CA Douai, soc. b salle 1, 24 octobre 2025, n° 24/01588
DOUAI
Autre
Autre
ARRÊT DU
24 Octobre 2025
N° 1530/25
N° RG 24/01588 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVXN
MLBR/AL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
23 Mai 2024
(RG 22/00363 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 24 Octobre 2025
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTS :
M. [I] [P] liquidateur amiable de la SARL [P] DALLENNE
[Adresse 1]
[Localité 7]
S.E.L.A.R.L. AJILINK en la personne de Me [Z] [O] es qualité de mandataire ad'hoc de la SARL [P] DALLENNE
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentés par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Aurélien BOUDEWELL, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS :
M. [R] [V]
[Adresse 11]
[Localité 8]
représenté par Me Claire GUILLEMINOT, avocat au barreau de DOUAI
Mme [M] [Y]
[Adresse 12]
[Localité 9]
représentée par Me Véronique VITSE-BOEUF, avocat au barreau de LILLE
S.A.R.L. AUTOBILAN [Localité 13] LOOS
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Franck TREFEU, avocat au barreau de LILLE
Société NORD EXPERTISE COMPTABLE
[Adresse 2]
[Localité 10]
représentée par Me Jérôme AUDEMAR, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS : à l'audience publique du 16 Septembre 2025
Tenue par Marie LE BRAS
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaelle DUPRIEZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
Clotilde VANHOVE
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2025,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 Septembre 2025
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [R] [V] a été embauché par la SARL [P] à compter du 5 juin 2001 en qualité de contrôleur technique.
Le 8 février 2017, M. [V] a été placé en arrêt de travail suite à un accident de trajet dont la CPAM par décision notifiée le 17 mars 2017 a reconnu le caractère professionnel.
Par acte du 7 décembre 2017, un compromis de vente de fonds de commerce a été signé entre la société [P] représentée par M. [I] [P], et la SARL Auto Bilan [Localité 13] Loos représentée par M. [K].
Par courrier du 25 janvier 2018, M. [V] a été convoqué par la société [P] à un entretien fixé au 5 février 2018, préalable à son éventuel licenciement pour motif économique.
Par courrier du 9 février 2018, M. [V] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique. Le 28 février 2018, M. [V] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé.
Par acte du 30 mars 2018 régularisé en l'étude de Maître [Y], notaire, la cession du fonds de commerce a été finalisée.
Par requête du 14 décembre 2018, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de contester son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses indemnités et par requête du 22 novembre 2019, il a fait appeler la société Auto Bilan Lille Loos, cessionnaire, à la cause pour obtenir sa condamnation in solidum avec la société [P].
Le 20 mai 2021, M. [P], en sa qualité de liquidateur amiable de la société [P] a fait appeler en garantie :
- la SAS Nord d'Expertise Comptable Conseil (la société NECC) venant aux droits de la SARL Cabinet Nord Expertise Comptable Conseil, qui l'a assisté dans le cadre de la procédure de licenciement du salarié,
- Me [M] [Y], notaire l'ayant assisté dans le cadre de la cession du fonds de commerce et ayant à ce titre procédé à la rédaction du compromis et de l'acte de cession.
La SELARL AJILINK a été désignée mandataire ad'hoc de la société [P].
Par jugement contradictoire rendu le 23 mai 2024, le conseil de prud'hommes de Lille:
- a ordonné dans le cadre d'une bonne administration de la justice, la jonction des dossiers,
- s'est déclaré incompétent concernant les interventions volontaires ou forcées du notaire, Me [Y] et du cabinet NECC,
- a jugé que le licenciement économique n'est pas avéré,
- a jugé que le licenciement est nul,
- a condamné la société [P] à payer à M. [V] :
* 11 353,61 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,
* 12 649,63 euros sur la base mensuelle de 2 108,21 euros à titre d'indemnité spécifique,
* 6 324,63 euros à titre de dommages et intérêts
- a rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur, dès sa convocation devant le bureau de conciliation, pour les créances de nature salariale et du prononcé de la décision, pour les créances de nature indemnitaire,
- a rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, le jugement, ordonnant le paiement au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 du code du travail, est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaires, calculés sur la moyenne des trois derniers mois,
- a débouté les parties de toutes les autres demandes différentes, plus amples ou contraires au dispositif,
- a laissé la charge des frais et dépens à chacune des parties.
Par déclaration reçue au greffe le 9 juillet 2024, M. [P] en sa qualité de liquidateur amiable de la société [P] et la SELARL AJILINK prise en la personne de Me [Z], en sa qualité de mandataire ad'hoc de la société [P], ont interjeté appel du jugement en toutes ces dispositions sauf en ce qu'il a ordonné la jonction entre les dossiers et a débouté les autres parties de toutes leurs demandes différentes, plus amples ou contraires.
Par déclaration reçue au greffe le11 juillet 2024, M. [V] a également interjeté appel du jugement en ses dispositions relatives aux montants des condamnations financières.
