CA Versailles, ch. civ. 1-6, 23 octobre 2025, n° 25/00696
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78F
Chambre civile 1-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 OCTOBRE 2025
N° RG 25/00696 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W7VF
AFFAIRE :
S.A.R.L. PROTEUS
C/
S.E.L.A.R.L. S21Y
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Janvier 2025 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° RG : 24/02182
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 23.10.2025
à :
Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. PROTEUS
N° Siret : 792 103 525 (RCS Orléans)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20250034 - Représentant : Me Marie-Valentine GERONIMI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Valentin SIMMONET, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
S.E.L.A.R.L. S21Y
N° Siret : 813 660 693 (RCS Créteil)
Prise en la personne de Me [R] [X], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence SARL, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 26 juin 2019
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2575843 - Représentant : Me Charlotte FRAYSSE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère entendue en son rapport et Madame Florence MICHON, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Présidente,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,
Madame Florence MICHON, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
Greffier, lors du prononcé de la décision : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSÉ DU LITIGE
Par ordonnance contradictoire en date du 15 mai 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a notamment condamné la SARL Proteus à payer à la société Janus Protect Intelligence, à titre de provision, la somme de 377 568,52 euros à valoir sur le prix de cession partielle du fonds de commerce de la société Janus Protect Intelligence, laquelle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 26 juin 2019.
Par arrêt du 18 décembre 2019, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance entreprise et a condamné la société Proteus à payer à la SELARL S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société S21Y poursuit vainement l'exécution de ces décisions.
Par acte du 23 octobre 2023, dénoncé le 27 octobre 2023, suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, la SELARL S21Y ès qualités a fait pratiquer auprès de la société Vigilia sécurité privée une saisie des droits d'associés ou de valeurs mobilières de la SARL Proteus, pour paiement de la somme de 395 717,51 euros.
La contestation de cette mesure par la société Proteus introduite par assignation du 5 janvier 2024, aux fins de caducité pour défaut de dénonciation valable, a été déclarée irrecevable comme tardive par jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre du 19 juillet 2024, qui a été confirmé par arrêt de la présente cour d'appel du 10 avril 2025, sauf en ce qu'il avait rejeté les demandes indemnitaires du créancier poursuivant, la cour ayant condamné la société Proteus à payer à la société S21Y, ès qualités la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans le même temps, afin de prendre rang sur la liquidation des parts sociales saisies, la société S21Y agissant en la même qualité de liquidateur de la société Janus Protect Intelligence a fait signifier à la société Vigilia sécurité privée par acte du 14 février 2024, un procès-verbal de nantissement provisoire de droits incorporels ayant pour objet les parts sociales dont il s'agit, dénoncé à la société Proteus par exploit du 21 février 2024, adressé à l'adresse de son siège social selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, que cette dernière a également contesté devant le juge de l'exécution de Nanterre par assignation du 8 mars 2024, aux fins de nullité du nantissement provisoire de droits incorporels ou subsidiairement sa caducité, et de nouvelle contestation de la saisie du 23 octobre 2023.
Par jugement contradictoire du 9 janvier 2025, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :
déclaré la société Proteus irrecevable en sa contestation de la saisie ;
débouté la société Proteus de l'intégralité de ses prétentions ;
condamné la société Proteus à payer à la selarl S21Y, prise en la personne de Me [R] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 5 000 euros au titre du préjudice résultant de la résistance abusive ;
condamné la société Proteus à payer à la selarl S21Y, prise en la personne de Me [R] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Proteus aux dépens.
Le 23 janvier 2025, la société SARL Proteus a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 29 avril 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :
infirmer la décision rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau:
prononcer la nullité du nantissement provisoire de droits incorporels détenus par Proteus dans la société Vigilia,
Si par extraordinaire, la Cour ne considérait pas que la saisie était nulle [sic]:
prononcer la caducité du nantissement provisoire de droits incorporels détenus par Proteus dans la société Vigilia,
Si par extraordinaire la Cour ne considérait pas que le nantissement était caduc:
prononcer la nullité de la saisie pratiquée [sic],
En tout état de cause,
condamner S21Y à verser à Proteus une somme de 5 000 euros au titre des dispositions prévues à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Franck Lafon, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SARL Proteus fait valoir :
que la saisie conservatoire [sic] de parts sociales réalisée sur les titres que Proteus détient dans Vigilia, à la demande de S21Y rend indisponibles ces parts sociales de sorte que le nantissement pratiqué sur les mêmes parts ne peut produire aucun effet en application de l'article L521-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
que la signification irrégulière du nantissement au débiteur équivaut à un défaut de signification qui doit emporter la caducité de la mesure par application de l'article R532-5 du code des procédures civiles d'exécution ; que les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile s'appliquent à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés, ce qui suppose l'établissement par l'huissier d'un procès-verbal détaillé relatant l'ensemble des diligences accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte, ce qui n'a pas été le cas ; qu'ayant constaté que la société Proteus a effectivement fait l'objet d'une radiation du RCS, le commissaire de justice aurait dû procéder aux investigations nécessaires pour trouver l'un des membres de la SARL Proteus habilité à recevoir la signification en application de l'article 690 du même code;
que les manquements à l'article 659 du code de procédure civile sont des vices de forme qui sont sanctionnés par la nullité qui lui cause nécessairement un grief, la société Proteus n'ayant pu exercer son recours dans les délais mentionnés sur l'acte [sic] ;
qu'elle conteste également le décompte de la créance qui ne mentionne pas le détail du calcul des intérêts ;
qu'elle conteste tout abus ou intention dilatoire ce qui doit conduire à l'infirmation du chef du jugement l'ayant condamnée pour procédure abusive.
