CA Douai, ch. 1 sect. 1, 23 octobre 2025, n° 22/04490
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 23/10/2025
****
MINUTE ELECTRONIQUE
N° RG 22/04490 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UQA5
Jugement (N° 21/00438)
rendu le 31 août 2022 par le tribunal judiciaire de Douai
APPELANTE
La SARL Debeve automobiles
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Patrick Kazmierczak, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉE
L'EURL [U] [Y]
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Frank Dubois, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 19 septembre 2024, tenue par Samuel Vitse, magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2025 après prorogation du délibéré en date du 19 décembre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président en remplacement de Bruno Poupet, président empêché et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 août 2024
****
Le 23 novembre 2020, la société Debeve automobiles a émis une offre d'achat de 'l'ensemble bâtiment et fonds de commerce situé au [Adresse 1] au bac au prix de 260 000 euros FAI '.
Le lendemain, M. [U] [Y] a accepté 'l'offre au prix de 260 000 euros frais d'agence inclus.'
Par acte du 2 avril 2021, la société Debeve automobiles a assigné la société [I] [Y] aux fins de voir, à titre principal, ordonner l'exécution forcée de la vente, à titre subsidiaire, en prononcer la résolution judiciaire.
Par jugement du 31 août 2022, le tribunal judiciaire de Douai a rejeté l'ensemble des demandes des parties, sauf à condamner la société Debeve automobiles à payer à la société [I] [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Debeve automobiles a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 14 juin 2023, demande à la cour de l'infirmer et, statuant à nouveau, de :
à titre principal,
- juger la vente parfaite et dire que la société [I] [Y] n'a pas exécuté ses engagements contractuels ;
- condamner la société [I] [Y] à lui payer la somme de 26 000 euros en réparation du préjudice économique et de la perte de chance d'accroître son chiffre d'affaires ;
à titre subsidiaire,
- condamner la société [I] [Y] à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice né de la rupture abusive des pourparlers ;
- condamner la même à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- débouter la société [I] [Y] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la même aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 24 novembre 2023, la société [I] [Y] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et, statuant à nouveau, de :
- condamner la société Debeve automobiles à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamner la même aux dépens et à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour observe que l'appelant sollicite l'indemnisation d'un préjudice qui procéderait du défaut d'accomplissement des formalités d'une vente prétendument parfaite portant sur un ensemble composé d'un immeuble à usage de garage et d'un fonds de commerce dédié, subsidiairement d'une rupture abusive des pourparlers portant sur le même ensemble.
En l'état des pièces produites, il apparaît que l'immeuble à usage de garage appartient à la société civile immobilière Celau ayant pour associés M. [U] [Y] et Mme [W] [E], ladite société en étant devenue propriétaire par acte de vente reçu le 3 février 2010 par Maître [K] [D], notaire à [Localité 5].
Or seule la société à responsabilité limitée [I] [Y], dont il se déduit des éléments débattus qu'elle exploite le fonds de commerce à usage de garage et qu'elle a pour gérant M. [U] [Y], est partie à l'instance.
Il s'ensuit que toutes les parties intéressées ne sont pas dans la cause.
Pour autant, il ne s'avère pas nécessaire d'ordonner la réouverture des débats aux fins d'intervention de la société Celau, dès lors que les éléments débattus en présence de la seule société [I] [Y] suffisent à écarter les prétentions indemnitaires de la société Debeve automobiles, ainsi qu'il sera dit ci-après.
Sur la demande indemnitaire procédant d'une vente parfaite
Aux termes de l'article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.
L'article 1114 du même code énonce que l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.
L'article 1118 dispose que l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre.
Selon l'article 1121, le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant.
Enfin, il résulte de l'article 1583 du même code que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
En l'espèce, la société Debeve automobiles soutient qu'elle a émis une offre d'achat dont l'acceptation a entraîné la formation d'une vente parfaite. Elle considère qu'en refusant d'y donner suite, la société [I] [Y] lui a causé un préjudice financier.
