CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 25 octobre 2025, n° 25/05827
PARIS
Ordonnance
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 25 OCTOBRE 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/05827 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMEUW
Décision déférée : ordonnance rendue le 22 octobre 2025, à 16h43, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Marie-Sygne Bunot-Rouillard, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Alexandre Darj, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [U] [H] [K]
né le 13 novembre 1978 à [Localité 2], de nationalité portugaise
RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot 2
assisté de Me David Silva Machado, avocat au barreau de Paris -(interprète en portugais), présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
et de Mme [F] [P] tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
INTIMÉ :
LE PREFET DU VAL DE MARNE
représenté par Me Aimilia IOANNIDOU, du cabinet Actis, avocat au barreau de Val-de-Marne présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu l'ordonnance du 22 octobre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux ordonnant la jonction de la procédure introduite par la requête du préfet du Val de Marne enregistré sous le N° RG 25/04246 et celle introduite par le recours de M. [U] [H] [T] [X] enregistrée sous le N° RG 25/04247, déclarant le recours de M. [U] [H] [T] [X] recevable, rejetant le recours de M. [U] [H] [T] [X], déclarant la requête du préfet du Val de Marne recevable et la procédure régulière, rejetant la demande d'assignation à résidence et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [U] [H] [T] [X] au centre de rétention administrative n° 2 du [3], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt six jours à compter du 22 octobre 2025 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 23 octobre 2025 , à 13h30 , par M. [U] [H] [T] [X] ;
- Vu les conclusions et la pièces complémentaire reçues par couriel en date du 24 octobre 2025 à 14h35 par le conseil de M.[U] [H] [T] [X] ;
- Après avoir entendu les observations :
- par visioconférence, de M. [U] [H] [T] [X], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil du préfet du Val-de-Marne tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention :
A titre liminaire, il convient de rappeler que l'article L.731-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.(...) "
L'article L.741-1 du même Code dispose que " L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. "
L'article L.612-3 dispose que " Le risque (que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet) peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "
Sur le moyen pris de l'erreur manifeste d'appréciation et de la disproportion de la mesure de placement en rétention :
L'erreur ainsi invoquée par l'intéressé concerne la question de ses garanties de représentation (CE, 2 avr. 2004, Mme [W] épouse [G], n°251368) dans les termes de l'article L.612-3 8° précité soit " notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "
Dès lors qu'il est acquis à l'examen des éléments de la procédure que M. [U] [H] [T] [X] ne présentait pas, au moment de la décision de placement en rétention, de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et donc ne présentait pas une situation permettant une assignation à résidence (qui n'était alors pas conditionnée préalablement à la remise d'un passeport en cours de validité comme une demande d'assignation à résidence le sera devant le juge judiciaire), la mesure de placement en rétention administrative ne peut être considérée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ni disproportionnée.
En l'espèce, force est de relever que :
- M. [U] [H] [T] [X] a remis sa carte nationale d'identité portugaise en cours de validité;
- il avait déclaré le 28 mai 2025, dans le cadre de la notice de renseignements valant procès-verbal d'audition au titre de la procédure d'identification par l'UCI, une adresse [Localité 4] (77) correspondant à son domicile puis à sa levée d'écrou une adresse à [Localité 1] (54) conformément à une attestation d'hébergement émanant de sa fille et remontant alors à au 15 juillet 2025 soit il y a plus de trois mois ;
- il se prévaut de l'ensemble de ses attaches en France, situation discutable au regard de l'examen de sa situation familiale telle que déclarée par lui-même ;
- il avait aussi déclaré le 28 mai 2025, dans le cadre de la notice de renseignements précitée, entendre se maintenir sur le territoire français afin de continuer son entreprise et y travailler si une mesure d'éloignement était décidée.
Hors même la question de la menace à l'ordre public avérée que constitue sa libération sous bracelet anti-rapprochement dans le cadre d'un sursis probatoire assortissant la partie de peine de neuf mois sur les dix-huit mois dont il venait de purger les neuf autres fermes suite à une condamnation du 21 mai 2025 pour des faits de harcèlement sur son ex-compagne suivi d'incapacité supérieure à huit jours, violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité en récidive et transport sans motif légitime d'une arme blanche ou incapacitante de catégorie D, il ne présentait donc pas les garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement attendues et donc ne présentait pas une situation permettant une assignation à résidence.
