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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 23 février 2017, n° 15/02785

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

SA FRANCE MATERNITE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Morillon

Vice-président :

Mme Janson

Conseiller :

Mme Diximier

Avocat :

Me Escude Quillet

Avocat :

Me Crepin - SELARL LEXAVOUE

CA Pau n° 15/02785

22 février 2017

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte du 1er septembre 2009, Monsieur Renaud C., gérant de la société COPORESE s'est porté caution à hauteur de 100.000 € au profit de la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE.

Par jugement du 16 août 2011, le tribunal de commerce de PAU a ouvert à l'égard de la société COPORESE une procédure de redressement judiciaire et la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, la SELARL FRANCOIS LEGRAND le 1er septembre 2011.

Par jugement du 17 septembre 2013, la société COPORESE a été mise en liquidation judiciaire.

Par acte d'huissier du 24 mars 2014, la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE a fait assigner Monsieur Renaud C. devant le tribunal de commerce de PAU aux fins d'obtenir, avec exécution provisoire, le paiement de la somme de 100.000 € en principal au titre de son engagement de caution, 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement du 16 juin 2015, auquel il y a lieu de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le tribunal de commerce de PAU a :

- reçu la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE en ses entières demandes, fins et prétentions et l'en a déclaré fondée,

- condamné Monsieur Renaud C. à payer à la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE les sommes de :

- 100.000 € en principal au titre de l'engagement de caution du 1er septembre 2009,

- 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné Monsieur Renaud C. aux dépens.

Par déclaration du 27 juillet 2015, Monsieur Renaud C. a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 5 juillet 2016, il demande de :

- réformer le jugement rendu, statuant à nouveau,

In limine litis,

- prononcer la nullité de l'assignation délivrée par la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE,

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de son engagement de caution,

En conséquence,

- débouter la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE à payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et celle de 5.000 € en cause d'appel,

- la condamner aux entiers dépens.

Il fait valoir que l'assignation est nulle à défaut d'expliciter le fondement juridique de la demande. Il ajoute que l'acte de caution encourt la nullité, les mentions manuscrites n'étant pas conformes aux prescriptions des articles

L.341-2 et 3 du code de la consommation. Il invoque en outre le caractère disproportionné de son engagement lorsqu'il a été souscrit et soutient qu'au jour où il est appelé, son patrimoine ne permet pas de faire face aux réclamations de la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE, ayant été déclaré en situation de surendettement le 15 décembre 2015.

Dans ses dernières conclusions du 4 juillet 2016, la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE demande de :

- débouter Monsieur Renaud C. de ses demandes,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu,

- rejeter l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance,

- dire et juger valable l'engagement de caution de Monsieur Renaud C.,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que l'engagement de caution de Monsieur Renaud C. est limité à la somme de 100.000 €,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger qu'il s'agit d'un engagement de caution simple,

En tout état de cause,

- condamner Monsieur Renaud C. à lui payer la somme de 100.000 € en principal au titre de l'engagement de caution conclu le 1er septembre 2009,

- condamner Monsieur Renaud C. à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle prétend notamment qu'elle a été contrainte de solliciter le cautionnement de Monsieur Renaud C., conformément à son règlement intérieur, en raison des nombreux incidents de paiement de la SARL COPORESE, adhérente du groupement, dont la dette s'élevait à 127.078,07 €.

Elle fait valoir que la nullité de l'assignation, acte de procédure, nécessite la démonstration d'un grief, ce que Monsieur Renaud C. ne fait pas, et qu'en tout état de cause la régularisation ultérieure de l'acte a été possible par la signification des conclusions devant le tribunal et devant la cour.

Elle ajoute que sa créance est certaine et définitive, puisqu'elle a été admise au passif de la liquidation judiciaire de la SARL COPORESE, et que l'engagement de caution de Monsieur Renaud C. est conforme à son règlement intérieur. Elle estime que l'acte est valable et que tout au plus la sanction est la perte du bénéfice de la solidarité. Par ailleurs, elle considère que l'engagement était proportionné aux biens et revenus de Monsieur Renaud C. au moment de sa souscription et qu'il bénéficierait de revenus occultes, serait titulaire de droits sur des biens immobiliers qu'il omet de mentionner, et qu'il aurait organisé son insolvabilité. Enfin, la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE fait valoir que la situation actuelle de la caution lui permet de faire face à ses engagements.

L'instruction a été clôturée le 6 juillet 2016 et l'affaire plaidée le 1er décembre 2016.

Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci dessus.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la nullité de l'assignation :

Monsieur Renaud C. soutient que l'assignation délivrée par la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE serait nulle, faute de préciser le fondement juridique de la demande.