Il s'ensuit que le préjudice qu'elle invoque est subordonné à l'existence d'une vente parfaite.
A cet égard, il convient de préciser qu'elle a, par courriel du 23 novembre 2020, émis une offre d'achat dans les termes suivants :
'Suite aux différents échanges constructifs entre M. [L], M. [Y] et moi-même, je vous informe de mes intentions de rachat de l'ensemble bâtiment et fonds de commerce situé au [Adresse 1] au bac au prix de 260 000 euros FAI en date du 23/11/2020.'
M. [U] [Y] y a répondu le lendemain dans les termes suivants :
'Mr [Y] accepte l'offre au prix de 260 000 euros frais d'agence inclus.'
Même si aucun mandat n'est versé au débat, il résulte suffisamment des pièces produites que l'agence immobilière Manetie, ayant pour gérant M. [F], est intervenue en qualité d'intermédiaire dans le projet de cession du bien. C'est ainsi que, par courriel du 2 novembre 2020, M. [F] a transmis à la société Debeve automobiles plusieurs photographies de l'intérieur du garage (atelier, accueil, vestiaires, réfectoires) et une description sommaire des locaux évoquant les surfaces, l'état général, la distribution des lieux et divers équipements, le message s'achevant par le rappel des points forts du site.
Aucun autre élément d'information n'étant allégué, l'offre d'achat émise par la société Debeve automobiles s'est nécessairement fondée sur cette description générale du bien, laquelle ne précise pas le sort des éléments constitutifs du fonds de commerce (matériel, marchandises, enseigne...), dont l'usage ne commande pas nécessairement de les inclure dans la cession, de sorte que les contours précis de la chose vendue restaient à définir à la faveur de pourparlers complémentaires.
Il s'ensuit qu'aucun accord n'est intervenu sur la chose au sens de l'article 1583 précité, si bien que la vente ne peut être réputée parfaite, le même motif interdisant également d'y voir une promesse synallagmatique de vente, laquelle vaut vente uniquement si les parties sont convenues de la chose et du prix.
Faute d'établir l'existence d'une vente parfaite, la société Debeve automobiles ne peut qu'être déboutée de sa demande indemnitaire fondée sur le refus d'y donner suite, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la demande indemnitaire procédant d'une rupture abusive des pourparlers
Il résulte de l'article 1104 du code civil que les contrats doivent être négociés de bonne foi.
Selon l'article 1112 du même code, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.
Si la liberté contractuelle permet aux parties de rompre les pourparlers, celles-ci ne doivent toutefois pas abuser de cette liberté en faisant preuve de déloyauté ou de brutalité, seul un motif légitime pouvant permettre d'avorter des négociations avancées. La rupture est abusive lorsqu'elle ruine injustement la confiance qu'une partie pouvait, en fonction de son statut et des circonstances de l'espèce, légitimement nourrir dans la bonne fin des négociations.
En l'espèce, si l'émission de l'offre et son acceptation n'ont pas suffi à former la vente, ainsi qu'il a été dit, cette rencontre de volontés participait toutefois de pourparlers dont l'issue était proche, seul le périmètre de la chose vendue restant à définir. Après l'acceptation de son offre, la société Debeve automobiles pouvait légitimement s'attendre à une poursuite des pourparlers, dont la rupture est brutalement intervenue, l'intimée ne donnant aucune explication convaincante à son revirement, le moyen tiré de l'incertitude entourant la prise en charge des frais d'agence n'étant soutenu par aucun élément de preuve. Aussi apparaît-il que la société [I] [Y] a commis une faute en rompant abusivement les pourparlers en cours.
Encore faut-il cependant que la société Debeve automobiles justifie avoir subi un préjudice consécutif. Elle affirme à cet égard que l'achat de l'ensemble litigieux s'inscrivait dans un plan de développement qui avait, dès avant la rupture des pourparlers, donné lieu à des projets de partenariat avec des professionnels du secteur et à l'embauche de plusieurs salariés. Elle considère que l'avortement du projet a contrarié son développement et généré un préjudice financier.