Ce moyen sera en conséquence écarté.
Si les moyens invoqués au tire des irrégularités affectant toute la procédure préalable à la rétention sont des exceptions de procédure qui ne peuvent être soulevées qu'avant toute défense au fond à peine d'irrecevabilité, et ne peuvent dès lors pas être soulevées pour la première fois en cause d'appel et ce, en application de l'article 74 alinéa 1er du Code de procédure civile, tel n'est toutefois pas le cas de moyens qui suivront qui relèvent des fins de non-recevoir et des défenses au fond.
Sur la fin de non-recevoir pour absence de communication d'une copie actualisée du registre, pièce justificative utile, faute de mention du recours devant le tribunal administratif :
L'article L.744-2 du CESEDA dispose que : " Il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation ".
L'article R. 743-2 du même Code prévoit que : " A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2. Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge (...), de la copie du registre ".
Il résulte de la lecture combinée de ces textes avec celles de l'article L.743-9 que le juge s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention, que, depuis la précédente présentation, la personne retenue a été placée en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions de ce registre prévu par l'article L.744-2, qui doit être émargé par l'intéressé, et que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.
Il s'en déduit que le registre doit être actualisé et émargé et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ.1ère - 4 septembre 2024, n°23-12.550).
Il ne peut être suppléé à son absence par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).
Par ailleurs, un registre actualisé doit s'entendre comme étant un document retraçant l'intégralité de l'historique de la mesure de rétention, depuis l'entrée, communiqué à chaque nouvelle saisine du juge et permettant, au surplus, à toute personne pouvant y avoir accès de visualiser immédiatement les différents événements.
La production d'une copie actualisée du registre a pour but de permettre au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus au retenu au cours de la mesure de rétention et pour fondement la volonté de pallier la difficulté, voire l'impossibilité, pour la personne retenue de rapporter la double preuve, d'une part, de la réalité d'une demande portant sur l'exercice de l'un des droits lui étant reconnus et, d'autre part, du refus opposé à cette demande, qui constitue un fait négatif. L'exigence d'actualisation au titre des mesures privatives ne concerne toutefois pas exclusivement le juge mais aussi la garantie apportée à l'intéressé d'un contrôle extérieur effectif et immédiat de sa privation de liberté, confié à diverses instances extérieures à l'autorité judiciaire.
En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours qui constitue également un droit pour la personne retenue.
S'agissant des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux " conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ".
En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative " (LOGICRA) en son article 2 dispose que :
" Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant ;
- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;
- à la fin de la rétention et à l'éloignement. "
et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III 1° prévoit que figurent " Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :
Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ".
Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.
S'agissant du recours portant sur le fondement même de la rétention que constitue ici la décision d'éloignement et alors que le texte susvisé le mentionne, il ne sera toutefois pas retenu que cette mention devait figurer sur le registre actualisé dans la mesure où le courrier de radiation produit ne permet pas d'affirmer dans quelles conditions notamment de date le préfet avait eu connaissance de ce recours.
Cette fin de non-recevoir doit dès lors être écartée.
Sur le moyen pris de l'absence d'interprète au moment de la notification de l'arrêté de placement en rétention et des droits à l'arrivée en centre de rétention :
L'article L744-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " L'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. " et l'article R744-16 que " Dès son arrivée au lieu de rétention, chaque étranger est mis en mesure de communiquer avec toute personne de son choix, avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité et avec son avocat s'il en a un, ou, s'il n'en a pas, avec la permanence du barreau du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention.
