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Cass. com., 7 février 2018, n° 16-20.586

COUR DE CASSATION

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat :

Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié

Cass. com. n° 16-20.586

6 février 2018

Donne acte à M. et Mme X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Z... ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... se sont rendus cautions le 12 mars 2008 d'un prêt consenti par la société Caisse de crédit mutuel Meuse Nord (la banque) à la société X... Z... ; que celle-ci ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné M. et Mme X... en paiement ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. et Mme X... d'annulation de leurs cautionnements, l'arrêt, après avoir constaté que ces derniers ont apposé la même mention manuscrite sur leurs engagements de caution et écrit « je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens la société X... Z... n'y satisfait pas elle-même », retient que l'omission du mot « si » n'affecte ni le sens ni la portée de cette mention, dès lors qu'aux termes de celle-ci, M. et Mme X... ont indiqué qu'ils se portaient cautions de la société X... Z... dans la limite de 96 000 euros et pour une durée de neuf années et qu'ils s'engageaient à rembourser au prêteur les sommes dues sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la société, de sorte qu'ils étaient parfaitement informés de la nature et de la portée de leur engagement qui viendrait suppléer la carence du débiteur principal ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'erreur relevée, en ce qu'elle rendait la mention manuscrite légale inintelligible, en affectait le sens et la portée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de nullité de l'acte de cautionnement de M. X... et Mme Y..., épouse X..., signé le 12 mars 2008, en ce qu'il rejette la demande de déchéance de la société Caisse de crédit mutuel Meuse Nord de son droit à poursuivre M. X... et Mme Y..., épouse X..., pour l'acte de cautionnement du 12 mars 2008, en ce qu'il condamne solidairement M. X... et Mme Y..., épouse X..., à verser à la société Caisse de crédit mutuel Meuse Nord la somme de 29 369,69 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt et en ce qu'il statue à leur égard sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;

Condamne la société Caisse de crédit mutuel Meuse Nord aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leur demande de nullité des actes de cautionnement signés le 12 mars 2008, et de les avoir condamnés à payer la somme de 29.369,69 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt,

AUX MOTIFS QUE la nullité d'un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution n'est pas identique aux mentions prescrites par les articles L.341- 2 et L.341-3 du code de la consommation, à l'exception de l'hypothèse dans laquelle ce défaut d'identité résulterait d'erreur matérielle ; qu'en l'espèce, il est constaté que M. Axel X..., M. Jean-François X... et Mme X... ont apposé la même mention manuscrite sur leurs engagements de caution datés du 12 mars 2008 et écrit "je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens la X... Z... n'y satisfait pas elle-même" au lieu de « je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la X... Z... n 'y satisfait pas elle-même »; que cependant l'omission du "si" n'affecte ni le sens ni la portée de la mention manuscrite prescrite par l'article L.341-2 du code de la consommation ; qu'en effet, à la lecture de l'ensemble de la mention manuscrite, les cautions ont indiqué qu'elles se portaient caution de la X... Z... dans la limite de 96.000 euros pour une durée de 9 années et qu'elles s'engageaient à rembourser au prêteur les sommes dues sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la X... Z... , de sorte qu'elles étaient parfaitement informées de la nature et de la portée de leur engagement qui viendrait suppléer la carence du débiteur principal ; qu'en outre, le fait d'avoir pour chacun d'eux apposé leur signature à la fin de la reproduction des deux mentions prévues aux articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation ne peut emporter nullité de l'engagement de caution dès lors que la reproduction des articles a été faite en un seul paragraphe, sans insertion d'une clause pré-imprimée entre les deux textes; que ce moyen est sans emport; qu'en conséquence, les intimés doivent être déboutés de leur demande de nullité des engagements de caution du 12 mars 2008 et le jugement déféré infirmé,

1) ALORS QUE toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X, dans la limite de..., couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens, si X, n'y satisfait pas lui-même" ; que la cour d'appel a constaté que l'engagement souscrit par M. et Mme X... et M. Axel X... était ainsi libellé : «en me portant caution de la société X... Z... dans la limite de 96.000 euros couvrant le paiement principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 9 ans, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens la société X... Z... n'y satisfait pas elle-même" ; qu'il résulte de l'omission du « si » une incertitude sur la compréhension du mécanisme du cautionnement et la portée de l'engagement, rendant l'interprétation de la clause nécessaire ; qu'en qualifiant cette omission de simple erreur matérielle, la cour d'appel a violé l'article L341-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que les engagements des quatre cautions comportaient la même omission, en l'occurrence qu'elles n'étaient engagées que « si » la société X... Z... était défaillante ; qu'en ne recherchant pas si le fait que la même omission se répète dans tous les actes n'excluait pas qu'elle résulte d'une erreur purement matérielle et ne reflétait pas au contraire un problème généralisé à toutes les cautions de compréhension de la portée de leur engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L341-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de déchéance du Crédit Mutuel de son droit à poursuivre M. et Mme X... pour l'acte de cautionnement du 12 mars 2008 et d'avoir condamné M. et Mme X... à payer la somme de 29.369,69 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt

