CA Montpellier, 2e ch. civ., 23 octobre 2025, n° 25/00545
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 23 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 25/00545 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QRAA
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 JANVIER 2025
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NARBONNE
N° RG 2024002170
APPELANTE :
SOCIETE ASSURANCES GESTION SERVICES (SAGESSE) Société par actions simplifiée à capital variable minimum de 1 020 000 euros, dont le siège social est situé [Adresse 5] à [Localité 4], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TOULOUSE, sous le numéro 340 973 775, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me BONNEAU, avocat plaidant
INTIMES :
Maître [A] [R] désignée par jugement ayant prononcé cette mesure (RG N°2022 000431) du 23 MARS 2022 du TRIBUNAL de COMMERCE de NARBONNE en qualité de liquidateur judiciaire de la société CONSEIL B [E], anciennement CONSEIL ASSURANCE PLACEMENT MEDITERRANEE (CAPM), société à responsabilité limitée unipersonnelle au capital de 12.000 €, dont le siège est situé [Adresse 2], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NARBONNE sous le numéro 523 345 809
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me ESSAQRI, avocat plaidant
Madame [E] [L] épouse [Z]
née le 15 Octobre 1968 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me ESSAQRI, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 28 Août 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 SEPTEMBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
En 2010, la société dénommée SOCIÉTÉ ASSURANCES GESTION SERVICES (SAGESSE) a cédé à la société CAP M deux fonds de commerce de courtage d'assurance sis à [Localité 10] et [Localité 8], concluant, pour en permettre l'exploitation dans les meilleures conditions, un contrat de partenariat, sous la forme d'un protocole de co-courtage et un contrat de franchise.
La société CAP M, créée et dirigée par Madame [E] [Z], est devenue la société CONSEIL B [E].
Fin 2012, les relations contractuelles entre les sociétés SAGESSE et CONSEIL B [E] ont pris fin. Ces dernières se sont alors engagées dans plusieurs procédures judiciaires devant le conseil des prud'hommes de Narbonne et devant le tribunal de commerce de Rodez.
Par acte sous seing privé en date du 30 avril 2021, la société SAGESSE cédait à la société TPPL un fonds de commerce de courtage en assurance sis [Adresse 3] à [Localité 7], au prix de 400.000 €
La vente était publiée au BODACC le 25 mai 2021.
Par actes de commissaire de justice du 2 et 4 juin 2021, Madame [Z] et la société CONSEIL B [E] faisaient signifier à la société TPPL, à l'adresse du cabinet de Maître [B] [G], une opposition au paiement du prix de vente, en garantie d'une créance qu'elles prétendent détenir à l'encontre de la société SAGESSE.
Par arrêt infirmatif du 8 février 2022, la chambre commerciale de la cour d'appel de Montpellier a condamné la société CONSEIL B [E] à payer à la société SAGESSE les sommes de :
> 110.916 € au titre des trop-perçus de commissions de frais de gestion,
> 330.759 € en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée des contrats,
> 3.394,56 € correspondant aux 20% des commissions réglées par la compagnie MACIFILIA pour le 4ème trimestre 2012.
Elle a ordonné la compensation avec la somme de 25.462,55 € due par la société SAGESSE à la société CONSEIL B [E] au titre des commissions MACIFILIA des 2ème et 3ème trimestres 2012.
Par acte de commissaire de justice du 28 juin 2021, la société SAGESSE a fait assigner la société CONSEIL B [E] et Madame [E] [Z] en référé devant le président du Tribunal de Commerce de Toulouse, notamment, aux fins de :
- prononcer la nullité pure et simple des deux oppositions des 2 et 4 juin 2021, notifiées par Madame [Z] et la société CONSEIL B [E], à la libération du prix de vente par la société SAGESSE à la société TPPL, du fonds de commerce sis à [Localité 7], [Adresse 3],
- autoriser en conséquence la requérante à percevoir le prix de vente du fonds de commerce,
- condamner les défenderesses à payer in solidum à la requérante 30.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts pour abus de procédure,
Par ordonnance en date du 30 septembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes à l'encontre de Madame [E] [Z] au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Narbonne.
Le 11 octobre 2021, la société SAGESSE a relevé appel de cette décision.
Parallèlement, la société CONSEIL B [E] a déposé le bilan le 14 mars 2022 et, par jugement en date du 23 mars 2022, le tribunal de commerce de Narbonne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre et désigné Maître [A] [R] en qualité de liquidateur.
La société SAGESSE a procédé à la déclaration de sa créance entre les mains de Maître [A] [R], liquidateur désigné, par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 mars 2022 reçu le 5 avril 2022.
Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée le 28 novembre 2022 par Madame [Z] et Maître [R] es qualité de liquidateur entre les mains du juge d'instruction à l'encontre de la société SAGESSE.
