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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. B, 24 avril 2014, n° 13/00978

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SARL LAKER J.V.B.U

Défendeur :

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Conseiller :

M. Gagnaux

Conseiller :

Mme Hairon

Avocats :

Me Ceccalsi, Me Pomies Richaud

Avocat :

Me Huc - SELARL VOLFIN ET ASSOCIES,

CA Nîmes n° 13/00978

23 avril 2014

EXPOSE DU LITIGE

La Sarl EASY TAKE, devenue LAKER J.V.B.U a ouvert un compte courant dans les livres de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse, pour lequel elle disposait d'une facilité de caisse d'un montant de 100'000 €.

Par acte du 8 décembre 2010, Olivier MICHEL, gérant de la société, s'est porté caution solidaire des dettes professionnelles de celle-ci, dans la limite de 200'000 €, jusqu'au 31 janvier 2014.

Par acte du 8 décembre 2010, Laurent MICHEL s'est porté caution solidaire des dettes professionnelles de la société, dans la limite de 200'000 €, jusqu'au 31 janvier 2014.

Selon contrat en date du 4 mai 2010, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse a consenti à la Sarl EASY TAKE, un prêt d'un montant de 150'000 €, au taux contractuel fixe de 4,39 % remboursables en 60 mensualités, avec inscription d'un nantissement sur le fonds de commerce.

Selon acte sous seing privé en date du 4 mai 2010, Laurent MICHEL s'est porté caution solidaire dudit prêt dans la limite de 13'260 €

Par acte du 5 mai 2010, Olivier MICHEL s'est porté caution solidaire dudit prêt dans la limite de la somme de 49'920 €.

À la suite de différents incidents de paiement, courant 2011, et après plusieurs mises en demeure, la Caisse d'Epargne et de prévoyance Provence Alpes Corse, par exploits du 9 décembre 2011, a saisi le tribunal de commerce d'Avignon d'une action en paiement à l'encontre de la société et des deux cautions.

La société Sarl EASY TAKE ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, prononcé le 21 décembre 2011, converti en liquidation judiciaire le 11 janvier 2012, la Caisse d'Epargne et de prévoyance a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur le 18 janvier 2012 pour :

- une somme en principal de 122'821,12 euros à titre privilégié, outre intérêts, au titre du prêt

- une somme de 79'623,59 euros, à titre chirographaire, au titre du solde débiteur du compte courant

- une somme de 40'000 € à titre chirographaire au titre des cessions de créances professionnelles DAILLY

Par assignation du 24 avril 2012, la Caisse d'Epargne et de prévoyance a appelé en la cause Me AUBERT, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sarl EASY TAKE.

Par jugement du 21 janvier 2013, le tribunal de commerce d'Avignon a :

- dit que la banque s'est désistée vis-à-vis de la société EASY TAKE, mais que se faisant, elle ne s'est pas désistée vis-à-vis des cautions, Messieurs Olivier et Laurent MICHEL

- dit que le désistement de la banque porte sur une action en paiement, que ce désistement porte sur l'instance qui était engagée, qu'il convient de différencier le sort de l'instance de celui de la créance, que la créance demeure au titre d'une obligation que la banque est en droit de revendiquer, et qu'en conséquence, le désistement d'instance de la banque n'éteint pas la créance

- débouté MM. Olivier et Laurent Michel de leurs demandes de voir jugée éteinte la créance de la Caisse d'Epargne et de prévoyance Provence Alpes Corse à leur encontre

- dit que la créance n'étant pas éteinte, la banque est en droit d'appeler en la cause le mandataire liquidateur pour que soit fixée au fond, sa créance vis-à-vis de la société EASY TAKE

- fixé la créance de la Caisse d'Epargne et de prévoyance Provence Alpes Corse au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl EASY TAKE devenue Sarl LAKER J.V.B.U à la somme de :

79'577,38 euros au titre du compte courant débiteur n° 0800068128
40'000 € titre de la cession de créances professionnelles de crédit de TVA demeurée impayée
122'821,12 euros au titre du prêt n° 724019
-dit que MM. Olivier et Laurent MICHEL sont obligés par leurs engagements de caution, et ce dans la limite de ces engagements garantissant les dettes de la société et le prêt

- condamné solidairement Olivier Michel et Laurent Michel à payer à la Caisse d'Epargne et de prévoyance Provence Alpes Corse :

79'577,38 euros au titre du compte courant débiteur n° 0800068128
40'000 € au titre de la cession de créance professionnelle de crédit de TVA demeurée impayée
- dit que ces sommes seront productives d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2011 pour la première, et 3 avril 2012 pour la seconde

- condamné Olivier Michel en sa qualité de caution personnelle et solidaire du prêt n° 724019 à payer à la Caisse d'Epargne et de prévoyance Provence Alpes Corse la somme de 49'920 € correspondant à la limite de son engagement

- condamné Laurent Michel, en sa qualité de caution personnelle et solidaire du prêt n° 724019 à payer à la Caisse d'Epargne et de prévoyance Provence Alpes Corse la somme de 13'260 € correspondant à la limite de son engagement

- dit que les sommes seront productives d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 janvier 2012

- condamné solidairement Laurent et Olivier Michel à payer à la Caisse d'Epargne et de prévoyance Provence Alpes Corse la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, outre les frais relatifs à la saisie conservatoire de la créance

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 février 2013, la Sarl LAKER J.V.B.U, Laurent Michel et Olivier Michel ont relevé appel de la décision.

