CA Bordeaux, ch. soc. A, 28 octobre 2025, n° 22/00738
BORDEAUX
Autre
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COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
--------------------------
ARRÊT DU : 28 OCTOBRE 2025
PRUD'HOMMES
N° RG 22/00738 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRIR
Monsieur [B], [N], [J] [I]
c/
S.A.S. GROUPE TRIANGLE INVESTISSEMENTS
S.C.P. SILVESTRI - BAUJET en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Groupe Triangle Investissements
UNEDIC (DELEGATION AGS-CGEA DE [Localité 7])
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Philippe LECONTE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de PARIS
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 janvier 2022 (R.G. n°F 18/01519) par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 11 février 2022,
APPELANT :
Monsieur [B], [N], [J] [I]
né le 24 juillet 1976 à [Localité 23]
de nationalité française
demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SAS Groupe Triangle Investissements, en redressement judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]
S.C.P. SILVESTRI - BAUJET en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Groupe Triangle Investissements prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité [Adresse 3]
représentées par Me Philippe LECONTE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de PARIS et assistés de Me Catherine LAUDOU, avocat au barreau de l'AVEYRON
INTERVENANT :
UNEDIC (DELEGATION AGS-CGEA DE [Localité 7]) prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité [Adresse 2]
N° SIRET : 775 67 1 8 78
représentée par Me MOREAU substituant Me Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 septembre 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Catherine Brisset, présidente
Madame Laure Quinet, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
1. La société Groupe Triangle Investissements, ci-après la société GTI, créée le 5 novembre 2001 et présidée par Mme [C] [E] épouse [I], née en 1948, est une société exerçant une activité de holding dans le secteur financier et immobilier (agent commercial, promoteur constructeur, marchand de biens, étude de marché et de faisabilité, conseil en urbanisme, construction et implantation commerciale, maîtrise d'ouvrage déléguée et conduite d'opérations déléguée en tous corps d'état, audit d'aménagement, activité commerciale).
La société GTI a engagé :
- M. [B] [I], né en 1976, fils de Mme [I], en qualité de responsable de programme, statut cadre, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2002 ;
- M. [X] [V], né en 1975, en qualité de juriste d'entreprise par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2005, ayant accédé en 2006 au statut de cadre.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la promotion immobilière.
Par avenant du 15 décembre 2008, M. [I] a accepté une diminution de sa rémunération et a renoncé à bénéficier du statut de cadre pendant une période de deux années à compter du 1er janvier 2009.
2. Le 2 avril 2015, M. [I] et M. [V] ont créé la société par actions simplifiée Groupe Pulsar ayant une activité similaire à celle de la société GTI (prise de participation au sein de sociétés à vocation immobilière, promoteur, constructeur, marchand de biens, commercialisation de produits immobiliers, achat, vente, location de bâtiments neufs et anciens, industriels et privés).
M. [I] en est le président et M. [V] le directeur général.
Par convention signée le 1er octobre 2015, la société GTI a confié à la société Groupe Pulsar une mission d'assistance au développement et à la maîtrise d'ouvrage pour un projet immobilier dénommé ' la [Localité 10] Voile' situé sur le site de la vallée du [Localité 15] à [Localité 22] (86) ; pour la réalisation de ce projet, elles ont constitué entre elles le 19 novembre 2015, une société civile de construction vente, la SCCV Le Gréement, Mme [C] [I] en étant la gérante.
Elles ont également crée le 22 août 2015, une société civile de construction vente, la SCCV Coeur de Bastide, pour la réalisation d'un programme immobilier à [Localité 7], Mme [I] en étant aussi la gérante.
3. Par courrier daté du 5 mai 2017 remis en main propre le 15 mai, la société Groupe Pulsar, représentée par M. [B] [I], a soumis à la société GTI un protocole d'accord portant sur la cession d'un projet immobilier situé [Adresse 20], dénommé opération Canopée, projet pour lequel La société GTI était bénéficiaire d'une promesse de vente du terrain appartenant à EDF et avait déposé une demande de permis de construire.
Par courrier recommandé du 17 mai 2017, M. [I] a signalé à son employeur que les cotisations sociales versées par ce dernier ne correspondaient pas à son statut de cadre qui devait lui être à nouveau octroyé à compter du 1er janvier 2011 en vertu de l'avenant conclu le 15 décembre 2008.
Par lettre datée du 9 juin 2017, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 juin 2017.
Par courrier remis en main propre le 26 juin 2017, l'employeur lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
M. [I] a été placé en arrêt de travail pour maladie le 29 juin 2017.
Il a ensuite été licencié pour faute grave par lettre recommandée en date du 20 juillet 2017, la société GTI lui reprochant en substance de mélanger volontairement ses qualités de salarié de GTI et d'associé de la société Groupe Pulsar pour s'affranchir de tout lien de subordination, la violation de son obligation de loyauté par le détournement de dossiers au profit de sa société Groupe Pulsar, des menaces et chantage à l'égard de Mme [I] constitutives de harcèlement moral et d'abus de faiblesse et des manquements dans l'exécution de ses fonctions de responsable de programme.
M. [V] a également été licencié pour faute grave par lettre du 20 juillet 2017 pour des motifs similaires.
Les procédures commerciales initiées par la société Groupe Pulsar
4. Le 19 janvier 2018, la société Groupe Pulsar a fait assigner la société GTI, la société Le Gréement et la société Coeur de Bastide devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d'obtenir la nullité de plusieurs conventions de maîtrise d'ouvrage déléguée conclues entre les sociétés assignées, la nullité des conventions de 'management fees' passées entre la société GTI et les sociétés Le Gréement et Coeur de Bastide ainsi que leur condamnation au paiement des prestations exécutées par elle en vertu de conventions de gestion.
Par arrêt rendu le 13 décembre 2021, la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux a fait droit pour l'essentiel aux prétentions de la société Groupe Pulsar et a condamné :
- la société Le Gréement au paiement de la somme de 30 900 euros HT au titre des prestations accomplies par la société Groupe Pulsar,
- la société Coeur de Bastide au paiement de la somme de 41 655 euros HT au titre des prestations accomplies par la société Groupe Pulsar,
- la société GTI au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt rendu le 20 septembre
2023 par la Cour de cassation.