Par dernières conclusions transmises au greffe le 20 juin 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'intimée demande à la cour de :
dire la société Proteus mal fondée en l'ensemble de ses demandes ; l'en débouter ;
confirmer le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre du 9 janvier 2025 (RG n° 24/02182) en l'ensemble de ses dispositions ;
condamner la société Proteus à payer à la Selarl S21Y, prise en la personne de Maître [R]
[X], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
condamner la société Proteus à payer à la Selarl S21Y, prise en la personne de Maître [R]
[X], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Proteus aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la SELARL S21Y fait valoir :
que la société Proteus est irrecevable à contester la saisie du 23 octobre 2023 des droits d'associés de la SARL Proteus en vertu de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 juillet 2024 et à l'arrêt du 10 avril 2025;
qu'aucune disposition n'interdit à un créancier de prendre une sûreté judiciaire sur un bien qui fait l'objet d'une saisie la disposition, la jurisprudence dont se prévaut la société Proteus n'ayant aucun rapport avec l'objet du litige;
que la dénonciation du nantissement provisoire du 21 février 2024 a été réalisée dans le délai de huit jours par acte de commissaire de justice, qu'elle a été dénoncée en la forme prévue par l'article 659 du code de procédure civile ; que l'article 690 du même code est invoqué à tort par l'appelante, car il n'a pas lieu à s'appliquer lorsque la signification est effectuée au siège social de la société, même si celle-ci n'y a plus d'activité ;
que des jurisprudences récentes retiennent que le commissaire de justice n'est pas tenu de tenter une signification à l'adresse personnelle du gérant ; qu'au demeurant, la société Proteus se domicilie elle-même au [Adresse 1] y compris dans la présente procédure ;
que son décompte de la créance ne peut pas être utilement contesté, en particulier concernant le montant des intérêts qui, à la faveur d'une erreur du commissaire de justice est favorable à la débitrice par rapport aux modalités de calcul qui résulteraient de l'application du titre exécutoire;
qu'en usant des voies judiciaires à des fins dilatoires, la société appelante agit de mauvaise foi ; que le caractère abusif de la procédure peut se déduire du manque de sérieux des contestations élevées par le demandeur à l'instance qui a seulement tenté de se ménager un délai supplémentaire dans l'exécution de ses obligations ; que cette action dilatoire cause préjudice à l'intimée, qui est retardée dans les opérations de liquidation judiciaire dont elle a la charge ; qu'il convient de sanctionner le comportement procédural de l'appelante tant en première instance qu'à hauteur d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er juillet 2025.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 17 septembre 2025 et le prononcé de l'arrêt au 23 octobre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond par voie de conséquence aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions, et pas à ceux qui sont seulement repris au dispositif sans développement dans la discussion.
Il doit être relevé que la société Proteus ne désigne pas précisément les actes dont elle poursuit la nullité ou subsidiairement la caducité, qu'elle énonce au dispositif de ses conclusions sous le terme 'saisie' ou 'nantissement' sans que la discussion n'apporte un éclairage univoque à cet égard. Quoi qu'il en soit, la saisie des parts sociales de la société Protéus dans la société Vigilia sécurité privée résultant de l'acte du 23 octobre 2023 ayant été entièrement validée par le jugement du 19 juillet 2024 confirmé par l'arrêt du 10 avril 2025, les moyens et prétentions constituant l'objet du présent litige ne sont recevables qu'en ce qu'ils portent sur le nantissement provisoire des parts sociales de la société Vigilia sécurité privée inscrit le 14 février 2024. La prétention exprimée au dispositif des conclusions tendant à ' prononcer la nullité de la saisie pratiquée' qui avait été également soumise au premier juge est nécessairement irrecevable en ce qu'elle porterait sur la saisie du 23 octobre 2023, et le jugement doit être confirmé de ce chef.
Enfin, en vertu de la règle suivant laquelle nul ne plaide par procureur, la société Proteus ne peut contester la validité de la signification que des actes qui lui étaient personnellement destinés, et non pas de ceux qui sont délivrés au tiers saisi, soit en ce qui concerne ledit nantissement provisoire, la dénonciation de cette mesure par l'acte du 21 février 2024.