Par ordonnance du 21 janvier 2025, ces deux procédures ont été jointes.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 10 janvier 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [P], es qualité, et la SELARL AJILINK représenté par Me [Z], es qualité, demandent à la cour de :
A titre principal :
- infirmer le jugement en ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau :
- débouter M. [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- débouter toutes les parties de leurs demandes formées à l'encontre des concluants,
A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour serait amenée à prononcer des condamnations à l'encontre de M. [P] et/ou la société [P] :
- condamner solidairement la société Auto Bilan [Localité 13] Loos, Me [Y], et la société NECC à garantir M. [P] et la société [P] de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre,Dans tous les cas :
- condamner la société Auto Bilan [Localité 13] Loos à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Auto Bilan [Localité 13] Loos aux dépens d'appel,
- rendre opposable à Me [Y] et la société NECC, l'arrêt de la cour à intervenir.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 décembre 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Autobilan [Localité 13] Loos demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les autres parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif à son encontre,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif,
Statuant à nouveau :
In limine litis :
- constater que l'action de M. [V] à son encontre est prescrite,
A titre principal :
- débouter Me [Z] es qualité et M. [P] es qualité de l'ensemble de leurs demandes et prétentions à son encontre,
- écarter les pièces 4, 5 et 6 de Me [Z] et M. [P] sur le fondement de l'article 1363 du code civil,
- juger les demandes à son encontre au titre du solde d'indemnité de licenciement et de l'indemnité spécifique comme étant irrecevables,
A titre subsidiaire :
- limiter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 5 250 euros,
En tout état de cause :
- condamner Me [Z] et M. [P] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Me [Z] et M. [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions déposées le 8 janvier 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [V] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [P] à lui payer :
* 12 649,26 euros sur la base mensuelle de 2 108,21 euros à titre d'indemnité spécifique,
* 6 324,63 euros à titre de dommages et intérêts,
En conséquence,
- condamner la société [P] à lui payer la somme de 29 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
En conséquence,
- débouter Me [Z], es qualité, et M. [P], es qualité, de leurs demandes, fins et conclusions,
- débouter toutes autres parties de leurs demandes, fins et conclusions contraires,
Y ajoutant,
- condamner la société [P] à lui payer la somme de 2 400 euros à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 9 janvier 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Maître [Y] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce que le conseil de prud'hommes de Lille s'est déclaré incompétent concernant son intervention forcée,
En conséquence,
- se déclarer ratione materiae incompétent pour statuer sur les demandes de Me [Z] qualité et de M. [P] es qualité, dirigées à son encontre,
- disjoindre l'action initiée par Me [Z] es qualité et M. [P] à son encontre de l'affaire principale et renvoyer l'action en responsabilité civile professionnelle initiée à son encontre devant le tribunal judiciaire de Lille,
- infirmer le jugement en ce que le conseil de prud'hommes de Lille s'est déclaré incompétent concernant son intervention volontaire,
- en conséquence, déclarer recevable son intervention volontaire,
Dans tous les cas,
- rejeter toutes prétentions, fins et conclusions de M. [P], es qualité, et Me [Z] es qualité, les en débouter,
- condamner in solidum M. [P], es qualité, et Me [Z], es qualité, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- les condamner in solidum aux entiers frais et dépens de la présente instance.
Dans ses dernières conclusions déposées le 8 janvier 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société NECC demande à la cour de :
- confirmer le jugement appelé en ce que le conseil se déclare incompétent concernant les interventions volontaires ou forcées du notaire et de la société NECC,
- se déclarer incompétente pour connaître de son intervention forcée, et dire que seul le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer est compétent pour statuer sur sa ' mise en cause' par qui en est l'auteur,
- condamner solidairement la société [P], Me [Z] es qualité et M. [P] es qualité au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION :
- sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Maître [Y] :
Par voie d'infirmation, il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire accessoire de Maître [Y] sur le fondement de l'article 330 du code de procédure civile.
- sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Autobilan [Localité 13] Loos :
La société Autobilan [Localité 13] Loos soutient que les demandes de M. [V] à son encontre sont prescrites.
Il sera cependant relevé que si M. [V] l'a effectivement faite appeler à la cause en première instance, le jugement ne comporte aucune condamnation à son encontre. Par ailleurs, le salarié n'a pas interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à l'égard de la société Autobilan [Localité 13] Loos et contrairement à ce qu'elle prétend, le salarié, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions à hauteur d'appel, n'a saisi la cour d'aucune prétention à son égard, sa demande indemnitaire étant uniquement dirigée contre la société [P].
A défaut de demandes dirigée à son endroit, la fin de non-recevoir apparaît donc sans objet.
- sur le licenciement de M. [V] :
En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est motivée comme suit : 'Je suis contraint de procéder à votre licenciement économique. Celui-ci est justifié par les éléments suivants. Afin de faire valoir mes droits à la retraite, j'ai cédé mon fonds de commerce. Ce dernier est vendu au 30 mars 2018. Or, l'acquéreur n'a pas souhaité reprendre également les salariés de mon entreprise. Dès lors, c'est à moi qu'incombe de mettre fin aux contrats de travail qui me lient à eux. Le licenciement pour motif économique s'impose alors. En outre, nous avons recherché toutes les possibilités de reclassement auprès de différents centres-auto de notre bassin d'emploi qui exercent la même activité que nous, cependant aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée.'
