Livv
Décisions

CA Versailles, 13e ch., 19 avril 2012, n° 11/02340

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SA CREDIT DU NORD

Défendeur :

SELARL C. BASSE, SA REVE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Besse

Conseiller :

M. Testut

Conseiller :

Mme Vaissette

Avocats :

SCP DEBRAY CHEMIN, Me Le Assaad

Avocats :

SCP BOMMART-MINAULT, Me O. Pechenard

CA Versailles n° 11/02340

18 avril 2012

Le 1er juillet 2008, la société REVE a ouvert auprès de la société Crédit du Nord un compte professionnel et, par avenant du 17 juillet 2008, a bénéficié d'une facilité de trésorerie pour un montant autorisé de 40 000 euros.

Par acte sous seing privé du 22 juillet 2008, le Crédit du Nord a consenti à la société REVE un prêt de 70 000 euros.

Par acte sous seing privé du 15 septembre 2009, M. Christian F. s'est rendu caution solidaire des engagements de la société REVE dans la limite de 52 000 euros.

Le fonctionnement du compte n'étant pas satisfaisant, le Crédit du Nord a dénoncé le découvert et la convention de compte courant le 9 octobre 2009 moyennant un préavis de 60 jours puis a prononcé la déchéance du terme du prêt le 12 janvier 2010 et, le 8 mars 2010, a mis en demeure la société REVE de lui payer les sommes dues au titre du compte courant et du prêt et M. F. d'honorer son engagement de caution.

Les mises en demeure restant sans effet, le Crédit du Nord a assigné en paiement la société REVE et M. F. devant le tribunal de commerce de Nanterre lequel , en l'absence de comparution de M. F., et par jugement réputé contradictoire du 18 janvier 2011, a :

- condamné la société REVE à payer au Crédit du Nord la somme de 42 566, 44 euros au titre du solde débiteur du compte majorée des intérêts au taux conventionnel à compter du 8 mars 2010,

- condamné la société REVE à payer au Crédit du Nord la somme de 63 950, 61 euros au titre du remboursement du prêt, majorée des intérêts au taux contractuel de 5, 22 % à compter du 8 mars 2010,

- débouté la société REVE de sa demande de délais de paiement,

- condamné solidairement M. F. à payer au Crédit du Nord la somme de 52 000 euros au titre de son engagement de caution solidaire majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2010,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil par année entière à dater du 8 mars 2011,

- condamné solidairement la société REVE et M. F. à payer au Crédit du Nord la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné solidairement la société REVE et M. F. aux dépens.

M. F. a relevé appel de ce jugement par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 24 mars 2011.

Par acte du 28 juin 2011, il a assigné en intervention forcée la Selarl Basse en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société REVE , cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire le 9 mars 2011.

Le désistement partiel de l'appel de M. F. à l'égard de la société REVE a été constaté par ordonnance du 7 septembre 2011.

Aux termes de conclusions du 24 juin 2011, M. F. demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de juger que l'engagement de caution qu'il a souscrit est nul,

- de débouter en conséquence le Crédit du Nord de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

- de juger que la créance détenue par le Crédit du Nord n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible,

- de dire surabondamment que le cautionnement est éteint du fait de la perte de la subrogation dans les droits, hypothèques et privilèges de la caution , perte imputable au Crédit du Nord,

- de juger en conséquence que la banque ne peut se prévaloir du cautionnement et décharger M. F. de la totalité de son engagement,

A titre infiniment subsidiaire,

- d'ordonner au Crédit du Nord de produire les justificatifs des sommes perçues de la liquidation judiciaire et de la réalisation éventuelle des sûretés prévues à la convention de compte courant et au prêt,

- de prononcer le cantonnement des sommes dues par M. F. après déduction des sommes perçues au titre de la liquidation judiciaire et/ou de la réalisation éventuelle des sûretés précitées,

- en tant que de besoin, de dire que toute condamnation de M. F. sera libellée en deniers ou quittances notamment au vu des sommes perçues par la société Crédit du Nord,

