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CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 23 octobre 2025, n° 24/11445

AIX-EN-PROVENCE

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CA Aix-en-Provence n° 24/11445

23 octobre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 23 OCTOBRE 2025

N° 2025/424

Rôle N° RG 24/11445 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNWKW

[Y] [E]

C/

SAS CABOT FINANCIAL FRANCE

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Eléonore DARTOIS,

Me Sylvain DAMAZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution de DRAGUIGNAN en date du 23 Juillet 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 23/07526.

APPELANTE

Madame [Y] [E]

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 11] (BÉNIN)

demeurant [Adresse 6] - [Localité 7]

représentée par Me Eléonore DARTOIS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-007195 du 05/09/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

INTIMÉE

SAS CABOT FINANCIAL FRANCE (anciennement dénommée NEMO CREDIT MANAGEMENT), venant aux droits de la SAS KBC LEASE France, prise en la personne de son représentant légal,

domiciliée [Adresse 1] - [Localité 4]

représentée par Me Sylvain DAMAZ de l'AARPI ADSL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale BOYER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président

Monsieur Ambroise CATTEAU, conseiller

Mme Pascale BOYER, conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025

Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 11 juin 2003, le tribunal de commerce de Lyon, par décision réputée contradictoire, a constaté la résiliation du contrat de location de matériel de surveillance aux torts de Madame [W] [G] et a ordonné la restitution du matériel loué qu'elle avait fait installer dans le local de laverie automatique qu'elle exploitait [Adresse 8] à [Localité 7].

Le tribunal a condamné Madame [W] [G] à payer au loueur, la société KBC Lease France, venant aux droits de la société Socrea Location, une somme en principal de 8.671,43 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2003, au titre des loyers impayés, aux dépens et à la somme de 250 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.

Le tribunal a rejeté la demande d'exécution provisoire.

Cette décision a été signifiée à Madame [W] [G] le 30 juin 2003 à l'adresse de son activité professionnelle en nom propre par dépôt en mairie.

Madame [W] [G] a formé appel de cette décision.

En 2004, Madame [W] [G] a cédé le fonds de commerce de laverie à sa fille, Madame [E] et, le 10 décembre 2004, la société KBC Lease France a formé opposition à la distribution du prix de vente du fonds de commerce entre les mains de l'acquéreur en invoquant la créance résultant du titre de 2003.

La cour d'appel de Lyon, par arrêt contradictoire du 20 janvier 2005, a confirmé le jugement de 2003 en portant à 762,64 euros la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles de procédure et a rejeté toutes les autres demandes des parties.

La société KBC Lease France a fait signifier cet arrêt à Madame [W] [G] - [E] à l'adresse mentionnée dans l'arrêt, soit «'[Adresse 10] à [Localité 7]'» le 7 mars 2005 par remise à personne.

Un pourvoi en cassation a été formé contre cette décision.

La société KBC Lease France a recouru à plusieurs mesures d'exécution, sur le fondement de l'arrêt du 20 janvier 2005, soit':

- un commandement aux fins de saisie vente le 1er août 2005 signifié à personne à l'adresse «Point Laverie [Adresse 5] à [Localité 7]».

- une tentative de saisie-vente dans ce local, le 11 août 2005, suivie d'un procès-verbal de carence, le 7 septembre 2005, en l'absence de biens mobiliers pouvant être saisis, le fonds de commerce ayant été cédé en 2004.

- une saisie-attribution auprès de la Lyonnaise de Banque, le 26 octobre 2005 pour avoir paiement d'une somme de 11.922,27 euros, dénoncée le 28 octobre 2005,

- une saisie-attribution du 18 mai 2006 dénoncée à Madame [E] le 23 mai 2006 ayant fait l'objet d'un certificat de non-contestation le 7 juillet 2006 dénoncé au tiers saisi le 18 juillet 2006.

Le 27 mars 2007, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de 2005 en toutes ses dispositions.

Sur renvoi après cassation, par arrêt du 10 avril 2008, notifié le 24 avril 2008, la cour d'appel de Lyon a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de'Lyon du'11 juin 2003.