Sur la prétention tendant à l'annulation du nantissement
Au soutien de son moyen de nullité, la société Proteus se prévaut d'une jurisprudence de la Cour de cassation rendue au visa de l'article L521-2 du code des procédures civiles d'exécution (Cass. Com. 30 mai 2002, n°99-21.597) selon laquelle « en retenant que le nantissement opéré sur un bien rendu indisponible par l'effet d'une saisie conservatoire antérieure, était inopposable au créancier saisissant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ».
Cependant d'une part, cette décision n'invalide pas le nantissement pratiqué sur un bien rendu indisponible par une saisie préexistante, mais ne traite que de l'opposabilité du nantissement en présence d'un concours entre créancier saisissant et créancier nanti, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et d'autre part, les parts sociales détenues par la société Proteus dans le capital de la société Vigilia sécurité privée n'ont pas fait l'objet d'une saisie 'conservatoire', comme l'écrit la société Proteus dans ses conclusions, mais d'une saisie des droits d'associé en date du 23 octobre 2023, régie non pas par l'article L521-2 mais par les articles L. 231-1 et suivants et R. 231-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, permettant au créancier d'en poursuivre la vente forcée.
Comme le soutient la société S21Y, le nantissement est une sûreté qui a pour effet de conférer un droit de préférence et un droit de suite sur les parts sociales nanties au bénéfice du créancier nanti, mais ne lui permet pas de procéder à la vente desdites parts. La saisie pratiquée sur un bien n'empêche donc en rien l'inscription d'une sûreté sur ce même bien, et le premier juge qui a statué ainsi pour rejeter la demande tendant à l'annulation du nantissement fondée sur ce moyen doit être approuvé.
Sur la prétention tendant à la caducité du nantissement provisoire
Contrairement à ce que soutient la société Proteus dans ses écritures, l'acte de dénonciation du 21 février 2024 a bien été signifié en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, et il a bien fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses. Les mentions dont l'appelante fait la critique semblent ressortir plutôt du procès-verbal d'inscription du nantissement auprès de la société Vigilia sécurité privée, les pièces produites par la société Proteus n'étant que des actes signifiés à cette société. L'acte de dénonciation du nantissement du 21 février 2024 est rédigé quant à lui de la manière suivante:
' Lors de l'enquête effectuée le 16/02/2024, à l'adresse indiquée par le demandeur de l'acte, chez la SARL PROTEUS, immatriculée au RCS sous le N° 792 103 525, dont le siège social est [Adresse 1], afin de signifier une DENONCE DE NANTISSEMENT PROVISOIRE DE PARTS SOCIALES, Parvenu à l'adresse indiquée, se trouve la société de domiciliation MULTIBURO.
L'employé nous informe que la société PROTEUS avait son siège à cette adresse mais que celle-ci est partie sans laisser d'adresse depuis 2018. Les recherches sur Infogreffe, société.com, figaro entreprise et pappers vous indiquent que la société PROTEUS est définitivement fermée et la cessation et la radiation auprès du registre du commerce et des sociétés a été effectuée le 18/09/2021.
De retour à l'étude, j'ai consulté par internet le registre du commerce et des sociétés, ainsi que l'annuaire électronique, qui ne m'ont pas permis d'obtenir quelconque renseignement quant à un éventuel transfert du siège social.
Les services de mairie n'ont pas pu nous renseigner.
Il convient de préciser que la poste nous oppose systématiquement le secret professionnel'
Selon les prescriptions de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
Quant à l'article 690 du code de procédure civile il énonce que la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement.
A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir.
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si une signification à une personne morale peut valablement être faite en la personne de son dirigeant à défaut de lieu d'établissement, le commissaire de justice procède valablement en application de l'article 659 du code de procédure civile si la personne morale n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme constituant le siège social au registre du commerce et des sociétés.
Les diligences du commissaire de justice telles que relatées à son procès-verbal de recherches ne sont pas contestées : elles lui ont permis de s'assurer que la société Proteus n'a plus d'établissement ni d'activité à son siège social, lequel n'était d'ailleurs qu'une adresse de domiciliation, alors que cette adresse de siège social n'a pas été modifiée au registre du commerce et des sociétés. La cour relève d'ailleurs que cette adresse est toujours celle que la société mentionne dans le cadre de la présente procédure et rappelle qu'une société, tant qu'elle n'a pas fait choix d'un nouveau siège, est réputée conserver son siège social au lieu fixé par les statuts et publié au Registre du commerce.
Il en résulte que la signification faite en application de l'article 659 du code de procédure civile à l'adresse du siège social connu et non modifié est valable, sans qu'il puisse être reproché au commissaire de justice de ne pas avoir cherché à signifier l'acte au domicile du gérant, ou d'un associé.
Le créancier ayant valablement dénoncé le 21 février 2024 l'inscription de son nantissement provisoire sur les parts sociales de la société Vigilia sécurité privée qui sont détenues par la société Proteus, soit dans le délai de 8 jours suivant la signification de l'inscription à laquelle il a été procédé le 14 février 2024, la caducité du nantissement provisoire n'est pas encourue.