- d'arrêter le cours des intérêts légaux au 9 mars 2011, date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire,

En tout état de cause,

- de condamner tout succombant à payer à M. F. la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande d'annulation du cautionnement, M. F. fait valoir que le contrat de caution ne comporte ni signature, ni paraphe de la banque partie à l'acte et il ajoute que la mention manuscrite n'est pas conforme aux prévisions de l'article L. 341-2 du code de la consommation puisque le mot débiteur y est substitué à celui de prêteur ;

Le Crédit du Nord a conclu le 19 juillet 2011 au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. F. à lui payer la somme de 52 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2010 et celle 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande en outre à la cour d'ordonner la capitalisation des intérêts et de condamner M. F. à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Sur la prétendue nullité du cautionnement, la banque fait valoir qu'il s'agit d' un engagement unilatéral et qu'aucun formalisme n'est requis pour son acceptation par le créancier bénéficiaire.

S'agissant de la mention manuscrite, la banque soutient que la nullité n'est pas encourue , le fait, dans le contexte de la phrase, d'avoir écrit débiteur aux lieu et place de créancier ne pouvant procéder que d'une erreur matérielle et elle ajoute que, dans ses conclusions, M. F. reconnaît qu'il avait bien compris qu'il était garant de la société REVE débitrice envers la banque.

La Selarl Basse, ès qualités, a conclu le 7 septembre 2011 pour s'en rapporter à la sagesse de la cour quant à la recevabilité et au bien fondé de l'appel interjeté par M. F. et pour solliciter la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le cautionnement est un contrat unilatéral par lequel seule la caution s'engage. L'acceptation du créancier n'est soumise à aucun formalisme particulier et peut intervenir tacitement. L'absence de signature du représentant de la banque n'est donc pas une cause de nullité du cautionnement, l'acte litigieux ayant au demeurant été établi sur un document à en-tête du Crédit du Nord et précisant en outre que la caution a été recueillie par Mlle A. (agent de la banque).

Le cautionnement a été conclu le 15 septembre 2009, il est soumis aux dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation et la caution doit donc faire précéder sa signature de la mention manuscrite prescrite par ce texte et uniquement de cette mention.

En l'espèce, la mention manuscrite apposée par M.Farkas est la suivante , pour ce qui intéresse le présent débat :

En me portant caution de la SA Reve dans la limite de la somme de 52 000 euros (cinquante deux mille euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 10 ans, je m'engage à rembourser au débiteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société REVE SA n'y satisfait pas elle-même

Or, la mention exigée par l'article L. 341-2 comporte à la place du mot erroné de débiteur celui de prêteur .

La nullité de l'engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l'acte de caution n'est pas identique à la mentions prescrite par l'article L. 341-2 précité, à l'exception de l'hypothèse dans laquelle ce défaut d'identité résulterait d' une erreur matérielle.

Mais, contrairement aux prétentions de la banque, l'erreur commise en l'espèce par M. F. ne peut être qualifiée d'erreur matérielle dans la mesure où elle modifie le sens de l'engagement pris .

En conséquence, la nullité du cautionnement souscrit doit être prononcée sans qu'il y ait lieu d'examiner les éléments extrinsèques éventuellement postérieurs qui pourraient accréditer la thèse de la banque suivant laquelle M. F. aurait compris le sens de son engagement en dépit de l'erreur contenue dans la mention manuscrite, étant précisé au surplus que les conclusions de M. F. ne comprennent pas la reconnaissance invoquée par la banque.

Le cautionnement étant nul, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens soulevés par l'appelant.

Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions relatives à la condamnation de M. F..

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 18 janvier 2011 par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions prononçant des condamnations à l'encontre de M. F.,

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs,

Annule le cautionnement conclu le 15 septembre 2009 entre M. F. et la société Crédit du Nord,

Déboute en conséquence la société Crédit du Nord de toutes ses demandes à l'encontre de M. F.,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et rejette les demandes formées à ce titre,

Condamne la société Crédit du Nord aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par la SCP Lefevre Tardy Hongre-Boyeldieu, avoué , conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site