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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 13 février 2014, n° 12/03976

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SA CREDIT DU NORD

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Belaval

Conseiller :

Mme Beauvois

Conseiller :

Mme Vaissette

Avocats :

Me Gueilhers, Me El Assad

Avocats :

Me Hongre-Boyeldieu, Cabinet AZOULAY et Associés

CA Versailles n° 12/03976

12 février 2014

La société anonyme Tago Mago est une société de vente au détail de produits textiles dont M. Norbert Medus était président du conseil d'administration et M. Ariel Petrossian directeur général. Elle a souscrit auprès de la société Crédit du Nord (le Crédit du Nord) diverses conventions de compte.

Par acte sous seing privé en date du 7 septembre 2005, la société Crédit du Nord a consenti à la société Tago Mago un prêt de 600.000 € en principal, d'une durée de 5 ans, remboursable en 60 échéances mensuelles au taux fixe de 3,70 % l'an. Dans le même acte, M. Medus et M. Petrossian se sont portés cautions solidaires de la société Tago Mago chacun dans la limite de la somme de 390.000 €. En garantie de ce prêt destiné à financer l'acquisition d'un fonds de commerce sis à [...] et des travaux d'aménagement, le Crédit du Nord a pris un nantissement sur le fonds de commerce.

Par acte sous seing privé du 22 octobre 2008, MM. Medus et Petrossian se sont portés cautions solidaires pour garantir le Crédit du Nord de tous les engagements de la société Tago Mago à concurrence de 500.000 € couvrant capital, intérêts et pénalités éventuelles.

Par jugement rendu le 29 avril 2009, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Tago Mago.

Le Crédit du Nord a déclaré sa créance le 16 juin 2009 entre les mains du mandataire judiciaire.

Le Crédit du Nord a mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour MM. Medus et Petrossian en leur demandant d'exécuter leurs engagements de cautions solidaires de la société Tago Mago.

Par actes des 8 et 9 décembre 2009, le Crédit du Nord a assigné MM. Medus et Petrossian devant le tribunal de commerce de Versailles aux fins de les voir condamner à lui payer la somme de 181.399,43 € au titre du prêt majorée des intérêts au taux contractuel à compter du 27 avril 2009 et la somme de 500.000 € au titre de leur cautionnement du 22 octobre 2008.

Par jugement rendu le 14 juin 2010, le tribunal de commerce d'Evry a ordonné la cession totale des actifs de la société Tago Mago.

Le 19 juillet 2010, le tribunal de commerce d'Evry a prononcé la liquidation judiciaire de la société Tago Mago.

Par jugement rendu le 6 avril 2012, le tribunal de commerce de Versailles a :

- débouté MM. Medus et Petrossian de leur demande de nullité de l'acte de cautionnement du 7 septembre 2005 ;

- déchargé MM. Medus et Petrossian de leur cautionnement solidaire signé le 22 octobre 2008 ;

- condamné solidairement MM. Medus et Petrossian à payer au Crédit du Nord la somme de 150.276,33 € au titre du contrat de prêt du 7 septembre 2005 avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2009 ;

- ordonné au Crédit du Nord la délivrance à MM. Medus et Petrossian d'une quittance subrogative à réception des sommes de 32.704,74 € et 29.350 € ;

- ordonné la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du code civil, la première capitalisation intervenant le 16 juin 2010 ;

- débouté MM. Medus et Petrossian de leurs demandes reconventionnelles;