L'arrêt a fait l'objet d'une signification par la société KBC Lease France à Madame [W] [G] - [E] le 20 mai 2008 par dépôt en l'étude après tentative de remise à l'adresse «[Adresse 3] à [Localité 7]».

Dès 2005, Madame [E] avait déposé un dossier auprès de la commission de traitement des situations de surendettement du Var. Le 23 septembre 2009, le juge de l'exécution a prononcé l'ouverture et la clôture d'une procédure de rétablissement personnel avec effacement des dettes, à l'exception des dettes professionnelles dont faisait partie la créance de KBC Lease France.

Le 14 juin 2018, un acte intitulé «Commandement de payer aux fins de saisie-vente et signification d'une cession de créance» a été notifié par huissier de justice à Madame [W] [G] - [E] à une nouvelle adresse «[Adresse 9] [Localité 7]» à la requête de la société Nemo Recouvrement, indiquant venir aux droits de la société KBC Lease France en vertu d'un acte de cession de créance du 27 février 2015.

Il lui était réclamé la somme de 12.393,83 euros sur le fondement du jugement du 11 juin 2003 du tribunal de commerce de Lyon.

Cet acte a été signifié par dépôt à l'étude.

Le 11 juillet 2023, la société Cabot Financial France, déclarant venir aux droits de la société KBC Lease France selon cession de créances du 27 février 2015, a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes ouverts au nom de madame [W] [G] ' [E] auprès du Crédit Agricole.

Cette mesure était fondée sur l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 10 avril 2008.

Elle n'a pas été dénoncée.

Le 8 septembre 2023, la société Cabot Financial France a fait établir auprès de la Préfecture du Rhône une déclaration d'indisponibilité du certificat d'immatriculation valant saisie portant sur un véhicule appartenant à Madame [W] [G] - [E] de marque Tesla.

Cette mesure a été dénoncée le 12 septembre 2023 par dépôt en l'étude.

Par assignation du 20 octobre 2023, Madame [W] [G] ' [E] a contesté ces deux mesures d'exécution.

Par décision du 23 juillet 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Draguignan

a':

- Déclaré recevables les demandes de Madame [E]

- Déclaré caduque la saisie-attribution diligentée selon procès-verbal du 11 juillet 2023 et Ordonné la restitution des sommes perçues par la société saisissante

- Débouté Madame [E] de ses demandes de nullité et mainlevée de ces mesures,

- Débouté Madame [E] de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie vente du 14 juin 2018,

- Rejeté le moyen tiré de la prescription et de l'absence de titre exécutoire,

- Condamné Madame [E] aux dépens.

Madame [E] a formé appel le 19 septembre 2024, après avoir obtenu l'aide juridictionnelle totale le 5 septembre 2024, sur demande déposée le 7 août 2024.

L'intimée a constitué avocat le 24 septembre 2024.

L'avis de fixation a été communiqué le 25 septembre 2024 par le greffe aux conseils constitués avec indication de la date de plaidoiries au 12 septembre 2025 et clôture du 12 août 2025.

L'appelante a notifié au conseil constitué, le 2 octobre 2024, sa déclaration d'appel et l'avis de fixation.

Par ses dernières conclusions, l'appelante demande à la cour de':

- Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit recevable les demandes de Madame [E], déclaré caduque la saisie attribution diligentée selon procès-verbal du 11 juillet 2023 et ordonné la restitution des sommes perçues par la société

- Infirmer la décision dont appel pour le surplus,

- Statuant à nouveau sur ces points,

Sur la saisie

- Prononcer la nullité du procès-verbal par indisponibilité du certificat d'immatriculation du

8 septembre 2023 pratiquée par Cabot Financial et en conséquence,

- Ordonner la mainlevée de la saisie du véhicule par procès-verbal d'indisponibilité

Sur la prescription

- Requalifier le «commandement de payer avant saisie vente''du 14 juin 2018 en «commandement de payer» simple

En conséquence,

- Constater la prescription de la créance issue de l'arrêt du 10 avril 2008 et du jugement du 11 juin 2003

Subsidiairement,

- Prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie-vente du 14 juin 2018

En conséquence,

- Constater la prescription la créance issue du titre exécutoire

- Ordonner la mainlevée de la saisie par indisponibilité du certificat d'immatriculation du 8

septembre 2023 pratiquée par Cabot Financial

Sur les dépens

- Condamner la société Cabot Financial à payer la somme de 1.700 euros directement à Maître Dartois au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

- La Condamner aux entiers dépens.