M. [P] et le mandataires ad'hoc estiment que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en prononçant la nullité du licenciement de M. [V], en faisant valoir sur le fondement de l'article L. 1226-7 du code du travail que la cause de l'arrêt de travail de ce dernier étant un accident de trajet, il ne peut bénéficier des règles protectrices applicables aux salariés victimes d'un accident du travail.
M. [P] ajoute qu'il a procédé au licenciement de M. [V] de bonne foi, assisté pour ce faire par son expert-comptable, le cabinet CNECC, sa décision de licencier ce salarié étant fondée sur 3 motifs, à savoir la cession à venir avec le souhait du cessionnaire de ne reprendre aucun salarié, la mauvaise santé financière de la société [P] et son propre départ à la retraite.
Il sera d'abord relevé que contrairement à ce que soutiennent les appelants, la lettre de licenciement n'évoque nullement la prétendue activité déficitaire de la société [P], seuls le départ à la retraite de son gérant et la future cession du fonds de commerce étant invoqués pour justifier le licenciement.
Or, comme leur oppose à juste titre M. [V], ces deux motifs ne sont pas susceptibles de justifier un licenciement économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail dès lors qu'ils ne constituent ni des difficultés économiques telles que définies par cet article, ni des mutations technologiques, ni une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivé de l'entreprise, celle-ci n'étant au demeurant pas avancée dans la lettre de licenciement, ni enfin une cessation d'activité de l'entreprise puisque l'activité allait se poursuivre dans le cadre de la cession du fonds de commerce à la société Autobilan [Localité 13] Loos.
De surcroît, du fait de cette cession, l'emploi de M. [V] aurait dû être de plein droit transféré au cessionnaire en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, de sorte que la cession ne peut constituer un motif valable de licenciement économique.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le licenciement de M. [V] est à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.
Ce dernier soutient que son licenciement est nul d'une part en ce qu'il a été prononcé pendant la suspension de son contrat de travail à la suite de son accident du travail, et d'autre part en ce qu'il l'a privé du bénéfice de l'article L. 1224-1 du code du travail.
Ce dernier moyen est toutefois inopérant dans la mesure où le non-respect de cet article, s'il a pour effet de priver d'effet le licenciement, n'en est pas pour autant une cause de nullité de ce licenciement au sens de l'article L. 1235-3-1 du code du travail.
Par ailleurs, les appelants se prévalent à raison de l'article L. 1226-7 du code du travail qui prévoit que le contrat de travail n'est suspendu que pendant l'arrêt de travail du salarié provoqué par un accident du travail, autre qu'un accident de trajet. En effet, il ressort des courriers de la CPAM produits par M. [V] que ce dernier a été victime d'un accident de trajet, de sorte qu'il ne peut se prévaloir du bénéfice des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, peu important que la CPAM ait reconnu son caractère professionnel.
Il sera au surplus rappelé que la prise en charge par la CPAM d'un arrêt de travail au titre de la législation sur les risques professionnels n'est pas de nature à constituer à elle seule la preuve de l'existence d'un accident du travail lorsque celui-ci est contesté et qu'en l'espèce, M. [V] ne produit aucune pièce, en dehors des décisions de la CPAM, pour établir qu'il s'agit d'un accident de travail, distinct d'un accident de trajet.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement de M. [V], dont il conviendra uniquement de relever l'absence de cause réelle et sérieuse, conformément à la demande subsidiaire développée par l'intéressé.
L'article L. 1226-14 n'étant pas applicable au cas d'espèce dès lors qu'il ne s'agit pas d'un licenciement pour inaptitude, M. [V] ne peut bénéficier du doublement de l'indemnité de licenciement.
M. [V] formule également dans le dispositif de ses conclusions une demande indemnitaire unique de 29 500 euros, que son licenciement soit déclaré nul ou sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir qu'il n'a toujours pas retrouvé d'emploi stable et a vécu une longue période de chômage.
M. [V] bénéficiait d'une longue ancienneté de 16 années et était âgé de 38 ans au jour de son licenciement. En revanche, s'il justifie d'une période de chômage par une attestation de Pôle emploi pour la période comprise entre juillet et octobre 2018, il ne verse aucune pièce sur sa situation professionnelle et financière postérieure et notamment sur ses éventuelles difficultés dans ses recherches d'emploi.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient par voie d'infirmation de condamner la société [P], prise en la personne de son mandataire ad'hoc et de son liquidateur amiable, à payer à M. [V] la somme de 13 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui est résulté de la perte injustifiée de son emploi, étant précisé que la liquidation dont a fait l'objet la société [P] n'étant pas une liquidation judiciaire, il n'y a pas lieu à fixer cette créance à son passif.
La société [P] ayant moins de 11 salariés au jour du licenciement de M. [V], les conditions d'application de l'article L. 1235-4 du code du travail ne sont pas réunies.