- condamné solidairement MM. Medus et Petrossian à payer chacun une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés à supporter par moitié les dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Le Crédit du Nord a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 26 novembre 2013, le Crédit du Nord demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 6 avril 2012, en ce qu'il a :

condamné solidairement MM. Medus et Petrossian à lui payer la somme de 150.276,33 euros au titre du contrat de prêt cautionné du 7 septembre 2007(sic) en sus des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2009,
ordonné la capitalisation des intérêts,
débouté MM. Medus et Petrossian de toutes leurs demandes reconventionnelles,
les a condamnés solidairement chacun à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- pour le surplus, de réformer le jugement en ce qu'il a déchargé MM. Medus et Petrossian de leur cautionnement solidaire signé le 22 octobre 2008, et les condamner solidairement au titre de l'engagement de caution du 22 octobre 2008 à lui payer la somme de 374.704,66 euros représentant le montant de ses créances chirographaires définitivement admises au passif de la société Tago Mago à majorer des intérêts de retard au taux légal postérieurs au 16 juin 2009, date de leur mise en demeure et ce, jusqu'à parfait paiement ;

- de condamner solidairement MM. Medus et Petrossian à lui payer chacun la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance ainsi qu'aux dépens en cause d'appel.

Par dernières conclusions signifiées le 5 novembre 2013, MM. Medus et Petrossian demandent à la cour de les recevoir en leur appel incident et de :

SUR LA NULLITÉ DES ACTES DE CAUTIONNEMENT

A titre principal,

- dire que les mentions manuscrites des actes de cautionnement des 7 septembre 2005 et 22 octobre 2008 ne sont pas identiques à celles exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déchargés de leur cautionnement solidaire du 22 octobre 2008,

- l'infirmer en ce qu'il a déclaré valable l'acte de caution du 7 septembre 2005,

- prononcer la nullité des actes de cautionnement souscrits les 7 septembre 2005 et 22 octobre 2008 ;

Très subsidiairement,

- dire que le cautionnement solidaire du 22 octobre 2008 sera requalifié en cautionnement simple pour non-conformité des mentions manuscrites exigées par l'article L. 341-3 du code de la consommation,

En conséquence

- ordonner la suspension des poursuites diligentées contre eux jusqu'à l'issue des poursuites que le Crédit du Nord doit engager pour obtenir le recouvrement de la somme de 62.054,74 euros et ce conformément à l'article 108 du code de procédure civile,

- dire qu'il incombe au Crédit du Nord de diviser son action et de la réduire à la part et proportion de chaque caution,

- déclarer en conséquence les demandes du Crédit du Nord irrecevables et mal fondées ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, SUR LE MAL FONDÉ DES CONDAMNATIONS SOLLICITÉES

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant de la créance de la Banque au titre du prêt à la somme de 150.276,33 euros et en ce qu'il lui a enjoint de délivrer à MM. Medus et Petrossian une quittance subrogative à réception des sommes de 32.704 ,74 euros et 29.350 euros, sauf à suspendre les poursuites comme demandé ci-dessus,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

- l'infirmer pour le surplus et débouter le Crédit du Nord de sa demande de capitalisation des intérêts,

- dire que le Crédit du Nord ne justifie pas du quantum de ses demandes au titre du prêt du 22 octobre 2008, faute d'avoir imputer les versements effectués par la société Tago Mago sur le capital restant dû,

En conséquence,

- débouter le Crédit du Nord de toutes ses demandes ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE, SUR LA RESPONSABILITÉ DE LA BANQUE

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de de leurs demandes de ce chef,

- dire que le Crédit du Nord a fait preuve de déloyauté à leur égard et ainsi commis une faute engageant sa responsabilité,

En conséquence,

- condamner le Crédit du Nord à leur payer une somme correspondant au montant que ces derniers seraient condamnés à payer du fait de leur engagement de caution,

- dire que cette somme se compensera avec une éventuelle condamnation de MM. Medus et Petrossian fondée sur leurs engagements de caution,

- condamner le Crédit du Nord à leur payer des dommages intérêts complémentaires d'un montant de 50.000 euros chacun et ordonner la mainlevée des mesures conservatoires pratiquées à leur encontre ;

En tout état de cause,

- condamner le Crédit du Nord à leur payer la somme de 62.054,74 euros à titre de dommages-intérêts ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- condamner le Crédit du Nord à payer à chacun la somme de 5.000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

Sur l'acte de cautionnement du 22 octobre 2008

Le Crédit du Nord demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déchargé MM. Medus et Petrossian de leur cautionnement solidaire signé le 22 octobre 2008.