Elle rappelle qu'elle a 65 ans, qu'elle a dû cesser son activité professionnelle à la suite d'un AVC, qu'elle souffre de cécité à la suite d'un diabète, qu'elle dispose de revenus de moins de 1000 euros par mois au titre de pension de retraite et d'allocation adulte handicapée et qu'elle est harcelée par le commissaire de justice chargé du recouvrement.

Elle indique que le décret du 28 décembre 2020 prévoit une interruption des délais en cas de demande d'aide juridictionnelle et non une suspension.

Elle ajoute que le délai a recommencé à courir à compter de la date de désignation définitive de l'auxiliaire de justice, soit le 17 octobre 2023.

Elle réitère l'absence de délai de contestation des mesures d'exécution critiquées.

Elle soutient que les mesures d'exécution diligentée en 2023 sont nulles car elles visent une décision de justice ne contenant aucune condamnation liquide et exigible, celles-ci ressortant du jugement de 2003 qui n'est pas visé.

Elle ajoute que les actes de saisie mentionnent que le créancier saisissant tient ses droits d'une cession de créance du 27 février 2015 alors que l'acte produit porte la date du 28 février 2015 et que l'acte produit ne mentionne pas la créance issue du jugement de 2003.

Elle note que la cession est intervenue entre KBC Lease France et Nemo Crédit Management, alors que cette dénomination n'a été adoptée que le 17 mai 2016.

Elle en déduit que la preuve n'est pas rapportée que la société Cabot Financial vient aux droits de KBC Lease France.

Elle conteste la validité de l'acte de signification de la cession de créance du 14 juin 2018. Elle invoque une dénomination erronée de la partie qui l'a signifié, soit la société Nemo Recouvrement, alors que cette dénomination n'était plus en vigueur depuis le 17 mai 2016.

Elle invoque un grief en ce que la multiplicité des erreurs contenues dans l'acte ne lui permettait pas de connaître son créancier.

Elle en déduit que la cession n'ayant pas été régulièrement notifiée, la société Cabot Financial ne dispose pas d'un titre exécutoire.

Subsidiairement, elle se prévaut de la prescription de la créance en l'absence d'acte d'exécution forcée depuis la signification du 20 mai 2008 et pendant plus de 10 ans.

Elle soutient que l'acte du 14 juin 2018 n'est pas un commandement de payer aux fins de saisie-vente car il ne comporte aucune des mentions obligatoires d'un tel acte.

Elle soutient qu'un simple commandement de payer n'interrompt pas la prescription.

Plus subsidiairement, elle ajoute que ce commandement est nul en tant que mesure d'exécution forcée aux motifs qu'il ne contient pas l'avertissement au débiteur qu'il peut procéder à la vente des biens saisis dans les huit jours et qu'il a été délivré au nom d'une société dont la dénomination n'était plus en vigueur.

Elle précise qu'en outre, il a été délivré sans notification préalable de la cession de créance.

Elle soutient que cet acte n'a pas produit d'effet interruptif de la prescription de la créance.

Par ses conclusions, la SAS Cabot Financial France, anciennement Nemo Crédit Management, venant aux droits de la SA avec conseil d'administration KBC Lease France par l'effet d'un contrat de cession de créance du 27 février 2015, demande à la cour de':

A titre principal,

- «'Réformer le jugement de première instance sur ce point' et déclarer irrecevable Madame [Y] [G] [E] en ses demandes et contestations et de la saisine du juge d'exécution dans les délais par.'»

