CA Caen, 2e ch. civ. et com., 21 décembre 2017, n° 16/00718
CAEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
SA CREDIT MARITIME MUTUEL BRETAGNE NORMANDIE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Briand
Conseiller :
Mme Heijmeijer
Conseiller :
Mme Gouarin
Avocat :
Me Tartera
Avocat :
Me Forveille
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 13 avril 2011, la SARL Atadem, exploitant un fonds de commerce d'épicerie de quartier à Caen, a souscrit auprès du Crédit Maritime Mutuel de Bretagne deux prêts pour les besoins de son activité professionnelle :
- un prêt n°07903316 d'un montant de 284.000 euros remboursable en 84 mensualités de 3.984,43 euros au taux conventionnel de 4,40%
- un prêt n°07903317 d'un montant de 100.000 euros remboursable en 60 mensualités de 1.868,29 euros au taux de 4,20%
Par actes sous seing privé datés du 4 avril 2011, Monsieur A. et Madame T. épouse A. T. se sont portés cautions solidaires des engagements de la société Atadem à hauteur de 20% de l'encours des prêts.
Par actes sous seing privés daté du 4 avril 2011, Monsieur D. Abdullah et Madame B. épouse D. L. se sont portés cautions solidaires des engagements de la société Atadem à hauteur de 20% de l'encours des prêts.
Par jugement rendu par le tribunal de commerce de Caen le 2 juillet 2014, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la SARL Atadem.
Par courrier daté du 28 juillet 2014, le Crédit Maritime Mutuel de Bretagne Normandie a procédé à la déclaration de sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.
Par courriers recommandés avec accusé de réception datés du 28 juillet 2014, le Crédit Maritime Mutuel de Bretagne Normandie a mis en demeure Monsieur A., Madame A., Monsieur D. et Madame D. de procéder au règlement des sommes dues en vertu des engagements de caution souscrits.
Par jugement contradictoire rendu le 27 janvier 2016, le tribunal de commerce de Caen a :
- condamné solidairement Monsieur et Madame A. à payer au Crédit Maritime Mutuel Bretagne Normandie les sommes de :
- 33.982,60 euros outre les intérêts au taux de 4,40% l'an à compter du 5 décembre 2014 jusqu'à parfait paiement
- 7.988,14 euros outre les intérêts au taux de 4,20% à compter du 5 décembre 2014 jusqu'à parfait paiement
- condamné solidairement Monsieur et Madame D. à payer au Crédit Maritime Mutuel Bretagne Normandie les sommes de :
- 33.982,60 euros outre les intérêts au taux de 4,40% l'an à compter du 5 décembre 2014 jusqu'à parfait paiement
- 7.988,14 euros outre les intérêts au taux de 4,20% à compter du 5 décembre 2014 jusqu'à parfait paiement
- débouté les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
- condamné solidairement Monsieur et Madame A. et M. et Madame D. à payer au Crédit Mutuel Maritime de Normandie la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration reçue le 24 février 2016, Monsieur et Madame A. et M. et Madame D. ont relevé appel du jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe le 19 mai 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de celles ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Monsieur et Madame A. demandent à la cour de :
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il les a condamnés, solidairement avec les autres intéressés, à payer au Crédit Maritime la somme de 33.982,60 euros outre les intérêts au taux de 4,40% l'an et la somme de 7.988,14 euros outre les intérêts de 4,20% ;
Statuant à nouveau
- dire et juger l'engagement de caution nul et débouter le Crédit Maritime de toutes ses demandes ;
- dire et juger que le Crédit Maritime a engagé sa responsabilité envers les cautions et le condamner à les indemniser à hauteur de 12.600 euros ;
En tout état de cause
- condamner le Crédit Maritime aux dépens et au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe le 19 mai 2016, auxquelles il sera référé pour l'exposé des moyens des appelants, Monsieur et Madame D. demandent à la cour de :
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il les a condamnés, solidairement avec les autres intéressés, à payer au Crédit Maritime la somme de 33.982,60 euros outre les intérêts au taux de 4,40% l'an et la somme de 7.988,14 euros outre les intérêts de 4,20% ;
Statuant à nouveau
- dire et juger l'engagement de caution nul et débouter le Crédit Maritime de toutes ses demandes ;
- dire et juger que le Crédit Maritime a engagé sa responsabilité envers les cautions et le condamner à les indemniser à hauteur de 12.600 euros ;
En tout état de cause
- condamner le Crédit Maritime aux dépens et au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe le 12 juillet 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de l'intimée, la société Crédit Maritime Mutuel Bretagne Normandie demande à la cour de
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Caen ;
Y ajoutant
- condamner solidairement Monsieur A., Madame T. épouse A. T., Monsieur D. Abdullah et Madame B. épouse D. L. au paiement de la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2017.
