CA Rennes, 3e ch. com., 30 mai 2017, n° 15/06684
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Société BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Calloch
Conseiller :
Mme Andre
Conseiller :
Mme Daniel
Avocats :
Me Cloarec - SELARL FIDAL, Me Chaudet - SCP JEAN DAVID CHAUDET
Avocats :
Me Preneux - SELARL BAZILLE/TESSIER/PRENEUX, Me Boedec - SCP BOEDEC - RAOUL BOURLES LE VELY VERGNE
EXPOSE DU LITIGE
La Banque populaire atlantique (la BPA) a, par acte sous seing privé du 18 novembre 2011, consenti à la SARL Kids Park gérée par M. Jacques B., un prêt de 206.000 € au taux de 4,20 % remboursable en 84 mois. Par acte du 1er décembre 2011, M. B. s'est porté caution solidaire de ce crédit à concurrence de 103.000 € et de 50 % de l'encours restant dû.
Par acte sous seing privé du 29 novembre 2011, la SARL Vann Evasion représentée par son gérant, M. B., a souscrit auprès de la BPA un prêt de 275.000 €, au taux de 4,20 % remboursable en 84 mois. Par acte du 2 décembre 2011, M. B. s'est porté caution solidaire de ce crédit pour 108 mois, à concurrence de 50 % de l'encours dans la limite de 137.500 € couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard.
La SARL Kids Park a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 5 décembre 2012, la banque déclarant sa créance pour un montant de 194.611,58 €. Sa liquidation judiciaire a été prononcée le 10 avril 2013.
La SARL Vann Evasion a été placée en redressement judiciaire le 5 décembre 2012 et, le 15 janvier 2013, la BPA a déclaré sa créance à hauteur de 259.081,09 €. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 15 mai 2013.
Par lettres recommandées avec avis de réception des 15 avril et 21 mai 2013, la BPA a, vainement, mis M. B. en demeure d'honorer ses engagements de caution au profit des deux sociétés.
Saisi par les assignations délivrées par la banque le 6 novembre 2013, le tribunal de commerce de
Vannes a, par deux jugements ( RG 2013/ 003308 et 2013/ 003309 ) du 22 juillet 2015:
- déclaré valide les actes de cautionnements des 1er et 2 décembre 2011,
- débouter M. B. de ses demandes de dommages et intérêts,
- condamné M. B. à payer à la BPA les sommes de 133.035,52 € et de 99.950,47 €, le tout avec intérêts au taux de 4,20 % à compter du 7 août 2013,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- débouté M. B. de ses demandes de délais de paiement,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné M. B. à payer à la banque les sommes de 2.000 € (RG : 2013/003308) et 2000 € (2013/ 003309) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. B. aux dépens des deux instances.
Ce dernier a relevé appel de ces deux décisions sous les n° RG : 15/06684 et 15/06686, lesquelles ont fait l'objet d'une jonction le n° RG : 15/06684. Il demande à la cour de :
- déclarer nuls les actes de cautionnement des 18 et 29 novembre 2011,
- subsidiairement, vu l'article 2314 du code civil, dire que la BPA l'a privé de la possibilité de s'y subroger dans le bénéfice de la garantie Oseo, en libérant les fonds prêtés bien que les conditions de la garantie Oseo n'étaient plus réunies,
- le décharger, en conséquence, de ses engagements de caution,
- à titre très subsidiaire, condamner la BPA au paiement de la somme de 232.986,04 € (133.035,52 + 99.950,52) à titre de dommages et intérêts en réparation de sa faute, outre les intérêts au taux de 4,20 % à compter du 7 août 2013 au titre du dossier Vann Evasion et à, défaut au prorata de la perte de chance que la cour déterminera souverainement,
- ordonner la compensation des créances réciproques,
- lui accorder un report de 24 mois pour le règlement de sa dette,
- en tout état de cause, condamner la BPA aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En réponse, la BPA conclut à la confirmation des deux jugements et à la condamnation de M. B. aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits de la procédure ainsi que des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux énonciations des décisions attaquées et aux dernières conclusions déposées par M. B. le 16 février 2017 et par la BPA le 23 février 2017.
MOTIFS
Sur la validité des engagements de caution
M. B. soutient que les actes de cautionnement sont nuls à défaut de respect des dispositions impératives de l'article L.341-2 ancien du code de la consommation puisqu'il a ajouté à la suite du montant du cautionnement, la formule 'soit 50% de l'encours restant dû'. Il fait valoir que les mentions manuscrites sont dès lors imprécises et ambiguës car elles imposent une interprétation alternative et modifient le sens et la portée de la mention manuscrite.
M. B. a apposé sur les actes de cautionnement les mentions manuscrites suivantes :
En me portant caution de la SARL KIDS PARK dans la limite de la somme de 103.000 €(cent trois mille euros) soit 50 % de l'encours restant dû, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 108 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la SARL KIDS PARK n 'y satisfait pas elle même...
En me portant caution de la SARL VANN'EVASION dans la limite de la somme de 137.500,00 € (cent trente sept mille cinq cents euros), soit 50 % de l'encours restant dû, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 108 mois, je m 'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la SARL VANN'EVASION n'y satisfait pas elle même...
Mais les erreurs ou ajouts par rapport à la mention légale qui n'en affectent ni le sens ni la portée ne peuvent entraîner la nullité de la clause.