Par arrêt en date du 2 février 2023, la cour d'appel de Toulouse a infirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, a déclaré le tribunal de commerce de Toulouse incompétent au profit du tribunal de commerce de Narbonne.
Le greffe de la cour d'appel de Toulouse a adressé l'entier dossier au greffe du tribunal de commerce de Narbonne.
Le 11 mai 2023, le conseil des prud'hommes de Narbonne a débouté Madame [Z] de ses demandes dirigées contre la société SAGESSE. L'instance en appel contre cette décision est en cours.
A l'audience, la société SAGESSE demande au juge des référés de :
- constater que Maître [A] [R], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société CONSEIL B [E], ne peut plus se prévaloir d'aucune créance, même à titre provisionnel à l'encontre de la société SAGESSE et que l'instance les opposant a été clôturée par l'arrêt exécutoire rendu par la cour d'appel de Montpellier,
- prononcer la nullité pure et simple des deux oppositions des 2 et 4 juin 2021, notifiées par Madame [Z] et la société CONSEIL B [E], à la libération du prix de la vente, par la société SAGESSE à la société TPPL, du fonds de commerce sis à [Localité 7], [Adresse 3],
- autoriser en conséquence la requérante à percevoir le prix de la vente dudit fonds de commerce, payé par la société TPPL à la société SAGESSE et séquestré entre les mains de Maître Valérie NOUVEL, avocat à Toulouse,
- juger en tout état de cause qu'en l'état des demandes de Madame [Z] devant la chambre sociale de la cour d'appel de Montpellier pour 233.432,52 € au principal, compte tenu de l'immobilisation du prix de vente d'un fonds de commerce à Aurillac pour un montant de 241.000 €, par opposition non contestée à ce jour du 24 juin 2016, l'opposition qu'elle a diligentée à titre personnel, au prix de vente du fonds de commerce de [Localité 7], objet de la présente instance, pour un montant de 464.259,52 € est devenue sans objet,
- ordonner en conséquence la levée des oppositions sur le prix de la vente du fonds de commerce de [Localité 7] à la société TPPL par la société SAGESSE le 30 avril 2021,
- condamner Madame [E] [Z] à payer les sommes de 30.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts, à parfaire au jour où la juridiction des référés du tribunal statuera, pour les raisons ci-avant exposées,
- ordonner l'inscription des dites sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société CONSEIL B [E], au bénéfice de la concluante,
- débouter en tout état de cause les défenderesses de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
Selon une ordonnance contradictoire en date du 14 janvier 2025 le juge des référés a :
- dit n'y avoir lieu à référé et déclaré en conséquence l'ensemble des demandes de la société SAGESSE irrecevables,
- condamné la société SAGESSE à payer à Madame [E] [Z] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société SAGESSE à payer à Maître [A] [R], es-qualité de liquidateur de la société CONSEIL B [E], la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société SAGESSE aux entiers dépens, dont ceux à percevoir par le greffe taxés et liquidé s à la somme de 85,84 € dont 14,30 € de TVA.
Le premier juge a estimé que deux procédures judiciaires distinctes sont actuellement pendantes, justifiant les oppositions litigieuses :
- une procédure devant la cour d'appel de Montpellier pour une instance prud'homale initiée par Madame [Z] tendant à la condamnation de la société SAGESSE à lui payer la somme de 263.452,52 €,
- une procédure devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Narbonne, saisi depuis le 17 octobre 2022 par Maître [A] [R] et par Madame [Z], pour un montant de 555.000 € et que dès lors qu'au moins une instance est engagée entre l'opposant et le cédant, ce dernier est mal fondé à se pourvoir en référé afin d'obtenir l'autorisation de toucher le prix de la vente.
Le 24 janvier 2025, la société SAGESSE a interjeté appel de cette ordonnance en chacune de ses dispositions.