Si la société Debeve automobiles établit effectivement avoir accompli des démarches en vue de nouer des partenariats avec des professionnels du secteur, certaines d'entre elles apparaissent toutefois sans lien avéré avec le projet d'acquisition litigieux (réseau Autodistribution, pièce 9), tandis que d'autres en étaient encore au stade du simple échange d'informations lors de la rupture des pourparlers (réseau Point S, pièce 8).
Les embauches invoquées ne sont quant à elles pas suffisamment motivées par le projet litigieux (pièces 6 et 7), l'une d'entre elles étant même intervenue près de deux ans après la rupture des pourparlers (pièce 10).
Enfin, si, dans une lettre du 5 octobre 2022 (pièce 11), l'expert-comptable de la société Debeve automobiles indique avoir procédé à 'l'analyse des chiffres du projet de reprise des murs du garage [Y]', il se borne toutefois à affirmer que 'le temps passé à ce dossier a quelque peu ralenti voire stoppé vos projets de développements', sans s'attacher à évaluer, fût-ce de manière approximative, la perte d'exploitation prétendument subie, de sorte que ce témoignage apparaît trop évasif pour servir les prétentions indemnitaires de l'appelante.
Faute pour elle d'établir la réalité de son préjudice financier, la société Debeve automobiles sera donc déboutée de sa demande indemnitaire, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
L'action de la société Debeve automobiles n'ayant pas prospéré, celle-ci ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Aucun élément ne permet de se convaincre que l'action de la société Debeve automobiles aurait dégénéré en abus, la seule appréciation inexacte de ses droits ne suffisant pas à en caractériser l'existence, de sorte qu'il y a lieu de débouter la société [I] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'issue du litige justifie de confirmer le jugement entrepris du chef des dépens et de condamner la société Debeve automobiles aux dépens d'appel. L'équité commande en revanche d'infirmer le jugement entrepris du chef des frais irrépétibles, chacune des parties conservant la charge de ses propres frais, tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Debeve automobiles à payer à la société [I] [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Debeve automobiles aux dépens d'appel ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Le greffier
Pour le président empêché
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 23/10/2025
****
MINUTE ELECTRONIQUE
N° RG 22/04490 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UQA5
Jugement (N° 21/00438)
rendu le 31 août 2022 par le tribunal judiciaire de Douai
APPELANTE
La SARL Debeve automobiles
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Patrick Kazmierczak, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉE
L'EURL [U] [Y]
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Me Frank Dubois, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 19 septembre 2024, tenue par Samuel Vitse, magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2025 après prorogation du délibéré en date du 19 décembre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président en remplacement de Bruno Poupet, président empêché et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 août 2024
****
Le 23 novembre 2020, la société Debeve automobiles a émis une offre d'achat de 'l'ensemble bâtiment et fonds de commerce situé au [Adresse 1] au bac au prix de 260 000 euros FAI '.
Le lendemain, M. [U] [Y] a accepté 'l'offre au prix de 260 000 euros frais d'agence inclus.'
Par acte du 2 avril 2021, la société Debeve automobiles a assigné la société [I] [Y] aux fins de voir, à titre principal, ordonner l'exécution forcée de la vente, à titre subsidiaire, en prononcer la résolution judiciaire.
Par jugement du 31 août 2022, le tribunal judiciaire de Douai a rejeté l'ensemble des demandes des parties, sauf à condamner la société Debeve automobiles à payer à la société [I] [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Debeve automobiles a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 14 juin 2023, demande à la cour de l'infirmer et, statuant à nouveau, de :
à titre principal,
- juger la vente parfaite et dire que la société [I] [Y] n'a pas exécuté ses engagements contractuels ;
- condamner la société [I] [Y] à lui payer la somme de 26 000 euros en réparation du préjudice économique et de la perte de chance d'accroître son chiffre d'affaires ;
à titre subsidiaire,
- condamner la société [I] [Y] à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice né de la rupture abusive des pourparlers ;
- condamner la même à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- débouter la société [I] [Y] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la même aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 24 novembre 2023, la société [I] [Y] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et, statuant à nouveau, de :
- condamner la société Debeve automobiles à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamner la même aux dépens et à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour observe que l'appelant sollicite l'indemnisation d'un préjudice qui procéderait du défaut d'accomplissement des formalités d'une vente prétendument parfaite portant sur un ensemble composé d'un immeuble à usage de garage et d'un fonds de commerce dédié, subsidiairement d'une rupture abusive des pourparlers portant sur le même ensemble.