Quel que soit le lieu de rétention dans lequel l'étranger est placé, un procès-verbal de la procédure de notification des droits en rétention est établi. Il est signé par l'intéressé, qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l'auteur et, le cas échéant, l'interprète. Ces références sont portées sur le registre mentionné à l'article L. 744-2. "
Par ailleurs, l'article L743-12 exige : " En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats. "
En l'espèce, il résulte des pièces figurant au dossier que :
- le 28 mai 2025, dans le cadre de la notice de renseignements valant procès-verbal d'audition au titre de la procédure d'identification par l'UCI, il est précisé que M. [U] [H] [T] [X] ne parle pas français et que la langue à utiliser est le portugais qu'il parle couramment, aucune distinction n'étant opérée entre compréhension orale et écrite ;
- le 18 octobre 2025 à 09 heures 10, M. [U] [H] [T] [X] a reçu notification de son placement en rétention sans l'assistance d'un interprète, lecture faite par l'agent notificateur ;
- le 18 octobre 2025 à 17 heures 30, il a reçu, au centre de rétention, la notification tenant à ses droits (interprète, médecin, conseil, communication avec le consulat et la personne de son choix) ainsi que la communication du règlement intérieur en langue française, lecture faite par l'agent notificateur.
De leur confrontation et sans qu'il puisse être tiré de conséquence à ce titre de la signature apposée par l'intéressé sur ces pièces, il ressort qu'aucune information n'est intervenue avec un interprète malgré la connaissance précise de cette nécessité et nonobstant la multiplicité des informations délivrées en ces deux temps successifs, et ce, en violation de ce principe du droit à un interprète consacré par le CESEDA en diverses dispositions identiques mais aussi de l'article 6 § 3 e) (droit à l'assistance d'un interprète) combiné avec l'article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l'homme, l'atteinte substantielle aux droits de l'intéressé à ce titre étant dès lors constituée.
En conséquence, la requête du préfet ne peut qu'être rejetée et l'ordonnance du premier juge infirmée.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance ;
Statuant à nouveau,
REJETONS la requête du préfet ;
DISONS n'y avoir lieu à maintien de M. [U] [H] [T] [X] en rétention administrative,
RAPPELONS à M. [U] [H] [T] [X] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction orale du dispositif de l'ordonnance dans la langue comprise par l'intéressé ),
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à [Localité 5] le 25 octobre 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé
L'interprète
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 25 OCTOBRE 2025
(1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/05827 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMEUW
Décision déférée : ordonnance rendue le 22 octobre 2025, à 16h43, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Marie-Sygne Bunot-Rouillard, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Alexandre Darj, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [U] [H] [K]
né le 13 novembre 1978 à [Localité 2], de nationalité portugaise
RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot 2
assisté de Me David Silva Machado, avocat au barreau de Paris -(interprète en portugais), présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
et de Mme [F] [P] tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
INTIMÉ :
LE PREFET DU VAL DE MARNE
représenté par Me Aimilia IOANNIDOU, du cabinet Actis, avocat au barreau de Val-de-Marne présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
ORDONNANCE :
- contradictoire
- prononcée en audience publique
- Vu l'ordonnance du 22 octobre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux ordonnant la jonction de la procédure introduite par la requête du préfet du Val de Marne enregistré sous le N° RG 25/04246 et celle introduite par le recours de M. [U] [H] [T] [X] enregistrée sous le N° RG 25/04247, déclarant le recours de M. [U] [H] [T] [X] recevable, rejetant le recours de M. [U] [H] [T] [X], déclarant la requête du préfet du Val de Marne recevable et la procédure régulière, rejetant la demande d'assignation à résidence et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [U] [H] [T] [X] au centre de rétention administrative n° 2 du [3], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt six jours à compter du 22 octobre 2025 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 23 octobre 2025 , à 13h30 , par M. [U] [H] [T] [X] ;
- Vu les conclusions et la pièces complémentaire reçues par couriel en date du 24 octobre 2025 à 14h35 par le conseil de M.[U] [H] [T] [X] ;
- Après avoir entendu les observations :
- par visioconférence, de M. [U] [H] [T] [X], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
- du conseil du préfet du Val-de-Marne tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention :
A titre liminaire, il convient de rappeler que l'article L.731-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.(...) "
L'article L.741-1 du même Code dispose que " L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. "
L'article L.612-3 dispose que " Le risque (que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet) peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "
Sur le moyen pris de l'erreur manifeste d'appréciation et de la disproportion de la mesure de placement en rétention :
L'erreur ainsi invoquée par l'intéressé concerne la question de ses garanties de représentation (CE, 2 avr. 2004, Mme [W] épouse [G], n°251368) dans les termes de l'article L.612-3 8° précité soit " notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "
Dès lors qu'il est acquis à l'examen des éléments de la procédure que M. [U] [H] [T] [X] ne présentait pas, au moment de la décision de placement en rétention, de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et donc ne présentait pas une situation permettant une assignation à résidence (qui n'était alors pas conditionnée préalablement à la remise d'un passeport en cours de validité comme une demande d'assignation à résidence le sera devant le juge judiciaire), la mesure de placement en rétention administrative ne peut être considérée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ni disproportionnée.