Par acte du 18 juillet 2013, la Caisse d'Epargne et de prévoyance Provence Alpes Corse a fait délivrer assignation à Me Jean-François Aubert, ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl EASY TAKE devenue Sarl LAKER J.V.B.U.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 17 septembre 2013, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens, la Sarl LAKER J.V.B.U, Laurent MICHEL et Olivier MICHEL demandent à la cour de :

- réformer la décision entreprise

- constater le désistement d'instance de la Caisse d'Epargne et l'extinction de l'instance en ce qui la concerne

- dire et juger que le créancier ne peut se prévaloir de l'engagement de caution de Laurent Michel

- constater l'extinction de la créance

- condamner la Caisse d'Epargne au paiement de la somme de 3000 €, au visa de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 juillet 2013 et signifiées le 18 juillet 2013, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse demande à la cour de :

- dire et juger irrecevable l'appel formé par la Sarl LAKER J.V.B.U représentée par son gérant en l'état de la procédure de liquidation judiciaire

- constater que l'appel est limité à la contestation par Monsieur Laurent Michel de son engagement de caution en date du 8 décembre 2010

- débouter en toutes hypothèses la Sarl LAKER J.V.B.U, Laurent Michel et Olivier Michel de leurs demandes, fins et conclusions comme infondées

- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce en toutes ses dispositions

- condamner solidairement Olivier Michel et Laurent Michel à payer une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction

Bien que régulièrement assigné, Me Aubert, pris en sa qualité de liquidateur de la Sarl EASY TAKE devenue la Sarl LAKER J.V.B.U, n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu.

Le ministère public, auquel la procédure a été communiquée, a indiqué dans un avis du 26 décembre 2013 qu'il s'en rapportait à l'appréciation de la cour.

Par ordonnance du 17 décembre 2013, la clôture de la procédure a été prononcée à effet différé au 27 février 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel de la Sarl LAKER J.V.B.U

Aux termes des dispositions de l'article L. 641-9 du code du commerce le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, emporte de plein droit, à partir de cette date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et la disposition de ses biens, tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Cependant, le débiteur continue d'exercer les droits qui lui sont propres et est donc recevable à relever appel d'une décision statuant sur la demande de fixation de créance d'un créancier, dés lors que le mandataire judiciaire est attrait à la procédure.

La demande de la Caisse d'Epargne sera rejetée.

Sur la créance de la Caisse d'Epargne à l'égard des cautions

Les appelants soutiennent que la Caisse d'Epargne ne peut valablement se prévaloir d'une créance à leur encontre, dans la mesure où elle s'est désistée de ses demandes à l'encontre de la Sarl EASY TAKE, en première instance et n'a pas fait fixer sa créance par le juge commissaire. Ils estiment que le tribunal de commerce a considéré, à tort que la créance avait subsisté à l'égard des cautions. Ils prétendent que si la déclaration de créances est assimilée à une action justice, le fait de renoncer à l'instance tendant à l'admission ou à la fixation de celle-ci, ne peut s'analyser que comme une renonciation définitive par le créancier, aux droits qu'il tient contre le débiteur, et donc à un véritable désistement d'action.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.622-21, L.622-23 et L.631-14 du code du commerce, que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers, dont la créance n'est pas mentionnée à l'article L622-17.I, et tendant notamment au paiement d'une somme d'argent ; les procédures interrompues ne pouvant être reprises que lorsque le créancier a déclaré sa créance et mis en cause le mandataire.

D'autre part, aux termes de l'article L.622-28 du code du commerce, le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation, toute action contre les personnes physiques coobligées, ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.

En l'espèce, l'action en paiement de la Caisse d'Epargne à l'encontre de la société et des deux cautions, engagée avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, a été interrompue par l'effet du jugement de redressement judiciaire du 21 décembre 2011. La liquidation judiciaire de la société ayant été prononcée le 11 janvier 2012, les poursuites à l'encontre des cautions n'étaient plus suspendues, à compter de cette date. D'autre part, la Caisse d'Epargne a procédé à une déclaration de créance le 18 janvier 2012 et mis en cause le mandataire par assignation du 24 avril 2012, ce qui autorisait la reprise de la procédure aux fins de fixation de la créance.

Contrairement à ce que prétendent les appelants, la renonciation par le créancier au droit à agir en paiement contre le débiteur principal n'emporte pas extinction de l'obligation principale et ne fait pas obstacle aux poursuites du créancier contre la caution solidaire. D'autre part, le désistement d'instance n'emporte pas renonciation à l'action, mais seulement extinction de l'instance, en application de l'article 398 du code de procédure civile. En présence de plusieurs défendeurs, comme en l'espèce, le désistement formé à l'encontre de l'un des défendeurs ne bénéficie donc pas aux autres, et l'instance n'est éteinte qu'en ce qu'elle concerne la prétention, objet de la renonciation mais subsiste pour le reste.