Selon avis du 11 février 2025, l'affaire est fixée à bref délai à l'audience du 4 septembre 2025 en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 21 juillet 2025 par la partie appelante;
Vu les conclusions notifiées le 22 août 2025 par la partie intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 août 2025 ;
PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société SAGESSE conclut à l'infirmation de l'ordonnance attaquée et demande à la Cour, statuant à nouveau, de :
- juger que Maître [A] [R], en sa qualité de Mandataire à la liquidation judiciaire de la société CONSEIL B [E], ne peut plus se prévaloir d'aucune créance, même à titre provisionnel, à l'encontre de la société SAGESSE, et que l'instance les opposant a été clôturée par l'arrêt exécutoire rendu par la Cour d'appel de Montpellier,
- prononcer la nullité pure et simple des deux oppositions des 2 et 4 juin 2021, notifiées par Madame [Z] et la société CONSEIL B [E], à la libération du prix de la vente, par la société SAGESSE à la S.A.R.L. TPPL, du fonds de commerce sis [Adresse 3], à [Localité 7],
A titre subsidiaire,
- prononcer la levée pour absence de créance de l'opposition formée par la société CONSEIL B [E] et indûment maintenue par Maître [A] [R],
En tout état de cause,
- juger que la société SAGESSE dispose d'une trésorerie de 6.499.438 €, amplement suffisante pour faire face au paiement de la créance qui motivait l'opposition formée par Madame [Z],
- autoriser en conséquence la requérante à percevoir le prix de la vente du fonds de commerce sis [Adresse 3] à [Localité 7], payé par la société S.A.R.L. TPPL à la société SAGESSE et séquestré entre les mains de Maître Valérie NOUVEL, Avocat à Toulouse,
- juger qu'en l'état des demandes de Madame [Z], devant la Chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier pour 233.432,52 € au principal, compte tenu de l'immobilisation du prix de vente d'un fonds de commerce à Aurillac et pour un montant de 241.000 €, par opposition non contestée à ce jour du 24 juin 2016, l'opposition qu'elle a diligentée à titre personnel, au prix de vente du fonds de commerce de [Localité 7] objet de la présente instance pour un montant de 464.259,52 €, est devenue sans objet,
- ordonner en conséquence la levée des oppositions sur le prix de la vente du fonds de commerce de [Localité 7] à la société TPPL par la société SAGESSE le 30 avril 2021,
- condamner Madame [E] [Z] à payer les sommes de :
- 30.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts, à parfaire au jour où la juridiction des référés du tribunal statuera, pour les raisons ci-avant exposées ;
- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'inscription des dites sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société CONSEIL B [E], au bénéfice de la concluante,
- condamner les défenderesses aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ces derniers, au profit de l'Avocat constitué devant la Cour pour la société concluante.
L'appelante conclut tout d'abord à la nullité des oppositions dont elle sollicite la mainlevée, car celles ci ne contiennent pas élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds en violation des dispositions de l'article L.141-14 du code de commerce. Elle estime avoir subi un grief du fait de cette irrégularité, le débat sur la compétence tranché par les juridictions toulousaines ayant retardé l'issue du litige.
Elle soutient ensuite qu'il n'existe pas de procédure en cours. En effet, l'arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier, aujourd'hui définitif, ne consacre aucune créance de la société CONSEIL B [E] à l'encontre de la société SAGESSE et au contraire a condamné la société intimée à lui payer un certain nombre de sommes.
La plainte avec constitution de partie civile ne peut constituer une instance en cours et a été déposée tardivement.
Quant à la procédure prud'hommale, elle ne pourra qu'aboutir à un arrêt infirmatif.
La société SAGESSE fait valoir enfin qu'elle dispose d'une trésorerie suffisante pour désintéresser les intimées à hauteur des créances qu'elles réclament, et que Madame [Z] dispose de garanties constituées par des saisies conservatoires qui ne sont pas contestées.
Madame [E] [Z] et Maître [A] [R] concluent à la confirmation de l'ordonnance attaquée et demandent à la Cour de condamner la société SAGESSE à payer à Madame [Z] et à Maître [R] la somme de 3.000 € chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
Elles concluent que suivant les dispositions de l'article L.141-16 du code de commerce, la mainlevée ne peut être prononcée que si les deux conditions cumulatives sont réunies :
- l'opposition a été faite sans titre et sans cause ou est nulle en la forme,
- et, il n'y a pas d'instance engagée au principal.
En l'espèce, il existe deux instances en cours, l'une dont le conseil des prud'hommes est saisi, l'autre suite à la plainte avec constitution de partie civile.
Les intimées ajoutent que la nullité des oppositions ne pourra pas être prononcée faute de grief démontré.
Enfin, le préjudice allégué est seulement hypothétique, le bien fondé des oppositions n'ayant pas été tranché.
Par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont développés.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon les dispositions de l'article L. 141-14 du code de commerce, dans les dix jours suivant la dernière en date des publications prévues à l'article L. 141-12, tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible, peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, opposition au paiement du prix. L'opposition, à peine de nullité, énonce le chiffre et les causes de la créance et contient une élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds.
En l'espèce, il est constant que les oppositions réalisées par actes de commissaire de justice du 2 et 4 juin 2021 à la demande de Madame [Z] et de la société CONSEIL B [E] ne contenaient pas d'élection de domicile à [Localité 7] (81).
Le plaideur qui invoque un vice de forme doit démontrer que le cours normal de la procédure a été perturbé par l'irrégularité. En l'espèce, par une décision du 30 septembre 2021, le tribunal de commerce de Toulouse s'est déclaré incompétent au visa de l'article 42 du code de procédure civile, retenant que devait être saisie la juridiction dans le ressort de laquelle le défendeur demeure.
