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Décisions

CA Nancy, 5e ch. com., 27 janvier 2016, n° 15/00166

NANCY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SA HSBC FRANCE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meslin

Conseiller :

Mme Soulard

Conseiller :

M. Soin

Avocat :

Me Gutton - SELARL GEGOUT ET ASSOCIES

Avocat :

Me Dulucq - SCP DULUCQ GUILLEMARD

CA Nancy n° 15/00166

26 janvier 2016

Vu l'appel déclaré le 3 septembre 2013 par M. Pierre Emmanuel B. contre le jugement prononcé le 19 août 2013 par le tribunal de commerce de Nancy dans l'affaire qui l'oppose à la société anonyme HSBC France (société HSBC ou la Banque.)';

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes e conclusions présentées le':

- 6 février 2015 par la société HSBC, intimée,

- 24 septembre 2015 par M. Pierre Emmanuel B., appelant';

Vu l'arrêt avant dire droit du 23 septembre 2015';

Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les pièces et documents joints au dossier et notamment, la réponse à la demande de note en délibéré déposée par l'intimée 'le 23 juin 2015 au visa des articles 442, 444 et 445 du code de procédure civile ;


SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel enregistrées.

1. Données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

La société HSBC a selon acte sous seing privé du 16 décembre 2010, consenti à la société à responsabilité limitée Alminvest (société Alminvest.), un prêt professionnel de trésorerie d'un montant de 35 000 euros remboursable en 24 mensualités.

M. Pierre Emmanuel B., gérant de cette société holding d'une société d'exploitation ayant pour activité principale l'élaboration de maisons d'habitation en bois, s'est par acte sous seing privé du 16 décembre 2010, porté caution solidaire à hauteur de 35 040 euros dans la limite temporelle de trente mois.

Le tribunal de commerce d'Épinal ayant par jugement du 2 avril 2012, prononcé la liquidation judiciaire de la société Alminvest et nommé Maître Fabien Voinot en qualité de liquidateur judiciaire, la Banque a selon lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juin 2012, déclaré sa créance pour 22 699, 71 euros.

La Banque a ensuite par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 juillet 2012, vainement mis M. Pierre Emmanuel B. en demeure de lui payer la somme précitée puis, l'a fait assigner par acte extrajudiciaire du 16 août 2012 en exécution, au visa des articles 1134 et 2288 du code civil, de ses obligations de caution.

Par jugement du 12 août 2013, le tribunal de commerce de Nancy a énoncé sa décision sous forme de dispositif dans les termes suivants':

- dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité de l'acte de cautionnement conclu le 16 décembre 2010,

- constate la validité de l'engagement de caution de M. Pierre Emmanuel B.,

- condamne M. Pierre Emmanuel B. en sa qualité de caution solidaire à payer à la SA HSBC France la somme de 22 699, 71 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2012,

- ordonne la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière conformément à l'article 1154 du code civil,- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant toute voie de recours et sans garantie,

- condamne M. Pierre Emmanuel B. à payer à la SA HSBC France la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du CPC [code de procédure civile],

- condamne M. Pierre Emmanuel B. aux dépens du présent jugement.

Pour statuer ainsi, les premiers juges constatent que les mentions manuscrites légales obligatoires prévues par les articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, sont strictement reportées par la caution poursuivie dans l'acte d'engagement querellé et simplement complétées par la mention suivante «ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apports d'actifs...», sans incidence sur la portée desdites mentions.

M. Pierre Emmanuel B. a déclaré appel de cette décision.

A défaut de constitution de l'intimée dans le délai légal d'un mois, M. Pierre Emmanuel B. a par acte extrajudiciaire du 11 octobre 2013, fait signifier à la Banque une copie de sa déclaration d'appel et de ses conclusions, comportant également assignation à comparaître devant la Cour de céans.

La Banque ne s'est toutefois pas constituée et a déposé des conclusions d'intimée le 13 décembre 2013 soit, au delà du délai de deux mois prescrit par l'article 909 du code de procédure civile.

Le conseiller de la mise en état, saisi par conclusions d'incident du 4 février 2014 par M. Pierre Emmanuel B. aux fins de voir constater au visa des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile, l'irrecevabilité d'office des conclusions notifiées le 13 décembre 2013 par l'intimée a selon ordonnance du 31 mars 2014, statué en ces termes':

- déclarons irrecevables les conclusions du 13 décembre 2013 à la SA HSBC France,

- rejetons la demande d'injonction de communication des pièces,

- condamnons la SA HSBC aux dépens de l'incident,

- renvoyons l'affaire à l'audience de mise en état du 23 avril 2014 pour clôture.