S'agissant d'une nullité de forme, celui qui l'invoque doit démontrer l'existence d'un grief. De plus, la nullité peut être couverte par la régularisation ultérieure de l'acte.

Dès lors que le destinataire de l'assignation a pu comparaître et se faire représenter devant la juridiction de première instance, que par ailleurs la requérante a précisé le fondement de ses demandes dans des conclusions ultérieures, auxquelles Monsieur Renaud C. a pu répondre dans le respect parfait du contradictoire, il n'est démontré aucun grief.

En outre, l'acte de saisine visait bien l'engagement de caution de Monsieur Renaud C. si bien qu'il ne pouvait pas se méprendre sur le fondement juridique et factuel de la demande, même si les textes applicables n'étaient pas expressément visés.

Enfin, l 'admission définitive de la créance de la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE au passif de la SARL COPORESE ne permet pas à la caution d'opposer quelques moyens de droit que ce soit pour contester la validité de la créance, de telle sorte qu'il ne peut invoquer un quelconque grief à ce titre.

L'exception de nullité soulevée par Monsieur Renaud C. doit donc être rejetée.

Sur la nullité de l'engagement de caution :

Selon acte du 1er septembre 2009, Monsieur Renaud C. s'est engagé en qualité de caution pour garantir les engagements de la SARL COPORESE à hauteur de 100.000 €.

En vertu des dispositions des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, ' Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle ci : ' En me portant caution de X...dans la limite de la somme ... couvrant le paiement en principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ... .je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X .. .n'y satisfait pas lui même.'

'Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : ' en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X ... je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X ...'

Il est constant que ces dispositions s'appliquent à toutes les cautions - non averties et averties - et à tous les cautionnements - civil ou commercial - sous peine de nullité de l'engagement.

Ce principe ne souffre aucune dérogation en cas de non reproduction ou de reproduction partielle des mentions légales. Lorsque l'erreur ou l'ajout dans le libellé de la mention en affecte le sens ou la portée et a donc une influence certaine sur la compréhension pour la caution de la nature et du périmètre de son engagement, la nullité est encourue.

En l'espèce, il résulte de la lecture des mentions manuscrites apposées par Monsieur Renaud C. au titre de son engagement de caution qu'il a été écrit - sur les instructions du créancier - la mention suivante : '... dans la limite de 100.000 € (cent mille), couvrant le paiement du principal auquel seront ajoutés les intérêts, frais, commissions et accessoires, que je cautionne également expressément ...', ce qui ne correspond pas à la formule prévue par l'article L.341-2 du code de la consommation.

La mention apposée par Monsieur Renaud C., qui a pour conséquence que la caution s'engage au delà du montant principal indiqué en chiffres et en lettres, sans qu'elle puisse connaître au moment de sa signature le montant exact des sommes qu'elle pourrait finalement devoir au titre des intérêts, frais et accessoires en cas de défaillance de la société cautionnée, contrevient à l'esprit de la loi, qui voulait imposer au créancier l'obligation d'informer précisément la caution sur l'étendue de son engagement.

Ce défaut d'information est loin d'être anecdotique puisqu'en l'espèce, lorsque la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE a engagé son action devant le juge des référés, outre le montant principal de 127.078,07 €, elle lui réclamait également une somme de 4.932,11 € au titre des intérêts conventionnels selon décompte arrêté provisoirement au 30 novembre 2010. Elle reprend d'ailleurs cette demande en page 4 de ses dernières conclusions.

La sanction appliquée en cas de non respect des dispositions de l'article L.341-2 du code de la consommation n'est pas la limitation de l'engagement au montant du principal, comme tente de le soutenir la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE, mais bien une nullité de l'acte lui même, de sorte que le créancier ne peut plus s'en prévaloir à l'encontre de la caution.

L'article L.341-5 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'époque, ne trouve pas à s'appliquer s'agissant de la sanction du non respect des dispositions de l'article L.341-2 qui ne prévoit que la nullité.

Par conséquent, l'engagement de caution de Monsieur Renaud C. étant nul, la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE sera déboutée de l'intégralité de ses demandes et il est donc inutile d'examiner les autres moyens de défense soulevés par Monsieur Renaud C..

La SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE qui succombe doit supporter les dépens de l'instance d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ou la situation économique des parties ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.


PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation délivrée à Monsieur Renaud C.,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Prononce la nullité de l'acte de cautionnement souscrit le 1er septembre 2009 par Monsieur Renaud C. en garantie des engagements de la SARL COPORESE à l'égard de la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE,

Déboute la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE de l'intégralité de ses demandes,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA COOPERATIVE FRANCE MATERNITE aux dépens d'appel,

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

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