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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. a, 16 octobre 2014, n° 12/08765

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Durand

Vice-président :

M. Bouty

Conseiller :

Mme Chalbos

Avocats :

Me Dabot, Me Aubert

Avocat :

Me Rouillier

CA Aix-en-Provence n° 12/08765

15 octobre 2014

Suivant acte sous seing privé en date du 25 octobre 2006 la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE a consenti à la SARL L'ANCRE DU GALION un prêt de 420000 € remboursable en 84 mensualités au taux de 4,20%, destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce.

Ce prêt était garanti par une inscription de privilège du vendeur et de nantissement du fonds de commerce, l'engagement de caution de société INBEV FRANCE à hauteur de 15% de l'encours du prêt dans la limite de 63000 € , ainsi que par l'engagement de caution solidaire de Madame Marie Jeanne P., gérante et associée à hauteur de 90% de la SARL L'ANCRE DU GALION, et de Monsieur Jean Claude P., associé à hauteur de 10%, chacun dans la limite de 504000 € .

À la suite d'impayé la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL s'est prévalue de la déchéance du terme et a par acte du 17 septembre 2010, assigné la société emprunteuse, Madame Marie Jeanne P. et Monsieur Jean Claude P. en paiement des sommes dues au titre du prêt.

La SARL L'ANCRE DU GALION ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE du 14 avril 2011, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL a déclaré sa créance au passif de cette société et appelé en cause à l'instance en paiement Maître Dominique RAFONI en qualité de liquidateur.

Par jugement du 6 mars 2012, le tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE a :

- fixé la créance de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE à la somme de 282230,38 € dans le cadre de la procédure collective de la SARL L'ANCRE DU GALION au titre du solde impayé du prêt,

- condamné conjointement et solidairement Madame Marie Jeanne P. et Monsieur Jean Claude P. à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE cette somme de 282230,38 € , l'une pour 90% du montant, l'autre pour 10% du montant,

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts, frais et pénalités pour défaut d'information des cautions de la part de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE,

- condamné conjointement et solidairement Madame Marie Jeanne P. et Monsieur Jean Claude P. à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE une somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue le 15 mai 2012.

Aux termes de ses écritures récapitulatives signifiées le 3 septembre 2014, elle demande à la cour, vu les articles 1134, 1200, 2288 et 2298 du code civil, de :

- recevoir le Crédit Agricole en son appel,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Madame P.,

- réformer le jugement du tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE en ce qu'il a condamné conjointement et solidairement Madame Marie Jeanne P. et Monsieur Jean Claude P. l'une pour 90% du montant, l'autre pour 10% du montant,

- réformer ledit jugement en ce qu'il a déchu le Crédit Agricole du droit aux intérêts contractuels,

- confirmer ledit jugement dans toutes ses dispositions, en conséquence :

- condamner solidairement Madame Marie Jeanne P. et Monsieur Jean Claude P. au paiement de la somme de 282230,38 € outre intérêts au taux de 7,20% à compter du 31 août 2010 au titre de leurs engagements de cautions solidaires de la société L'ANCRE DU GALION,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner solidairement Madame Marie Jeanne P. et Monsieur Jean Claude P. au paiement de la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont ceux d'appel distraits au profit de Maître DABOT.

Par conclusions signifiées le 26 août 2014 Madame P. demande à la cour de réformer le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de rejeter l'ensemble de demandes, fins et conclusions de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE :

- à titre principal, vu les dispositions des articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation, de :

- dire et juger que les mentions manuscrites d'engagement de caution de Madame P. sont affectées d'irrégularités,

- prononcer en conséquence la nullité de l'engagement de caution,

- à titre subsidiaire, vu les dispositions des articles L341-4 du code de la consommation, 287 et suivants du code de procédure civile, de :

- dire et juger que l'écriture figurant sur la fiche de renseignements personnels prêtée à Madame P. par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE ne sont pas de sa main, écarter en conséquence cette pièce des débats et en toute hypothèse la déclarer inopposable à Madame P.,

- dans tous les cas, dire et juger disproportionné l'engagement de caution souscrit, dire et juger en conséquence que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE n'est pas fondée à s'en prévaloir.

- plus subsidiairement, vu les dispositions des articles 2288 et suivants du code civil, L650-1 du code de commerce, de :

- dire et juger que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE a commis une faute engageant sa responsabilité en octroyant à la société L'ANCRE DU GALION un crédit inconsidéré et en prenant des garanties disproportionnées pour garantir le concours ainsi accordé,

- allouer en conséquence la somme de 300000 € à Madame P. en réparation du préjudice subi résultant de ces fautes,

- annuler les garanties prises par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE dont notamment l'engagement de caution souscrit par Madame P., subsidiairement les réduire en application de l'alinéa 2 de l'article L650-1 du code de commerce,

- plus subsidiairement, vu les dispositions des articles 2288 et suivants, L313-22 du code monétaire et financier, 47 II de la loi du 11 février 1994, 1244-1 et suivants du code civil de :

- dire et juger que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE ne justifie pas du bien fondé de sa créance,

- dire et juger que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE ne justifie pas avoir respecté à l'égard de Madame P. son obligation d'information annuelle ainsi que l'information relative au premier incident de paiement dans le mois de son intervention,

- dire et juger en conséquence que la banque sera déchue de son droit aux intérêts depuis la souscription de son engagement par Madame P. le 25 octobre 2006 ainsi que de son droit aux pénalités et intérêts de retard à compter du premier incident de paiement non régularisé en date du 29 août 2009,

- dire et juger que les paiements effectués par la société L'ANCRE DU GALION sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette, ordonner à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL de produire un décompte expurgé des intérêts, pénalités et intérêts de retard au vu des modalités précitées,

- accorder à Madame P. compte tenu de sa situation un report du paiement des sommes qui seraient mises à sa charge à deux ans et lui accorder en tout état de cause les plus larges délais de paiement,

- dans tous les cas, de condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE à lui payer la somme de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont ceux d'appel distraits au profit de Maître Julie ROUILLIER.