AUX MOTIFS QUE selon l'article L.341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la banque ne peut invoquer les dispositions de l'article L.650-1 du code de commerce puisque cet article s'applique au préjudice subi en raison d'un concours abusif de la banque ce que les cautions n'invoquent pas, leur demande étant limitée à la responsabilité de la banque pour disproportion du cautionnement au regard des biens et revenus de la caution ; qu'il appartient à la caution, qui se prévaut du caractère disproportionné de son engagement, d'apporter la preuve de l'existence d'une disproportion manifeste entre le montant de la somme garantie et la valeur de ses biens et revenus ; que pour apprécier le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, il doit être tenu compte de l'ensemble des engagements souscrits par la caution au jour de la fourniture de ce cautionnement ; que si, en cas de pluralité de cautions solidaires, la proportionnalité doit être appréciée séparément puisque chaque caution est tenue au paiement intégral de la dette sans pouvoir opposer le bénéfice de discussion ou de division, en revanche dans l'hypothèse d'époux communs en biens, l'appréciation doit se faire non au regard de la situation patrimoniale de chacun mais de celle de la communauté ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les cautions n'ont rempli aucune fiche de renseignements relative à leurs revenus et patrimoine lors de la signature de leur engagement et n'ont produit aucune pièce à la banque pour justifier de leur situation ; que les époux X... versent aux débats les bulletins de salaire de décembre 2007 faisant apparaître pour Mme X... un revenu annuel imposable de 19.242 euros et M. X... un revenu annuel de 18.078 euros soit un revenu mensuel de 3.110 euros pour le couple ; qu'ils étaient propriétaires de leur habitation pour laquelle ils avaient souscrit en 1998 un crédit immobilier remboursable jusqu'en 2014 avec une mensualité de 823 euros en 2008 ; qu'ils justifient de crédits à la consommation en cours en 2008 avec des mensualités de 266 et 160 euros ; qu'en outre, s'ils soutiennent qu'ils étaient surendettés, il est constaté qu'ils ne justifient d'aucune saisine de la commission de surendettement et que la plupart des crédits invoqués sont des cartes de paiement (Printemps, la Redoute) qui ne peuvent être considérées comme des charges fixes ; que cependant, les époux X... ne justifient pas de la valeur au moment de la signature de leur engagement de caution, de leur bien immobilier acquis en janvier 1998, étant observé qu'en mars 2008, plus de la moitié du prêt immobilier était remboursée ; que dès lors ils ne démontrent pas le caractère disproportionné de leur engagement de caution au regard de leur patrimoine immobilier ; que le jugement est infirmé ;

1) ALORS QUE le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que pour apprécier la situation financière de M. et Mme X... au moment de l'engagement, la cour d'appel a retenu que « la plupart des crédits invoqués sont des cartes de paiement qui ne peuvent être considérées comme des charges fixes » ; qu'en écartant ainsi une partie des dettes contractées par M. et Mme X..., la cour d'appel, qui devait se prononcer au regard de leur situation au jour de l'engagement, a violé l'article L341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

2) ALORS QUE M. et Mme X... exposaient dans leurs conclusions qu'ils étaient propriétaires d'un immeuble en cours de remboursement, qu'ils évaluaient à 90.554,72 euros, somme qu'ils avaient empruntée pour l'acquérir ; qu'en retenant que M. et Mme X... ne justifiaient pas de la valeur du bien, la cour d'appel a méconnu l'article 4 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que la banque n'avait fait remplir aucune fiche de renseignement par M. et Mme X...; qu'il en résultait que la banque avait recueilli leur cautionnement sans s'assurer de l'adéquation entre leur situation financière et le montant de leur engagement ; qu'en retenant que la banque pouvait poursuivre M. et Mme X... sans tirer aucune conséquence du manquement ainsi constaté, la cour d'appel a violé l'article L341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce.

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