En l'état des pièces produites, il apparaît que l'immeuble à usage de garage appartient à la société civile immobilière Celau ayant pour associés M. [U] [Y] et Mme [W] [E], ladite société en étant devenue propriétaire par acte de vente reçu le 3 février 2010 par Maître [K] [D], notaire à [Localité 5].
Or seule la société à responsabilité limitée [I] [Y], dont il se déduit des éléments débattus qu'elle exploite le fonds de commerce à usage de garage et qu'elle a pour gérant M. [U] [Y], est partie à l'instance.
Il s'ensuit que toutes les parties intéressées ne sont pas dans la cause.
Pour autant, il ne s'avère pas nécessaire d'ordonner la réouverture des débats aux fins d'intervention de la société Celau, dès lors que les éléments débattus en présence de la seule société [I] [Y] suffisent à écarter les prétentions indemnitaires de la société Debeve automobiles, ainsi qu'il sera dit ci-après.
Sur la demande indemnitaire procédant d'une vente parfaite
Aux termes de l'article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.
L'article 1114 du même code énonce que l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.
L'article 1118 dispose que l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre.
Selon l'article 1121, le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant.
Enfin, il résulte de l'article 1583 du même code que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
En l'espèce, la société Debeve automobiles soutient qu'elle a émis une offre d'achat dont l'acceptation a entraîné la formation d'une vente parfaite. Elle considère qu'en refusant d'y donner suite, la société [I] [Y] lui a causé un préjudice financier.
Il s'ensuit que le préjudice qu'elle invoque est subordonné à l'existence d'une vente parfaite.
A cet égard, il convient de préciser qu'elle a, par courriel du 23 novembre 2020, émis une offre d'achat dans les termes suivants :
'Suite aux différents échanges constructifs entre M. [L], M. [Y] et moi-même, je vous informe de mes intentions de rachat de l'ensemble bâtiment et fonds de commerce situé au [Adresse 1] au bac au prix de 260 000 euros FAI en date du 23/11/2020.'
M. [U] [Y] y a répondu le lendemain dans les termes suivants :
'Mr [Y] accepte l'offre au prix de 260 000 euros frais d'agence inclus.'
Même si aucun mandat n'est versé au débat, il résulte suffisamment des pièces produites que l'agence immobilière Manetie, ayant pour gérant M. [F], est intervenue en qualité d'intermédiaire dans le projet de cession du bien. C'est ainsi que, par courriel du 2 novembre 2020, M. [F] a transmis à la société Debeve automobiles plusieurs photographies de l'intérieur du garage (atelier, accueil, vestiaires, réfectoires) et une description sommaire des locaux évoquant les surfaces, l'état général, la distribution des lieux et divers équipements, le message s'achevant par le rappel des points forts du site.
Aucun autre élément d'information n'étant allégué, l'offre d'achat émise par la société Debeve automobiles s'est nécessairement fondée sur cette description générale du bien, laquelle ne précise pas le sort des éléments constitutifs du fonds de commerce (matériel, marchandises, enseigne...), dont l'usage ne commande pas nécessairement de les inclure dans la cession, de sorte que les contours précis de la chose vendue restaient à définir à la faveur de pourparlers complémentaires.
Il s'ensuit qu'aucun accord n'est intervenu sur la chose au sens de l'article 1583 précité, si bien que la vente ne peut être réputée parfaite, le même motif interdisant également d'y voir une promesse synallagmatique de vente, laquelle vaut vente uniquement si les parties sont convenues de la chose et du prix.