Cette ordonnance n'a fait l'objet d'aucun déféré.

De nouveau saisi par conclusions d'incident déposées le 16 avril 2014 par M. Pierre E.

B. aux fins, au vu des articles 906 et 909 du code de procédure civile, de voir notamment déclarer irrecevables, les pièces notifiées par la société HSBC selon bordereau du 11 avril 2014, le magistrat de la mise en état a par ordonnance du 16 juin suivant, notamment dit pour droit':

- Nous déclarons incompétent pour connaître de la demande tendant à voir déclarer des pièces irrecevables,

- condamnons M. Pierre Emmanuel B. aux dépens de l'incident,

- disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le magistrat de la mise en état a précisé que sa compétence était définie à l'article 771 du code de procédure civile, applicable par renvoi de l'article 907 et aux articles 914 et 915 du dit code et qu'il n'entrait donc pas dans sa compétence de se prononcer sur la recevabilité de pièces.

Cette ordonnance n'a également fait l'objet d'aucun recours.

L'affaire, enregistrée sous le numéro de répertoire général 13-2568, a été radiée du rang des affaires en cours le 15 octobre 2014 pour tenir compte de la nécessité des parties de bénéficier de temps, afin de finaliser leur stratégie contentieuse.

Elle a été rétablie à la demande de M. Pierre Emmanuel B. le 13 janvier 2015 sous le numéro de répertoire général 15-166 et renvoyée à l'audience de mise en état du 31 mars 2015 pour poursuite de l'instruction de ce dossier.

L'appelant demande au corps de ses ultimes écritures à la Cour de':

- vu les dispositions des articles 1147 et 2288 du code civil,

- vu les dispositions de l'article L.313-22 du code monétaire et financier

- statuant à nouveau

- à titre liminaire,

- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement,

- à titre principal,

- constaté que la Banque HSBC ne justifie pas avoir respecté son devoir de mise en garde à l'égard de Monsieur Pierre B.,

- constater que la Banque HSBC a manqué à ses obligations au titre du devoir d'information annuelle

- constater que la Banque HSBC a manqué à ses obligations d'information depuis la liquidation judiciaire et jusqu'à la clôture de cette dernière,

- en conséquence,

- condamner la Banque HSBC, du fait du non respect de cette obligation légale

- ordonner la déchéance des intérêts conventionnels

- débouter la Banque HSBC de l'ensemble de ses demandes

- rejeter les demandes de la Banque HSBC sur le surplus

- en tout état de cause,

- condamner la Banque HSBC au montant de somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a finalement été ordonnée le 6 mai 2015 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries tenue en formation collégiale le 3 juin suivant pour y être plaidée.

A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré au 23 septembre 2015.

Par note du 3 juin 2015, il a été demandé à l'intimée de justifier d'un certificat d'irrecouvrabilité de la société HSBC ou de toute somme perçue dans le cadre de la procédure collective de la société Alminvest et quoi qu'il en soit, de l'issue de la procédure collective ouverte au nom de celle ci.

La Banque a déféré à cette demande formée au visa des articles 442, 444 et 445 du code de procédure civile le 23 juin 2015.


Par arrêt avant dire droit du 23 septembre 2015, la Cour a énoncé sa décision sous forme de dispositif dans les termes qui suivent':

- ordonne la réouverture des débats à l'audience du mercredi 25 novembre 2015 à 14 heures tenue en formation de double juge rapporteur, à l'effet de permettre aux parties de faire valoir leurs observations sur ce seul point élevé par la Cour et par suite, sur les dates des ultimes conclusions à partir desquelles la Cour doit se prononcer dans le litige qui les oppose,

- dit que leurs conclusions éventuelles sur ce point devront être déposées avant le 10 novembre 2015,

- réserve les dépens.

M. Pierre Emmanuel B. a dès le 24 septembre 2015, réitéré sous forme électronique le dépôt de ses ultimes conclusions initialement transmises sous forme papier le 13 janvier 2015 par suite du refus d'enregistrement du greffe des conclusions transmises par voie électronique dans le dossier radié n° 13-2568.