Cette juridiction ne s'est prononcée dans son dispositif que sur sa compétence matérielle et territoriale en ce qui concerne Madame [Z], sans statuer sur la validité de l'opposition en ce qui concerne cette dernière.
En appel, la cour de Toulouse a infirmé la décision en toutes ses dispositions, et a renvoyé l'affaire en son ensemble devant le tribunal de commerce de Narbonne, domicile des défenderesses en application des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile.
Il résulte de ces développements que la société SAGESSE ASSURANCES GESTION SERVICES démontre que le cours de la procédure a été grandement perturbé et ralenti par l'absence d'élection de domicile au lieu du fonds, élection de domicile dont aurait pu se déduire avec davantage de sécurité juridique les règles de compétence territoriales.
Le grief étant démontré, il convient en conséquence de dire que l'exception de nullité de l'opposition est fondée.
L'article L.141-16 du code de procédure civile prévoit que si l'opposition a été faite sans titre et sans cause ou est nulle en la forme et s'il n'y a pas instance engagée au principal, le vendeur peut se pourvoir en référé devant le président du tribunal, à l'effet d'obtenir l'autorisation de toucher son prix, malgré l'opposition.
Pour justifier d'une instance engagée au principal, la société CONSEIL B [E] représentée par le mandataire judiciaire justifie d'une plainte avec constitution de partie civile qu'elle a déposée entre les mains du juge d'instruction de Narbonne le 14 octobre 2022. Cette plainte est déposée contre X, et en l'absence de mise en examen postérieure à la plainte, aucun lien d'instance ne s'est noué entre la société intimée et la société ASSURANCES GESTION SERVICES.
L'arrêt de la cour d'appel de Montpellier a mis fin de manière définitive à l'instance opposant la société B [E] à la société SAGESSE, sans reconnaître de dette à la charge de cette dernière. A l'inverse, la société B [E] a été condamnée par cette décision à payer à la société SAGESSE la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune des deux conditions exigées par les dispositions de l'article précité pour solliciter la mainlevée de l'opposition n'étant réunies, la mainlevée de l'opposition délivrée par la société SAGESSE peut être ordonnée. La décision sera infirmée en ce sens.
Cependant, le lien d'instance existant entre Madame [E] [Z] et la société SAGESSE résulte de la procédure, actuellement en cours, en appel du jugement 11 mai 2023 rendu par le conseil des prud'hommes de Narbonne. Les chances de succès de cet appel échappant à l'appréciation du président du tribunal de commerce, c'est vainement que l'appelante tente de démontrer que la très probable confirmation du jugement qui a débouté Madame [Z] de ses demandes équivaut à une absence d'instance en cours.
Les conditions posées par l'article L.141-16 étant cumulatives, le maintien de l'opposition est justifié par la seule existence de l'instance en cours entre ces deux parties qui fait obstacle, fusse partiellement, à toute mainlevée.
Les articles L.146-14 et L.141-16 du code de commerce n'imposent pas à l'opposant de prouver les menaces pesant sur le recouvrement de la dette, la seule obligation qui lui est faite étant d'énoncer la cause et le montant de sa créance. Il n'est pas contesté que l'opposante a respecté ce formalisme.
L'ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle n'a pas accueilli la demande d'autorisation présentée par la société SAGESSE de percevoir le prix de vente de l'immeuble, sauf à prononcer, non pas une irrecevabilité de la demande, mais un rejet de celle ci.
La demande de dommages-intérêts provisionnels de la société SAGESSE ne pourra être accueillie, celle ci succombant en sa demande de mainlevée de l'opposition.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
Chaque partie succombant partiellement en son recours, il convient de laisser à chacune la charge des dépens qu'elle a exposés et de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé et déclaré en conséquence l'ensemble des demandes de la société SAGESSE irrecevables,
Statuant à nouveau,
Annule l'opposition délivrée par la société SARL TPPL à la demande de la SARLU CONSEIL B [E] en date du 4 juin 2021 au préjudice de la SAS ASSURANCES GESTION ET SERVICES et en donne mainlevée,
Rejette la demande de la société ASSURANCES GESTION ET SERVICES tendant à l'autorisation de percevoir le prix de vente du fonds de commerce situé [Adresse 3] à [Localité 7] pour lequel opposition a été délivrée le 4 juin 2021 à la société TPPL par Madame [E] [Z],
Confirme le surplus des dispositions non contraires de l'ordonnance dont la Cour est saisie,
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages-intérêts provisionnels,
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens ainsi que les frais irrépétibles qu'elle a exposés à hauteur d'appel.