«'Si par extraordinaire, la Cour devait déclarer celle-ci recevable en ses demandes, il conviendra en tout état de cause de'»':

- Confirmer le jugement rendu en toutes ses autres dispositions':

- Constater que la société Cabot Financial France, venant aux droits de la société KBC Lease France, justifie bien de l'existence d'un contrat et d'un titre exécutoire non prescrit à l'encontre de Madame [Y] [G] [E]

- Constater que la société Cabot Financial France, venant aux droits de la société KBC Lease France justifie bien de sa qualité à agir,

En conséquence,

- Débouter Madame [Y] [G] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- Juger valable le commandement aux fins de saisie vente, lequel a interrompu la prescription,

- Condamner Madame [Y] [G] [E] à payer à la société Cabot Financial France, venant aux droits de la société KBC Lease France, la somme de 1500 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner Madame [Y] [G] [E] aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du CPC.

Elle fait valoir que la contestation portée devant le juge de l'exécution est irrecevable pour avoir été introduite après expiration du délai d'un mois.

Elle soutient que la demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai pour contester une saisie-attribution mais pas celui relatif à la contestation du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation.

Elle ajoute que le délai de recours recommence à courir après la décision sur la demande d'aide juridictionnelle pour la durée restante à compter de la date de désignation du conseil.

Elle soutient que le titre exécutoire a été régulièrement signifié le 14 juin 2018, de même que la cession de créance.

Elle réplique que l'acte de cession contient tous les éléments pour identifier les parties et la créance cédée, y compris le contrat concerné, à savoir celui conclu par Mme [W] [G] [Y] avec les références de créance 92278/3870642 pour un montant en principal de 8671,42 euros.

Elle soutient que l'erreur sur la date du contrat de cession n'emporte pas irrégularité de l'acte et qu'elle justifie que la personne morale désignée sous la dénomination «'Nemo Crédit Management'» est bien la société Cabot Financial France.

Elle en déduit qu'elle a qualité pour agir en recouvrement de la créance.

Elle conteste la prescription de la créance en ce qu'elle a fait pratiquer une mesure d'exécution le 14 juin 2018, avant l'expiration du nouveau délai de 10 ans résultant de la loi sur la réforme de la prescription en matière civile entrée en vigueur le 19 juin 2008 réduisant la durée de 30 à 10 ans.

Elle conclut à la validité du commandement aux fins de saisie-vente du 14 juin 2018 contenant toutes les mentions obligatoires. Elle en déduit qu'il a interrompu la prescription.

Elle précise que les intérêts échus se prescrivent selon le même délai que la créance dont ils sont l'accessoire.

Elle ajoute qu'il n'existe aucun doute sur l'existence du jugement portant condamnation, produit pendant la procédure de première instance et rappelé dans l'arrêt du 10 avril 2008. Elle précise que le contenu de ce titre n'a jamais été contesté lors des multiples actes de tentatives d'exécution forcée. Elle invoque la mauvaise foi de l'appelante.

Elle réplique que la créance litigieuse étant une dette professionnelle de madame [E], elle n'a pas été effacée par la décision rendue dans le cadre du surendettement par le juge de l'exécution de Draguignan le 22 septembre 2009.

La clôture de la procédure a été prononcée le 12 août 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur la question préalable de la recevabilité de la contestation

La saisie-attribution du 11 juillet 2023 n'a pas été dénoncée à Madame [E]. Il ne ressort d'aucune pièce qu'elle a été avisée de sa possibilité de contester la mesure. Elle n'a donc pas été informée des modalités du recours qui lui était ouvert et notamment du délai de forclusion d'un mois pour contester la mesure prévu par l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution. En conséquence, ce délai n'a pas couru.

Malgré la mention portée par l'huissier de justice dans le procès-verbal de dénonce du procès-verbal d'indisponibilité du véhicule, les textes du code des procédures civiles d'exécution ne fixent aucun délai pour former la contestation prévue par l'article R 223-3 de ce code.

C'est donc à bon droit que le juge de première instance a déclaré recevable les contestations de Madame [E]. La décision critiquée sera confirmée de ce chef.

Sur la demande d'annulation du procès-verbal d'indisponibilité du véhicule

Il convient de rappeler que l'appelante, à titre principal, et l'intimée, à titre subsidiaire si la recevabilité des contestations est admise, demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré caduque la saisie-attribution pratiquée le 11 juillet 2023 non dénoncée.

La cour n'est donc saisie que du litige concernant la validité de la seconde mesure d'exécution contestée.