A l'audience du 25 novembre 2015, avant l'ouverture des débats, le magistrat de la mise en état a ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 6 mai 2015 à l'effet de pouvoir prendre ces dernières écritures en considération et a renvoyé l'affaire pour clôture à l'audience du 2 décembre suivant tenue en formation de double rapporteur pour y être plaidée.

A cette date la clôture a été ordonnée par simple mention au dossier, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour.

CELA ETANT EXPOSE,

La Cour statue à titre principal, sur le bien fondé d'une demande en paiement d'un solde de prêt professionnel impayé dirigée par un préteur de deniers (société HSBC ou la Banque.) contre une caution dirigeante (M. Pierre Emmanuel B..), par suite de la défaillance de la société débitrice principale placée en liquidation judiciaire (société Alminvest.), société holding d'une société d'exploitation dont l'activité principale consistait dans l'élaboration de maisons d'habitation en bois comprenant deux filiales, la société par actions simplifiée Terralma, d'une part et la société par actions simplifiée Gico, d'autre part.

Les sociétés Terralma et Gico sont actuellement, toutes deux déclarées en liquidation judiciaire.

Il est prima facie, précisé aux parties que la Cour statue sur les argumentaires et prétentions développés dans les ultimes écritures ci avant visées, l'avocat de la partie appelante ayant en effet procédé à une nouvelle notification par voie électronique de ses conclusions, initialement transmises le 13 janvier 2015 et alors non reçues par la Cour puisque le numéro de répertoire général 13-2568 s'avérait inaccessible du fait de la décision de radiation prise le 15 octobre 2014.

Aucun grief d'irrecevabilité ne saurait dans ces conditions, être encouru du chef de ces conclusions de la partie appelante.

Sur la nullité de l'acte de cautionnement

M. Pierre Emmanuel B. soutient à l'appui de sa demande de réformation qu'en estimant que la mention manuscrite, complémentaire à la mention légalement exigée par l'article L. 341-2 du code de la consommation portée sur l'acte de cautionnement litigieux, ne pouvait annihiler par voie de nullité cet engagement puisque, sans incidence aucune sur la portée des mentions manuscrites conformes aux dispositions légales, les premiers juges se sont placés en totale contradiction avec la jurisprudence habituelle de la Cour de cassation qui considère que seuls les défauts d'identité résultant d'une erreur matérielle, sont susceptibles d'échapper à la sanction de la nullité prévue par ce texte.

Vu l'article L.341-2 du code de la consommation dont il ressort que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci': «En me portant caution de X..... dans la limite de la somme de '.. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de....., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.... n'y satisfait pas lui même.»';

La mention manuscrite litigieuse, au vu des pièces soumise à la Cour, est précisément énoncée dans les termes suivants': «En me portant caution du bénéficiaire du crédit dans la limite de la somme de 35 040 euros (trente cinq mille quarante euros.) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 30 mois, je m'engage à rembourser au prêteur ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apport d'actifs, les sommes dues sur les revenus et mes biens si le bénéficiaire du crédit n'y satisfait pas lui même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec le bénéficiaire du crédit, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement le bénéficiaire du crédit.»


Cette mention diffère donc du modèle prescrit par l'article précité du code de la consommation en ce que, après avoir visé le prêteur ès qualités de bénéficiaire de cet engagement, elle ajoute à la mention légale, l'expression suivante': «ou, à toute autre personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apport d'actif».

Cette expression ne pouvant d'évidence être assimilée à un défaut d'identité résultant d'une erreur matérielle est de nature à emporter la nullité de cet engagement dont elle modifie nécessairement la portée puisqu'elle se réfère à des circonstances et événements dont les conditions et modalités ne sont pas encore exactement connues au moment de la signature de cet engagement.


Sur ces constatations et pour ces raisons, le jugement entrepris sera infirmé dans les termes du dispositif ci après.

Sur les dépens

Vu l'article 696 du code de procédure civile';

La Banque, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.


PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 31 mars 2014 et l'arrêt préparatoire du 23 septembre 2015 ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau et y ajoutant :

PRONONCE la nullité de l 'acte de cautionnement signé le 16 décembre 2010 par M. Pierre Emmanuel B..

DEBOUTE la société anonyme HSBC France de toutes ses demandes.

CONDAMNE la société anonyme HSBC France aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu l'article 700 du code de procédure civile'; CONDAMNE la société anonyme HSBC France à verser à M. Pierre Emmanuel B. trois mille euros (3 000 €) à titre de frais irrépétibles.

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