CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 17 décembre 2013, n° 12/03870
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Legras
Conseiller :
M. Pellarin
Conseiller :
Mme Salmeron
Avocat :
Me Marfaing Didier
Avocat :
Me Piedagnel
Le 22 mars 2007 la SARL ASMG, devant exploiter un restaurant à CAZERES, se faisait octroyer par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL un prêt de 3.500€ (T06KP9018PR) remboursable en 60 mensualités au TEG de 5,83487% l'an. Renaud G., gérant, se portait par acte séparé caution solidaire à hauteur de 4.200€.
Par acte sous seing privé du 10 avril 2007 la SARL ASMG acquérait de la société Le cochon de lait sa branche d'activité restauration, brasserie, débit de boissons, traiteur, organisation de séminaires et congrès pour un montant de 70.000€, financé par un prêt du Crédit Agricole de 77.850€ (T06PEW011PR) remboursable en 84 mensualités au TEG de 4,92% l'an dont Renaud G. se portait caution dans l'acte à hauteur de 93.420€.
Le 1er février 2008 la SARL ASMG se faisait consentir par le Crédit Agricole deux autres prêts:
un prêt de 7.000€ (T09B90011PR) remboursable en 96 mensualités au TEG de 6,134% l an, dont Renaud G. se portait caution par acte séparé à hauteur de 8.400€;
un prêt de 4.900€ (T09B9WO17PR) remboursable en 60 mensualités au TEG de 6,599% l an dont Renaud G. se portait caution par acte séparé à hauteur de 5.880€.
Par acte sous seing privé du 28 Mars 2008 la SARL ASMG acquérait de la société Le cochon de lait le fonds de commerce d'hôtel exploité à CAZERES sur GARONNE pour le prix de 100.000€, financé par un prêt du Crédit Agricole de 67.950€ remboursable en 96 mensualités au TEG de
6,021% l'an dont Renaud G. se portait caution à hauteur de 81.540€.
La SARL ASMG était déclarée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de TOULOUSE du 29 avril 2009. La liquidation judiciaire intervenait le 8 septembre 2010. La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL déclarait ses créances au passif pour un montant de 133.728,75€.
Après mise en demeure du 14 septembre 2010 sans effet la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL faisait assigner Renaud G. devant le tribunal de commerce de TOULOUSE aux fins de le voir condamner en sa qualité de caution à lui payer les sommes suivantes:
- au titre du prêt de 77.850€: 64.352,68€ avec intérêts au taux contractuel de 7,65% à compter de l'arrêté du compte du 14 septembre 2010;
- au titre du prêt de 7.000€: 6.326,37€ avec intérêts au taux contractuel de 8,75% à compter de la même date;
- au titre du prêt de 4.900€: 4.718,10€ avec intérêts au taux contractuel de 8,75% à compter de la même date;
- au titre du prêt de 3.500€: 2.432,06€ avec intérêts au taux de 7,65% à compter de la même date; outre 5.000€ de dommages intérêts et 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 7 mars 2012 le tribunal a débouté la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 de ses demandes et, disant n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée aux dépens.
La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 a interjeté appel de ce jugement le 27 juillet 2012. Elle a conclu en dernier lieu le 21 janvier 2013 à l'infirmation en reprenant dans leur intégralité ses demandes de première instance. Elle fait valoir en substance:
- sur l acte de cautionnement du 22 mars 2007 et l absence de mention en toutes lettres : que l'omission de cette formalité est sans influence sur la validité de l'obligation elle même, or la réalité de l'engagement de caution n'a jamais été contestée et, à partir du commencement de preuve par écrit constitué par la mention en chiffres et par le montant du prêt, il doit être considéré que la preuve du montant de l'engagement est rapportée;
- sur la conformité des mentions manuscrites exigées par les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation: que l'omission du mot du avant le mot principal ou l ajout du bénéfice de division au bénéfice de discussion ne sont pas de nature à avoir faussé la compréhension de la caution sur la portée de son engagement, ni le sens ni la portée des mentions manuscrites n'étant modifiés;
- sur la prétendue disproportion manifeste: que la déclaration patrimoniale a bien été produite et l'intimé y déclarait un revenu mensuel en 2005 de 1.400€ net; l'autre associée (Mme J.) également caution avait un revenu de 1.139€, soit à eux deux un revenu imposable en 2006 de 23.485€; par ailleurs la situation prévisible du débiteur principal doit être prise en compte et l'intimé ne justifie pas de ses revenus actuels.