Pour ce faire, le tribunal a retenu que les mentions manuscrites n'étaient pas conformes aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, sans qu'il s'agisse d'une erreur matérielle évidente.

Le Crédit du Nord soutient à l'appui de son appel de ce chef du jugement que :

- le cautionnement a été souscrit dans le strict respect des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation ce qui d'ailleurs n'a pas été contesté par le tribunal ;

- s'agissant de la mention imposée par l'article L. 341-3 du même code, la mention manuscrite la reproduit à la lettre sans aucune imprécision ou expression ambivalente sauf que les lettres ne sont pas toujours bien formées et que la formule manuscrite est truffée de fautes d'orthographes, que le tribunal a considéré que MM. Medus et Petrossian avaient écrit 'solidement' et non 'solidairement' mais que l'écriture parfois illisible des cautions ne saurait se retourner contre le créancier et provoquer la nullité des cautionnements ;

- subsidiairement, la sanction qui s'applique à la violation de l'article L. 341-3 n'est pas identique à celle qui s'applique à la violation de l'article L. 341-2, que la sanction du non respect de la mention manuscrite est la nullité de la stipulation de la solidarité, de sorte que l'engagement de MM. Medus et Petrossian reste valable en tant que cautionnement simple ;

- les sommes à récupérer dans le cadre du plan de cession ne concernent que le remboursement du prêt du 7 septembre 2005 et compte tenu de la liquidation judiciaire prononcée, le Crédit du Nord ne peut exercer aucune action contre la société Tago Mago pour le recouvrement de la créance garantie par les cautionnements du 22 octobre 2008.

MM. Medus et Petrossian répondent que :

- le tribunal a à juste titre retenu que les mentions manuscrites n'étaient pas identiques aux mentions légales prescrites, la substitution dans chacune des mentions du mot 'solidement' au mot 'solidairement' et de 'M. Medus' pour l'une et 'M. Petrossian' pour l'autre, au lieu et place de 'la société Tago Mago', rend complètement incompréhensible et inopérant l'engagement des cautions, démontrant que les cautions n'ont pas compris le sens de leur engagement, l'acte encourant la nullité ;

- la mention édictée par l'article L. 341-3 du code de la consommation l'est à peine de nullité de l'engagement et la jurisprudence pose que les mentions des deux articles L. 341-2 et L 341-3 du code de la consommation doivent être clairement distinguées à peine de nullité, ce qui n'est le cas en l'espèce, puisqu'il n'y a ni point, ni majuscule identifiables entre la fin de la mention de l'article L 341-2 et le début de celle de l'article L 341-3, ce qui altère indiscutablement le sens et la portée des deux engagements qui n'ont ni les mêmes fins, ni le même objet ;

- très subsidiairement, ils sont en droit d'invoquer le bénéfice de la discussion et de la division car le Crédit du Nord qui doit percevoir les sommes de 32.704,74 € et de 29.350 € pour un total de 62.054,74 € au titre du prêt, n'a entrepris aucune démarche pour obtenir paiement de ces sommes, que contrairement à ce que prétend le Crédit du Nord, ce qui précède peut parfaitement être soutenu concernant le cautionnement du 22 octobre 2008 qui est un cautionnement « tous engagements », qu'ils sont donc bien fondés à demander la suspension des poursuites dirigées à leur encontre et qu'il incombe au Crédit du Nord de diviser son action et de la réduire à la part et portion de chaque caution.

' Sur ce :

L'acte du 22 octobre 2008 porte sur la caution délivrée par MM. Medus et Petrossian en faveur du Crédit du Nord pour un montant de 500.000 €, destinée à garantir toutes les sommes dues par la société Tago Mago à l'établissement bancaire.