- sur l'appel en garantie formulé par M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités :
En cas de condamnation, les appelants sollicitent à titre subsidiaire celle du cessionnaire, la société Autobilan Loos [Localité 13], ainsi que de la société NECC et de Maître [Y], à garantir la société [P] de toute condamnation prononcée à son encontre.
En s'appuyant sur les attestations de M. [P], en sa qualité de gérant, de son épouse et de son fils, lui-même ancien salarié de la société [P], les appelants font valoir que M. [V] a été licencié en raison du refus de la société Autobilan Loos [Localité 13] de le reprendre dans le cadre de la cession du fonds de commerce.
S'il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de la société Autobilan Loos [Localité 13] tendant à écarter ces attestations régulièrement débattues dans le cadre du litige et qui ne constituent pas des éléments de preuve illicites, il n'en demeure pas moins qu'elles n'ont aucune force probante en l'absence de garantie quant à l'impartialité de leurs auteurs, M. [P] étant partie au litige en tant que liquidateur amiable de sa société, et les deux autres témoins étant des membres très proches de sa famille ayant intérêt à attester en sa faveur compte tenu des enjeux financiers.
En outre, la société Autobilan Loos [Localité 13] produit des échanges de mails de juillet 2017 entre elle, son expert comptable, M. [D], et la notaire l'assistant, Maître [C], dont il ressort que son intention première était de reprendre M. [V].
L'acte notarié portant compromis de cession ne fait également nulle référence au refus du cessionnaire de reprendre M. [V], mention étant faite que le cédant déclare qu'il envisage la rupture du contrat de travail et prend l'engagement d'initier la procédure avant la date d'entrée en jouissance du cessionnaire.
Dans l'acte authentique de cession conclu postérieurement au licenciement, le cédant a déclaré assumer la charge des conséquences éventuelles des ruptures des contrats de travail, notamment contentieuses, le cessionnaire déclarant pour sa part 'être parfaitement informé qu'une procédure de licenciement peut aboutir, le cas échéant, à la réintégration du salarié licencié et qu'il en fera alors son affaire personnelle', ne manifestant ainsi aucune opposition de principe au retour du salarié si nécessaire.
Les appelants ne produisent aucune pièce utile pour contredire ces éléments de sorte qu'ils ne rapportent pas la preuve que le licenciement irrégulier de M. [V] a été décidé en concertation avec la société Autobilan Loos [Localité 13] qui se serait opposée à la reprise du salarié en violation de l'article L. 1224-1 du code du travail. Aucun manquement n'étant démontré, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités, de leur appel en garantie visant le cessionnaire.
En outre, c'est par des motifs qu'il convient d'adopter que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour connaître de l'action des appelants à l'encontre de la société NECC, expert-comptable, et de Maître [Y], notaire, en l'absence de relation de travail susceptible d'exister entre eux et le salarié, l'engagement de leur responsabilité éventuelle sur le fondement de l'article 1240 du code civil en raison de supposés manquements à leur obligation de conseil et d'information, relevant respectivement du tribunal de commerce s'agissant de la société NECC et du tribunal judiciaire s'agissant de Maître [Y].
Le jugement sera confirmé en ce sens sauf à ordonner la disjonction de ces deux actions et de renvoyer :
- le litige opposant M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités, à Maître [Y], notaire, devant le tribunal judiciaire de Lille,
- le litige opposant M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités, à la société NECC devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer.
- sur les demandes accessoires :
M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités, n'ayant pas été accueillis en leurs principales demandes, il convient par voie d'infirmation de les condamner, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de les condamner, ès qualités, à payer à M. [V] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est en revanche pas inéquitable de débouter les autres parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement entrepris en date du 23 mai 2024 sauf en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître les interventions forcées de la société NECC et de Maître [Y] ;
statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que l'intervention volontaire accessoire de Maître [M] [Y] est recevable;
DIT que la fin de non-recevoir soulevée par la société Autobilan Loos [Localité 13] tirée de la prescription est sans objet ;
REJETTE la demande de la société Autobilan Loos [Localité 13] aux fins de rejet des pièces 4, 5 et 6 de M. [P] et de la SELARL AJILINK ;
DIT que le licenciement de M. [R] [V] est sans cause réelle et sérieuse;
CONDAMNE la société [P] représentée par M. [P], liquidateur amiable, et par la SELARL AJILINK, mandataire ad'hoc, à payer à M. [R] [V] les sommes suivantes :
- 13 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE la disjonction du litige opposant la société [P] représentée par M. [P], liquidateur amiable, et par la SELARL AJILINK, mandataire ad'hoc, à la société Nord d'Expertise Comptable Conseil et RENVOIE lesdites parties et l'affaire ainsi disjointe devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer ;
ORDONNE la disjonction du litige opposant la société [P] représentée par M. [P], liquidateur amiable, et par la SELARL AJILINK, mandataire ad'hoc, à Maître [M] [Y] et RENVOIE lesdites parties et l'affaire ainsi disjointe devant le tribunal judiciaire de Lille ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la société [P] représentée par M. [P], liquidateur amiable, et par la SELARL AJILINK, mandataire ad'hoc aux dépens dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS
24 Octobre 2025
N° 1530/25
N° RG 24/01588 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVXN
MLBR/AL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
23 Mai 2024
(RG 22/00363 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 24 Octobre 2025
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTS :
M. [I] [P] liquidateur amiable de la SARL [P] DALLENNE
[Adresse 1]
[Localité 7]
S.E.L.A.R.L. AJILINK en la personne de Me [Z] [O] es qualité de mandataire ad'hoc de la SARL [P] DALLENNE
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentés par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Aurélien BOUDEWELL, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS :
M. [R] [V]
[Adresse 11]
[Localité 8]
représenté par Me Claire GUILLEMINOT, avocat au barreau de DOUAI
Mme [M] [Y]
[Adresse 12]
[Localité 9]
représentée par Me Véronique VITSE-BOEUF, avocat au barreau de LILLE
S.A.R.L. AUTOBILAN [Localité 13] LOOS
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Franck TREFEU, avocat au barreau de LILLE
Société NORD EXPERTISE COMPTABLE
[Adresse 2]
[Localité 10]
représentée par Me Jérôme AUDEMAR, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS : à l'audience publique du 16 Septembre 2025
Tenue par Marie LE BRAS
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaelle DUPRIEZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
Clotilde VANHOVE
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2025,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 Septembre 2025
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [R] [V] a été embauché par la SARL [P] à compter du 5 juin 2001 en qualité de contrôleur technique.
