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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 21 juin 2011, n° 10/01825

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BRASSERIE PAULANER BRAUEREI GMBH AND CO KG

Défendeur :

S.C.I. BIANCA MINIA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseiller :

M. Chassery

Conseiller :

Mme Olive

Avocats :

SCP Gilles ARGELLIES, Me Watremet, Me Trezeguet

Avocats :

SCP AUCHE HEDOU AUCHE AUCHE, SCP TOUZERY COTTALORDA

CA Montpellier n° 10/01825

20 juin 2011

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

La Brasserie Paulaner Brauerei GMBH & CO.KG (la brasserie), société de droit allemand, a consenti, par acte sous seing privé en date du 22 février 2006, à la SAS Biancamaria, un prêt d'un montant de 50 000 euros, remboursable en 12 trimestrialités, au taux contractuel de 6 % l'an.

Mme Félicia Biancamaria, Mme Patricia Biancamaria et la SCI Bianca-Minia se sont rendues cautions solidaires du remboursement de ce prêt dans des actes sous seing privé en date du 21 février 2006.

La SAS Biancamaria a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce d'Ajaccio le 26 novembre 2007. La brasserie a déclaré sa créance entre les mains de M. Celeri, mandataire liquidateur, le 25 janvier 2008, qui a été admise au passif privilégié nanti échu de la procédure collective, par ordonnance du juge-commissaire en date du 8 septembre 2008.

Après mises en demeure infructueuses, la brasserie a fait assigner les trois cautions devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, par actes d'huissier du 4 mars 2008, pour obtenir paiement du solde de prêt restant dû.

Par ordonnance du 7 novembre 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Ajaccio a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Montpellier, en application d'une clause attributive de compétence insérée dans les actes de caution.

Par jugement du 18 janvier 2010, la juridiction consulaire a notamment :

- constaté que les actes de caution fondant les poursuites ne comportent pas la mention de la somme cautionnée en toutes lettres ;

- dit que le non-respect des prescriptions de la mention manuscrite impérativement visées par l'article 1326 du code civil, entache de nullité les contrats de cautionnement ;

- débouté la brasserie Paulaner de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté les défenderesses de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de la brasserie Paulaner.

La Brasserie Paulaner a régulièrement interjeté appel de ce jugement, en vue de son infirmation en demandant à la cour de faire droit à ses demandes en paiement initiales et de condamner les intimées à lui payer une somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient essentiellement que :

- les dispositions d'ordre public de la loi du 1er août 2003, entrée en vigueur le 6 février 2004, sont seules applicables pour les cautionnements souscrits par Mmes Biancamaria, qui ne sont donc pas fondées à se prévaloir des articles 1326 et 2292 du code civil dans la mesure où les mentions prescrites par les articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation sont contenues dans les actes de caution, qui sont donc valables ;

- si la SCI Bianca-Minia, qui n'est pas soumise à ces dispositions légales en sa qualité de personne morale, a fait précéder la signature de sa gérante, Mme Félicia Biancamaria, des mentions exigées par ces textes sans inscrire la somme en toutes lettres, conformément à l'article 1326 du code civil, il n'en demeure pas moins, que l'écrit demeure valable en tant que commencement de preuve pouvant être complété par des éléments extrinsèques à l'acte ;

- Mme Félicia Biancamaria qui était également associée au sein de la SAS Biancamaria, a signé l'acte de prêt du 22 février 2006 faisant clairement ressortir tant le montant que les conditions de remboursement, et s'est engagée en qualité de caution, tant à titre personnel qu'en qualité de gérante de la SCI, en toute connaissance de cause ; l'engagement pris par la SCI est donc valable, nonobstant l'insuffisance de la mention manuscrite ;

- il en est de même pour Mme Patricia Biancamaria, dirigeante et associée de la SAS Biancamaria, demanderesse au prêt brasseur ;

- les intimées doivent donc être condamnées à lui payer la somme de 34 621,05 euros, avec les intérêts au taux contractuel de 6% majoré de 1% à compter du 5 mai 2007, date de la première échéance impayée jusqu'à la date de l'assignation, outre les intérêts au taux de 6% l'an majoré de 2 %, à compter de l'assignation, ainsi que la somme de 27 euros, au titre des frais de rejet bancaires, le tout avec capitalisation.

Mme Félicia Biancamaria et la SCI Bianca-Minia ont conclu à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles rétorquent en substance que :

- les trois engagements de cautions sont nuls et de nul effet en l'absence de la mention de la somme cautionnée en toutes lettres, exigée par les articles 1326 et 2292 du code civil.