Le 5 janvier 2017 la société GTI a conclu une promesse de vente avec EDF portant sur un terrain situé [Adresse 8] à [Localité 16], en vue de la réalisation d'un programme immobilier dénommé opération Canopée.
Un permis de construire a été sollicité par la société GTI le 13 février 2017.
Par contrat conclu le 24 avril 2017, la société Groupe Pulsar a confié à la société d'architectes Ateliers [T] & Associés, une mission complète de conception et exécution portant sur ce programme immobilier.
Le permis de construire a été accordé à la société GTI le 10 août 2017.
En février 2018, la société GTI et la société Le Deck, dont la première est l'unique associée, ont créé une société civile de construction vente (SCCV) dénommée Les Balcons du Rempart qui a acquis le terrain cédé par EDF.
Le 26 novembre 2018, la société Groupe Pulsar a fait assigner la société GTI, la société Le Deck et la société Les Balcons du Rempart devant le tribunal de commerce de Bordeaux. Soutenant que le projet Canopée devait être réalisé en co-promotion et invoquant la faute commise par les sociétés assignées qui l'auraient écartée de l'opération, elle sollicitait l'indemnisation de la perte subie.
Par arrêt rendu le 26 septembre 2022 par la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux, les trois sociétés ont été condamnées in solidum à payer à la société Groupe Pulsar la somme de 327 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt rendu le 20 juin 2024 par la Cour de cassation.
Les plaintes pénales de la société GTI et de Mme [I]
5. Le 26 juin 2017, Mme [I] a déposé plainte contre son fils [B] [I] pour 'entrée ou maintien irrégulier dans un système informatique et fraude industrielle et commerciale', plainte classée sans suite le 16 janvier 2019.
Le 18 septembre 2017, elle a déposé plainte contre son fils pour des faits de violences, plainte classée sans suite le 12 juillet 2018.
Le 5 février 2018, la société GTI a déposé plainte auprès du commissariat de police de [Localité 7] contre M.[I] et M. [V] pour suppression frauduleuse de données contenues dans des ordinateurs de la société.
En l'absence de suite donnée à sa plainte par le procureur de la République, la société GTI a déposée plainte avec constitution de partie civile le 28 juin 2019 auprès du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Bordeaux pour vol de données informatiques à l'encontre de MM. [I] et [V].
Le 25 juillet 2019, la société GTI a déposé plainte auprès du commissariat de police de [Localité 7] pour faux et usage de faux à l'encontre de la société Groupe Pulsar au sujet de pièces produites par celle-ci le 18 juillet 2019 dans la procédure commerciale relative à l'opération Canopée, notamment un bilan financier prévisionnel relatif à l'opération que Mme [I] contestait avoir signé.
Le 21 janvier 2025, la société GTI et Mme [I] ont déposé plainte entre les mains du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bordeaux à l'encontre de M.[I] et de M. [V] pour faux et usage, escroquerie, tentative d'escroquerie, recel, blanchiment et tous autres, les plaignantes arguant de faux le bilan financier produit par la société Groupe Pulsar dans l'instance ayant abouti à la condamnation de la société GTI par arrêt du 26 septembre 2022 de la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux.
La procédure prud'homale
6. Par requête reçue le 6 décembre 2017, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail, des dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation, et la régularisation des cotisations relatives à son statut de cadre.
L'affaire a été radiée le 25 septembre 2018 puis réinscrite au rôle le 1er octobre 2018.
Par jugement rendu le 28 janvier 2022 le conseil de prud'hommes a :
- rejeté l'exception d'incompétence présentée par la société Groupe Triangle Investissements,
- rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société Groupe Triangle Investissements,
- dit que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave,
- rejeté la demande de régularisation du paiement des cotisations cadre,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés,
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
7. Par déclaration du 11 février 2022, M. [I] a relevé appel de cette décision.
8. Par jugement rendu le 9 novembre 2022 par le tribunal de commerce de Bordeaux,
la société GTI a été placée en redressement judiciaire et la SCP Silvestri-Baujet désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 7 février 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a adopté le plan de redressement de la société GTI et nommé la SCP Silvestri-Baujet en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Sur la tierce opposition formée par la société Groupe Pulsar, le tribunal de commerce a, par jugement rendu le 16 octobre 2024, maintenu le plan de redressement, sauf à dire que celui-ci n'est pas opposable à la société Groupe Pulsar et a débouté celle-ci de sa demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société GTI.
Par arrêt du 2 juin 2025, la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux a infirmé le jugement rendu le 16 octobre 2024 par le tribunal de commerce de Bordeaux, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la tierce opposition de la société Groupe Pulsar et en ce qu'il a débouté cette société de sa demande de mise en liquidation judiciaire de la société GTI, et a débouté la société Groupe Pulsar de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable le plan de redressement de la société GTI.
9. Par avis adressé par le greffe de la chambre sociale le 20 juin 2024, les parties ont été informées de la fixation de l'affaire à l'audience du 7 octobre 2024, date à laquelle l'affaire a été renvoyée à l'audience du 10 février 2025, faute pour les parties d'avoir pris en compte l'évolution de la situation de la société au regard de la procédure collective dont elle était l'objet.
Par acte de commissaire de justice délivré à personne habilitée le 15 octobre 2024,
M. [I] a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à l'Association Garantie des Salaires-CGEA de [Localité 7] et a assigné cette dernière à l'audience du 10 février 2025.
Par conclusions du 27 janvier 2025, la société GTI et la SCP Silvestri-Baujet, invoquant la nouvelle plainte déposée le 21 janvier 2025 à l'encontre de Messieurs [I] et [V] pour faux et usage de faux, escroquerie, tentative d'escroquerie, recel, blanchiment, ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de cette procédure pénale, de nature selon la société, à influer sur le sort du litige.