En l'espèce, force est de relever que :
- M. [U] [H] [T] [X] a remis sa carte nationale d'identité portugaise en cours de validité;
- il avait déclaré le 28 mai 2025, dans le cadre de la notice de renseignements valant procès-verbal d'audition au titre de la procédure d'identification par l'UCI, une adresse [Localité 4] (77) correspondant à son domicile puis à sa levée d'écrou une adresse à [Localité 1] (54) conformément à une attestation d'hébergement émanant de sa fille et remontant alors à au 15 juillet 2025 soit il y a plus de trois mois ;
- il se prévaut de l'ensemble de ses attaches en France, situation discutable au regard de l'examen de sa situation familiale telle que déclarée par lui-même ;
- il avait aussi déclaré le 28 mai 2025, dans le cadre de la notice de renseignements précitée, entendre se maintenir sur le territoire français afin de continuer son entreprise et y travailler si une mesure d'éloignement était décidée.
Hors même la question de la menace à l'ordre public avérée que constitue sa libération sous bracelet anti-rapprochement dans le cadre d'un sursis probatoire assortissant la partie de peine de neuf mois sur les dix-huit mois dont il venait de purger les neuf autres fermes suite à une condamnation du 21 mai 2025 pour des faits de harcèlement sur son ex-compagne suivi d'incapacité supérieure à huit jours, violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité en récidive et transport sans motif légitime d'une arme blanche ou incapacitante de catégorie D, il ne présentait donc pas les garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement attendues et donc ne présentait pas une situation permettant une assignation à résidence.
Ce moyen sera en conséquence écarté.
Si les moyens invoqués au tire des irrégularités affectant toute la procédure préalable à la rétention sont des exceptions de procédure qui ne peuvent être soulevées qu'avant toute défense au fond à peine d'irrecevabilité, et ne peuvent dès lors pas être soulevées pour la première fois en cause d'appel et ce, en application de l'article 74 alinéa 1er du Code de procédure civile, tel n'est toutefois pas le cas de moyens qui suivront qui relèvent des fins de non-recevoir et des défenses au fond.
Sur la fin de non-recevoir pour absence de communication d'une copie actualisée du registre, pièce justificative utile, faute de mention du recours devant le tribunal administratif :
L'article L.744-2 du CESEDA dispose que : " Il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation ".
L'article R. 743-2 du même Code prévoit que : " A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2. Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge (...), de la copie du registre ".
Il résulte de la lecture combinée de ces textes avec celles de l'article L.743-9 que le juge s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention, que, depuis la précédente présentation, la personne retenue a été placée en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions de ce registre prévu par l'article L.744-2, qui doit être émargé par l'intéressé, et que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.
Il s'en déduit que le registre doit être actualisé et émargé et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ.1ère - 4 septembre 2024, n°23-12.550).
Il ne peut être suppléé à son absence par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).
Par ailleurs, un registre actualisé doit s'entendre comme étant un document retraçant l'intégralité de l'historique de la mesure de rétention, depuis l'entrée, communiqué à chaque nouvelle saisine du juge et permettant, au surplus, à toute personne pouvant y avoir accès de visualiser immédiatement les différents événements.