Sur le décompte de la créance
Aux termes de l'alinéa 1 de l'article R532-3, le nantissement des parts sociales est opéré par la signification à la société d'un acte contenant :
1° La désignation du créancier et celle du débiteur ;
2° L'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel la sûreté est requise ;
3° L'indication du capital de la créance et de ses accessoires.
Le procès-verbal d'inscription du nantissement provisoire contient toutes les mentions requises et notamment la créance détaillée.
La société Proteus ne précise pas explicitement le fondement de sa contestation ni les conséquences qu'elle entend voir tirer de son moyen. Quoi qu'il en soit, le titre exécutoire précise exactement les modalités de calcul des intérêts et à cet égard, la société S21Y fait remarquer sans être contredite par son adversaire que le montant des intérêts échus à la date de l'inscription du nantissement devrait s'établir à la somme de 83.668,08 euros, alors qu'à la faveur d'une erreur commise par le commissaire de justice qui bénéficie à la débitrice, c'est un montant de 26.007,49 euros qui a été porté dans l'acte.
Cette contestation inopérante doit être rejetée.
Sur la condamnation pour procédure abusive
La société S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence demande la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts, et elle forme une demande additionnelle de réparation de son préjudice aggravé au titre de la procédure d'appel à hauteur de la somme de 10 000 euros, l'attitude dilatoire de la société Proteus nuisant à la collectivité des créanciers de la liquidation judiciaire de la société Janus protect Intelligence.
La société Proteus conteste le chef du jugement qui l'a condamnée pour résistance abusive sur le fondement de l'article L121-3 du code des procédures civiles d'exécution, mais elle ne critique pas utilement la motivation du premier juge, sauf pour faire remarquer, en réponse au rappel de ce dernier selon lequel le jugement du 19 juillet 2023 ayant validé la saisie de droits d'associé du 23 octobre 2023 ne pouvait être attaqué que par la voie de l'appel, qu'elle avait effectivement fait appel de ce jugement, ce qui est inopérant pour se défendre sur le terrain de la procédure abusive et de la résistance abusive dans le cadre de la présente procédure qui n'a pour objet que la contestation d'un nantissement provisoire venant renforcer l'efficacité de la saisie pratiquée par le créancier.
Pour statuer comme il l'a fait, le juge de l'exécution a relevé que la société Proteus avait fait preuve de mauvaise foi dans les moyens soulevés et notamment quant à la critique de 1'adresse sur laquelle le clerc instrumentaire a diligenté ses opérations alors qu'elle se prévaut de cette adresse en procédure, et qu'elle opérait un détournement de procédure en critiquant à nouveau la saisie du 23 octobre 2023 qui avait fait l'objet d'un précédent jugement ayant autorité de la chose jugée.
L'abus du droit d'ester en justice qui se traduit par une résistance abusive à la mesure de nantissement provisoire a été convenablement caractérisé ainsi que le préjudice qui en est résulté, en ce que selon la motivation du jugement, cette contestation indue a nécessité que la société S21Y mobilise du temps et des ressources imputées à la société en liquidation qu'elle représente, pour recouvrer sa créance d'une part et qu'elle retarde l'issue de la procédure collective dans l'attente du paiement complet de la créance d'autre part. Le jugement sera confirmé de ce chef.
En cause d'appel, la société Proteus persiste en son argumentation parfaitement inopérante, fondée sur des dispositions ou des jurisprudences sans rapport avec la question juridique en cause, sans production d'aucune pièce utile, et des faits qui lui sont entièrement imputables s'agissant de son siège social qui ne correspond plus à aucune réalité mais auquel elle se domicilie toujours dans les actes, alors qu'il s'agit d'une société de domiciliation à laquelle elle n'est plus affiliée. Ainsi elle se domicilie fictivement à une adresse dont elle sait pertinemment qu'elle ne lui permettra pas d'être touchée par les actes pour contester la régularité desdits actes.
Le caractère abusif de sa contestation du nantissement se prolonge dans le recours à la voie de l'appel qui ne peut que poursuivre une intention de nuire ou un but manifestement dilatoire, eu égard à la confusion d'intérêts avec la société Vigilia sécurité privée dont elle détient la totalité des parts sociales ainsi qu'il résulte des extraits Kbis et statuts versés aux débats par la société S21Y. Le préjudice causé par ce comportement procédural étant aggravé par la procédure d'appel qui contribue à retarder d'autant les opérations de liquidation judiciaire, et augmenter les frais induits par cette procédure inutile nuisant à l'intérêt collectif des créanciers de la société Janus Protect Intelligence, doit être réparé par l'allocation d'une somme supplémentaire de 8000 à titre de dommages et intérêts.