L'article L. 341-2 du code de la consommation prévoit que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même.

L'article L. 341-3 précise que lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...".

M. Medus a porté la mention manuscrite suivante dans l'acte du 22 octobre 2008 :

« En me portant caution de la société Tago Mago dans la limite de la somme de 500.000 € (cinq cent mille Euros ) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 1 an je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si Tago Mago n'y satisfait pas elle-même en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidement avec Mr Petrossian, je m'engage à rembourser le créantier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la société Tago Mago ».

M. Petrossian a porté une mention quasiment identique, sauf quelques variations orthographiques sans conséquence, et 'en s'obligeant solidement avec M. Medus'.

L'engagement de caution solidaire, souscrit dans le respect des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, ne comportant pas la mention manuscrite exigée par l'article L 341-3 de ce code, demeure valable en tant que cautionnement simple.

Contrairement à ce que prétend le Crédit du Nord, les mentions manuscrites portées par MM. Medus et Petrossian sont parfaitement lisibles et il n'existe aucun doute sur le fait que les cautions se sont obligées « solidement » et non solidairement et que par ailleurs elles se sont engagées 'solidement' entre elles et non envers la société Tago Mago, ce qui démontrent que MM. Medus et Petrossian n'ont pas compris le sens et la portée de la solidarité demandée par la banque.

En revanche, comme le soutient à juste titre le Crédit du Nord, les mentions manuscrites portées par MM. Medus et Petrossian comme cautions de la société Tago Mago sont conformes à l'article L. 341-2 du code de la consommation et aucune nullité de l'engagement de cautionnement n'est encourue de ce chef. La circonstance que MM. Medus et Petrossian aient fait se succéder les deux mentions manuscrites prescrites par les deux articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, sans point ni autre signe de ponctuation et sans majuscule pour les séparer, n'est pas de nature à affecter la compréhension de la portée de leur engagement de caution et sa validité envers la société Tago Mago comme l'établit la reprise intégrale et identique de toutes les mentions exigées par l'article L. 341-2.

Il sera donc considéré contrairement à ce qu'a dit le tribunal que leurs engagements valent cautionnement simple de la société Tago Mago.

MM. Medus et Petrossian font valoir subsidiairement qu'ils sont fondés à opposer au Crédit du Nord le bénéfice de la discussion et de la division.

La société Tago Mago a été placée en liquidation judiciaire. Le Crédit du Nord justifie de l'admission définitive de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la débitrice principale à hauteur de :

- 181.399,43 euros au titre du prêt de 600.000 euros,

- 374.697,66 euros au titre des autres engagements de la société Tago Mago se décomposant comme suit :

1.907,39 euros au titre du solde débiteur du compte courant,
22.276 euros au titre des créances professionnelles Dailly qui étaient non échues au jour du redressement judiciaire,
53.775,61 euros au titre du crédit documentaire,
36.518,99 euros au titre des billets à ordre avalisés et impayés,
7.362,93 euros au titre des créances cédées dans le cadre de la loi Dailly et impayées au jour du redressement judiciaire,
252.856,74 euros au titre des billets à ordre qui étaient non échues au jour du redressement judiciaire.
Par jugement rendu le 14 juin 2010, le tribunal de commerce d'Evry a ordonné la cession totale des actifs de la société Tago Mago au profit de M. Cavanna avec faculté de se substituer la société STH moyennant le prix de 457.841 € et affecté une quote-part du prix de cession, sous réserve de l'exercice des droits des créanciers de rang préférable, s'élevant à la somme de 29.350 €, au Crédit du Nord en sa qualité de créancier nanti sur le fonds de commerce en vertu de la garantie détenue au titre du prêt de 600.000€.