La production d'une copie actualisée du registre a pour but de permettre au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus au retenu au cours de la mesure de rétention et pour fondement la volonté de pallier la difficulté, voire l'impossibilité, pour la personne retenue de rapporter la double preuve, d'une part, de la réalité d'une demande portant sur l'exercice de l'un des droits lui étant reconnus et, d'autre part, du refus opposé à cette demande, qui constitue un fait négatif. L'exigence d'actualisation au titre des mesures privatives ne concerne toutefois pas exclusivement le juge mais aussi la garantie apportée à l'intéressé d'un contrôle extérieur effectif et immédiat de sa privation de liberté, confié à diverses instances extérieures à l'autorité judiciaire.
En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours qui constitue également un droit pour la personne retenue.
S'agissant des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux " conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ".
En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative " (LOGICRA) en son article 2 dispose que :
" Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :
- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant ;
- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;
- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;
- à la fin de la rétention et à l'éloignement. "
et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III 1° prévoit que figurent " Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :
Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ".
Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.
S'agissant du recours portant sur le fondement même de la rétention que constitue ici la décision d'éloignement et alors que le texte susvisé le mentionne, il ne sera toutefois pas retenu que cette mention devait figurer sur le registre actualisé dans la mesure où le courrier de radiation produit ne permet pas d'affirmer dans quelles conditions notamment de date le préfet avait eu connaissance de ce recours.
Cette fin de non-recevoir doit dès lors être écartée.
Sur le moyen pris de l'absence d'interprète au moment de la notification de l'arrêté de placement en rétention et des droits à l'arrivée en centre de rétention :
L'article L744-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " L'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. " et l'article R744-16 que " Dès son arrivée au lieu de rétention, chaque étranger est mis en mesure de communiquer avec toute personne de son choix, avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité et avec son avocat s'il en a un, ou, s'il n'en a pas, avec la permanence du barreau du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention.
Quel que soit le lieu de rétention dans lequel l'étranger est placé, un procès-verbal de la procédure de notification des droits en rétention est établi. Il est signé par l'intéressé, qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l'auteur et, le cas échéant, l'interprète. Ces références sont portées sur le registre mentionné à l'article L. 744-2. "
Par ailleurs, l'article L743-12 exige : " En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats. "
En l'espèce, il résulte des pièces figurant au dossier que :
- le 28 mai 2025, dans le cadre de la notice de renseignements valant procès-verbal d'audition au titre de la procédure d'identification par l'UCI, il est précisé que M. [U] [H] [T] [X] ne parle pas français et que la langue à utiliser est le portugais qu'il parle couramment, aucune distinction n'étant opérée entre compréhension orale et écrite ;
- le 18 octobre 2025 à 09 heures 10, M. [U] [H] [T] [X] a reçu notification de son placement en rétention sans l'assistance d'un interprète, lecture faite par l'agent notificateur ;
- le 18 octobre 2025 à 17 heures 30, il a reçu, au centre de rétention, la notification tenant à ses droits (interprète, médecin, conseil, communication avec le consulat et la personne de son choix) ainsi que la communication du règlement intérieur en langue française, lecture faite par l'agent notificateur.
De leur confrontation et sans qu'il puisse être tiré de conséquence à ce titre de la signature apposée par l'intéressé sur ces pièces, il ressort qu'aucune information n'est intervenue avec un interprète malgré la connaissance précise de cette nécessité et nonobstant la multiplicité des informations délivrées en ces deux temps successifs, et ce, en violation de ce principe du droit à un interprète consacré par le CESEDA en diverses dispositions identiques mais aussi de l'article 6 § 3 e) (droit à l'assistance d'un interprète) combiné avec l'article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l'homme, l'atteinte substantielle aux droits de l'intéressé à ce titre étant dès lors constituée.
En conséquence, la requête du préfet ne peut qu'être rejetée et l'ordonnance du premier juge infirmée.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance ;
Statuant à nouveau,
REJETONS la requête du préfet ;
DISONS n'y avoir lieu à maintien de M. [U] [H] [T] [X] en rétention administrative,
RAPPELONS à M. [U] [H] [T] [X] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction orale du dispositif de l'ordonnance dans la langue comprise par l'intéressé ),
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à [Localité 5] le 25 octobre 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L'intéressé L'avocat de l'intéressé
L'interprète