Le greffier La présidente
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 23 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 25/00545 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QRAA
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 JANVIER 2025
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NARBONNE
N° RG 2024002170
APPELANTE :
SOCIETE ASSURANCES GESTION SERVICES (SAGESSE) Société par actions simplifiée à capital variable minimum de 1 020 000 euros, dont le siège social est situé [Adresse 5] à [Localité 4], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de TOULOUSE, sous le numéro 340 973 775, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me BONNEAU, avocat plaidant
INTIMES :
Maître [A] [R] désignée par jugement ayant prononcé cette mesure (RG N°2022 000431) du 23 MARS 2022 du TRIBUNAL de COMMERCE de NARBONNE en qualité de liquidateur judiciaire de la société CONSEIL B [E], anciennement CONSEIL ASSURANCE PLACEMENT MEDITERRANEE (CAPM), société à responsabilité limitée unipersonnelle au capital de 12.000 €, dont le siège est situé [Adresse 2], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NARBONNE sous le numéro 523 345 809
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me ESSAQRI, avocat plaidant
Madame [E] [L] épouse [Z]
née le 15 Octobre 1968 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me ESSAQRI, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 28 Août 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 SEPTEMBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :
Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
En 2010, la société dénommée SOCIÉTÉ ASSURANCES GESTION SERVICES (SAGESSE) a cédé à la société CAP M deux fonds de commerce de courtage d'assurance sis à [Localité 10] et [Localité 8], concluant, pour en permettre l'exploitation dans les meilleures conditions, un contrat de partenariat, sous la forme d'un protocole de co-courtage et un contrat de franchise.
La société CAP M, créée et dirigée par Madame [E] [Z], est devenue la société CONSEIL B [E].
Fin 2012, les relations contractuelles entre les sociétés SAGESSE et CONSEIL B [E] ont pris fin. Ces dernières se sont alors engagées dans plusieurs procédures judiciaires devant le conseil des prud'hommes de Narbonne et devant le tribunal de commerce de Rodez.
Par acte sous seing privé en date du 30 avril 2021, la société SAGESSE cédait à la société TPPL un fonds de commerce de courtage en assurance sis [Adresse 3] à [Localité 7], au prix de 400.000 €
La vente était publiée au BODACC le 25 mai 2021.
Par actes de commissaire de justice du 2 et 4 juin 2021, Madame [Z] et la société CONSEIL B [E] faisaient signifier à la société TPPL, à l'adresse du cabinet de Maître [B] [G], une opposition au paiement du prix de vente, en garantie d'une créance qu'elles prétendent détenir à l'encontre de la société SAGESSE.
Par arrêt infirmatif du 8 février 2022, la chambre commerciale de la cour d'appel de Montpellier a condamné la société CONSEIL B [E] à payer à la société SAGESSE les sommes de :
> 110.916 € au titre des trop-perçus de commissions de frais de gestion,
> 330.759 € en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée des contrats,
> 3.394,56 € correspondant aux 20% des commissions réglées par la compagnie MACIFILIA pour le 4ème trimestre 2012.
Elle a ordonné la compensation avec la somme de 25.462,55 € due par la société SAGESSE à la société CONSEIL B [E] au titre des commissions MACIFILIA des 2ème et 3ème trimestres 2012.
Par acte de commissaire de justice du 28 juin 2021, la société SAGESSE a fait assigner la société CONSEIL B [E] et Madame [E] [Z] en référé devant le président du Tribunal de Commerce de Toulouse, notamment, aux fins de :
- prononcer la nullité pure et simple des deux oppositions des 2 et 4 juin 2021, notifiées par Madame [Z] et la société CONSEIL B [E], à la libération du prix de vente par la société SAGESSE à la société TPPL, du fonds de commerce sis à [Localité 7], [Adresse 3],
- autoriser en conséquence la requérante à percevoir le prix de vente du fonds de commerce,
- condamner les défenderesses à payer in solidum à la requérante 30.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts pour abus de procédure,
Par ordonnance en date du 30 septembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes à l'encontre de Madame [E] [Z] au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Narbonne.
Le 11 octobre 2021, la société SAGESSE a relevé appel de cette décision.
Parallèlement, la société CONSEIL B [E] a déposé le bilan le 14 mars 2022 et, par jugement en date du 23 mars 2022, le tribunal de commerce de Narbonne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre et désigné Maître [A] [R] en qualité de liquidateur.
La société SAGESSE a procédé à la déclaration de sa créance entre les mains de Maître [A] [R], liquidateur désigné, par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 mars 2022 reçu le 5 avril 2022.
Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée le 28 novembre 2022 par Madame [Z] et Maître [R] es qualité de liquidateur entre les mains du juge d'instruction à l'encontre de la société SAGESSE.
Par arrêt en date du 2 février 2023, la cour d'appel de Toulouse a infirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, a déclaré le tribunal de commerce de Toulouse incompétent au profit du tribunal de commerce de Narbonne.
