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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 18 septembre 2018, n° 17/00961

BESANÇON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE BOURGOGNE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mazarin

Conseillers :

Mme Uguen Laithier, Mme Chiaradia

Avocats :

Me Vernier, Me Bonnetain

Avocat :

Me Leroux

CA Besançon n° 17/00961

17 septembre 2018

Faits, moyens et prétentions des parties

Par acte du 3 juillet 2012, M. Laurent C. s'est engagé dans la limite de 65.000 € couvrant le paiement du principal, intérêts, commissions, pénalités et intérêts de retard et pour une durée de 114 mois, en qualité de caution de Mme Pascale C., exerçant sous l'enseigne commerciale "Le Riad", au titre d'un prêt professionnel souscrit le même jour auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche Comté (ci après la caisse) d'un montant de 50.000 €.

Suivant acte du 11 juin 2013, M. Laurent C. s'est encore engagé dans la limite de 6.500 € et pour une durée de 65 mois en qualité de caution de Mme Pascale C. au titre d'un prêt professionnel souscrit le même jour auprès de la caisse d'un montant de 10.000 €.

Suite à la vente du fonds de commerce par Mme Pascale C. le 20 juin 2014, la déchéance du terme des deux prêts a été prononcée et M. Laurent C. a été mis en demeure par l'établissement prêteur suivant lettres recommandées avec avis de réception reçues le 22 décembre 2014 de régler en sa qualité de caution les sommes de 42.985,51 € et de 8.651,68 €, outre intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2014.

Les mises en demeure étant demeurées vaines, la caisse a, par exploit d'huissier délivré le 18 février 2015, fait assigner M. Laurent C. devant le tribunal de grande instance de Besançon aux fins de recouvrer sa créance.

Suivant jugements du tribunal de commerce de Besançon, Mme Pascale C. a été admise au bénéfice du redressement judiciaire et un plan d'apurement a été arrêté.

Par jugement rendu le 11 avril 2017 le tribunal de grande instance de Besançon, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- débouté M. Laurent C. de sa demande de sursis à statuer et l'a condamné à payer à la caisse les sommes de 4.342,16 €, outre intérêts au taux de 3,50 % à compter du 29 janvier 2015 dans la limite de 6.500 € et de 43.147,07 €, outre intérêts au taux de 3,50 % à compter du 29 janvier 2015 dans la limite de 65.000 €,

- l'a débouté du surplus de ses demandes et condamné à verser à la caisse 1.200 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens avec droit pour Maître Leroux de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant déclaration parvenue au greffe le 26 avril 2017, M. Laurent C. a relevé appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures transmises le 13 juin 2018, il conclut à son infirmation et demande à la cour de :

* à titre principal :

- juger que l'acte de cautionnement (sic) est nul en application des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation et dire que la caisse ne peut s'en prévaloir à son encontre,

- condamner la caisse à lui payer 2.000 € au titre des frais irrépétibles et à assumer les entiers dépens,

* à titre subsidiaire :

- déchoir la caisse de son droit aux intérêts contractuels, intérêts et accessoires depuis le premier prêt de juillet 2012 faute d'avoir respecté les dispositions des articles L.313-22 et L.313-31 du code monétaire et financier et L.341-1 et L.341-6 du code de la consommation,

- le condamner en conséquence à payer à la caisse les sommes de 8.261,28 €, outre intérêts au taux de 3,50 %, inférieur au taux légal majoré, au titre du prêt de 50.000 € et de 2.050,08 € outre intérêts au taux de 3,50 %, au titre du prêt de 50.000 €,

- condamner la caisse à lui payer 2.000 € au titre des frais irrépétibles et à assumer les entiers dépens.