Sur la question de l'existence d'un titre exécutoire

Les articles L. 111-2 et L. 223-1 du code des procédures civiles d'exécution prévoient que la saisie de véhicule par déclaration ne peut être pratiquée que par un «'créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible'».

L'article L. 111-6 du même code dispose': «'La créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation'».

L'acte contesté a été pratiqué sur le seul fondement de l'arrêt du 10 avril 2008 avec la précision qu'il a été rendu sur renvoi de la cour de cassation.

L'appelant soutient que ce titre à lui seul ne constitue pas un titre exécutoire, ce qui est contesté par l'intimée.

Le jugement du 11 juin 2003, même s'il a été régulièrement signifié, ne pouvait servir de titre exécutoire car il n'était pas revêtu de l'exécution provisoire. L'arrêt confirmatif du 10 avril 2008, non susceptible de recours suspensif et régulièrement notifié, a conféré au jugement de première instance la force exécutoire de manière rétroactive.

En outre, l'arrêt du 10 avril 2008 contient, en page 2, les chefs de condamnation contenus dans le jugement du 11 juin 2003 et notamment celui concernant la somme de 8671,43 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2003 et la somme de 250 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.

La cour a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris et a débouté les parties de leurs demandes supplémentaires au titre de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles de procédure.

Il convient d'en déduire que l'arrêt du 10 avril 2008 qui est revêtu de la force exécutoire et rappelle les condamnations prononcées par un jugement préalablement signifié à la débitrice constitue un titre exécutoire au sens des textes susvisés.

Sur la question de la titularité de la créance et par voie de conséquence du titre exécutoire

Il ressort des pièces produites par les parties que l'acte de cession de créance a été stipulé au profit de la société Némo Crédit Management, identifiée par son numéro d'immatriculation du registre du commerce et des sociétés de Lyon, 488'862 277.

Par l'effet de changements de dénomination successifs, cette même société portant le même numéro d'immatriculation poursuit le recouvrement par les actes contestés sous le nom de Cabot Financial France, ce qui correspond à sa dénomination adoptée depuis le 19 février 2018. Il s'agit de la même société que celle qui a acquis la créance selon acte du 28 février 2015.

Sur la question du droit de la créancière à se prévaloir du titre exécutoire

L'acte de cession de créance notifié à Madame [W] [G] le 14 juin 2018 comporte l'identification des deux parties, de la cédante KBC Lease France et la cessionnaire la société Némo Crédit Management, une date et les signatures des deux représentants des partie.

En ce qui concerne l'identification de la créance cédée, il est indiqué le nom et le prénom de Madame [W] [G] [Y], la référence de la créance et le solde dû en principal qui correspond au montant de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce en 2003.

En outre, Madame [W] [G] a pu identifier le créancier ayant pratiqué les mesures d'exécution en 2023 car elle a indiqué, dans un courriel à son conseiller bancaire le 25 juillet 2003 et dans un courrier à la commission de surendettement le 6 août 2023, que les poursuites étaient menées pour recouvrement de la créance de KBC Lease France.

Subsidiairement sur la question de la prescription du titre

L'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, introduit par l'ordonnance du 19 décembre 2011, dispose que «'L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa.'»

Auparavant, et ce depuis le 19 juin 2008, la loi du 9 juillet 1991 avait été complétée par un article 3-1 contenant les mêmes mentions.

Avant l'entrée en vigueur de ce texte, en l'absence de règle spécifique, la prescription de l'exécution des titres exécutoires était soumise au délai de droit commun de 30 ans.

En outre, l'article 2244 du code civil disposait du 19 juin 2008 au 1er juin 2012 que «'Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par un acte d'exécution forcée.'» et dans sa rédaction applicable depuis le 1er juin 2012': «'Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.'»

En l'espèce, le délai de prescription de l'exécution du jugement de 2003 qui n'a reçu force exécutoire que par la confirmation de l'arrêt du 10 avril 2008, était de 30 ans puis de 10 ans à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de l'article 3-1 de la loi du 9 juillet 1991 qui a réduit le délai de prescription antérieur.