MM. Medus et Petrossian ne peuvent invoquer à leur profit le bénéfice de la discussion dès lors que le Crédit du Nord ne peut poursuivre les biens de la société débitrice principale puisque les actifs de la société Tago Mago ont été entièrement cédés et que la société Tago Mago fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

En application de l'article L. 642-12 alinéa 4 du code de la consommation, le jugement du 14 juin 2010 a dit que la charge des sûretés du contrat de prêt de 600.000 € consenti par le Crédit du Nord sera transférée au cessionnaire à compter de la date de prise en jouissance en précisant que le montant total des échéances à échoir s'élève à la somme de 32.704,74 € en capital.

Cependant, l'obligation transférée sur le cessionnaire, dans le cadre du plan de cession, de payer les échéances du crédit, n'a pas d'effet novatoire et n'entraîne pas la décharge de la société Tago Mago. Ainsi, les cautions étant tenues à la dette née du chef de la société Tago Mago, elles restent obligées à l'intégralité des sommes dues au titre de leurs engagements.

MM. Medus et Petrossian sont mal fondés en toute hypothèse à voir diminuer les montants des sommes résultant de leurs engagements de caution de la somme de 32.704,74 € et à reprocher au Crédit du Nord de n'avoir entrepris aucune démarche pour le paiement de cette somme auprès de la société STH cessionnaire dont il est justifié au surplus qu'elle a elle-même fait l'objet d'une procédure de sauvegarde le 23 juillet 2012 converti en redressement judiciaire le 27 mai 2013.

S'agissant de la somme de 29.350 €, il ressort des pièces produites que malgré deux relances faites au liquidateur judiciaire de la société Tago Mago, le Crédit du Nord n'en a pas obtenu le paiement.

En tout cas, le Crédit du Nord oppose à juste titre que MM. Medus et Petrossian ne sont pas fondés, au bénéfice de la discussion, à voir diminuer de ce montant les sommes dues au titre de leurs engagements de caution pris le 22 octobre 2008 alors qu'il s'agit d'une somme affectée au Crédit du Nord sur le prix de cession de la société Tago Mago en sa qualité de créancier nanti au titre du prêt de 600.000 € destiné au financement de l'acquisition d'un fonds de commerce et de travaux d'aménagement, pour lesquels MM. Medus et Petrossian s'étaient spécialement et antérieurement portés caution le 7 septembre 2005.

MM. Medus et Petrossian sont donc mal fondés à demander la suspension des poursuites diligentées à leur encontre jusqu'à l'issue des poursuites que le Crédit du Nord devrait engager pour obtenir le recouvrement de la somme de 62.054,74 € et ce en application de l'article 108 du code de procédure civile.

En revanche, MM. Medus et Petrossian, pris chacun en qualité de caution simple de la société débitrice principale, sont fondés à opposer au Crédit du Nord le bénéfice de la division.

Le Crédit du Nord qui continue à solliciter la condamnation solidaire des cautions n'est par pour autant irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes mais il y a lieu de diviser sa réclamation entre les cautions et de condamner chacune des cautions au paiement de la moitié de la somme de 374.697,66 euros représentant l'intégralité de ses créances chirographaires définitivement admises au passif de la société Tago Mago, soit au paiement de la somme de 187.348,83 €.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2009, avec capitalisation des intérêts échus conformément à l'article 1154 du code civil.

Sur l'acte de cautionnement du 7 septembre 2005

Le Crédit du Nord appelant principal conclut sur ce point à la confirmation du jugement qui a condamné solidairement MM. Medus et Petrossian à payer au Crédit du Nord la somme de 150.276,33 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2009.

MM. Medus et Petrossian forment appel incident en soutenant à nouveau la nullité de leurs engagements en raison de ce que les mentions manuscrites ne seraient pas identiques à celle prévue à l'article L. 341-2 du code de la consommation.