Par dernières écritures déposées le 14 juin 2018, la caisse demande à la Cour de :

* à titre principal :

- confirmer le jugement déféré sauf à actualiser les créances en ces termes :

+ au titre du prêt de 50.000 € : condamner M. Laurent C. à payer les intérêts au taux légal sur 40.001,20 € du 19 décembre 2014 au 25 mars 2015, les intérêts au taux de 3,50 % à compter du 26 mars 2015 sur cette même somme et jusqu'au 3 mars 2017, les intérêts au taux de 3,50 % du 4 mars au 11 mai 2017 sur 18.825,39 € (40.001,29 - 21.175,90 €), et la somme de 17.275,69 € (18.825,39 -1.549,70 €), outre intérêts au taux de 3,50 % sur cette somme à compter du 12 mai 2017, jusqu'à complet règlement dans la limite de 65.000 €,

* au titre du prêt de 10.000 € : 4.227,28 €, outre intérêts au taux légal du 19 décembre 2014 au 25 mars 2015 puis intérêts au taux de 3,50 % au delà jusqu'à parfait règlement, dans la limite de 6.500 €,

* à titre subsidiaire, en cas de déchéance du droit aux intérêts :

+ au titre du prêt de 50.000 € : condamner M. Laurent C. à payer les intérêts au légal du 19 décembre 2014 au 3 mars 2017 sur 40.001,29 €, les intérêts au taux légal du 4 mars 2017 au 11 mai 2017 sur 18.825,39 €, puis les intérêts au taux légal sur 17.275,69 € à compter du 12 mai 2017 jusqu'à complet règlement dans la limite de 65.000 €,

* au titre du prêt de 10.000 € : 4.227,28 €, outre intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2014 jusqu'à parfait règlement, dans la limite de 6.500 € et si la somme de 615,48 € devait être déduite des sommes dues : 4.227,28 €, outre intérêts au taux légal du 19 décembre 2014 au 25 mars 2015 puis au taux de 3,50 % du 26 mars 2015 au 11 mai 2017 sur 4.227,28 € puis au taux de 3,50 % sur 3.611,80 € à compter du 12 mai 2017 jusqu'à parfait règlement dans la limite de 6.500 €, et, plus subsidiairement, 4.227,28 €, outre intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2014 jusqu'au 11 mai 2017, puis au même taux sur 3.611,80 € à compter du 12 mai 2018 et jusqu'à parfait règlement, dans la limite de 6.500 €,

* en tout état de cause, condamner M. Laurent C. à lui verser 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel avec droit pour Maître Leroux de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du même code.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère aux dernières conclusions valablement déposées de celles ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 29 mai 2018.

Motifs de la décision

* Sur l'exception de nullité des actes de cautionnement,

Attendu que M. Laurent C. argue de la nullité de ses engagements de caution sur le fondement des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, au motif qu'ils ne mentionnent pas avec exactitude l'identité de la personne garantie par le cautionnement ;

Qu'en vertu de l'article L.341-2 ancien, applicable aux engagements litigieux, "toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même" ;

Que le formalisme ainsi édicté qui vise à assurer l'information complète de la personne se portant caution quant à la portée de son engagement, conditionne la validité même de l'acte de cautionnement et son non respect est sanctionné par la nullité automatique de l'acte, sauf à constater qu'il ne s'agit que d'inexactitudes ou omissions mineures n'affectant pas le sens des mentions ;

Que la lecture des deux engagements fait apparaître qu'aux termes de chaque mention manuscrite M. Laurent C. déclare se porter caution de "Le Riad" et non de son épouse Mme Pascale C. ; que néanmoins, il est bien indiqué, dans les mentions imprimées sur la première page des engagements que l'intéressé "déclare se porter caution personnelle et solidaire de Madame C. Pascale, née le ...à..., mariée,... enseigne Le Riad, exerçant 30B rue Rivotte 25000 Besançon" ;