MOTIFS
Sur la nullité des engagements de caution
Aux termes de l'article L. 341-2 ancien du code de la consommation applicable à l'espèce, devenu l'article L. 331-1, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle ci:' En me portant caution de X.. , dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui même'.
La mention manuscrite apposée sur l'engagement doit refléter la parfaite information dont a bénéficié la caution personne physique, qu'elle soit ou non avertie, quant à la nature et à la portée de son engagement.
En l'espèce, la mention manuscrite portée sur l'engagement de caution du prêt n°07903316 d'un montant de 284.000 euros par Monsieur A., Madame A., Monsieur D. et Madame
D. est ainsi libellée :
'En me portant caution de la SARL Atadem dans la limite de 20% de l'encours du prêt couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 108 mois (durée de prêt plus 2 ans), je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la SARL Atadem n'y satisfait pas lui même.
En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec la SARL Atadem, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la SARL Atadem'.
La mention portée sur l'engagement de caution du prêt n°07903317 d'un montant de 100.000 euros est rédigée de façon identique, à l'exception de la durée, de 84 mois.
Au soutien de leur demande d'annulation de leur engagement, les appelants font valoir que la mention manuscrite n'est pas conforme à l'exigence légale en ce qu'elle vise un pourcentage d'un encours sans indication d'un montant, ce dont il résulte que la caution ne peut avoir aucune connaissance de ce à quoi elle s'engage et l'engagement de caution ne pouvant être validé par référence aux clauses imprimées de l'acte.
Pour s'opposer à ce moyen, le Crédit Maritime soutient que l'engagement est valable dans la mesure où le montant en capital du prêt est mentionné sur l'acte de caution solidaire et que le pourcentage de l'engagement garanti est repris dans la mention manuscrite, ce dont il résulte que les cautions étaient parfaitement informées de la nature et de la portée de leurs engagements.
Le jugement déféré a rejeté le moyen tiré de la nullité de l'engagement en estimant suffisante la mention de l'engagement souscrit dans la limite de 20% de l'encours du prêt dès lors que les contrats prévoyaient clairement la limite du montant global de la caution, soit pour le prêt n°07903316 la somme de 56.800 euros en principal, intérêts, frais, commissions et accessoires.
Cette argumentation ne peut être suivie.
En effet, le texte de l'article L. 341-2 exige la rédaction d'une mention manuscrite dont les termes sont strictement imposés afin d'assurer la protection des intérêts de la caution et interdit tout écart avec la formule dont elle fixe les termes.
Or le montant de la somme garantie constitue l'élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement et cette mention doit être exprimée sans qu'il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l'acte.
En l'espèce, il est constant que le montant du prêt comme le montant global du cautionnement figurent dans les mentions imprimées de l'acte mais que la mention manuscrite ne se réfère à aucune somme précise mais à un pourcentage de 'l'encours du prêt',.
L'imprécision de cette mention affecte nécessairement la compréhension de l'étendue des engagements de la caution et par suite sa validité, quand bien même tant le montant du prêt que le montant de l'engagement étaient indiqués en première page des actes de cautionnement.
La violation du formalisme d'ordre public de l'article L. 341-2 ancien est sanctionnée par la nullité de l'engagement de caution.
Il convient en conséquence de dire que les engagements de caution souscrits par Monsieur et Madame A. et M. et Madame D. sont nuls et de débouter en conséquence le Crédit Maritime Mutuel Bretagne Normandie de ses demandes en paiement.
Dès lors que les engagements de caution sont annulés, les demandes reconventionnelles formées par Madame A. et Madame D. sur le fondement du manquement de la banque au devoir de mise en garde deviennent sans objet et il convient en conséquence de les en débouter.
Sur les frais et dépens
Le jugement déféré sera infirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Partie succombante, la société Crédit Maritime Mutuel Bretagne Normandie supportera la charge des dépens de l'instance d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Les considérations tirées de l'équité ne justifient pas de faire aux demandes formées par l'une ou l'autre des parties au titre des frais irrépétibles. Aussi les demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront elles rejetées.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Caen le 21 janvier 2016 dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
Dit que les engagements de caution souscrits par Monsieur A., Madame T. épouse A. T., Monsieur D. Abdullah et Madame B. épouse D. L. par actes établis le 4 avril 2011 pour les prêts n°07903316 et n°07903317 sont nuls ;
Déboute en conséquence la société Crédit Maritime Mutuel Bretagne Normandie de ses demandes en paiement formées à l'encontre de Monsieur A., Madame T. épouse A. T., Monsieur D. Abdullah et Madame B. épouse D. L. ;
Déboute Madame T. épouse A. T. et Madame B. épouse D. L. de leurs demandes de dommages et intérêts ;
Y ajoutant
Condamne la société Crédit Maritime Mutuel Bretagne Normandie aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.