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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 27 janvier 2017, n° 15/01255

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, SARL PHENICIA TRAITEURS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chandelon

Conseiller :

Mme Gonand

Conseiller :

Mme Sentucq

Avocats :

Me Poltzien, Me Bremont

Avocats :

Me El Assaad, Me El Assaad

CA Paris n° 15/01255

26 janvier 2017

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SARL PHENICIA traiteurs a ouvert auprès du CIC un compte courant professionnel n° 20125001 suivant convention signée le 27 août 2010.

Par une convention dont l'exemplaire fourni n'est pas daté, le CIC a consenti à la SARL PHENICIA un crédit de 50 000 euros destiné au financement de travaux à hauteur de 65 000 euros, moyennant un taux d'intérêt fixe de 4 % l'an, soit un Taux Effectif Global de 6,05872 % par an et de 0,50489 % par période.

Par le même acte non daté, Monsieur David M. et Monsieur Hicham M. se portaient cautions solidaires du paiement de la somme de « 60 000 euros » (somme biffée à la main) et rectifiée par « 18 000 euros » ( écrit à la main ) nombre suivi de la mention en toutes lettres de « soixante mille euros » pour une durée de 108 mois.

Par lettre recommandée en date du 27 décembre 2013, revenue avec la mention non réclamée, la banque prononçait la déchéance du terme du prêt et mettait en demeure la SARL PHENICIA TRAITEURS de régler la somme de 30 285,29 euros non compris les intérêts du 28 décembre 2013 jusqu'à la date effective du paiement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception signée par Monsieur David M. le 10 janvier 2014, et revenue à l'expéditeur sans mention pour Monsieur Hicham M., la banque mettait en demeure les cautions de régler en cette qualité la somme de 18 000 euros outre les intérêts dus jusqu'à parfait règlement.

Le CIC a assigné, par acte du 19 février 2014, la SARL PHENICIA TRAITEURS, Monsieur David M. et Monsieur Hicham M. en paiement solidaire de la somme de 30 432,74 euros au titre du prêt et de la somme de 18 000 euros au titre du cautionnement dues par chacune des cautions.

Le jugement entrepris a :

condamné solidairement la SARL PHENICIA TRAITEURS, Monsieur David M. et Monsieur Hicham M. en leurs qualités de cautions solidaires à payer au CIC la somme de 30 432,74 euros majorée des intérêts de retard au taux de 4 % à compter du 11 février 2014, Monsieur David M. et Monsieur Hicham M. étant tenus au paiement de la somme de 18 000 euros chacun dans la limite du montant de la créance outre les intérêts au taux de 4% à compter du 11 février 2014, ordonné la capitalisation annuelle des intérêts, condamné solidairement la SARL PHENICIA TRAITEURS, Monsieur David M. et Monsieur Hicham M. au règlement au CIC d'une indemnité de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté le surplus des demandes, ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie, condamné solidairement la SARL PHENICIA TRAITEURS, Monsieur David M. et Monsieur Hicham M. aux dépens.

Monsieur David M. et Monsieur Hicham M. ont notifié le 16 avril 2015 par voie électronique des conclusions tendant :

à ce qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils renoncent à leur appel à l'encontre de la SARL PHENICIA TRAITEURS, à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés en leur qualité de caution solidaire au paiement de la somme de 18 000 euros chacun dans la limite du montant de la créance outre intérêts au taux de 4% à compter du 11 février 2014, à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés solidairement au paiement de la somme de 800 euros au tire des frais irrépétibles, statuant à nouveau, ils demandent à la cour :

- de déclarer les cautionnements solidaires nuls et de nul effet, de débouter le CIC de ses demandes, de condamner le CIC à leur régler une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Au soutien de la nullité les consorts M. font valoir que le montant du cautionnement porté en chiffres est rayé et que le cautionnement n'est ni daté ni signé par la banque.

Le CIC a notifié le 10 juin 2015 des conclusions tendant à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions :

y ajoutant, il sollicite :

la condamnation de Monsieur David M. et de Monsieur Hicham M. à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, la condamnation de Monsieur David M. et de Monsieur Hicham M. au paiement des dépens.

Le CIC fait valoir que les consorts M. sont associés dans le cadre de la société MAZLOUM FRERES et que les fonds empruntés par le société PHENICIA ont en réalité bénéficié aux deux cautions ainsi que le démontrent les écritures passées sur les comptes. Selon la banque, c'est donc avec une parfaite mauvaise foi que les cautions soulèvent la nullité du cautionnement.

Sur les mentions manuscrites, le CIC observe que les cautions n'ont été appelées que pour le montant le plus faible de 18 000 euros, que l'information annuelle n'a porté que sur ce seul montant et non sur celui de 60 000 euros qui a été biffé.

Sur l'absence de date et de signature par la banque du cautionnement, le CIC expose que le contrat de prêt a été signé et qu'il a été exécuté de sorte que ce moyen est inopérant.

SUR QUOI,

LA COUR :

SUR LA NULLITE DU CAUTIONNEMENT

Considérant qu'il y a lieu de donner acte aux consorts M. de ce qu'ils renoncent à l'appel dirigé à l'encontre de la SARL PHENICIA TRAITEUR ;

Considérant les dispositions de l'article 1326 du code civil modifié par la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 - art. 1 JORF 14 mars 2000 selon lequel l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ;

Que selon les dispositions de l'article L341-2 créés par la loi n°2003-721 du 1 août 2003 - art. 11 et 12 JORF 5 août 2003 en vigueur le 5 février 2004 abrogé par Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 - art. 34 (V) applicable au litige, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même."

Considérant qu'en l'espèce les deux premières lignes de l'acte de cautionnement, au demeurant non daté, sont ainsi rédigées :

« En me portant caution de PHENICIA TRAITEUR dans la limite de la somme de 60 000 euros (raturé à la main) soixante mille euros (') » ;

Considérant que selon les règles de preuve fixées par les dispositions de l'article 1326 précitées, seule la mention écrite en toutes lettres de « soixante mille euros » doit étre prise en compte, compte tenu de la différence entre la somme écrite en lettres et celle écrite en chiffres ;

Considérant toutefois que cette règle de preuve invoquée par les appelants est dans le cas particulier inopérante puisque la banque créancière n'entend pas se prévaloir du montant écrit en toutes lettres de soixante mille euros mais seulement du montant écrit en chiffres de 18 000 euros ;

Considérant que cette contradiction d'écriture entre le montant écrit en lettres et le montant écrit en chiffres affecte la validité même de la mention et entraîne la nullité du cautionnement par application des dispositions de l'article L 341-2 précitées ;

Qu'il s'en suit que le jugement doit être réformé en ce qu'il a fait droit à la demande de condamnation formée par le CIC à l'encontre des consorts M., que la nullité de l'acte de cautionnement doit en conséquence être prononcée et le CIC condamné à régler aux consorts M. une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.


PAR CES MOTIFS

Déclare les consorts David et Hicham M. recevables et bien fondés en leur appel,

Donne acte aux consorts David et Hicham M. de ce qu'ils renoncent à l'appel dirigé à l'encontre de la SARL PHENICIA TRAITEUR,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de condamnation formée par le CIC à l'encontre des consorts M.,

Annule l'acte de cautionnement solidaire non daté consenti par les consorts David et Hicham M. à la SA CIC CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL en garanti du crédit de 50 000 euros accordé à la SARL PHENICIA,

Condamne la SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à régler aux consorts M. une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL aux dépens.

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