Le 8 février 2017, M. [V] a été placé en arrêt de travail suite à un accident de trajet dont la CPAM par décision notifiée le 17 mars 2017 a reconnu le caractère professionnel.
Par acte du 7 décembre 2017, un compromis de vente de fonds de commerce a été signé entre la société [P] représentée par M. [I] [P], et la SARL Auto Bilan [Localité 13] Loos représentée par M. [K].
Par courrier du 25 janvier 2018, M. [V] a été convoqué par la société [P] à un entretien fixé au 5 février 2018, préalable à son éventuel licenciement pour motif économique.
Par courrier du 9 février 2018, M. [V] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique. Le 28 février 2018, M. [V] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé.
Par acte du 30 mars 2018 régularisé en l'étude de Maître [Y], notaire, la cession du fonds de commerce a été finalisée.
Par requête du 14 décembre 2018, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de contester son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses indemnités et par requête du 22 novembre 2019, il a fait appeler la société Auto Bilan Lille Loos, cessionnaire, à la cause pour obtenir sa condamnation in solidum avec la société [P].
Le 20 mai 2021, M. [P], en sa qualité de liquidateur amiable de la société [P] a fait appeler en garantie :
- la SAS Nord d'Expertise Comptable Conseil (la société NECC) venant aux droits de la SARL Cabinet Nord Expertise Comptable Conseil, qui l'a assisté dans le cadre de la procédure de licenciement du salarié,
- Me [M] [Y], notaire l'ayant assisté dans le cadre de la cession du fonds de commerce et ayant à ce titre procédé à la rédaction du compromis et de l'acte de cession.
La SELARL AJILINK a été désignée mandataire ad'hoc de la société [P].
Par jugement contradictoire rendu le 23 mai 2024, le conseil de prud'hommes de Lille:
- a ordonné dans le cadre d'une bonne administration de la justice, la jonction des dossiers,
- s'est déclaré incompétent concernant les interventions volontaires ou forcées du notaire, Me [Y] et du cabinet NECC,
- a jugé que le licenciement économique n'est pas avéré,
- a jugé que le licenciement est nul,
- a condamné la société [P] à payer à M. [V] :
* 11 353,61 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,
* 12 649,63 euros sur la base mensuelle de 2 108,21 euros à titre d'indemnité spécifique,
* 6 324,63 euros à titre de dommages et intérêts
- a rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur, dès sa convocation devant le bureau de conciliation, pour les créances de nature salariale et du prononcé de la décision, pour les créances de nature indemnitaire,
- a rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, le jugement, ordonnant le paiement au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 du code du travail, est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaires, calculés sur la moyenne des trois derniers mois,
- a débouté les parties de toutes les autres demandes différentes, plus amples ou contraires au dispositif,
- a laissé la charge des frais et dépens à chacune des parties.
Par déclaration reçue au greffe le 9 juillet 2024, M. [P] en sa qualité de liquidateur amiable de la société [P] et la SELARL AJILINK prise en la personne de Me [Z], en sa qualité de mandataire ad'hoc de la société [P], ont interjeté appel du jugement en toutes ces dispositions sauf en ce qu'il a ordonné la jonction entre les dossiers et a débouté les autres parties de toutes leurs demandes différentes, plus amples ou contraires.
Par déclaration reçue au greffe le11 juillet 2024, M. [V] a également interjeté appel du jugement en ses dispositions relatives aux montants des condamnations financières.