Pendant le délai de 10 ans suivant cette date, le seul acte délivré par la société KBC Lease France puis le cessionnaire est celui du 14 juin 2018 intitulé «'Commandement aux fins de saisie-vente et signification de cession de créance'».

Le commandement aux fins de saisie-vente est un acte d'exécution forcée en ce qu'il est le préalable obligatoire, aux termes de l'article L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, à une mesure de saisie-vente. L'article R 221-5 du même code rappelle qu'il a un effet interruptif.

L'article R 221-1 de ce code prévoit qu'il doit contenir, à peine de nullité, la mention du titre exécutoire et un décompte des sommes réclamées et': «'2° Commandement d'avoir à payer la dette dans un délai de huit jours faute de quoi il peut y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles.'»

Or, l'exemplaire de l'acte du 14 juin 2018 produit par la société Cabot Financial France dans le cadre de la procédure ne contient pas cet avertissement. Il comporte deux page': au verso, se trouve le procès-verbal de signification de l'acte et au recto, il mentionne qu'il fait commandement à Madame [W] [G] de payer la somme totale de 12.393,83 euros au total, avec le détail de chaque poste et l'indication du taux des intérêts échus.

En revanche, il ne contient pas mention du délai de paiement de 8 jours ni de l'avertissement qu'à défaut de paiement il sera procédé à la vente de ses meubles.

En l'absence de ces mentions, l'acte du 14 juin 2018 ne vaut pas commandement aux fins de saisie-vente et ne constitue donc pas un acte d'exécution forcée interruptif du délai de prescription du titre.

Le premier acte interruptif produit aux débats postérieur à ce commandement est la saisie-attribution du 11 juillet 2023. Or, le délai de prescription était expiré à cette date depuis le 19 juin 2018.

Le créancier ne dispose plus depuis cette date du droit de recourir à l'exécution forcée pour avoir paiement des condamnations contenues dans le titre exécutoire.

Il convient donc de réformer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté Madame [E] de ses demandes en nullité et mainlevée de la mesure d'exécution contestée.

Statuant à nouveau, la cour annule le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation établi le 8 septembre 2023 et dénoncé le 12 septembre 2023 et ordonne la mainlevée de cette mesure aux frais du créancier qui supportera également les frais de la mesure, de sa dénonce et de tous actes afférents à cette mesure d'exécution.

L'acte contesté ayant été annulé, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens d'annulation soutenus par Madame [W] [G].

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Par l'effet de la réformation opérée, il est fait droit à toutes les demandes de Madame [W] [G]. Il convient donc de réformer la décision de première instance en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens.

Statuant à nouveau, il convient de condamner la société Cabot Financial France aux dépens de première instance qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

L'intimée supportera également les dépens d'appel qui pourront être recouvrés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale donc bénéficie Madame [W] [G].

La société Cabot Financial France sera condamnée à verser entre les mains de l'avocat désigné par le bureau d'aide juridictionnelle, Maître Eléonore Dartois, la somme de 1700 euros au titre des frais irrépétibles de procédure et ce en application et dans les conditions posées par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré recevable les contestations de Madame [W] [G] [E] à l'encontre des deux mesures d'exécution mises en 'uvre en 2023 et en ce qu'il a déclaré caduque la saisie-attribution pratiquée le 11 juillet 2023';

RÉFORME le jugement en ses autres dispositions soumises à la cour';

Statuant à nouveau,

Annule le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Tesla enregistré au nom de Madame [Y] [E] née [W]-[G] du 9 septembre 2023 dénoncé le 12 septembre 2023';

ORDONNE la mainlevée de cette mesure d'exécution aux frais de la société Cabot Financial France';

CONDAMNE la SAS Cabot Financial France à supporter l'intégralité des frais afférents à cette mesure';

CONDAMNE la SAS Cabot Financial France aux dépens de première instance qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Cabot Financial France aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle';

CONDAMNE la SAS Cabot Financial France à payer à Maître Eléonore Dartois, avocat de l'appelante désignée par le bureau d'aide juridictionnelle d'Aix en Provence le 5 septembre 2024, la somme de 1700 euros au titre des frais irrépétibles de procédure en application et selon les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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