A l'audience du 10 février 2025, l'affaire n'a pas pu être retenue compte tenu de la saisine du conseiller de la mise en état.
Par ordonnance rendue le 28 mars 2025, le conseiller de la mise en état a dit qu'il n'était pas compétent pour statuer sur la demande de sursis présentée par la société GTI, et a fixé à nouveau la procédure à l'audience de plaidoirie du 15 septembre 2025 à 14 heures, l'ordonnance de clôture étant prévue au 8 août 2025.
10. Dans ses dernières conclusions (conclusions n°9) adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 août 2025, M. [I] demande à la cour de :
'- confirmer le jugement du 28 janvier 2022 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et les demandes de sursis à statuer de la société GTI,
- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section encadrement le 28 janvier 2022 en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [I] reposait sur une faute grave et l'a débouté de ses prétentions,
Et statuant à nouveau,
- juger que l'action de M. [I] n'était pas prescrite et débouter la société GTI de cette exception,
- juger que le licenciement de M. [I] est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires et pour des motifs ne présentant aucun caractère de réalité et de sérieux,
En conséquence,
- fixer au passif de la société GTI les sommes ci-dessus précisées :
* au titre des salaires dus pour la mise à pied conservatoire : 3 067,75 euros bruts,
* au titre du préavis : 11 821,92 euros bruts,
* à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation : 30 000 euros,
* à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 120 000 euros,
- condamner la société GTI à régulariser le paiement des cotisations dues au titre du contrat de travail de M. [I] auprès de la caisse des cadres, et ce sous peine d'une astreinte définitive de 1 000 euros par mois de retard qui courra à compter de l'expiration du second mois suivant la notification de la décision à intervenir,
- juger la décision à intervenir opposable au CGEA, et dire que celui-ci devra intervenir alors dans les limites réglementaires de son intervention et de ses garanties,
Subsidiairement,
- condamner la société GTI à payer à M. [I] :
* au titre des salaires dus pour la mise à pied conservatoire : 3 067,75 euros bruts,
* au titre du préavis : 11 821,92 euros bruts,
* à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation : 30 000 euros,
* à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 120 000 euros,
- condamner la société GTI à payer à M. [I] une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société GTI aux dépens de première instance et d'appel.'
11. Aux termes de leurs dernières conclusions (conclusions n°5) adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 août 2025, la société Groupe Triangle Investissement et la SCP Silvestri Baujet ès qualités demandent à la cour de :
'Vu le jugement du 9 novembre 2022 du tribunal de commerce de BORDEAUX par lequel la société GTI a été placée en redressement judiciaire,
Mettre hors de cause la SCP SILVESTRI BAUJET es qualité de commissaire à l'exécution du plan en intervention forcée,
REFORMER LE JUGEMENT SUR APPEL INCIDENT
A titre principal : Sur l'exception d'incompétence au profit du Tribunal de Commerce de Bordeaux
- Requalifier le contrat de travail apparent de Monsieur [I],
- Déclarer M. [I] dirigeant de fait de la société GTI depuis avril 2015,
En conséquence
- Infirmer le jugement en ce que le Conseil de prud'homme de [Localité 7] a retenu sa compétence materiae,
- Déclarer le tribunal de commerce de Bordeaux compétent (article L1411-1 du Code du Travail),
A titre subsidiaire : sur la prescription de l'action de contestation du licenciement
- Acter que l'affaire prud'homale de Monsieur [I] a été réinscrite le 1er octobre 2018, alors même que son licenciement a été notifié le 20 juillet 2017;
En conséquence
- Déclarer l'action de Monsieur [I] prescrite (article L1471-1 du Code du Travail),
A titre infiniment subsidiaire : sur le sursis à statuer
- Acter les actions pénales en cours pour vol de données informatiques, production de faux et escroquerie à jugement,
En conséquence
- Prononcer le sursis à statuer de l'actuelle procédure (articles 73,74 et 378 du Code de procédure civile),
CONFIRMER LE JUGEMENT
- Prononcer le licenciement de Monsieur [I] fondé par une faute grave,
- Acter l'absence de préjudice moral et de réputation de M. [I],
- Acter la régularisation des cotisations cadres de M. [I] de 2014 à 2017,
En conséquence,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [I] en ses demandes,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Acter l'usage de faux documents par Monsieur [I] afin de tenter une escroquerie à jugement au détriment de la société GTI,
- Débouter M. [I] en l'intégralité de ses demandes,
- Condamner M. [I] à verser à la société GTI la somme de 5.000 euros (article 700 du Code de Procédure Civile),
- Condamner Monsieur [I] aux entiers dépens'.
12. Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 janvier 2025, l'AGS-CGEA de [Localité 7] demande à la cour :
'A TITRE PRINCIPAL : SUR L'ABSENCE DE SAISINE VALABLE DE LA COUR ET
SUR L'ABSENCE DE SON POUVOIR DE JUGER
Juger que la Cour n'a pas été valablement saisie tant par l'appel principal que par l'appel provoqué de M. [I].
Juger que la Cour est dépourvue du pouvoir de juger les demandes soutenues par M. [I] en général et en particulier celles qu'il a dirigé à l'encontre de l'UNEDIC
DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7], lesquelles sont au surplus nouvelles au regard de ce qui a été jugé en 1ère instance et irrecevables.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Réformer le chef du jugement entrepris ayant débouté la SAS GTI du surplus de ses
demandes et donc de celle ayant trait à l'absence et / ou à la disparition du lien de subordination.
Y faisant droit, juger faute de réalité de l'existence de la relation de travail et du lien de subordination, notamment au moment de sa rupture, M. [I] sera jugé mal fondé en ses demandes, lesquelles ne peuvent pas être garanties par l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7].
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
Confirmer les chefs du jugement entrepris en ce qu'il :
- Dit et juge que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave.
- Déboute les parties sur la demande de régularisation du paiement des cotisations
cadres.
- Déboute M. [I] du surplus de leurs demandes.
- Dit et juge que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.
- Dit et juge qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 CPC.