Que dans ces conditions, et quand bien même le texte précité serait d'interprétation stricte, la loi ayant pour objectif d'assurer la sécurité de la personne qui se porte caution, M. Laurent C. ne peut sérieusement soutenir qu'il y aurait une incertitude quant à l'identité de la personne garantie par son cautionnement, étant observé qu'il a manuscritement précisé à côté de sa signature qui fait suite à l'une de ses mentions manuscrites sa qualité de "conjoint caution" ;

Qu'il s'évince de ce qui précède que M. Laurent C. s'est engagé en qualité de caution de son épouse en toute connaissance de cause, en sorte que le moyen tiré de la nullité de ses engagements doit être écarté, ainsi que l'a jugé à bon droit la décision entreprise ;

* Sur l'application de l'article L.313-21 du code monétaire et financier,

Attendu que M. Laurent C. fait encore grief à la caisse de ne pas s'être conformée aux prescriptions édictées par l'article L.313-21 du code monétaire et financier lequel énonce que, à l'occasion de tout concours financier qu'il envisage de consentir à un entrepreneur individuel pour les besoins de son activité professionnelle, l'établissement de crédit qui a l'intention de demander une sûreté réelle sur un bien non nécessaire à l'exploitation ou une sûreté personnelle consentie par une personne physique, doit informer par écrit l'entrepreneur de la possibilité qui lui est offerte de proposer une garantie sur les biens nécessaires à l'exploitation de l'entreprise ou de solliciter une garantie auprès d'un autre établissement de crédit, d'une société de financement ou d'une entreprise d'assurance habilitée à pratiquer les opérations de caution ; que l'établissement de crédit ou la société de financement qui n'a pas respecté cette formalité ne peut dans ses relations avec l'entrepreneur individuel se prévaloir des garanties qu'il aurait prises ;

Qu'à cet égard c'est avec pertinence que le premier juge a relevé le caractère inopérant de ce grief dès lors que la sanction attachée à cette prescription ne vaut qu'à l'égard de l'entrepreneur individuel dans ses relations avec la banque et que la caution ne peut valablement s'en prévaloir ;

* Sur l'application de l'article L.313-22 du code monétaire et financier et L.341-6 du code de la consommation,

Attendu qu'en vertu de l'article L.341-6 précité, tel qu'applicable au jour des engagements litigieux, "le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information." ; que l'article L.313-22 précité énonce une obligation identique pour l'établissement prêteur ;

Attendu que M. Laurent C. soulève ce grief pour la première fois à hauteur de Cour en faisant valoir que la caisse n'a pas satisfait pleinement à cette obligation et ce, depuis le premier engagement de caution, et qu'elle se trouve ainsi, dans l'absolu et par application des textes invoqués, déchue de son droit à intérêts contractuels ;

Attendu qu'il est admis qu'il ne pèse sur l'établissement prêteur que la charge de la preuve de l'envoi de ces lettres d'information annuelles et non pas leur réception par la caution ; qu'en l'espèce, la caisse verse aux débats les lettres d'information correspondant à la situation des deux prêts au 31 décembre des années 2014 à 2017 incluses portant toutes une date antérieure à celle du 31 mars de l'année suivante, en application du texte précité, lesquelles ne rappellent cependant pas le terme de chacun des deux engagements à durée déterminée souscrits par l'intéressé contrairement à l'exigence du texte susvisé ; que certaines d'entre elles sont par ailleurs affectées d'une erreur quant au montant de chacun des engagements de caution souscrits par M. Laurent C. ;

Attendu en outre que la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi de sorte que l'intimée ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement des exigences légales à cet égard ;

Qu'au surplus, la caisse ne démontre pas avoir informé la caution des situations au 31 décembre 2012 pour le premier engagement et aux 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013 pour le second ;

Qu'il s'ensuit que l'intimée est déchue de son droit aux pénalités et intérêts au taux contractuel pour l'intégralité des périodes considérées ;