Faute d'établir l'existence d'une vente parfaite, la société Debeve automobiles ne peut qu'être déboutée de sa demande indemnitaire fondée sur le refus d'y donner suite, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la demande indemnitaire procédant d'une rupture abusive des pourparlers
Il résulte de l'article 1104 du code civil que les contrats doivent être négociés de bonne foi.
Selon l'article 1112 du même code, l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.
Si la liberté contractuelle permet aux parties de rompre les pourparlers, celles-ci ne doivent toutefois pas abuser de cette liberté en faisant preuve de déloyauté ou de brutalité, seul un motif légitime pouvant permettre d'avorter des négociations avancées. La rupture est abusive lorsqu'elle ruine injustement la confiance qu'une partie pouvait, en fonction de son statut et des circonstances de l'espèce, légitimement nourrir dans la bonne fin des négociations.
En l'espèce, si l'émission de l'offre et son acceptation n'ont pas suffi à former la vente, ainsi qu'il a été dit, cette rencontre de volontés participait toutefois de pourparlers dont l'issue était proche, seul le périmètre de la chose vendue restant à définir. Après l'acceptation de son offre, la société Debeve automobiles pouvait légitimement s'attendre à une poursuite des pourparlers, dont la rupture est brutalement intervenue, l'intimée ne donnant aucune explication convaincante à son revirement, le moyen tiré de l'incertitude entourant la prise en charge des frais d'agence n'étant soutenu par aucun élément de preuve. Aussi apparaît-il que la société [I] [Y] a commis une faute en rompant abusivement les pourparlers en cours.
Encore faut-il cependant que la société Debeve automobiles justifie avoir subi un préjudice consécutif. Elle affirme à cet égard que l'achat de l'ensemble litigieux s'inscrivait dans un plan de développement qui avait, dès avant la rupture des pourparlers, donné lieu à des projets de partenariat avec des professionnels du secteur et à l'embauche de plusieurs salariés. Elle considère que l'avortement du projet a contrarié son développement et généré un préjudice financier.
Si la société Debeve automobiles établit effectivement avoir accompli des démarches en vue de nouer des partenariats avec des professionnels du secteur, certaines d'entre elles apparaissent toutefois sans lien avéré avec le projet d'acquisition litigieux (réseau Autodistribution, pièce 9), tandis que d'autres en étaient encore au stade du simple échange d'informations lors de la rupture des pourparlers (réseau Point S, pièce 8).
Les embauches invoquées ne sont quant à elles pas suffisamment motivées par le projet litigieux (pièces 6 et 7), l'une d'entre elles étant même intervenue près de deux ans après la rupture des pourparlers (pièce 10).
Enfin, si, dans une lettre du 5 octobre 2022 (pièce 11), l'expert-comptable de la société Debeve automobiles indique avoir procédé à 'l'analyse des chiffres du projet de reprise des murs du garage [Y]', il se borne toutefois à affirmer que 'le temps passé à ce dossier a quelque peu ralenti voire stoppé vos projets de développements', sans s'attacher à évaluer, fût-ce de manière approximative, la perte d'exploitation prétendument subie, de sorte que ce témoignage apparaît trop évasif pour servir les prétentions indemnitaires de l'appelante.
Faute pour elle d'établir la réalité de son préjudice financier, la société Debeve automobiles sera donc déboutée de sa demande indemnitaire, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
L'action de la société Debeve automobiles n'ayant pas prospéré, celle-ci ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Aucun élément ne permet de se convaincre que l'action de la société Debeve automobiles aurait dégénéré en abus, la seule appréciation inexacte de ses droits ne suffisant pas à en caractériser l'existence, de sorte qu'il y a lieu de débouter la société [I] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'issue du litige justifie de confirmer le jugement entrepris du chef des dépens et de condamner la société Debeve automobiles aux dépens d'appel. L'équité commande en revanche d'infirmer le jugement entrepris du chef des frais irrépétibles, chacune des parties conservant la charge de ses propres frais, tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Debeve automobiles à payer à la société [I] [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Debeve automobiles aux dépens d'appel ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Le greffier
Pour le président empêché