la présidente du tribunal judiciaire de Nancy sera confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable le recours formé par Monsieur [M] le 18 avril 2023 contre l'ordonnance sur requête datée du 7 décembre 2022 ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'appelant, partie perdante, devra supporter les dépens et il est en outre équitable qu'il soit condamné à verser à Madame [R] [O] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche il sera débouté de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance prise le 4 février 2025 par la présidente du tribunal judiciaire de Nancy, dans le litige qui oppose Monsieur [M] à Madame [O] ;

Condamne Monsieur [V] [M] à payer à Madame [R] [O], la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le déboute du surplus de ses demandes ;

Le condamne aux dépens de la procédure.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site