La société Proteus supportera les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à la partie intimée la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Proteus à payer à la société S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence la somme de 8 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la société Proteus à payer à la société S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Proteus aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 78F
Chambre civile 1-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 OCTOBRE 2025
N° RG 25/00696 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W7VF
AFFAIRE :
S.A.R.L. PROTEUS
C/
S.E.L.A.R.L. S21Y
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Janvier 2025 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° RG : 24/02182
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 23.10.2025
à :
Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. PROTEUS
N° Siret : 792 103 525 (RCS Orléans)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20250034 - Représentant : Me Marie-Valentine GERONIMI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Valentin SIMMONET, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
S.E.L.A.R.L. S21Y
N° Siret : 813 660 693 (RCS Créteil)
Prise en la personne de Me [R] [X], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence SARL, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 26 juin 2019
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2575843 - Représentant : Me Charlotte FRAYSSE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère entendue en son rapport et Madame Florence MICHON, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne PAGES, Présidente,
Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,
Madame Florence MICHON, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
Greffier, lors du prononcé de la décision : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSÉ DU LITIGE
Par ordonnance contradictoire en date du 15 mai 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a notamment condamné la SARL Proteus à payer à la société Janus Protect Intelligence, à titre de provision, la somme de 377 568,52 euros à valoir sur le prix de cession partielle du fonds de commerce de la société Janus Protect Intelligence, laquelle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 26 juin 2019.
Par arrêt du 18 décembre 2019, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance entreprise et a condamné la société Proteus à payer à la SELARL S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société S21Y poursuit vainement l'exécution de ces décisions.
Par acte du 23 octobre 2023, dénoncé le 27 octobre 2023, suivant les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, la SELARL S21Y ès qualités a fait pratiquer auprès de la société Vigilia sécurité privée une saisie des droits d'associés ou de valeurs mobilières de la SARL Proteus, pour paiement de la somme de 395 717,51 euros.
La contestation de cette mesure par la société Proteus introduite par assignation du 5 janvier 2024, aux fins de caducité pour défaut de dénonciation valable, a été déclarée irrecevable comme tardive par jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre du 19 juillet 2024, qui a été confirmé par arrêt de la présente cour d'appel du 10 avril 2025, sauf en ce qu'il avait rejeté les demandes indemnitaires du créancier poursuivant, la cour ayant condamné la société Proteus à payer à la société S21Y, ès qualités la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans le même temps, afin de prendre rang sur la liquidation des parts sociales saisies, la société S21Y agissant en la même qualité de liquidateur de la société Janus Protect Intelligence a fait signifier à la société Vigilia sécurité privée par acte du 14 février 2024, un procès-verbal de nantissement provisoire de droits incorporels ayant pour objet les parts sociales dont il s'agit, dénoncé à la société Proteus par exploit du 21 février 2024, adressé à l'adresse de son siège social selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, que cette dernière a également contesté devant le juge de l'exécution de Nanterre par assignation du 8 mars 2024, aux fins de nullité du nantissement provisoire de droits incorporels ou subsidiairement sa caducité, et de nouvelle contestation de la saisie du 23 octobre 2023.
Par jugement contradictoire du 9 janvier 2025, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :
déclaré la société Proteus irrecevable en sa contestation de la saisie ;
débouté la société Proteus de l'intégralité de ses prétentions ;
condamné la société Proteus à payer à la selarl S21Y, prise en la personne de Me [R] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 5 000 euros au titre du préjudice résultant de la résistance abusive ;
condamné la société Proteus à payer à la selarl S21Y, prise en la personne de Me [R] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Proteus aux dépens.
Le 23 janvier 2025, la société SARL Proteus a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 29 avril 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :
infirmer la décision rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau:
prononcer la nullité du nantissement provisoire de droits incorporels détenus par Proteus dans la société Vigilia,
Si par extraordinaire, la Cour ne considérait pas que la saisie était nulle [sic]:
prononcer la caducité du nantissement provisoire de droits incorporels détenus par Proteus dans la société Vigilia,
Si par extraordinaire la Cour ne considérait pas que le nantissement était caduc:
prononcer la nullité de la saisie pratiquée [sic],
En tout état de cause,
condamner S21Y à verser à Proteus une somme de 5 000 euros au titre des dispositions prévues à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Franck Lafon, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SARL Proteus fait valoir :
que la saisie conservatoire [sic] de parts sociales réalisée sur les titres que Proteus détient dans Vigilia, à la demande de S21Y rend indisponibles ces parts sociales de sorte que le nantissement pratiqué sur les mêmes parts ne peut produire aucun effet en application de l'article L521-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
que la signification irrégulière du nantissement au débiteur équivaut à un défaut de signification qui doit emporter la caducité de la mesure par application de l'article R532-5 du code des procédures civiles d'exécution ; que les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile s'appliquent à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés, ce qui suppose l'établissement par l'huissier d'un procès-verbal détaillé relatant l'ensemble des diligences accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte, ce qui n'a pas été le cas ; qu'ayant constaté que la société Proteus a effectivement fait l'objet d'une radiation du RCS, le commissaire de justice aurait dû procéder aux investigations nécessaires pour trouver l'un des membres de la SARL Proteus habilité à recevoir la signification en application de l'article 690 du même code;
que les manquements à l'article 659 du code de procédure civile sont des vices de forme qui sont sanctionnés par la nullité qui lui cause nécessairement un grief, la société Proteus n'ayant pu exercer son recours dans les délais mentionnés sur l'acte [sic] ;
qu'elle conteste également le décompte de la créance qui ne mentionne pas le détail du calcul des intérêts ;
qu'elle conteste tout abus ou intention dilatoire ce qui doit conduire à l'infirmation du chef du jugement l'ayant condamnée pour procédure abusive.