Par ordonnance du 21 janvier 2025, ces deux procédures ont été jointes.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 10 janvier 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [P], es qualité, et la SELARL AJILINK représenté par Me [Z], es qualité, demandent à la cour de :
A titre principal :
- infirmer le jugement en ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau :
- débouter M. [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- débouter toutes les parties de leurs demandes formées à l'encontre des concluants,
A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour serait amenée à prononcer des condamnations à l'encontre de M. [P] et/ou la société [P] :
- condamner solidairement la société Auto Bilan [Localité 13] Loos, Me [Y], et la société NECC à garantir M. [P] et la société [P] de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre,Dans tous les cas :
- condamner la société Auto Bilan [Localité 13] Loos à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Auto Bilan [Localité 13] Loos aux dépens d'appel,
- rendre opposable à Me [Y] et la société NECC, l'arrêt de la cour à intervenir.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 décembre 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Autobilan [Localité 13] Loos demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les autres parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif à son encontre,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif,
Statuant à nouveau :
In limine litis :
- constater que l'action de M. [V] à son encontre est prescrite,
A titre principal :
- débouter Me [Z] es qualité et M. [P] es qualité de l'ensemble de leurs demandes et prétentions à son encontre,
- écarter les pièces 4, 5 et 6 de Me [Z] et M. [P] sur le fondement de l'article 1363 du code civil,
- juger les demandes à son encontre au titre du solde d'indemnité de licenciement et de l'indemnité spécifique comme étant irrecevables,
A titre subsidiaire :
- limiter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 5 250 euros,
En tout état de cause :
- condamner Me [Z] et M. [P] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Me [Z] et M. [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions déposées le 8 janvier 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [V] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [P] à lui payer :
* 12 649,26 euros sur la base mensuelle de 2 108,21 euros à titre d'indemnité spécifique,
* 6 324,63 euros à titre de dommages et intérêts,
En conséquence,
- condamner la société [P] à lui payer la somme de 29 500 euros à titre de dommages et intérêts,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
En conséquence,
- débouter Me [Z], es qualité, et M. [P], es qualité, de leurs demandes, fins et conclusions,
- débouter toutes autres parties de leurs demandes, fins et conclusions contraires,
Y ajoutant,
- condamner la société [P] à lui payer la somme de 2 400 euros à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 9 janvier 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Maître [Y] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce que le conseil de prud'hommes de Lille s'est déclaré incompétent concernant son intervention forcée,
En conséquence,
- se déclarer ratione materiae incompétent pour statuer sur les demandes de Me [Z] qualité et de M. [P] es qualité, dirigées à son encontre,
- disjoindre l'action initiée par Me [Z] es qualité et M. [P] à son encontre de l'affaire principale et renvoyer l'action en responsabilité civile professionnelle initiée à son encontre devant le tribunal judiciaire de Lille,
- infirmer le jugement en ce que le conseil de prud'hommes de Lille s'est déclaré incompétent concernant son intervention volontaire,
- en conséquence, déclarer recevable son intervention volontaire,
Dans tous les cas,
- rejeter toutes prétentions, fins et conclusions de M. [P], es qualité, et Me [Z] es qualité, les en débouter,
- condamner in solidum M. [P], es qualité, et Me [Z], es qualité, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- les condamner in solidum aux entiers frais et dépens de la présente instance.
Dans ses dernières conclusions déposées le 8 janvier 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société NECC demande à la cour de :
- confirmer le jugement appelé en ce que le conseil se déclare incompétent concernant les interventions volontaires ou forcées du notaire et de la société NECC,
- se déclarer incompétente pour connaître de son intervention forcée, et dire que seul le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer est compétent pour statuer sur sa ' mise en cause' par qui en est l'auteur,
- condamner solidairement la société [P], Me [Z] es qualité et M. [P] es qualité au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION :
- sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Maître [Y] :
Par voie d'infirmation, il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire accessoire de Maître [Y] sur le fondement de l'article 330 du code de procédure civile.
- sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Autobilan [Localité 13] Loos :
La société Autobilan [Localité 13] Loos soutient que les demandes de M. [V] à son encontre sont prescrites.
Il sera cependant relevé que si M. [V] l'a effectivement faite appeler à la cause en première instance, le jugement ne comporte aucune condamnation à son encontre. Par ailleurs, le salarié n'a pas interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à l'égard de la société Autobilan [Localité 13] Loos et contrairement à ce qu'elle prétend, le salarié, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions à hauteur d'appel, n'a saisi la cour d'aucune prétention à son égard, sa demande indemnitaire étant uniquement dirigée contre la société [P].
A défaut de demandes dirigée à son endroit, la fin de non-recevoir apparaît donc sans objet.
- sur le licenciement de M. [V] :
En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est motivée comme suit : 'Je suis contraint de procéder à votre licenciement économique. Celui-ci est justifié par les éléments suivants. Afin de faire valoir mes droits à la retraite, j'ai cédé mon fonds de commerce. Ce dernier est vendu au 30 mars 2018. Or, l'acquéreur n'a pas souhaité reprendre également les salariés de mon entreprise. Dès lors, c'est à moi qu'incombe de mettre fin aux contrats de travail qui me lient à eux. Le licenciement pour motif économique s'impose alors. En outre, nous avons recherché toutes les possibilités de reclassement auprès de différents centres-auto de notre bassin d'emploi qui exercent la même activité que nous, cependant aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée.'