Cependant, sur ce point, par des motifs pertinents que la cour fait siens, le tribunal a jugé exactement qu'en l'espèce, le remplacement du mot « principal » par le mot « capital » et l'omission dans la suite de la phrase de la conjonction de coordination « et » entre d'une part « des intérêts, » et d'autre part « le cas échéant, des pénalités...» n'affectaient ni le sens ni la portée de la mention manuscrite et qu'aucune nullité des engagements pris n'était encourue de ce chef, les mentions manuscrites portées par MM. Medus et Petrossian étant par ailleurs identiques à celles prévues par l'article L. 341-3.

MM. Medus et Petrossian se sont bien engagés solidairement avec la société Tago Mago. Ils ont valablement renoncé au bénéfice de la discussion et de la division.

La demande du Crédit du Nord portait initialement sur la somme de 181.399,43 € au titre du prêt de 600.000 euros ; le tribunal a exactement réduit à la somme de 150.276,33 € le montant des condamnations prononcées à l'encontre de MM. Medus et Petrossian en retenant le défaut d'information annuelle des cautions et la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, ce que le Crédit du Nord ne conteste pas et MM. Medus et Petrossian demandent de leur côté subsidiairement, à défaut de nullité de leur engagement, la confirmation du jugement de ce chef.

MM. Medus et Petrossian sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts sans invoquer aucun moyen à l'appui. Les dispositions du jugement qui a ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année seront confirmés, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels n'étant d'aucun effet sur l'application de l'article 1154 du code civil

MM. Medus et Petrossian demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné que leur soit délivré une quittance subrogative à réception des sommes de 32.704,74 € et de 29.350 € à raison de l'inaction de la banque. Cependant, MM. Medus et Petrossian ne garantissent que les engagements de la société Tago Mago envers le Crédit du Nord et ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan de cession ni à l'égard du Crédit du Nord pour voir diminuer leur dette ni à l'égard du cessionnaire. Ils ne justifient en conséquence d'aucun droit à exercer un recours subrogatoire, même s'ils réglaient ces sommes, leur permettant d'agir soit contre le cessionnaire, soit contre le liquidateur judiciaire de la société Tago Mago, pour en obtenir le remboursement.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné la délivrance d'une quittance à MM. Medus et Petrossian.

Sur la responsabilité de la banque

MM. Medus et Petrossian soutiennent que le Crédit du Nord aurait failli à son obligation d'information concernant la situation critique de l'entreprise, faisant état de deux courriers du Crédit du Nord des 22 février et 15 octobre 2008 mais le tribunal a parfaitement relevé que M. Medus en qualité de président de la société anonyme et M. Petrossian en qualité de directeur général étaient à ce titre les mieux informés au jour le jour de la situation financière et des perspectives commerciales de la société Tago Mago.

La banque n'était donc tenue à leur égard d'aucune obligation de mise en garde dès lors qu'ils ne démontrent pas qu'elle aurait eu sur la situation de la débitrice principale, ses facultés de remboursement prévisibles en l'état du succès raisonnablement escompté de l'entreprise des informations qu'eux-mêmes, par suite de circonstances exceptionnelles, auraient ignorées.

Aucune déloyauté ne peut être reprochée au Crédit du Nord alors que précisément MM. Medus et Petrossian ont été destinataires des courriers des 22 février et 15 octobre 2008 antérieurement à la signature de leur engagement du 22 octobre 2008.

Le jugement qui a débouté MM. Medus et Petrossian de leurs demandes reconventionnelles de réparation de préjudice et de dommages-intérêts de ce chef sera en conséquence confirmé.

Ils reprochent en outre au Crédit du Nord d'avoir procédé à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur deux biens appartenant à M. Petrossian pour un montant de 480.000 € et sur un bien appartenant à M. Medus pour un montant de 685.000 € mais manquent à établir en quoi ces garanties prises à titre conservatoire en vertu d'ordonnances de juge de l'exécution engageraient la responsabilité de la banque alors qu'elles ne privaient nullement MM. Medus et Petrossian de la possibilité de réaliser lesdits actifs pour faire face à leur charge. Ils seront déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts complémentaires de ce chef ainsi que de leur demande de mainlevée des mesures conservatoires pratiquées à leur encontre.