Par dernières conclusions transmises au greffe le 20 juin 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'intimée demande à la cour de :
dire la société Proteus mal fondée en l'ensemble de ses demandes ; l'en débouter ;
confirmer le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre du 9 janvier 2025 (RG n° 24/02182) en l'ensemble de ses dispositions ;
condamner la société Proteus à payer à la Selarl S21Y, prise en la personne de Maître [R]
[X], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
condamner la société Proteus à payer à la Selarl S21Y, prise en la personne de Maître [R]
[X], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Proteus aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la SELARL S21Y fait valoir :
que la société Proteus est irrecevable à contester la saisie du 23 octobre 2023 des droits d'associés de la SARL Proteus en vertu de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 juillet 2024 et à l'arrêt du 10 avril 2025;
qu'aucune disposition n'interdit à un créancier de prendre une sûreté judiciaire sur un bien qui fait l'objet d'une saisie la disposition, la jurisprudence dont se prévaut la société Proteus n'ayant aucun rapport avec l'objet du litige;
que la dénonciation du nantissement provisoire du 21 février 2024 a été réalisée dans le délai de huit jours par acte de commissaire de justice, qu'elle a été dénoncée en la forme prévue par l'article 659 du code de procédure civile ; que l'article 690 du même code est invoqué à tort par l'appelante, car il n'a pas lieu à s'appliquer lorsque la signification est effectuée au siège social de la société, même si celle-ci n'y a plus d'activité ;
que des jurisprudences récentes retiennent que le commissaire de justice n'est pas tenu de tenter une signification à l'adresse personnelle du gérant ; qu'au demeurant, la société Proteus se domicilie elle-même au [Adresse 1] y compris dans la présente procédure ;
que son décompte de la créance ne peut pas être utilement contesté, en particulier concernant le montant des intérêts qui, à la faveur d'une erreur du commissaire de justice est favorable à la débitrice par rapport aux modalités de calcul qui résulteraient de l'application du titre exécutoire;
qu'en usant des voies judiciaires à des fins dilatoires, la société appelante agit de mauvaise foi ; que le caractère abusif de la procédure peut se déduire du manque de sérieux des contestations élevées par le demandeur à l'instance qui a seulement tenté de se ménager un délai supplémentaire dans l'exécution de ses obligations ; que cette action dilatoire cause préjudice à l'intimée, qui est retardée dans les opérations de liquidation judiciaire dont elle a la charge ; qu'il convient de sanctionner le comportement procédural de l'appelante tant en première instance qu'à hauteur d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er juillet 2025.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 17 septembre 2025 et le prononcé de l'arrêt au 23 octobre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond par voie de conséquence aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions, et pas à ceux qui sont seulement repris au dispositif sans développement dans la discussion.
Il doit être relevé que la société Proteus ne désigne pas précisément les actes dont elle poursuit la nullité ou subsidiairement la caducité, qu'elle énonce au dispositif de ses conclusions sous le terme 'saisie' ou 'nantissement' sans que la discussion n'apporte un éclairage univoque à cet égard. Quoi qu'il en soit, la saisie des parts sociales de la société Protéus dans la société Vigilia sécurité privée résultant de l'acte du 23 octobre 2023 ayant été entièrement validée par le jugement du 19 juillet 2024 confirmé par l'arrêt du 10 avril 2025, les moyens et prétentions constituant l'objet du présent litige ne sont recevables qu'en ce qu'ils portent sur le nantissement provisoire des parts sociales de la société Vigilia sécurité privée inscrit le 14 février 2024. La prétention exprimée au dispositif des conclusions tendant à ' prononcer la nullité de la saisie pratiquée' qui avait été également soumise au premier juge est nécessairement irrecevable en ce qu'elle porterait sur la saisie du 23 octobre 2023, et le jugement doit être confirmé de ce chef.
Enfin, en vertu de la règle suivant laquelle nul ne plaide par procureur, la société Proteus ne peut contester la validité de la signification que des actes qui lui étaient personnellement destinés, et non pas de ceux qui sont délivrés au tiers saisi, soit en ce qui concerne ledit nantissement provisoire, la dénonciation de cette mesure par l'acte du 21 février 2024.