M. [P] et le mandataires ad'hoc estiment que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en prononçant la nullité du licenciement de M. [V], en faisant valoir sur le fondement de l'article L. 1226-7 du code du travail que la cause de l'arrêt de travail de ce dernier étant un accident de trajet, il ne peut bénéficier des règles protectrices applicables aux salariés victimes d'un accident du travail.
M. [P] ajoute qu'il a procédé au licenciement de M. [V] de bonne foi, assisté pour ce faire par son expert-comptable, le cabinet CNECC, sa décision de licencier ce salarié étant fondée sur 3 motifs, à savoir la cession à venir avec le souhait du cessionnaire de ne reprendre aucun salarié, la mauvaise santé financière de la société [P] et son propre départ à la retraite.
Il sera d'abord relevé que contrairement à ce que soutiennent les appelants, la lettre de licenciement n'évoque nullement la prétendue activité déficitaire de la société [P], seuls le départ à la retraite de son gérant et la future cession du fonds de commerce étant invoqués pour justifier le licenciement.
Or, comme leur oppose à juste titre M. [V], ces deux motifs ne sont pas susceptibles de justifier un licenciement économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail dès lors qu'ils ne constituent ni des difficultés économiques telles que définies par cet article, ni des mutations technologiques, ni une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivé de l'entreprise, celle-ci n'étant au demeurant pas avancée dans la lettre de licenciement, ni enfin une cessation d'activité de l'entreprise puisque l'activité allait se poursuivre dans le cadre de la cession du fonds de commerce à la société Autobilan [Localité 13] Loos.
De surcroît, du fait de cette cession, l'emploi de M. [V] aurait dû être de plein droit transféré au cessionnaire en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, de sorte que la cession ne peut constituer un motif valable de licenciement économique.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le licenciement de M. [V] est à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.
Ce dernier soutient que son licenciement est nul d'une part en ce qu'il a été prononcé pendant la suspension de son contrat de travail à la suite de son accident du travail, et d'autre part en ce qu'il l'a privé du bénéfice de l'article L. 1224-1 du code du travail.
Ce dernier moyen est toutefois inopérant dans la mesure où le non-respect de cet article, s'il a pour effet de priver d'effet le licenciement, n'en est pas pour autant une cause de nullité de ce licenciement au sens de l'article L. 1235-3-1 du code du travail.
Par ailleurs, les appelants se prévalent à raison de l'article L. 1226-7 du code du travail qui prévoit que le contrat de travail n'est suspendu que pendant l'arrêt de travail du salarié provoqué par un accident du travail, autre qu'un accident de trajet. En effet, il ressort des courriers de la CPAM produits par M. [V] que ce dernier a été victime d'un accident de trajet, de sorte qu'il ne peut se prévaloir du bénéfice des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, peu important que la CPAM ait reconnu son caractère professionnel.
Il sera au surplus rappelé que la prise en charge par la CPAM d'un arrêt de travail au titre de la législation sur les risques professionnels n'est pas de nature à constituer à elle seule la preuve de l'existence d'un accident du travail lorsque celui-ci est contesté et qu'en l'espèce, M. [V] ne produit aucune pièce, en dehors des décisions de la CPAM, pour établir qu'il s'agit d'un accident de travail, distinct d'un accident de trajet.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement de M. [V], dont il conviendra uniquement de relever l'absence de cause réelle et sérieuse, conformément à la demande subsidiaire développée par l'intéressé.
L'article L. 1226-14 n'étant pas applicable au cas d'espèce dès lors qu'il ne s'agit pas d'un licenciement pour inaptitude, M. [V] ne peut bénéficier du doublement de l'indemnité de licenciement.
M. [V] formule également dans le dispositif de ses conclusions une demande indemnitaire unique de 29 500 euros, que son licenciement soit déclaré nul ou sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir qu'il n'a toujours pas retrouvé d'emploi stable et a vécu une longue période de chômage.
M. [V] bénéficiait d'une longue ancienneté de 16 années et était âgé de 38 ans au jour de son licenciement. En revanche, s'il justifie d'une période de chômage par une attestation de Pôle emploi pour la période comprise entre juillet et octobre 2018, il ne verse aucune pièce sur sa situation professionnelle et financière postérieure et notamment sur ses éventuelles difficultés dans ses recherches d'emploi.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient par voie d'infirmation de condamner la société [P], prise en la personne de son mandataire ad'hoc et de son liquidateur amiable, à payer à M. [V] la somme de 13 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui est résulté de la perte injustifiée de son emploi, étant précisé que la liquidation dont a fait l'objet la société [P] n'étant pas une liquidation judiciaire, il n'y a pas lieu à fixer cette créance à son passif.
La société [P] ayant moins de 11 salariés au jour du licenciement de M. [V], les conditions d'application de l'article L. 1235-4 du code du travail ne sont pas réunies.