In fine dans leurs écritures, MM. Medus et Petrossian demandent la condamnation du Crédit du Nord à leur payer la somme de 62.054,74 € à titre de dommages-intérêts au motif que le Crédit du Nord n'a entrepris aucune diligence vis-à-vis du mandataire de la société Tago Mago et de la société STH et qu'il n'a pas préservé leurs droits dans le cadre d'un recours subrogatoire. Cependant, ainsi qu'il l'a été dit concernant la demande de quittance subrogative, MM. Medus et Petrossian ne disposent d'aucun droit à exercer un recours subrogatoire contre l'un ou l'autre de sorte qu'ils ne peuvent justifier d'aucun préjudice au motif avancé que l'inaction de la banque - à la considérer établie - les aurait privés d'un tel recours.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens d'appel seront supportés par moitié entre les cautions et l'équité commande de condamner chacune d'elles à payer au Crédit du Nord une indemnité de 1.500 € de l'article 700 du code de procédure civile accordée en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du 6 avril 2012 en ce qu'il a déchargé MM. Norbert Medus et Ariel Petrossian de leur cautionnement solidaire signé le 22 octobre 2008 et en ce qu'il a ordonné à la société le Crédit du Nord de délivrer une quittance subrogative.

Statuant à nouveau,

Déboute MM. Norbert Medus et Ariel Petrossian de leur demande de délivrance d'une quittance subrogative à réception par la société le Crédit du Nord des sommes de 32.704,74€ et 29.350 €.

Déboute MM. Norbert Medus et Ariel Petrossian de leur demande de nullité de leur engagement respectif du 22 octobre 2008.

Dit que l'engagement souscrit par M. Norbert Medus et celui souscrit par M. Ariel Petrossian le 22 octobre 2008 sont valables en tant que cautionnement simple de la société Tago Mago.

Déboute MM. Norbert Medus et Ariel Petrossian de leur demande tendant à voir déduire du montant de la créance de la société le Crédit du Nord la somme de 62.054,74 €.

Déboute MM. Norbert Medus et Ariel Petrossian de leur demande de suspension des poursuites diligentés contre eux jusqu'à l'issue des poursuites que la société le Crédit du Nord devrait engager pour obtenir le recouvrement de la somme de 62.054,74 €.

Dit que MM. Norbert Medus et Ariel Petrossian sont fondés à opposer aux demandes de la société le Crédit du Nord le bénéfice de la division en leur qualité de caution simple de la société Tago Mago.

Condamne M. Norbert Medus à payer à la société le Crédit du Nord la somme de 187.348,83 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2009, avec capitalisation des intérêts échus conformément à l'article 1154 du code civil, la première capitalisation intervenant le 16 juin 2010 et les capitalisations ultérieures le 16 juin de chaque année.

Condamne M. Ariel Petrossian à payer à la société le Crédit du Nord la somme de 187.348,83 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2009, avec capitalisation des intérêts échus conformément à l'article 1154 du code civil, la première capitalisation intervenant le 16 juin 2010 et les capitalisations ultérieures le 16 juin de chaque année.

Confirme le jugement du jugement du 6 avril 2012 pour le surplus.

Y ajoutant,

Déboute MM. Norbert Medus et Ariel Petrossian de leur demande en paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts complémentaires et de main-levée des mesures conservatoires pratiquées à leur encontre.

Les déboute de leur demande en paiement de la somme de 62.054,74 € à titre de dommages-intérêts.

Condamne M. Norbert Medus et M. Ariel Petrossian aux dépens d'appel par moitié et dit qu'ils seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne M. Norbert Medus à payer à la société le Crédit du Nord une indemnité de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et M. Ariel Petrossian la même somme au même titre à la société le Crédit du Nord.

Les déboute de leurs demandes au même titre.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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