En l'espèce, l'ajout avait pour but d'instaurer une double limite au cautionnement. En effet, le terme soit n'introduit pas une alternative, faute d'avoir été réitéré dans la mention. Il précise uniquement que la caution était tenue à garantie de la moitié des sommes pouvant être dues au créancier dans la limite d'une somme maximale déterminée qui correspondait à la moitié du capital prêté.
L'ajout qui avait pour but de limiter l'étendue du cautionnement auquel M. B. s'engageait n'exigeait aucune interprétation et était nécessaire au respect des stipulations contractuelles. Aussi la précision contenue dans la mention manuscrite n'affectant ni la portée, ni le sens de la mention manuscrite obligatoire, le moyen de nullité sera rejeté.
Sur les dispositions de l'article 2314 du code civil
M. B. invoque les dispositions de ce texte qui énonce que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.
Il reproche à la banque de ne pas lui permettre d'être subrogé dans ses droits pour le cas où la garantie consentie par OSEO serait refusée au motif que les conditions d'octroi du prêt n'étaient plus réunies.
Mais en tout état de cause, la garantie OSEO qui est subsidiaire ne bénéficie qu'au prêteur et non à la caution. A supposer même que les conditions d'octroi de la garantie ne soient pas réunies, aucun préjudice ne peut dès lors en résulter pour la caution qui ne bénéficie d'aucune subrogation de ce chef. Le moyen sera en conséquence rejeté.
Sur l'obligation de mise en garde
M. B. soutient que la BPA a manqué à son devoir de mise en garde, engageant ainsi sa responsabilité. Toutefois, l'obligation n'est due qu'à la caution non avertie. Or, tel n'était pas le cas de M. B.. En effet, celui ci, âgé de 61 ans lors des engagements de caution, était le fondateur des sociétés Kids Park et Vann Evasion qu'il gérait depuis 3 ans, délai qui lui avait permis d'approfondir la viabilité de son projet. Il gérait également depuis 22 ans la société Informatique Conseil Finance, laquelle avait étendu son objet à la prise de participations dans des sociétés de loisirs, ce qui lui avait permis d'étudier plus particulièrement ce secteur d'activité et ses aléas. Il était enfin à la tête d'une fortune importante évaluée à 1.265.000 euros. Ces éléments révèlent une expérience et connaissance approfondies du monde des affaires lui permettant d'apprécier l'opportunité et les risques des prêts cautionnés, qui ne présentaient aucune complexité particulière, et lui conféraient la qualité de caution avertie.
Sur la responsabilité de la BPA
M. B. soutient que bien qu'ayant conscience du caractère surdimensionné du projet, la banque a consenti divers prêts dont elle a voulu faire supporter les risques à la caution. Mais la banque n'avait pas à s'immiscer dans la gestion des sociétés qui incombait uniquement à M. B., ni donc à étudier la pertinence de l'investissement que M. B. avait longuement mûri. Par ailleurs, la BPA a inscrit un nantissement sur les fonds de commerce de la société Vann Evasion à hauteur de 300.000 € et sur celui de la société Kids Park à hauteur de 247.200 € tandis qu'elle ne sollicitait le cautionnement du dirigeant que pour la moitié de l'encours des prêts. Le reproche n'est donc pas fondé.
M. B. fait également grief à la BPA d'avoir débloqué les fonds fin novembre 2011, sans attendre les garanties qu'elle avait elle même exigées pour financer l'opération à savoir un apport en compte courant d'associé qui devait être bloqué durant toute la durée du crédit et l'octroi d'un crédit vendeur par le propriétaire des murs. Mais ces garanties n'étaient exigées que par l'organisme Oseo comme condition de son intervention et non par la banque dans les contrats de prêts et dans les actes de cautionnement. Or les conditions générales Oseo prévoient que sa garantie, toujours subsidiaire, ne bénéficie qu'au prêteur sans possibilité de subrogation. M. B. ne justifie dès lors d'aucun préjudice de ce chef. Au demeurant, ayant en sa qualité de gérant et d'associé la maîtrise des capitaux prêtés et l'obligation d'effectuer les apports allégués, il ne peut reprocher à la banque sa propre défaillance, rien ne l'empêchant d'annuler la demande de prêt si les conditions de financement de l'opération ne pouvaient plus être réunies.
M. B. sera en conséquence débouté de son action en responsabilité en l'absence de faute de la BPA.
Sur la demande de délais
M. B. se prévaut des dispositions de l'article 1244-1 du code civil pour solliciter un report de 24 mois pour le règlement de sa dette. Mais il ne justifie pas de sa situation financière actuelle alors que la dette est ancienne et que l'appelant a d'ores et déjà bénéficié de délais importants du fait de la procédure. Il n' y a donc pas lieu, en l'absence d'allégation de circonstances particulières, de lui en accorder de nouveaux.
Sur les frais et dépens
M. B. qui succombe supportera les entiers dépens de première instance et d'appel. Il ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité ne commande pas de faire une nouvelle application de ce texte au profit de la banque devant la cour.
PAR CES MOTIFS
Confirme les jugements RG 2013/ 003308 et RG 2013/ 003309 rendus par le tribunal de commerce de Vannes le 22 juillet 2015 sauf à préciser que la condamnation est limitée à la somme de :
- 103 000 euros en ce qui concerne le cautionnement du 1er décembre 2011 ;
- 137 500 euros en ce qui concerne le cautionnement du 2 décembre 2011 ;
Rejette toute autre demande des parties,
Dit n'y avoir lieu à nouvelle application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour,
Condamne M. Jacques B. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.