Le greffe de la cour d'appel de Toulouse a adressé l'entier dossier au greffe du tribunal de commerce de Narbonne.
Le 11 mai 2023, le conseil des prud'hommes de Narbonne a débouté Madame [Z] de ses demandes dirigées contre la société SAGESSE. L'instance en appel contre cette décision est en cours.
A l'audience, la société SAGESSE demande au juge des référés de :
- constater que Maître [A] [R], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société CONSEIL B [E], ne peut plus se prévaloir d'aucune créance, même à titre provisionnel à l'encontre de la société SAGESSE et que l'instance les opposant a été clôturée par l'arrêt exécutoire rendu par la cour d'appel de Montpellier,
- prononcer la nullité pure et simple des deux oppositions des 2 et 4 juin 2021, notifiées par Madame [Z] et la société CONSEIL B [E], à la libération du prix de la vente, par la société SAGESSE à la société TPPL, du fonds de commerce sis à [Localité 7], [Adresse 3],
- autoriser en conséquence la requérante à percevoir le prix de la vente dudit fonds de commerce, payé par la société TPPL à la société SAGESSE et séquestré entre les mains de Maître Valérie NOUVEL, avocat à Toulouse,
- juger en tout état de cause qu'en l'état des demandes de Madame [Z] devant la chambre sociale de la cour d'appel de Montpellier pour 233.432,52 € au principal, compte tenu de l'immobilisation du prix de vente d'un fonds de commerce à Aurillac pour un montant de 241.000 €, par opposition non contestée à ce jour du 24 juin 2016, l'opposition qu'elle a diligentée à titre personnel, au prix de vente du fonds de commerce de [Localité 7], objet de la présente instance, pour un montant de 464.259,52 € est devenue sans objet,
- ordonner en conséquence la levée des oppositions sur le prix de la vente du fonds de commerce de [Localité 7] à la société TPPL par la société SAGESSE le 30 avril 2021,
- condamner Madame [E] [Z] à payer les sommes de 30.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts, à parfaire au jour où la juridiction des référés du tribunal statuera, pour les raisons ci-avant exposées,
- ordonner l'inscription des dites sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société CONSEIL B [E], au bénéfice de la concluante,
- débouter en tout état de cause les défenderesses de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
Selon une ordonnance contradictoire en date du 14 janvier 2025 le juge des référés a :
- dit n'y avoir lieu à référé et déclaré en conséquence l'ensemble des demandes de la société SAGESSE irrecevables,
- condamné la société SAGESSE à payer à Madame [E] [Z] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société SAGESSE à payer à Maître [A] [R], es-qualité de liquidateur de la société CONSEIL B [E], la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société SAGESSE aux entiers dépens, dont ceux à percevoir par le greffe taxés et liquidé s à la somme de 85,84 € dont 14,30 € de TVA.
Le premier juge a estimé que deux procédures judiciaires distinctes sont actuellement pendantes, justifiant les oppositions litigieuses :
- une procédure devant la cour d'appel de Montpellier pour une instance prud'homale initiée par Madame [Z] tendant à la condamnation de la société SAGESSE à lui payer la somme de 263.452,52 €,
- une procédure devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Narbonne, saisi depuis le 17 octobre 2022 par Maître [A] [R] et par Madame [Z], pour un montant de 555.000 € et que dès lors qu'au moins une instance est engagée entre l'opposant et le cédant, ce dernier est mal fondé à se pourvoir en référé afin d'obtenir l'autorisation de toucher le prix de la vente.
Le 24 janvier 2025, la société SAGESSE a interjeté appel de cette ordonnance en chacune de ses dispositions.