Que toutefois, la Cour ne peut statuer que dans la limite des prétentions qui lui sont soumises par les parties ; qu'à cet égard, l'argument de l'appelant consistant à soutenir que l'application d'un taux légal assortissant les sommes dues, aux lieu et place du taux contractuel de 3,50 %, est de nature à léser ses intérêts et à enlever tout caractère dissuasif à la sanction du prêteur qui ne se conforme pas à l'exigence de l'information annuelle de la caution, et ce, par l'effet de l'application d'une majoration automatique de 5 points du taux légal deux mois après la signification de la décision à intervenir est pertinent ; qu'en effet la possibilité de saisine du juge de l'exécution pour obtenir une exonération ou une réduction de cette majoration reste aléatoire quant à son issue ; qu'il sera donc fait droit à la demande de M. Laurent C. tendant à voir substituer au taux légal, normalement applicable, le taux de 3,50 % en ce qu'il sera inférieur au taux légal majoré ;

Attendu que la déchéance du terme est intervenue le 18 décembre 2014 pour les deux prêts garantis ;

Qu'au vu des éléments communiqués, la créance de la caisse s'établit comme suit :

* engagement du 3/07/2012 :

- capital restant dû au 18/12/2014 (DDT) : 34.672,60 €

- échéances impayées expurgées des intérêts : 5.070,23 €

Soit un total dû au 18/12/2014 de : 39.742,83 €

Que la caisse expose qu'elle a reçu paiement d'une somme de 21.175,90 € le 3 mars 2017 et de 1.549,70 le 11 mai 2017, affectées en déduction du solde dû ;

Que dans ces conditions, il convient de condamner M. Laurent C. à lui payer les intérêts au taux de 3,5 % du 19 décembre 2014 au 3 mars 2017 sur 39.742,83 €, du 4 mars 2017 au 11 mai 2017 sur 18.825,39 € et la somme de 17.275,69 €, assortie des intérêts au taux de 3,5 % à compter du 12 mai 2017 jusqu'à complet règlement dans la limite de 65.000 € ;

* engagement du 11/06/2013 :

- capital restant dû au 18/12/2014 (DDT) : 5.554,88 €

- échéances impayées expurgées des intérêts : 2.525,84 €

Soit un total dû au 18/12/2014 de : 8.080,72 €

Que la caisse affirmant que M. Laurent C. n'est tenu qu'à hauteur de la moitié des sommes dues soit 4.227,28 €, il convient de condamner celui ci à lui payer ladite somme dans la limite de 6.500 €, assortie des intérêts au taux de 3,50 % à compter du 19 décembre 2014 ;

Que de ces chefs le jugement déféré sera partiellement infirmé ;

* Sur les demandes accessoires,

Attendu que l'issue du présent litige commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel ; que M. Laurent C. qui succombe au principal sera en revanche condamné aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance étant par ailleurs confirmées ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 11 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Besançon sauf en ses dispositions relatives au sursis à statuer, aux frais irrépétibles et aux dépens.

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne M. Laurent C. à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté les sommes suivantes :

- les intérêts au taux de 3,50 % du 19 décembre 2014 au 3 mars 2017 sur trente neuf mille sept cent quarante deux euros et quatre vingt trois centimes (39.742,83 €), du 4 mars 2017 au 11 mai 2017 sur dix huit mille huit cent vingt cinq euros et trente neuf centimes (18.825,39 €) et la somme de dix sept mille deux cent soixante quinze euros et soixante neuf centimes (17.275,69 €), assortie des intérêts au taux de 3,50 % à compter du 12 mai 2017 jusqu'à complet règlement dans la limite de 65.000 € au titre de l'engagement du 3 juillet 2012,

- quatre mille deux cent vingt sept euros et vingt huit centimes (4.227,28 €), assortie des intérêts au taux de 3,50 % à compter du 19 décembre 2014, dans la limite de 6.500 € au titre de l'engagement de caution du 11 juin 2013.

Déboute M. Laurent C. et la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. Laurent C. aux dépens d'appel et autorise Maître Leroux, avocat, à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

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