Monsieur Jean Claude P. n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui ayant été signifiées suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure initialement fixée au 27 août 2014 a été reportée au 10 septembre 2014 avant les débats, de l'accord des parties.

MOTIFS :

Monsieur Jean Claude P. n'ayant pas été cité à personne, l'arrêt sera rendu par défaut en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Sur l'engagement de caution de Madame Marie Jeanne P. :

Aux termes de l'article L341-2 du code de la consommation, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci : En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même'.

Aux termes de l'article L341-2 du même code, lorsque le créancier demande un cautionnement solidaire, la caution doit, toujours à peine de nullité, faire précéder sa signature de la mention suivante : En renonçant au bénéfice de discussion défini à l article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...'.

Ces dispositions s'appliquent à toutes les cautions personnes physiques, y compris aux cautions averties souscrivant un cautionnement présentant un caractère commercial.

En application de ces dispositions, la nullité d'un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite n'est pas identique à celles prescrites par les articles précités, sauf si le défaut d'identité résulte d'une erreur purement matérielle ou de différences mineures qui n'affectent ni le sens, ni la portée de la mention.

En l'espèce, Madame P. a fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

Engagement de caution au bénéfice du Crédit Agricole et d INBEV :

En me portant caution de la SARL L'Ancre du Galion dans la limite de la somme de cinq cent quatre mille euros (504000 € ) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 108 mois.

Je m'engage à rembourser au prêteur ou à INBEV les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la SARL L'Ancre du Galion n'y satisfait pas elle même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2021du code civil et en m'obligeant solidairement avec la SARL L'Ancre du Galion, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la SARL L'Ancre du Galion'.

L'ajout d'un engagement envers la société INBEV, intervenue en qualité de caution dans la limite de 15% de l'encours du crédit avec un maximum de 63000 € , a pour effet de modifier la portée de la mention en ce qu'il tend à créer en sus de l'engagement envers le prêteur prévu aux articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation, un engagement envers un tiers né d'un fondement juridique distinct, à savoir une éventuelle action récursoire, et pour un montant différent, créant en outre un risque de confusion dans l'esprit de la caution.

L'engagement de caution de Madame P. étant ainsi entaché de nullité, le jugement déféré sera infirmé de ce chef et la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL déboutée de sa demande en paiement à l'encontre de cette caution.

Sur l'engagement de caution de Monsieur Jean Claude P. :

Monsieur P. est poursuivi non pas en sa qualité d'associé répondant indéfiniment des dettes sociales mais en vertu d'un engagement de caution solidaire dans la limite de 504000 € .

C'est donc sans aucun fondement que les premiers juge ont limité la condamnation de cette caution en proportion de ses parts dans le capital social.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Le jugement du 6 mars 2012 a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, frais et pénalités pour défaut d'information des cautions de la part de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, à l'égard de Monsieur Jean Claude P. qui l'avait demandé sur le fondement des dispositions de l'article L341-6 du code de la consommation.

La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL justifie avoir procédé à l'information annuelle de Monsieur P. jusqu'au 25 mars 2011 mais ne produit aucun justificatif de l'envoi ultérieur de l'information prévue à l'article L341-6 de la consommation, de sorte que la déchéance du droit aux intérêts de retard et pénalités est encourue à compter de cette date.

Monsieur P. sera en conséquence condamné au paiement de la somme de 282230,38 € outre intérêts de retard du 31 août 2010 au 25 mars 2011 et au taux légal au delà.

Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre partie.

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, il y a lieu de faire masse des dépens qui seront supportés pour moitié par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL, partie perdante contre Madame P., et pour moitié par Monsieur P., partie perdante contre l'appelant.


PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt de défaut,

- INFIRME le jugement déféré, statuant à nouveau :

- PRONONCE la nullité de l'engagement de caution de Madame Marie Jeanne P.,

- DÉBOUTE la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE de ses demandes à l'encontre de Madame Marie Jeanne P.,

- DIT qu'à l'égard de Monsieur Jean Claude P., la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE est déchue du droit aux intérêts de retard à compter du 25 mars 2011,

- CONDAMNE Monsieur Jean Claude P., en qualité de caution solidaire de la SARL L'ANCRE DU GALION, à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE la somme de 282230,38 € outre intérêts au taux de 7,20% du 31 août 2010 au 25 mars 2011 et au taux légal au delà,

- DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- FAIT MASSE des dépens qui seront supportés pour une moitié par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE et pour l'autre moitié par Monsieur Jean Claude P., les dépens d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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