Juger mal fondé M. [I] en sa demande tendant à voir infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 28 janvier 2022.
Juger mal fondé M. [I] en sa demande tendant à juger que son licenciement serait intervenu dans des conditions brutales et vexatoires et pour des motifs ne présentant aucun caractère de réalité et de sérieux.
Juger mal fondé M. [I] en sa demande tendant à fixer au passif de la société GTI les sommes auxquelles celle-ci sera condamnée à son profit :
* Au titre des salaires dus pour la mise à pied conservatoire 3.153,32€ bruts. * Au titre du préavis 11.824,98€ bruts.
* A titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation 30.000€.
* A titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 180.000 €.
Juger mal fondé M. [I] en sa demande tendant à condamner la SAS GTI à
régulariser le paiement des cotisations dues au titre de son contrat de travail auprès de la Caisse des cadres, et ce sous peine d'une astreinte définitive de 1.000€ par mois de retard qui courra à compter de l'expiration de second mois suivant la notification de la décision à intervenir.
Juger irrecevable et mal fondé M. [I] en ses demandes et l'en débouter.
Juger que la garantie de l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7] ne peut pas être recherchée de ces chefs.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Juger que la mise en cause de l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7] dans la présente instance ne peut avoir pour objet que de lui rendre opposable le jugement à intervenir et non d'obtenir une condamnation au paiement qui serait dirigée à son encontre et ce à défaut de droit direct de M. [I] à agir contre lui.
- Juger que la garantie de l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7] est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi et ce dans les limites des articles L 3253-8 et L. 3253-17 CT et des textes règlementaires édictés pour son application.
SUR L'ARTICLE 700 CPC ET LES DEPENS
Juger que la demandes M. [I] sur le fondement de l'article 700 CPC et au titre des dépens ne sont pas garantis par l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7]'.
13. L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 août 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience du15 septembre 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le moyen tiré de l'absence de saisine valable de la cour et de l'irrecevabilité des demandes de M. [I], soulevé par l'AGS
14. L'AGS, rappelant qu'elle n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu au jugement du 28 janvier 2022, fait valoir qu'en application de l'article 542 du code de procédure civile, l'objet d'un appel provoqué ne peut tendre qu'à la réformation ou à l'annulation des chefs du jugement entrepris et ce, à l'égard d'une partie à l'instance ayant donné lieu à cette décision et qu'outre la circonstance que le délai de 3 mois des articles 909 et 910 code de procédure civile n'a pas été respecté par M. [I] pour former un appel provoqué, sa déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués, y compris à l'égard de l'AGS.
Elle prétend que la cour n'a pas été valablement saisie tant par l'appel principal que par l'appel provoqué et qu'elle est dépourvue du pouvoir de juger les demandes soutenues par M. [I], en particulier celles qu'il a dirigées à l'encontre de l'AGS, lesquelles, selon elle, seraient irrecevables comme nouvelles au regard de ce qui a été jugé en première instance.
Réponse de la cour
15. L'article 331 du code de procédure civile dispose qu'un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
En application des articles 554 et 555 du code de procédure civile, les personnes qui n'ont pas été parties en première instance peuvent être appelées devant la cour quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
16. Il est constant que l'AGS n'était pas partie au jugement rendu le 28 janvier 2022, le redressement judiciaire de la société GTI n'ayant été prononcé que le 9 novembre 2022.
En raison de l'ouverture de la procédure collective intervenue en cause d'appel, M. [I] a appelé en cause l'AGS devant la cour par acte du 15 octobre 2024 pour lui rendre commun et opposable l'arrêt à intervenir.
Cet appel en cause ne s'analyse pas en un appel provoqué, nonobstant la mention erronée 'assignation en appel provoqué' figurant en entête de l'acte du 15 octobre 2024, mais constitue une demande d'intervention forcée.
L'AGS ne peut donc utilement exciper du non-respect des articles 542, 909 et 910 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la demande de M. [I] tendant à voir déclarer opposable à l'AGS l'arrêt à intervenir est recevable en application de l'article 564 du code de procédure civile selon lequel les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers.
Enfin, la cour est valablement saisie par la déclaration d'appel de M. [I] en date du 11 février 2022 aux termes de laquelle il sollicite ' la réformation du jugement en ce qu'il a :
- retenu que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave
- débouté M. [I] de sa demande tendant à voir juger que le licenciement dont il a fait l'objet est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires et pour des motifs ne présentant aucun caractère de réalité et de sérieux,
- débouté Monsieur [I] de ses demandes subséquentes, savoir la condamnation de la société GROUPE TRIANGLE INVESTISSEMENT à lui payer :
* Au titre des salaires dus pour la mise à pied conservatoire : 3.153,32 € bruts
* Au titre du préavis : 11.824,98€ bruts
* A titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation : 30.000€
* A titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 180.000€
- débouté Monsieur [I] de ses demandes de régularisation du paiement des cotisations dues au titre du contrat de son travail auprès de la Caisse des cadres, et ce sous peine d'une astreinte définitive de 1.000€ par mois de retard,
- débouté Monsieur [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de
procédure civile et jugé que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposé'.
Le moyen de l'AGS tiré de l'absence de saisine valable de la cour et de l'irrecevabilité des demandes de M. [I] n'est ainsi pas fondé.
Sur la contestation de la qualité de salarié de M. [I]
17. La société GTI et l'AGS arguent du caractère fictif du contrat de travail de M. [I], au motif que ce dernier se serait comporté en réalité comme un dirigeant de fait, et en concluent que seul le tribunal de commerce est compétent pour connaître des demandes de M. [I].
Elles font valoir les éléments suivants :
- M. [I] conduisait les affaires de la société avec la complicité de M. [V], s'immisçait dans la gestion et a pris le pouvoir au détriment de la dirigeante ;
- il agissait de manière totalement indépendante sans lien de subordination ni délégation formelle, sans contrôle, consigne ou directive ;
- il disposait d'une totale autonomie de gestion des projets immobiliers, mélangeant volontairement ceux destinés à GTI et ceux détournés au profit de sa société Groupe Pulsar, empiétant sur les fonctions de Mme [I], dirigeante de droit, en sortant de son rôle de salarié ;
- il ne dépendait plus d'aucun lien de subordination, mettant Mme [I] sous emprise en abusant de sa vulnérabilité et de sa faiblesse ;
- il ne respectait pas les obligations prévues à son contrat de travail selon lequel il devait exercer ses fonctions de responsable de programme sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par la gérante de la société GTI et devait communiquer hebdomadairement à cette dernière un rapport écrit sur l'avancement des opérations ;
- il percevait des rémunérations liées à sa qualité d'associé de la société Groupe Pulsar, ce qui serait, selon la société et l'AGS, exclusif de la qualité de salarié.
18. M. [I] réplique qu'indépendamment de son rôle de dirigeant de la société Pulsar, il n'a jamais assuré la gestion de fait de la société GTI, seule Mme [I] en ayant toujours exercé la gérance sans le moindre partage.
Il fait valoir qu'aucun élément n'est versé aux débats par l'intimée qui permettrait d'établir qu' il aurait exercé une activité positive de gestion et de direction de la société en lieu et place de Mme [I].
Il fait observer que dans le différend commercial opposant sa société Groupe Pulsar à la société GTI, cette dernière a toujours soutenu qu'il avait agi en qualité de salarié de la société GTI et que Mme [I] n'a cessé d'affirmer qu'elle seule négociait les financements bancaires, signait les mandats de commercialisation, les contrats d'architecte, pour le compte de sa société.
Réponse de la cour
19. En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.
Le caractère fictif du contrat de travail est avéré s'il est démontré que le salarié se comporte comme un dirigeant de fait, situation exclusive d'une relation de subordination.
Est dirigeant de fait celui qui exerce une activité positive de gestion et de direction de la société en toute indépendance.
20. En l'espèce, l'existence d'un contrat de travail apparent résulte des pièces suivantes produites aux débats :
- le contrat de travail écrit par lequel M. [I] a été engagé au poste de responsable de programme à compter du 1er juin 2002 et l'avenant au contrat de travail en date du 15 décembre 2008 ;
- les bulletins de paie de M. [I] établis par la société GTI pour la période de juin 2016 à mai 2017 et celui du mois de juillet 2017 portant régularisation par l'employeur des cotisations sociales auprès de l'organisme de retraite des cadres ;
- le courrier de mise à pied à titre conservatoire remis à M. [I] le 26 juin 2017 lui interdisant de se présenter à l'entreprise et d'exercer ses fonctions en quelque lieu que ce soit, lui demandant de restituer les clés des bureaux, divers matériels ainsi qu'un scooter constituant un véhicule de service et non un avantage en nature, et lui indiquant que la violation de la mise à pied conservatoire serait constitutive d'une faute susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire ;
- la lettre de licenciement en date du 20 juillet 2017, dans laquelle il est en particulier reproché à M. [I] des manquements fautifs dans l'exécution de ses missions techniques de responsable de programme, son insubordination, la confusion qu'il entretiendrait entre ses qualités de salarié de GTI et d'associé de la société Groupe Pulsar, ses menaces pour forcer la conclusion d'une rupture conventionnelle.
La société GTI y indique notamment : 'Vous êtes employé par La société GTI depuis le 1er janvier 1997; Vous occupez aujourd'hui le poste de responsable de programme (...) En qualité de responsable de programme, vous avez la responsabilité de suivre les programmes en cours sur le plan technique, du début à la fin, et d'en rendre compte régulièrement à la Direction en la personne de Madame [I]. Depuis plusieurs mois, j'ai eu à déplorer des manquements dans le cadre de l'exécution de vos fonctions ainsi que des manquements à votre obligation de loyauté à l'égard de la société GTI (...)' ;
- la convention d'assistance au développement et à la maîtrise d'ouvrage conclue entre la société GTI et la société Groupe Pulsar qui rappelle que MM. [I] et [V] sont également salariés de la société GTI au titre de contrats de travail à durée indéterminée pour des missions strictement étrangères à celles mentionnées dans la convention.
La société GTI ne peut ainsi sérieusement soutenir que M. [I] exerçait ses fonctions de responsable de programme hors de tout lien de subordination, dans la mesure où elle lui reproche au contraire son insubordination et le sanctionne pour ce motif.
21. Pour dénier la qualité de salarié à M. [I], la société GTI prétend que ce dernier se comportait comme un dirigeant de fait de la société.
Toutefois, les éléments qu'elle avance concernent en réalité l'activité de M. [I] dans les opérations immobilières en sa qualité de dirigeant de sa société Groupe Pulsar.
Aucune des pièces versées n'apporte la preuve de la réalisation effective par M. [I] d'actes de gestion et de direction de la société GTI en toute indépendance et il n'est pas non plus démontré que M. [I] se serait présenté auprès des tiers ou était considéré par eux comme le dirigeant de la société GTI.
22. Le caractère fictif du contrat de travail n'étant pas démontré, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société GTI et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes de M. [I] au titre de la rupture de son contrat de travail
23.La lettre de licenciement adressée le 20 juillet 2017 à M. [I] est ainsi rédigée :
« Vous êtes employé par la société GROUPE TRIANGLE INVESTISSEMENTS (GTI) depuis le 1er janvier 1997. Vous occupez aujourd'hui le poste de responsable de programme.
Vous êtes également et en premier lieu le fils de Madame [C] [I], présidente et actionnaire majoritaire de la SAS GTI.
Outre vous-même, la SAS GTI emploie également une assistante, Mme [L] [R], ainsi qu'un juriste, Monsieur [X] [V] lequel est par ailleurs votre associé égalitaire au sein de la SAS GROUPE PULSAR.
Le caractère familial de la société GTI est évident et les relations de confiance en découlaient.
En qualité de Responsable de programme, vous avez la responsabilité de suivre les programmes en cours sur le plan technique, du début à la fin, et d'en rendre compte régulièrement à la Direction en la personne de Madame [I].
Depuis plusieurs mois, i'ai eu à déplorer des manquements dans le cadre de l'exécution de vos fonctions ainsi que des manquements à votre obligation de loyauté à l'égard de la société GTI.
Je vous ai exposé mes griefs lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 23 juin dernier dans des conditions sur lesquelles je reviendrai.
Vos explications ne m'ayant toutefois pas permis de modifier mon appréciation des faits, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave.
Avant de rappeler les motifs justifiant ce licenciement, je reviens sur les faits du 23 juin 2017, jour fixé pour l'entretien préalable à votre éventuel licenciement.
Espionnant la messagerie de la direction ([Courriel 9]) vous avez découvert l'embauche temporaire en CDD d'un Directeur chargé de me seconder dans la période difficile que traverse la société en raison de votre comportement et afin notamment de m'assister lors de votre entretien préalable prévu le 23 juin 2017 à 9H00.
Or en arrivant au bureau ce matin-là, j'ai eu la surprise de découvrir dans la salle d'attente une personne qui s'est présentée comme Inspectrice du travail, Mme [G] [K] et a aussitôt demandé à voir le registre du personnel, les contrats de travail des personnes travaillant dans l'entreprise.
J'ai alors expliqué que je devais tenir deux entretiens préalables successivement à 9H et 10H, mais l'Inspectrice a insisté pour que je lui fournisse sur le champ les documents demandés et en particulier le contrat de travail du nouveau directeur ainsi que sa déclaration d'embauche. Ce que j'ai fait sans difficulté et qui n'a pas manqué de la surprendre, tant il est évident qu'elle s'attendait à trouver un salarié non déclaré.
Son insistance à passer avant les entretiens préalables, comme s'il y avait un péril imminent, ne s'explique que par l'objectif d'évincer le nouveau directeur avant le démarrage des entretiens. Il ne peut pas y avoir de coïncidence à un tel contrôle qui est évidemment le fruit d'une dénonciation aussi opportuniste que mal fondée et mal intentionnée. L'inspectrice du travail est d'ailleurs totalement sortie de son rôle en m'interrogeant sur la cause de ces deux convocations et m'incitant à ne pas vous licencier, alors qu'elle n'a aucune compétence en la matière puisque, à ma connaissance, vous n'êtes pas un salarié protégé. Même si je ne peux évidemment pas prouver que vous êtes à l'initiative de ce contrôle, personne n'est dupe.
Alors que vous aviez la possibilité de vous faire assister par un Conseiller du salarié comme c'est mentionné dans la lettre de convocation que vous avez reçue, vous avez choisi une stratégie pour me déstabiliser le jour de l'entretien préalable afin de m'isoler en évinçant le Directeur que j'ai recruté pour m'assister, et pouvoir faire pression sur moi en vous assistant mutuellement et vous trouvant ainsi à deux face à moi seule.
C'est précisément ce que j'ai voulu éviter et je vois que mon intuition était bonne.
Si vous étiez de bonne foi et moins sûr de pouvoir me déstabiliser et me manipuler pour parvenir à vos fins comme vous le faites depuis des mois voire des années, vous auriez choisi de vous faire assister par un Conseiller du salarié, qui connaît parfaitement son rôle et le déroulement de ce type d'entretien.
Mais votre but n'était pas de vous défendre à cet entretien, dont vous connaissiez parfaitement le bien-fondé des griefs, ni même d'avoir un témoin. Votre but était de m'isoler pour tenter une nouvelle manoeuvre déloyale. C'est éminemment regrettable de découvrir son propre fils sous un tel jour.
Vous ne faites que persister dans votre comportement de refus de toute hiérarchie qui est précisément à l'origine de la procédure engagée à votre encontre. L'inspectrice du travail est repartie comme elle est venue, mais il est évident que j'en ai été perturbée.
Votre entretien préalable s'est ensuite déroulé conformément à la loi et vous vous êtes bien sûr fait assister par Monsieur [V], votre collègue et surtout votre associé.
Je vous ai exposé mes griefs et reçu vos explications.
Lors de cet entretien, vous vous êtes montré extrêmement agressif et grossier à l'égard du nouveau directeur dont vous n'acceptiez pas la présence et vous lui avez manqué de respect à plusieurs reprises, avec une volonté manifeste de provoquer un incident. Votre collègue et associé [X] [V], y est parvenu ensuite, puisque vous aviez préparé le terrain. Cette attitude reflète bien votre état d'esprit d'insubordination.
Après l'inspection du travail, vous et votre collègue et associé n'avait reculé devant aucune limite en faisant venir la police dans la même matinée, le jour même de votre entretien préalable. Les policiers ont évidemment constaté qu'ils s'étaient déplacés pour rien. Finalement, ces événements mettent en évidence votre véritable personnalité incontrôlable et refusant toute hiérarchie.
Voici la liste difficilement exhaustive des nombreux griefs que je formule à votre encontre. Certains sont communs avec Monsieur [X] [V] car vous avez agi conjointement et êtes donc co-responsables tandis que d'autres vous sont strictement personnels :
- Depuis la création avec Monsieur [X] [V] de votre société GROUPE
PULSAR, en date du 22 avril 2015, dont l'objet social est directement concurrentiel de l'activité de GTI, vous n'avez cessé de détourner progressivement les dossiers de GTI vers PULSAR. Vous avez abusé de ma confiance car malgré tous les reproches dont vous m'accablez dans votre pluie de courriers recommandés AR de ces derniers mois, j'avais pourtant choisi de vous aider dans votre création d'entreprise en acceptant de signer au nom de GTI, avec votre société GROUPE PULSAR, une convention d'assistance au développement et à la maitrise d'ouvrage, en date du 01/10/2015 (opération SB1). Cette convention vous a permis de percevoir via votre société la somme de 150.000 € H.T. à titre d'honoraires, versée au mois de Janvier 2017, non sans mettre en difficulté la trésorerie de GTI.
- Nous avons aussi constitué deux sociétés civiles de construction vente dont je suis seule gérante puisque j'apporte la caution de GTI sur ces programmes :
* la SCCV COEUR DE BASTIDE, composée de 3 associés : 48,70% GTI (fonds propres + caution), 5% ANAXAGO (fonds propres) et 46,30% PULSAR (ni caution, ni fonds propres), relative à un programme immobilier situé dans le [Adresse 17] a [Localité 7],
* la SCCV LE GREEMENT : 51% GTI (fonds propres + caution) et 49% PULSAR (ni caution, ni fonds propres), relative à un programme immobilier situé à [Localité 16] (opération SB2).
Des conventions de 'Management Fees' ont de surcroît été conclues entre GTI et ces deux SCCV. La caution de GTI a permis d'obtenir les concours bancaires.
Alors que je suis seule, vous agissez sans me consulter en outrepassant en permanence la gérance. Vous utilisez en permanence votre qualité d'associé de PULSAR pour vous affranchir du lien de subordination qui demeure entre vous et GTI. Ainsi, alors que GTI vous paie pour le suivi et le bon avancement de ces deux opérations GTI, vous vous positionnez systématiquement en qualité d'associé de PULSAR dès qu'il s'agit de respecter mon autorité. Vous ne supportez plus le statut de salarié. Je l'ai compris et j'ai d'ailleurs tout fait pour m'effacer afin de jouer le jeu et vous laisser prendre votre envol. Mais je n'imaginais pas que vous n'auriez de cesse de me critiquer, d'abuser de ma confiance en travaillant dans les locaux de GTI et sur le matériel informatique de GTI pour votre propre compte, en verrouillant vos ordinateurs par des mots de passe inconnus de moi, en utilisant sans scrupules le logiciel comptable de GTI pour tenir la comptabilité de PULSAR, en me court-circuitant et en m'écartant des dossiers dont vous avez le culot d'affirmer qu''ils seraient désormais les vôtres, bref en voulant me pousser vers la sortie ce que j'ai refusé. Votre attitude a beaucoup changé depuis que vous n'êtes plus seulement des salariés de GTI et pour parler familièrement, 'vous avez pris la grosse tête mais sans en avoir les épaules' en particulier sur le plan financier. C'est pourquoi vous avez essayé de me faire signer toute sorte de contrats et protocoles que j'ai repoussés. C'est mon droit, ne vous en déplaise. Votre comportement est absolument intolérable et caractérise l'insubordination.
- Signature de Permis de Construire sans avoir la qualité de gérant : sur le dossier COEUR DE BASTIDE, vous avez signé la demande de PC et le modificatif pour le compte de la SSCV alors que seule Mme [C] [I] en est gérante et peut signer un tel document essentiel. C'est une faute et un acte d'insubordination puisque
vous outrepassez vos fonctions.
- Violation de la mise à pied conservatoire : vous vous êtes présenté pendant votre mise à pied conservatoire sur le chantier COEUR DE BASTIDE pour le 'méchoui de
fin de gros oeuvre' organisé par l'entreprise générale. Vous ne pouviez pas y aller au
titre de la SCCV alors que j'en suis la seule gérante. Il vous appartenait de m'en avertir. Cela prouve la confusion des rôles que vous jouez en permanence pour vous affranchir des règles lorsque cela vous arrange, alors que vous ne cessez de me donner des leçons de droit à coup de lettres recommandées AR. Commencez donc
par vous appliquer vos propres principes.
- Dossier [P] : manquement à l'obligation de loyauté : ce dossier a démarré chez GTI avant de se retrouver chez PULSAR. De nombreux plans sont dans
les dossiers conservés dans les locaux de GTI. Ce dossier a été présenté à GTI par
un apporteur d'affaires qui ne connaissait pas PULSAR mais bien GTI. Si vous avez
pu travailler sur ce dossier, c'est uniquement en votre qualité de collaborateurs de GTI. PULSAR étant trop jeune et avec un capital ridiculement faible, vous avez été obligé de vous rapprocher de MARIGNAN, gros acteur de la promotion immobilière qui s'implante à [Localité 7], afin de monter le projet sans GTI. Les contacts avec MARIGNAN avaient été initiés par GTI comme le prouvent plusieurs documents en notre possession. C'est un détournement de dossier manifeste doublé d'un manquement à votre obligation de loyauté, constituant une faute grave.
- Opération immobilière [Adresse 11], appelé dossier [DM] : ce dossier est arrivé chez GTI qui a fait la promesse d'achat avec levée d'option avec versement d'un séquestre de 12.500€ entre les mains du notaire du vendeur. C'est encore GTI qui a déposé la demande de permis de construire, le 8/02/2017, signée par [B] [I] sans aucune qualité pour agir. Depuis, il m'est impossible d'obtenir de la part d'aucun de vous deux la copie de ce permis de construire. De nombreux modificatifs ont été déposés qui ne figurent pas au dossier de GTI. Tout comme l'ensemble du dossier papier et le dossier informatique qui ont totalement disparu des locaux et des ordinateurs de GTI. Rien d'étonnant quand on voit l'ardeur que vous déployez pour récupérer ce dossier au profit exclusif de PULSAR depuis des
semaines.
Vous m'avez ainsi adressé par courrier en date du 5 mai 2017 un protocole d'accord
portant sur la cession d'un projet immobilier, avec des conditions financières inacceptables sans un minimum de réflexion, en exerçant sur moi une pression terrible
afin que je le signe sans délai. J'ai demandé à réfléchir le temps de consulter mon conseil et vous vous êtes alors déchainés par une pluie de menaces et de lettres recommandées AR aussi excessives qu'ineptes. Je comprends votre empressement
car vous avez été un peu vite en besogne puisque la facture de l'architecte a été adressée à votre société PULSAR et non pas à GTI ! C'est la preuve là encore que vous avez annoncé aux tiers la reprise du dossier par PULSAR alors qu'il n'en est rien.
Ce comportement constitue un détournement de dossier doublé d'un manquement à votre obligation de loyauté, ce qui constitue une faute grave.