Selon avis du 11 février 2025, l'affaire est fixée à bref délai à l'audience du 4 septembre 2025 en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées le 21 juillet 2025 par la partie appelante;
Vu les conclusions notifiées le 22 août 2025 par la partie intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 août 2025 ;
PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société SAGESSE conclut à l'infirmation de l'ordonnance attaquée et demande à la Cour, statuant à nouveau, de :
- juger que Maître [A] [R], en sa qualité de Mandataire à la liquidation judiciaire de la société CONSEIL B [E], ne peut plus se prévaloir d'aucune créance, même à titre provisionnel, à l'encontre de la société SAGESSE, et que l'instance les opposant a été clôturée par l'arrêt exécutoire rendu par la Cour d'appel de Montpellier,
- prononcer la nullité pure et simple des deux oppositions des 2 et 4 juin 2021, notifiées par Madame [Z] et la société CONSEIL B [E], à la libération du prix de la vente, par la société SAGESSE à la S.A.R.L. TPPL, du fonds de commerce sis [Adresse 3], à [Localité 7],
A titre subsidiaire,
- prononcer la levée pour absence de créance de l'opposition formée par la société CONSEIL B [E] et indûment maintenue par Maître [A] [R],
En tout état de cause,
- juger que la société SAGESSE dispose d'une trésorerie de 6.499.438 €, amplement suffisante pour faire face au paiement de la créance qui motivait l'opposition formée par Madame [Z],
- autoriser en conséquence la requérante à percevoir le prix de la vente du fonds de commerce sis [Adresse 3] à [Localité 7], payé par la société S.A.R.L. TPPL à la société SAGESSE et séquestré entre les mains de Maître Valérie NOUVEL, Avocat à Toulouse,
- juger qu'en l'état des demandes de Madame [Z], devant la Chambre sociale de la Cour d'appel de Montpellier pour 233.432,52 € au principal, compte tenu de l'immobilisation du prix de vente d'un fonds de commerce à Aurillac et pour un montant de 241.000 €, par opposition non contestée à ce jour du 24 juin 2016, l'opposition qu'elle a diligentée à titre personnel, au prix de vente du fonds de commerce de [Localité 7] objet de la présente instance pour un montant de 464.259,52 €, est devenue sans objet,
- ordonner en conséquence la levée des oppositions sur le prix de la vente du fonds de commerce de [Localité 7] à la société TPPL par la société SAGESSE le 30 avril 2021,
- condamner Madame [E] [Z] à payer les sommes de :
- 30.000 € à titre de provision sur dommages-intérêts, à parfaire au jour où la juridiction des référés du tribunal statuera, pour les raisons ci-avant exposées ;
- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'inscription des dites sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société CONSEIL B [E], au bénéfice de la concluante,
- condamner les défenderesses aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ces derniers, au profit de l'Avocat constitué devant la Cour pour la société concluante.
L'appelante conclut tout d'abord à la nullité des oppositions dont elle sollicite la mainlevée, car celles ci ne contiennent pas élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds en violation des dispositions de l'article L.141-14 du code de commerce. Elle estime avoir subi un grief du fait de cette irrégularité, le débat sur la compétence tranché par les juridictions toulousaines ayant retardé l'issue du litige.
Elle soutient ensuite qu'il n'existe pas de procédure en cours. En effet, l'arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier, aujourd'hui définitif, ne consacre aucune créance de la société CONSEIL B [E] à l'encontre de la société SAGESSE et au contraire a condamné la société intimée à lui payer un certain nombre de sommes.
La plainte avec constitution de partie civile ne peut constituer une instance en cours et a été déposée tardivement.
Quant à la procédure prud'hommale, elle ne pourra qu'aboutir à un arrêt infirmatif.
La société SAGESSE fait valoir enfin qu'elle dispose d'une trésorerie suffisante pour désintéresser les intimées à hauteur des créances qu'elles réclament, et que Madame [Z] dispose de garanties constituées par des saisies conservatoires qui ne sont pas contestées.
Madame [E] [Z] et Maître [A] [R] concluent à la confirmation de l'ordonnance attaquée et demandent à la Cour de condamner la société SAGESSE à payer à Madame [Z] et à Maître [R] la somme de 3.000 € chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
Elles concluent que suivant les dispositions de l'article L.141-16 du code de commerce, la mainlevée ne peut être prononcée que si les deux conditions cumulatives sont réunies :
- l'opposition a été faite sans titre et sans cause ou est nulle en la forme,
- et, il n'y a pas d'instance engagée au principal.
En l'espèce, il existe deux instances en cours, l'une dont le conseil des prud'hommes est saisi, l'autre suite à la plainte avec constitution de partie civile.
Les intimées ajoutent que la nullité des oppositions ne pourra pas être prononcée faute de grief démontré.
Enfin, le préjudice allégué est seulement hypothétique, le bien fondé des oppositions n'ayant pas été tranché.
Par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour entend se référer aux dernières écritures des parties ci dessus visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont développés.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon les dispositions de l'article L. 141-14 du code de commerce, dans les dix jours suivant la dernière en date des publications prévues à l'article L. 141-12, tout créancier du précédent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible, peut former au domicile élu, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, opposition au paiement du prix. L'opposition, à peine de nullité, énonce le chiffre et les causes de la créance et contient une élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds.
En l'espèce, il est constant que les oppositions réalisées par actes de commissaire de justice du 2 et 4 juin 2021 à la demande de Madame [Z] et de la société CONSEIL B [E] ne contenaient pas d'élection de domicile à [Localité 7] (81).
Le plaideur qui invoque un vice de forme doit démontrer que le cours normal de la procédure a été perturbé par l'irrégularité. En l'espèce, par une décision du 30 septembre 2021, le tribunal de commerce de Toulouse s'est déclaré incompétent au visa de l'article 42 du code de procédure civile, retenant que devait être saisie la juridiction dans le ressort de laquelle le défendeur demeure.