Sur la prétention tendant à l'annulation du nantissement
Au soutien de son moyen de nullité, la société Proteus se prévaut d'une jurisprudence de la Cour de cassation rendue au visa de l'article L521-2 du code des procédures civiles d'exécution (Cass. Com. 30 mai 2002, n°99-21.597) selon laquelle « en retenant que le nantissement opéré sur un bien rendu indisponible par l'effet d'une saisie conservatoire antérieure, était inopposable au créancier saisissant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ».
Cependant d'une part, cette décision n'invalide pas le nantissement pratiqué sur un bien rendu indisponible par une saisie préexistante, mais ne traite que de l'opposabilité du nantissement en présence d'un concours entre créancier saisissant et créancier nanti, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et d'autre part, les parts sociales détenues par la société Proteus dans le capital de la société Vigilia sécurité privée n'ont pas fait l'objet d'une saisie 'conservatoire', comme l'écrit la société Proteus dans ses conclusions, mais d'une saisie des droits d'associé en date du 23 octobre 2023, régie non pas par l'article L521-2 mais par les articles L. 231-1 et suivants et R. 231-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, permettant au créancier d'en poursuivre la vente forcée.
Comme le soutient la société S21Y, le nantissement est une sûreté qui a pour effet de conférer un droit de préférence et un droit de suite sur les parts sociales nanties au bénéfice du créancier nanti, mais ne lui permet pas de procéder à la vente desdites parts. La saisie pratiquée sur un bien n'empêche donc en rien l'inscription d'une sûreté sur ce même bien, et le premier juge qui a statué ainsi pour rejeter la demande tendant à l'annulation du nantissement fondée sur ce moyen doit être approuvé.
Sur la prétention tendant à la caducité du nantissement provisoire
Contrairement à ce que soutient la société Proteus dans ses écritures, l'acte de dénonciation du 21 février 2024 a bien été signifié en application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, et il a bien fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses. Les mentions dont l'appelante fait la critique semblent ressortir plutôt du procès-verbal d'inscription du nantissement auprès de la société Vigilia sécurité privée, les pièces produites par la société Proteus n'étant que des actes signifiés à cette société. L'acte de dénonciation du nantissement du 21 février 2024 est rédigé quant à lui de la manière suivante:
' Lors de l'enquête effectuée le 16/02/2024, à l'adresse indiquée par le demandeur de l'acte, chez la SARL PROTEUS, immatriculée au RCS sous le N° 792 103 525, dont le siège social est [Adresse 1], afin de signifier une DENONCE DE NANTISSEMENT PROVISOIRE DE PARTS SOCIALES, Parvenu à l'adresse indiquée, se trouve la société de domiciliation MULTIBURO.
L'employé nous informe que la société PROTEUS avait son siège à cette adresse mais que celle-ci est partie sans laisser d'adresse depuis 2018. Les recherches sur Infogreffe, société.com, figaro entreprise et pappers vous indiquent que la société PROTEUS est définitivement fermée et la cessation et la radiation auprès du registre du commerce et des sociétés a été effectuée le 18/09/2021.
De retour à l'étude, j'ai consulté par internet le registre du commerce et des sociétés, ainsi que l'annuaire électronique, qui ne m'ont pas permis d'obtenir quelconque renseignement quant à un éventuel transfert du siège social.
Les services de mairie n'ont pas pu nous renseigner.
Il convient de préciser que la poste nous oppose systématiquement le secret professionnel'
Selon les prescriptions de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
Quant à l'article 690 du code de procédure civile il énonce que la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement.
A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir.
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si une signification à une personne morale peut valablement être faite en la personne de son dirigeant à défaut de lieu d'établissement, le commissaire de justice procède valablement en application de l'article 659 du code de procédure civile si la personne morale n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme constituant le siège social au registre du commerce et des sociétés.
Les diligences du commissaire de justice telles que relatées à son procès-verbal de recherches ne sont pas contestées : elles lui ont permis de s'assurer que la société Proteus n'a plus d'établissement ni d'activité à son siège social, lequel n'était d'ailleurs qu'une adresse de domiciliation, alors que cette adresse de siège social n'a pas été modifiée au registre du commerce et des sociétés. La cour relève d'ailleurs que cette adresse est toujours celle que la société mentionne dans le cadre de la présente procédure et rappelle qu'une société, tant qu'elle n'a pas fait choix d'un nouveau siège, est réputée conserver son siège social au lieu fixé par les statuts et publié au Registre du commerce.
Il en résulte que la signification faite en application de l'article 659 du code de procédure civile à l'adresse du siège social connu et non modifié est valable, sans qu'il puisse être reproché au commissaire de justice de ne pas avoir cherché à signifier l'acte au domicile du gérant, ou d'un associé.
Le créancier ayant valablement dénoncé le 21 février 2024 l'inscription de son nantissement provisoire sur les parts sociales de la société Vigilia sécurité privée qui sont détenues par la société Proteus, soit dans le délai de 8 jours suivant la signification de l'inscription à laquelle il a été procédé le 14 février 2024, la caducité du nantissement provisoire n'est pas encourue.