- sur l'appel en garantie formulé par M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités :
En cas de condamnation, les appelants sollicitent à titre subsidiaire celle du cessionnaire, la société Autobilan Loos [Localité 13], ainsi que de la société NECC et de Maître [Y], à garantir la société [P] de toute condamnation prononcée à son encontre.
En s'appuyant sur les attestations de M. [P], en sa qualité de gérant, de son épouse et de son fils, lui-même ancien salarié de la société [P], les appelants font valoir que M. [V] a été licencié en raison du refus de la société Autobilan Loos [Localité 13] de le reprendre dans le cadre de la cession du fonds de commerce.
S'il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de la société Autobilan Loos [Localité 13] tendant à écarter ces attestations régulièrement débattues dans le cadre du litige et qui ne constituent pas des éléments de preuve illicites, il n'en demeure pas moins qu'elles n'ont aucune force probante en l'absence de garantie quant à l'impartialité de leurs auteurs, M. [P] étant partie au litige en tant que liquidateur amiable de sa société, et les deux autres témoins étant des membres très proches de sa famille ayant intérêt à attester en sa faveur compte tenu des enjeux financiers.
En outre, la société Autobilan Loos [Localité 13] produit des échanges de mails de juillet 2017 entre elle, son expert comptable, M. [D], et la notaire l'assistant, Maître [C], dont il ressort que son intention première était de reprendre M. [V].
L'acte notarié portant compromis de cession ne fait également nulle référence au refus du cessionnaire de reprendre M. [V], mention étant faite que le cédant déclare qu'il envisage la rupture du contrat de travail et prend l'engagement d'initier la procédure avant la date d'entrée en jouissance du cessionnaire.
Dans l'acte authentique de cession conclu postérieurement au licenciement, le cédant a déclaré assumer la charge des conséquences éventuelles des ruptures des contrats de travail, notamment contentieuses, le cessionnaire déclarant pour sa part 'être parfaitement informé qu'une procédure de licenciement peut aboutir, le cas échéant, à la réintégration du salarié licencié et qu'il en fera alors son affaire personnelle', ne manifestant ainsi aucune opposition de principe au retour du salarié si nécessaire.
Les appelants ne produisent aucune pièce utile pour contredire ces éléments de sorte qu'ils ne rapportent pas la preuve que le licenciement irrégulier de M. [V] a été décidé en concertation avec la société Autobilan Loos [Localité 13] qui se serait opposée à la reprise du salarié en violation de l'article L. 1224-1 du code du travail. Aucun manquement n'étant démontré, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités, de leur appel en garantie visant le cessionnaire.
En outre, c'est par des motifs qu'il convient d'adopter que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour connaître de l'action des appelants à l'encontre de la société NECC, expert-comptable, et de Maître [Y], notaire, en l'absence de relation de travail susceptible d'exister entre eux et le salarié, l'engagement de leur responsabilité éventuelle sur le fondement de l'article 1240 du code civil en raison de supposés manquements à leur obligation de conseil et d'information, relevant respectivement du tribunal de commerce s'agissant de la société NECC et du tribunal judiciaire s'agissant de Maître [Y].
Le jugement sera confirmé en ce sens sauf à ordonner la disjonction de ces deux actions et de renvoyer :
- le litige opposant M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités, à Maître [Y], notaire, devant le tribunal judiciaire de Lille,
- le litige opposant M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités, à la société NECC devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer.
- sur les demandes accessoires :
M. [P] et la SELARL AJILINK, ès qualités, n'ayant pas été accueillis en leurs principales demandes, il convient par voie d'infirmation de les condamner, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de les condamner, ès qualités, à payer à M. [V] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est en revanche pas inéquitable de débouter les autres parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement entrepris en date du 23 mai 2024 sauf en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître les interventions forcées de la société NECC et de Maître [Y] ;
statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que l'intervention volontaire accessoire de Maître [M] [Y] est recevable;
DIT que la fin de non-recevoir soulevée par la société Autobilan Loos [Localité 13] tirée de la prescription est sans objet ;
REJETTE la demande de la société Autobilan Loos [Localité 13] aux fins de rejet des pièces 4, 5 et 6 de M. [P] et de la SELARL AJILINK ;
DIT que le licenciement de M. [R] [V] est sans cause réelle et sérieuse;
CONDAMNE la société [P] représentée par M. [P], liquidateur amiable, et par la SELARL AJILINK, mandataire ad'hoc, à payer à M. [R] [V] les sommes suivantes :
- 13 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE la disjonction du litige opposant la société [P] représentée par M. [P], liquidateur amiable, et par la SELARL AJILINK, mandataire ad'hoc, à la société Nord d'Expertise Comptable Conseil et RENVOIE lesdites parties et l'affaire ainsi disjointe devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer ;
ORDONNE la disjonction du litige opposant la société [P] représentée par M. [P], liquidateur amiable, et par la SELARL AJILINK, mandataire ad'hoc, à Maître [M] [Y] et RENVOIE lesdites parties et l'affaire ainsi disjointe devant le tribunal judiciaire de Lille ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la société [P] représentée par M. [P], liquidateur amiable, et par la SELARL AJILINK, mandataire ad'hoc aux dépens dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS