Livv
Décisions

CA Nancy, 2e ch. com., 16 janvier 2013, n° 11/02731

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société BNP PARIBAS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruneau

Conseiller :

Mme Thomas

Conseiller :

Mme K. Menay

Avocats :

Me Chardon et Me Navrez - SCP Alain CHARDON, Me Schamber

Avocats :

Me Bach Wasserman - SELARL KNITTEL, FOURAY, GIURANNA, BACH WASSERMANN, SCP Hervé MERLINGE, Me Rethore, Me Faucheur Schiochet

CA Nancy n° 11/02731

15 janvier 2013

FAITS ET PROCÉDURE :

M. Eric P. était le gérant de la Sàrl Realiser Finances dont son épouse, Mme Véronique D. et lui même étaient les seuls associés à parts égales.

La S. A. BNP Paribas a consenti le 3 mars 2006 à la Sàrl Realiser Finances un prêt de 200 000 € garanti par le cautionnement de M. P. à concurrence de 50% du montant de l'encours et dans la limite de 115 000 € .

La Sàrl Realiser Finances ayant été placée en redressement judiciaire le 31 mars 2009, la banque a déclaré sa créance pour un montant de 154 369,65 € . La société ayant ensuite été placée en liquidation judiciaire le 10 novembre 2009, la banque a mis en demeure M. P. le 25 novembre 2009 d'honorer sa garantie et de régler la somme de 77 184,78 € .

Faute de paiement, la banque a, selon exploit délivré le 11 février 2010, assigné M. P. devant le tribunal de commerce.

Par jugement du 10 octobre 2011, le tribunal de commerce de Nancy, estimant que l'acte de cautionnement n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, a :

- déclaré l'action de la S. A. BNP Paribas recevable mais non fondée,

- prononcé la nullité de l'acte de cautionnement,

- déclaré la S. A. BNP Paribas mal fondée en toutes ses demandes,

- l'en a déboutée,

- a condamné la S. A. BNP Paribas à payer une somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S. A. BNP Paribas aux dépens.

Le 2 novembre 2011, la S. A. BNP Paribas a déclaré interjeter appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 30 octobre 2012.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Dans ses dernières écritures du 17 août 2012, la S. A. BNP Paribas, appelante, demande à la cour de :

- dire et juger son appel tant recevable que bien fondé,

- y faisant droit :

- réformer la décision entreprise dans toute la mesure utile et statuant à nouveau :

- déclarer valable le cautionnement souscrit le 3 mars 2006 par M. P.,

- le condamner en conséquence à lui payer la somme de 77 184,78 € outre les intérêts au taux de 3,87% à compter du 25 novembre 2009,

- ordonner la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner M. P. à lui payer une somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, qui seront recouvrés directement par maître Alain Chardon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La S. A. BNP Paribas fait valoir que :

- elle ne conteste pas que l'article L. 341-2 du code de la consommation soit applicable au litige,

- les premiers juges en ont fait une application rigide, s'en tenant à sa lettre et en oubliant l'esprit,

- M. P. avait parfaitement compris le sens et la portée de son engagement nonobstant l'omission purement matérielle du mot caution dans la mention manuscrite qu il a apposée,

- son épouse a au surplus consenti au cautionnement.

Dans ses dernières écritures du 29 octobre 2012, M. Eric P., intimé, demande à la cour de :

- déclarer recevable et mal fondé l'appel de la BNP,

- confirmer le jugement entrepris,

- à titre subsidiaire :

- dire et juger qu'il est libéré des intérêts de sa dette compte tenu du défaut d'information de la caution,

- lui accorder la possibilité de s'acquitter de sa dette avec un différé de deux ans,

- condamner la BNP à lui payer la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner enfin aux entiers dépens d'instance, avec distraction au profit de la Selarl Knittel Fouray Giuranna Bach Wassermann, avocats aux offres de droit.

M. Eric P. fait valoir que :

- les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dès lors que la mention manuscrite n'était pas conforme aux exigences légales,

- il n'est pas l'homme d'affaires aguerri que veut présenter la banque,

- l'obligation d'information de la caution n'a pas été respectée,

- il sollicite le bénéfice des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce qui prévoit que le tribunal peut accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans à la suite d'un jugement prononçant la liquidation.

MOTIFS :

Attendu que l'article L. 341-2 du code de la consommation dispose que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci : En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même.' ;

Attendu que la nullité d'un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution n'est pas identique aux mentions prescrites par l'article L. 341-2 du code de la consommation, à l'exception de l'hypothèse dans laquelle ce défaut d'identité résulterait d'erreur matérielle ;

Attendu que l'erreur matérielle s'entend de l'erreur qui n'a aucune conséquence sur la compréhension du sens et de la portée de l'engagement de caution ;

Attendu que la mention manuscrite figurant au contrat sous seing privé signé par les parties le 3 mars 2006 contient deux omissions, en ce que M. P. a écrit : En me portant de la société Realiser Finances', le terme caution étant manquant au début de la formule et : ...je m engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si n'y satisfait pas elle même', la désignation de la débitrice principale, la société Realiser Finances, étant manquante en fin de formule ;

Attendu qu'il ressort des stipulations du contrat que le cautionnement de M. P. était un cautionnement solidaire, ce qui impliquait l'exigence supplémentaire de la mention manuscrite prévue à l'article L. 341-3 du code de la consommation, laquelle ne figure néanmoins pas à l'acte ;

Que dans ce contexte de non respect flagrant des droits de la caution, la disparition du terme le plus important de la formule exigée par l'article L. 341-2 ne saurait être considérée comme fortuite ;

Qu'en outre, la non désignation de la débitrice principale en fin de formule rend celle ci incompréhensible quant au mécanisme de déclenchement de l'engagement de caution, ambiguïté également majorée par l'absence de la mention manuscrite sur la signification d'un cautionnement solidaire ;

Qu'ainsi, l'hypothèse du caractère purement matériel des deux omissions de termes s'en trouve infirmée ;

Qu'en conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé la nullité de l'engagement de caution de M. P. et débouté la banque de sa demande en paiement ;

Que le jugement entrepris sera confirmé ;

Attendu que l'abus de procédure reproché à la banque n'est pas constitué, celle ci ayant légitimement fait usage de son droit appel suite à un débouté en première instance ;

Que la demande de dommages et intérêts de M. P. sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Confirme dans son intégralité le jugement du 10 octobre 2011 du tribunal de commerce de Nancy ;

Y ajoutant :

Déboute M. Eric P. de sa demande de dommages et intérêts ;

Met les dépens d'appel à la charge de la S. A. BNP Paribas, avec faculté de distraction au profit de la Selàrl Knittel Fouray Giuranna Bach Wassermann, avocats aux offres de droit ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la S. A. BNP Paribas à payer à M. Eric P. la somme de mille cinq cents euros (1.500 € ) à ce titre et déboute la S. A. BNP Paribas de sa demande à ce titre.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site