Sur le décompte de la créance
Aux termes de l'alinéa 1 de l'article R532-3, le nantissement des parts sociales est opéré par la signification à la société d'un acte contenant :
1° La désignation du créancier et celle du débiteur ;
2° L'indication de l'autorisation ou du titre en vertu duquel la sûreté est requise ;
3° L'indication du capital de la créance et de ses accessoires.
Le procès-verbal d'inscription du nantissement provisoire contient toutes les mentions requises et notamment la créance détaillée.
La société Proteus ne précise pas explicitement le fondement de sa contestation ni les conséquences qu'elle entend voir tirer de son moyen. Quoi qu'il en soit, le titre exécutoire précise exactement les modalités de calcul des intérêts et à cet égard, la société S21Y fait remarquer sans être contredite par son adversaire que le montant des intérêts échus à la date de l'inscription du nantissement devrait s'établir à la somme de 83.668,08 euros, alors qu'à la faveur d'une erreur commise par le commissaire de justice qui bénéficie à la débitrice, c'est un montant de 26.007,49 euros qui a été porté dans l'acte.
Cette contestation inopérante doit être rejetée.
Sur la condamnation pour procédure abusive
La société S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence demande la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts, et elle forme une demande additionnelle de réparation de son préjudice aggravé au titre de la procédure d'appel à hauteur de la somme de 10 000 euros, l'attitude dilatoire de la société Proteus nuisant à la collectivité des créanciers de la liquidation judiciaire de la société Janus protect Intelligence.
La société Proteus conteste le chef du jugement qui l'a condamnée pour résistance abusive sur le fondement de l'article L121-3 du code des procédures civiles d'exécution, mais elle ne critique pas utilement la motivation du premier juge, sauf pour faire remarquer, en réponse au rappel de ce dernier selon lequel le jugement du 19 juillet 2023 ayant validé la saisie de droits d'associé du 23 octobre 2023 ne pouvait être attaqué que par la voie de l'appel, qu'elle avait effectivement fait appel de ce jugement, ce qui est inopérant pour se défendre sur le terrain de la procédure abusive et de la résistance abusive dans le cadre de la présente procédure qui n'a pour objet que la contestation d'un nantissement provisoire venant renforcer l'efficacité de la saisie pratiquée par le créancier.
Pour statuer comme il l'a fait, le juge de l'exécution a relevé que la société Proteus avait fait preuve de mauvaise foi dans les moyens soulevés et notamment quant à la critique de 1'adresse sur laquelle le clerc instrumentaire a diligenté ses opérations alors qu'elle se prévaut de cette adresse en procédure, et qu'elle opérait un détournement de procédure en critiquant à nouveau la saisie du 23 octobre 2023 qui avait fait l'objet d'un précédent jugement ayant autorité de la chose jugée.
L'abus du droit d'ester en justice qui se traduit par une résistance abusive à la mesure de nantissement provisoire a été convenablement caractérisé ainsi que le préjudice qui en est résulté, en ce que selon la motivation du jugement, cette contestation indue a nécessité que la société S21Y mobilise du temps et des ressources imputées à la société en liquidation qu'elle représente, pour recouvrer sa créance d'une part et qu'elle retarde l'issue de la procédure collective dans l'attente du paiement complet de la créance d'autre part. Le jugement sera confirmé de ce chef.
En cause d'appel, la société Proteus persiste en son argumentation parfaitement inopérante, fondée sur des dispositions ou des jurisprudences sans rapport avec la question juridique en cause, sans production d'aucune pièce utile, et des faits qui lui sont entièrement imputables s'agissant de son siège social qui ne correspond plus à aucune réalité mais auquel elle se domicilie toujours dans les actes, alors qu'il s'agit d'une société de domiciliation à laquelle elle n'est plus affiliée. Ainsi elle se domicilie fictivement à une adresse dont elle sait pertinemment qu'elle ne lui permettra pas d'être touchée par les actes pour contester la régularité desdits actes.
Le caractère abusif de sa contestation du nantissement se prolonge dans le recours à la voie de l'appel qui ne peut que poursuivre une intention de nuire ou un but manifestement dilatoire, eu égard à la confusion d'intérêts avec la société Vigilia sécurité privée dont elle détient la totalité des parts sociales ainsi qu'il résulte des extraits Kbis et statuts versés aux débats par la société S21Y. Le préjudice causé par ce comportement procédural étant aggravé par la procédure d'appel qui contribue à retarder d'autant les opérations de liquidation judiciaire, et augmenter les frais induits par cette procédure inutile nuisant à l'intérêt collectif des créanciers de la société Janus Protect Intelligence, doit être réparé par l'allocation d'une somme supplémentaire de 8000 à titre de dommages et intérêts.
La société Proteus supportera les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à la partie intimée la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Proteus à payer à la société S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence la somme de 8 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la société Proteus à payer à la société S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Janus Protect Intelligence la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Proteus aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente