CA Montpellier, ch. com., 29 juin 2021, n° 19/00365
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SAS UNION MATERIAUX
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Prouzat
Conseiller :
Mme Bourdon
Conseiller :
Mme Rochette
Avocat :
Me Vieu Barthes - SCP FARRIOL VIEU BARTHES ROGER
Avocat :
SELARL PORTAILL- BERNARD
FAITS, PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par acte sous seing privé en date du 2 octobre 2012, M. X, s'est porté caution solidaire, personnelle et indivisible, de tous engagements de la SARL JLG Réalisations à l'égard de la SAS Union matériaux, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction et dans la limite de 50 000 euros.
Par jugement du 18 novembre 2015, le tribunal de commerce de Perpignan a ouvert à l'encontre de la société Bâtiments et réalisations exerçant sous l'enseigne JLG Réalisations et ayant M. X pour gérant, une procédure de liquidation judiciaire.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 22 décembre 2015 (avis de réception non produit), la société Union matériaux se prévalant d'une ouverture de compte client professionnel par la société Bâtiments et réalisations, a déclaré une créance de 16 859,53 euros au passif de celle ci.
Le mandataire liquidateur, Mme Y, lui a délivré un certificat d'irrécouvrabilité en date du 15 janvier 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 septembre 2017, la société Union matériaux a vainement mis en demeure M. X de lui payer la somme de 12 859,53 euros, au titre de son engagement de caution.
Saisi d'une requête en date du 5 octobre 2017, le président du tribunal de commerce de Perpignan a rendu une ordonnance en date du 11 octobre 2017 enjoignant M. X à payer à la société Union matériaux les sommes de 10 210,71 euros au principal et de 517,27 euros au titre des intérêts de retard, outre celle de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal de commerce de Perpignan, statuant sur opposition en date du 7 décembre 2017 formée contre cette ordonnance, a, par jugement du 10 décembre 2018, déclaré l'opposition recevable en la forme et fondée, a débouté la société Union matériaux de l'ensemble de ses demandes et alloué à M. X, la somme de 800 euros, qui lui sera versée par la société Union matériaux, (...)
La SAS Union matériaux a régulièrement relevé appel, le 17 janvier 2019 de ce jugement en vue de sa réformation.
Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 3 mai 2021 via le RPVA, de :
Vu les articles 2288, 2289, 2290 à 2298 et suivants du code civil,
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
Statuant à nouveau,
- dire et juger valable l'engagement de caution personnelle et solidaire de M. X,
- condamner M. X à régler une somme en principal de 10 210,17 euros assortie des intérêts à compter de la mise en demeure du 4 septembre 2017,
- condamner M. X au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu' aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de procédure d'injonction de payer.
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- le tribunal a statué ultra petita car la validité de l'acte de cautionnement quant à l'identification de la société cautionnée n'avait pas été contestée devant les premiers juges, JLG réalisations étant l'enseigne de la société Bâtiments et réalisations,
- la mention manuscrite relative à la durée du cautionnement ne contrevient pas aux dispositions de l'article L341-2 du code de consommation dès lors qu'elle n'en modifie pas le sens et la portée,
- la créance déclarée à la liquidation judiciaire n'a pas été contestée ni davantage la mise en demeure à réception par la caution, la somme réclamée étant justifiée par les factures et les bons de commandes et de livraisons et le décompte récapitulatif.
Formant appel incident, M. X sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 10 septembre 2019 :
Vu les articles L341-2 ancien du code de la consommation, 1315, 2290 et 2292 du code civil, 696, 699 et 700 du code de procédure civile,
- déclarer nul l'acte de cautionnement du 2 octobre 2012 opposé par la SAS Union matériaux à M. X,
En tant que besoin,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que la SAS Union matériaux ne peut valablement se fonder sur l'acte de cautionnement solidaire du 2 octobre 2012 pour poursuivre M. X en garantie des dettes de la SARL Bâtiments et réalisations,
A titre d'appel incident,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que la SAS Union matériaux justifiait valablement de sa déclaration de créance,
En toutes hypothèses,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Union matériaux de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la SAS Union matériaux au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner au paiement des entiers dépens de l'instance.
Il expose en substance que :
- l'acte de cautionnement du 1er octobre 2011 est nul en ce que la mention manuscrite n'indique pas une durée précise au terme de laquelle l'engagement prend fin,
- la société Union matériaux ne peut valablement fonder sa demande sur cet acte pour avoir paiement des dettes de la société Bâtiments et réalisations puisque l'ouverture de compte, l'acte de caution mais également les bons de commande sont établies au profit de la société JLG réalisations, qui est une société distincte,
- la preuve n'est pas rapportée d'une déclaration de créance régulière, datée et signée, au passif de la société Bâtiments et réalisations,
- les factures présentées sont pour l'essentiel dépourvues de bons de commande et bons de livraison ou se rapportent à d' autres sociétés.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mai 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1- Sur la validité de l'engagement de caution :
M. X qui avait conclu au débouté de la société Union Matériaux en première instance, est recevable en cause d'appel, à soutenir la nullité de l'engagement de caution pour le double motif de l'absence de désignation du débiteur garanti par sa dénomination sociale et de l'absence de durée définie du cautionnement donné.
L'article L.341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la Loi n°2017-203 du 21 février 2017 dispose :'Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même."
L'article L.341-3 du même code ajoute que cette mention doit ainsi être complétée : 'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X.'
Il est constant que l'identification du débiteur garanti constitue l'un des éléments essentiels du cautionnement car elle participe de la connaissance du risque pris par celui qui s'engage.
Il en résulte que la mention manuscrite de l'acte de cautionnement doit permettre d'identifier le débiteur principal, sans qu'il soit nécessaire de se référer à des éléments extérieurs à cette mention et que ce débiteur doit également être désigné dans la mention manuscrite apposée par la caution par son nom ou sa dénomination sociale, mais non par une enseigne.
En l'espèce, la mention manuscrite a été rédigée de la manière suivante : En me portant caution de la société JLG Réalisations, dans la limite de la somme de 50 000 euros, cinquante mille euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de un an renouvelable par tacite reconduction je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société JLG Réalisations n'y satisfait pas elle même. 'En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec la société JLG Réalisations je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la société JLG Réalisations ".
Il doit être observé que le nom de la SARL Bâtiments et réalisation, absent de cette mention manuscrite, ne figure même pas sur les mentions dactylographiées de l'acte et que la demande d'ouverture de compte n'a été faite qu'au nom de la SARL JLG Réalisations et porte le cachet commercial de cette dernière avec un n° Siret n° 752 243 766.
Seul l'extrait K BIS laisse conclure qu'il n'existe qu'une seule société ayant pour numéro d'immatriculation n° 752 243 766 dénommée Bâtiments et Réalisations exerçant sous l'enseigne JLG Réalisations mais il ne peut y être référé pour valider le cautionnement des dettes de la société dénommée Bâtiments et Réalisations.
Par ailleurs, la mention « pour la durée de ... » prévue dans la mention légale implique que l'engagement de caution soit consenti pour une durée précise au terme de laquelle le cautionnement prend fin.
Si le formalisme de l'article L 341-2 précité n'est pas incompatible avec la conclusion d'un cautionnement à durée indéterminée, il est de principe que dès lors qu'un terme est stipulé, la durée du cautionnement doit être indiquée de manière précise, l'indication de cette durée constituant un élément essentiel, qui permet à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement.
La formule fixant la durée de l'engagement à « un an renouvelable par tacite reconduction » n'est pas conforme aux dispositions d'ordre public précitées, puisqu'à l'issue du délai d'un an, la date de fin du cautionnement ne peut être connue avec certitude
Il s'ensuit que M. X est fondé à soutenir que l'acte de cautionnement, qu'il a signé le 2 octobre 2012, ne respecte pas le formalisme des articles précités et se trouve entaché de nullité, ce dont il résulte que la société Union des matériaux doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions dirigées à son encontre.
2- Sur l'appel incident de M. X :
M. X entend former appel incident sur un chef de jugement inexistant, le dispositif du jugement n'ayant pas 'constaté' que la société Union des matériaux avait valablement déclaré sa créance. Le moyen tiré du défaut de déclaration de créance est ensuite inopérant puisqu'il n'est plus sanctionné par l'extinction de la créance et que les exceptions personnelles que M. X a valablement pu opposer lui permettent d'être dégagé du cautionnement qu'il conteste.
3- Sur les frais et les dépens :
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société Union des matériaux doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu toutefois de faire application, au profit de M. X des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 10 décembre 2018,
Y ajoutant,
Dit que l'acte de caution en date du 2 octobre 2012 opposé à M. X est nul,
Déboute la SAS Union Matériaux de ses demandes en paiement dirigées contre M. X,
Déboute M. X du surplus de ses demandes,
Dit que la SAS Union Matériaux supportera les dépens de première instance comprenant les frais de la procédure d'injonction de payer et d'appel sans application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.