Cette juridiction ne s'est prononcée dans son dispositif que sur sa compétence matérielle et territoriale en ce qui concerne Madame [Z], sans statuer sur la validité de l'opposition en ce qui concerne cette dernière.
En appel, la cour de Toulouse a infirmé la décision en toutes ses dispositions, et a renvoyé l'affaire en son ensemble devant le tribunal de commerce de Narbonne, domicile des défenderesses en application des dispositions de l'article 42 du code de procédure civile.
Il résulte de ces développements que la société SAGESSE ASSURANCES GESTION SERVICES démontre que le cours de la procédure a été grandement perturbé et ralenti par l'absence d'élection de domicile au lieu du fonds, élection de domicile dont aurait pu se déduire avec davantage de sécurité juridique les règles de compétence territoriales.
Le grief étant démontré, il convient en conséquence de dire que l'exception de nullité de l'opposition est fondée.
L'article L.141-16 du code de procédure civile prévoit que si l'opposition a été faite sans titre et sans cause ou est nulle en la forme et s'il n'y a pas instance engagée au principal, le vendeur peut se pourvoir en référé devant le président du tribunal, à l'effet d'obtenir l'autorisation de toucher son prix, malgré l'opposition.
Pour justifier d'une instance engagée au principal, la société CONSEIL B [E] représentée par le mandataire judiciaire justifie d'une plainte avec constitution de partie civile qu'elle a déposée entre les mains du juge d'instruction de Narbonne le 14 octobre 2022. Cette plainte est déposée contre X, et en l'absence de mise en examen postérieure à la plainte, aucun lien d'instance ne s'est noué entre la société intimée et la société ASSURANCES GESTION SERVICES.
L'arrêt de la cour d'appel de Montpellier a mis fin de manière définitive à l'instance opposant la société B [E] à la société SAGESSE, sans reconnaître de dette à la charge de cette dernière. A l'inverse, la société B [E] a été condamnée par cette décision à payer à la société SAGESSE la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune des deux conditions exigées par les dispositions de l'article précité pour solliciter la mainlevée de l'opposition n'étant réunies, la mainlevée de l'opposition délivrée par la société SAGESSE peut être ordonnée. La décision sera infirmée en ce sens.
Cependant, le lien d'instance existant entre Madame [E] [Z] et la société SAGESSE résulte de la procédure, actuellement en cours, en appel du jugement 11 mai 2023 rendu par le conseil des prud'hommes de Narbonne. Les chances de succès de cet appel échappant à l'appréciation du président du tribunal de commerce, c'est vainement que l'appelante tente de démontrer que la très probable confirmation du jugement qui a débouté Madame [Z] de ses demandes équivaut à une absence d'instance en cours.
Les conditions posées par l'article L.141-16 étant cumulatives, le maintien de l'opposition est justifié par la seule existence de l'instance en cours entre ces deux parties qui fait obstacle, fusse partiellement, à toute mainlevée.
Les articles L.146-14 et L.141-16 du code de commerce n'imposent pas à l'opposant de prouver les menaces pesant sur le recouvrement de la dette, la seule obligation qui lui est faite étant d'énoncer la cause et le montant de sa créance. Il n'est pas contesté que l'opposante a respecté ce formalisme.
L'ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle n'a pas accueilli la demande d'autorisation présentée par la société SAGESSE de percevoir le prix de vente de l'immeuble, sauf à prononcer, non pas une irrecevabilité de la demande, mais un rejet de celle ci.
La demande de dommages-intérêts provisionnels de la société SAGESSE ne pourra être accueillie, celle ci succombant en sa demande de mainlevée de l'opposition.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
Chaque partie succombant partiellement en son recours, il convient de laisser à chacune la charge des dépens qu'elle a exposés et de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé et déclaré en conséquence l'ensemble des demandes de la société SAGESSE irrecevables,
Statuant à nouveau,
Annule l'opposition délivrée par la société SARL TPPL à la demande de la SARLU CONSEIL B [E] en date du 4 juin 2021 au préjudice de la SAS ASSURANCES GESTION ET SERVICES et en donne mainlevée,
Rejette la demande de la société ASSURANCES GESTION ET SERVICES tendant à l'autorisation de percevoir le prix de vente du fonds de commerce situé [Adresse 3] à [Localité 7] pour lequel opposition a été délivrée le 4 juin 2021 à la société TPPL par Madame [E] [Z],
Confirme le surplus des dispositions non contraires de l'ordonnance dont la Cour est saisie,
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages-intérêts provisionnels,
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens ainsi que les frais irrépétibles qu'elle a exposés à hauteur d'appel.
Le greffier La présidente