Ainsi, le fait pour la Caisse d'Epargne de s'être désistée de ses demandes en paiement à l'encontre de la Sarl EASY TAKE, n'emporte pas renonciation pour celle-ci de se prévaloir de sa créance tant à l'égard de la liquidation judiciaire aux fins de fixation de cette créance, que des cautions aux fins de paiement. En effet, après l'ouverture d'une procédure collective, le créancier est tenu de faire valoir ses droits l'encontre du débiteur exclusivement dans le cadre organisé de la procédure collective et ne peut poursuivre directement le débiteur, ni solliciter la condamnation de celui-ci, ses demandes à l'encontre de la liquidation judiciaire ne pouvant tendre qu'à la fixation de la créance. Par sa déclaration de créances, et la mise en cause du liquidateur, la Caisse d'Epargne a clairement manifesté son intention de poursuivre l'action, tandis que le désistement de l'instance en cours, serait-il parfait, n'emporterait pas désistement de l'action engagée dans le cadre de la procédure collective.

La Caisse d'Epargne n'avait pas à saisir le juge commissaire aux fins de fixation de sa créance, en l'absence de toute contestation. Il ne peut dès lors être prétendu que la Caisse d'Epargne aurait renoncé à se prévaloir de sa créance à l'encontre de la Sarl EASY TAKE et des cautions en déclarant se désister de l'instance en cours à l'égard de la seule société, tout en poursuivant son liquidateur.

Au surplus, il n'est pas justifié des actes de procédures relatifs à ce désistement, lequel n'a en tout état de cause jamais été constaté par le tribunal qui cite les termes de l'assignation du 24 avril 2012, et indique que la date de ce désistement ne peut être fixée avec précision.

Or ce désistement déclaré à l'égard de la seule Sarl EASY TAKE est incompatible avec l'action poursuivi contre son liquidateur, dès lors que la reprise d'instance ne peut tendre, qu'à la fixation de la créance à l'encontre de cette dernière , le mandataire liquidateur dûment appelé en la cause après déclaration de la créance au passif de la société en liquidation judiciaire ;

Les appelants ne peuvent donc valablement soutenir que la créance de la Caisse d'Epargne est éteinte en raison de cette prétendue renonciation à l'action.

La décision doit être confirmée.

Sur la nullité de l'engagement de caution de Laurent Michel

Laurent Michel, au visa de l'article L341-1du code de la consommation soutient que son engagement de caution serait nul, la mention manuscrite apposée sur l'acte n'étant pas conforme à celle exigée par la loi.

La Caisse d'Epargne réfute cette argumentation soutenant que l'irrégularité alléguée est purement formelle et ne saurait affecter la validité de l'engagement.

Il ressort de l'article L341-2 du code de la consommation, issu de la loi du 1er août 2003 et applicable aux cautionnements consentis à compter du 5 février 2004, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X, dans la limite de la somme de', couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard, et pour la durée de', je m'engage à rembourser aux prêteurs les sommes dues sur mes revenus et mes biens, si X n'y satisfait pas lui-même».

Il est exact que la mention manuscrite apposée par Laurent Michel dans l'acte de cautionnement en date du 8 décembre 2010 comporte une erreur puisqu'il est indiqué : « en me portant caution de la Sarl EASY TAKE dans la limite de la somme de 200'000 €, couvrant le paiement des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard' ». Il a donc été omis de préciser que la somme de 200'000 € couvrait le paiement du principal.

Cette seule omission du terme «principal», s'agissant d'une simple omission matérielle qui n'affecte ni le sens ni la portée de ladite mention manuscrite, l'engagement étant limité, en tout état de cause à la somme de 200'000 €, ne peut suffire à affecter la validité de l'engagement de caution.

Laurent Michel sera donc débouté de sa demande.

Sur les sommes réclamées par la Caisse d'Epargne

Les appelants ne forment aucune contestation à l'encontre du quantum des sommes réclamées par la Caisse d'Epargne, qui sont justifiés par les différentes pièces versées aux débats par celle-ci.

Il convient en conséquence de confirmer la décision en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Olivier et Laurent Michel succombent en leur appel et devront assumer les dépens et les frais irrépétibles exposés par l'intimée, arbitrés à la somme de 2000€.

PAR CES MOTIFS

la cour statuant par arrêt de défaut et en dernier ressort

DÉCLARE recevable l'appel de la Sarl EASY TAKE devenue Sarl LAKER J.V.B.U représentée par son gérant

REJETTE la demande de Laurent Michel tendant à voir prononcer la nullité de son engagement de caution en date du 8 décembre 2010

CONFIRME la décision en toutes ses dispositions

CONDAMNE solidairement Laurent MICHEL et Olivier MICHEL à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE solidairement Laurent MICHEL et Olivier MICHEL aux dépens

AUTORISE, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Anne HUC-BEAUCHAMPS de la Selarl VOLFIN et Associés Avignon, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens, dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

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