Mme Patricia Biancamaria a conclu à la confirmation du jugement et à l'allocation d'une somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- le formalisme de l'engagement de caution tel que résultant des dispositions impératives des dispositions du code de la consommation n'exclut pas l'application des dispositions de l'article 1326 du code civil, qui exige que la somme cautionnée soit écrite en toutes lettres ;

- en conséquence, son engagement de caution est nul au visa de ce dernier texte dans la mesure où il ne comporte pas le montant garanti en toutes lettres.


C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 18 mai 2011.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les engagements de caution de Mmes Patricia et Félicia Biancamaria

Il résulte de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n 2003-721 du 1er août 2003 entrée en vigueur le 5 février 2004, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : «En me portant caution de X , dans la limite de la somme de couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de , je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n'y satisfait pas lui-même ».

Selon l'article L. 341-3 du même code, également issu de la loi du 1er août 2003, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X... ».

Le formalisme édicté par ces textes, qui vise à assurer l'information complète de la personne se portant caution quant à la portée de son engagement, conditionne la validité même de l'acte de cautionnement.

Les cautionnements souscrits par Mmes Patricia et Félicia Biancamaria, le 21 février 2006, sont soumis aux dispositions légales susvisées.

Dans la mesure où la mention manuscrite exigée par l'article L. 341-2 du code de la consommation ne requiert pas l'indication de la somme en toutes lettres en sus de la somme en chiffres, le moyen tiré de l'application du formalisme prescrit par l'article 1326 du code civil n'est pas fondé. En effet, le texte applicable impose de recourir « uniquement » à la mention qu'il prévoit, ce qui exclut l'obligation de faire figurer le montant de la somme garantie, en toutes lettres.

Le formalisme prescrit par le code de la consommation a été respecté.

Les cautionnements des intéressées sont donc valables.

Sur l'engagement de caution de la SCI Biancamaria

Si l'acte de caution solidaire de la SCI Bianca Minia, soumis au formalisme prévu par l'article 1326 du code civil ayant pour finalité la protection de la caution, ne comporte pas la mention écrite par sa gérante, Mme Félicia Biancamaria, de la somme garantie en toutes lettres, il n'en demeure pas moins que cette mention incomplète vaut comme commencement de preuve par écrit, susceptible d'être complété par des éléments extrinsèques démontrant que ladite société a eu conscience de la nature et de l'étendue de son engagement.

Mme Félicia Biancamaria, actionnaire avec sa s'ur Patricia Biancamaria, au sein de la société par actions simplifiées Biancamaria, a paraphé toutes les pages du contrat de prêt du 22 février 2006, qu'elle a également signé. Elle a donc eu une parfaite connaissance de la nature, du montant et des modalités de remboursement de ce prêt, dont elle s'est portée caution solidaire à titre personnel mais également en qualité de gérante de la SCI Bianca Minia.

Le commencement de preuve par écrit se trouve donc valablement complété par ces éléments.

Il en résulte que l'engagement de caution de la SCI Bianca Minia est valable.

Le jugement sera donc infirmé.

Sur la demande en paiement et les autres demandes

Il ressort du décompte produit que le solde du prêt brasseur garanti s'élève à la somme de 34 621,05 euros, augmentée des intérêts conventionnels de retard s'élevant au taux de 8 % l'an (article VI du contrat de prêt), à compter des mises en demeure du 31 janvier 2008. Les frais de rejet bancaires d'un montant de 27 euros, au demeurant non justifiés, ne constituent pas une pénalité couverte par les engagements de caution.

Mmes Patricia Biancamaria, Félicia Biancamaria et la SCI Bianca Minia seront condamnées solidairement à payer à la brasserie les sommes susvisées.

Il sera fait droit à la demande fondée sur l'article 1154 du code civil faite dans l'acte introductif d'instance du 4 mars 2008.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, les appelantes seront condamnées solidairement à payer à la brasserie une somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, verront leurs demandes de ce chef, rejetées et supporteront solidairement la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Dit que les engagements de caution souscrits par les consorts Biancamaria et la SCI Bianca Minia sont valables ;

Condamne solidairement Mme Patricia Biancamaria, Mme Félicia Biancamaria et la SCI Bianca Minia à payer à la Brasserie Paulaner Brauerei GmbH&CO.KG, la somme de 34 621,05 euros, augmentée des intérêts conventionnels au taux de 8 % l'an, à compter du 31 janvier 2008 ;

Dit qu'il sera fait application de l'article 1154 du code civil ;

Rejette la demande afférente aux frais de rejet bancaires ;

Condamne solidairement les appelantes à payer à la société intimée la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les appelantes de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement Mme Patricia Biancamaria, Mme Félicia Biancamaria et la SCI Bianca Minia aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

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