Renaud G., intimé et appelant incident, a conclu en dernier lieu le 2 mai 2013 à la réformation partielle du jugement et au débouté de l'appelante de toutes ses demandes avec sa condamnation à lui payer 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il répond pour l'essentiel:
- qu'aucun des actes de cautionnement n est conforme aux exigences des articles 1326 du code civil et L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation; la sanction est, en ce qui concerne les mentions exigées par les deux derniers textes, la nullité dès lors que l'acte ne comporte pas toutes les mentions et que celles ci ne sont pas strictement conformes au texte;
- subsidiairement, que la disproportion est flagrante, s agissant d un montant d engagements de caution de 111.900€ outre celui du 28 mars 2008 pour 81.540€ alors qu'il ne possède aucun bien immobilier ni valeurs mobilières et qu'il percevait en 2006 18.532€ et en 2007 13.559€;
que le fait qu une autre personne se soit portée caution ne peut être pris en compte dans l'appréciation de la disproportion, de même que les revenus prévisibles de la caution;
- qu'il est aujourd'hui salarié intérimaire avec un revenu mensuel moyen de 1.239€.
MOTIFS ET DECISION
Sur l'application des articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation:
Les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation s'appliquent aux actes de cautionnement de l'espèce, ces textes disposant:
- L 341-2 : toute personne physique qui s engage en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci: En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de .... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même'.
- L 341-3 : lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante: En renonçant au bénéfice de discussion défini à l article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...'.
La nullité d'un engagement de caution souscrit dans un acte sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution n'est pas identique aux mentions prescrites par les articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation, à l'exception de l'hypothèse dans laquelle ce défaut d'identité résulterait d'une erreur matérielle.
Toutefois l'objectif de ces mentions étant de faire comprendre à la caution la nature et la portée de son engagement il convient avant tout de s'assurer que l'omission ou l'ajout par rapport à la mention manuscrite visée par la loi a pu influer sur la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement.
En ce qui concerne l'engagement de caution du 22 mars 2007 il a été omis le mot du entre les mots paiement et principal , ce qui relève de l erreur matérielle, et il a été ajouté le mot solidaire après celui de caution : Toutefois le caractère solidaire de la caution est rappelé par la mention suivante conforme à l'article L 341-3.
Le même ajout du mot solidaire s applique aux deux engagements de caution du 1er février 2008 avec, compte tenu de la seconde mention, la même absence d'effets.
Ces trois engagements de caution ne peuvent se voir appliquer la nullité résultant des textes précités et par ailleurs l'article 1326 du code civil également invoqué par l'intimé ne l'est pas utilement dès lors que les actes constituent des commencements de preuve par écrit complétés par les actes de prêts dont la régularité n'est pas contestée.
L'engagement de caution du 10 avril 2007 comporte, dans la formule de l'article L 341-2, l'ajout au mot caution des mots personnelle et solidaire avec renonciation au bénéfice de discussion et de division' et la formule du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, est remplacée par du principal, intérêts, frais et accessoires . En outre il est ajouté in fine la référence précise au prêt cautionné.
Dans la mention exigée par l'article L 341-3 les mots de division sont ajoutés à celui de discussion .
De telles différences notables avec les mentions légales sont de nature à justifier la nullité de l'engagement de caution du 10 avril 2007.
- Sur l'application de l'article L 341-4 du code de la consommation :
Aux termes de l'article L 341-4 du code de la consommation un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement.
La disproportion s'apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution et en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d'engagements de caution.
D'autre part la proportionnalité de l'engagement de caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie. Il ne peut pas davantage être tenu compte de l'existence sur la même créance d'autres engagements de caution ni des biens et revenus des autres cautions.
En l'espèce aux engagements de caution fondant la poursuite, pour un total de 111.900€ il s'ajoute l'engagement de caution du 28 mars 2008 pour 81.540€ qui doit être inclus dans l'endettement global.
Renaud G. percevait en 2006 un revenu salarial de 18.532€ et de 13.559€ pour 2007 et ne possédait aucun patrimoine, et sa situation actuelle avec un revenu mensuel global de 12.689€ en 2012 toujours sans aucun patrimoine ne lui permet pas de faire face à ses obligations.
En conséquence le jugement ayant débouté la banque de ses demandes doit être confirmé, avec substitution partielle de motifs .
Il sera fait droit à la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de l'intimé.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement;
CONDAMNE la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 à payer à Renaud G. la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUSE 31 aux dépens d'appel dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.