- Non-respect du protocole SCCV COEUR DE BASTIDE et M. [Z] Mme [F] en date du 21/09/2016 : vous n'avez pas suivi ce protocole qui prévoyait le remplacement de fenêtres avec vue directe par des fenêtres de toit (type vélux). Les bénéficiaires de l'engagement se sont plaints récemment de l'existence d'une fenêtre de façade visible en violation du protocole. Ces manquements dont certains sont irrattrapables vont générer des frais d'indemnisations supplémentaire. En qualité de responsable de programme, il vous appartenait de veiller au respect de ce protocole qui engage GTI.
- Chantier COEUR DE BASTIDE : un puits recueillant l'écoulement des eaux pluviales du voisin, la société HADES a été bouché. La société HADES avait pourtant écrit et proposé à GTI de faire des travaux pour dévier l'écoulement des eaux sur son propre terrain, mais vous n'en avez pas tenu compte. Conséquence : le voisin vient de se plaindre d'une importante inondation de son entrepôt. Il s'agit d'une faute grossière pour un responsable de programme.
- Menaces et chantage par vos multiples lettres recommandées AR constitutives d'un véritable harcèlement moral à l'égard de votre employeur à travers ma personne, [C] [I], en ma qualité de représentante légale de la société GTI, en tentant d'abuser de ma faiblesse découlant de plusieurs facteurs : le lien de filiation qui vous unit à moi et dont vous avez cru qu'il vous autorisait tout, la fatigue physique et nerveuse liée à mon âge et à la pression des affaires en cours, la santé fragile de votre père (multiples AVC), et mes propres soucis de santé ayant nécessité mon hospitalisation du 14 au 22 juin 2017, ce que vous saviez parfaitement et qui rend encore plus inacceptable votre stratégie du 23 juin 2017.
- Confusion permanente des rôles en mélangeant volontairement vos qualités de salariés de GTI et associés de PULSAR pour vous affranchir de tout lien de subordination et vous autoriser un comportement inadmissible au sein de GTI. C'est ainsi que vous travaillez depuis plus de 2 ans au développement de votre propre société GROUPE PULSAR tout en étant rémunérés par GTI, en transférant sans vergogne les dossiers de GTI vers PULSAR. Et vous n'hésitez pas à me dire droit dans les yeux avec un cynisme inouï que vous quitterez GTI lorsque PULSAR aura les moyens de vous payer.
C'est donc GTI qui assume le risque économique de votre création d'entreprise tout en se faisant dépouiller !
- Ainsi, par deux autres lettres recommandées AR quasiment identiques en date du
17/05/2017 encore (objet : contrat de travail, 8 pages) vous semblez vous plaindre d'avoir été dans la nécessité de participer au développement de l'activité de ma société / de 'ramener du travail' dans l'intérêt de I'emploi. Vous oubliez que vous êtes payé pour cela, que c'est le rôle normal d'un collaborateur de votre niveau, cadre de surcroît puisque c'est votre statut et que vous le revendiquez à juste titre malgré la suspension temporaire de votre statut cadre qui s'est prolongée à mon insu par la faute de Monsieur [V], juriste qui n'a pas assuré le suivi de vos propres dossiers, trop occupé par ses ambitions personnelles plus que par GTI. Vous faites état de 'votre réseau d'architectes, d'apporteurs fonciers et autres entrepreneurs du bâtiment' / 'd'anciens étudiants de l'Université'. Vous oubliez encore que ce réseau est d'abord le mien et celui de ma société, et donc celui que vous avez pu développer en votre qualité de collaborateur de GTI.
Vous écrivez avec une prétention ahurissante : 'Nous avons été à l'origine des projets suivants :
* Opération de [Localité 12], '[Localité 14]' 2010.
* Opération 'LES MAGNOLIAS', [Adresse 21].
* Opération 'LA VOILE BLANCHE', [Adresse 18] (17).
* Opération '[Adresse 13]', [Adresse 18] (17).
Alors que GTI est une petite entreprise familiale, comment pouvez-vous prétendre être à l'origine de ces projets alors que vous travaillez et êtes rémunérés par GTI. Vous faisiez votre travail, à moins que vous vous considériez comme des travailleurs indépendants.
C'est original et très révélateur.
- Vous poursuivez en me faisant le reproche suivant en page 2 : '(...) aucun projet n'a été développé directement ou indirectement par vos soins en qualité de gérante de la structure'. Ainsi, oubliant définitivement le lien de subordination, vous vous posez en censeurs du représentant légal de votre employeur, évaluant trop faible son implication en tant que gérant et le ravalant au rôle de simple actionnaire. De quel droit portez-vous un tel jugement' Depuis quand un salarié évalue-t-il le travail du gérant de la société qui l'emploie ' A moins que ce salarié ne se considère plus salarié et s'exonère en permanence du lien de subordination. Auquel cas, I'employeur peut en tirer les conséquences et vous sanctionner pour insubordination caractérisée. C'est un des principaux griefs que je vous fais et que vous assumez conjointement par vos deux courriers parallèles et identiques à mon attention.
- Menaces et chantage pour forcer la conclusion de la rupture conventionnelle de votre contrat de travail : vous avez déposé sur mon bureau la veille de l'entretien préalable un courrier de 2 pages m'exposant vos conditions financières pour sortir à l'amiable du litige qui nous oppose au plan du droit social et au plan du droit commercial, en soulignant que votre volonté initiale (remontant au 5 mai 2017) portait sur une somme de 50 000 euros chacun, que vous avez ramenée à 20 000 euros chacun dans le dernier document remis, la différence devant être versée à PULSAR, en sollicitant une rupture conventionnelle dans le cadre de laquelle vous projetiez une fin des contrat de travail au 15 septembre 2017, avec de nombreuses conditions et avantages à votre profit sur le plan du matériel conservé et des dossiers en cours transférés. Ceci révèle tout simplement votre volonté déterminée de quitter GTI pour vous consacrer à votre société GROUPE PULSAR, sans vouloir démissionner. C'est dans ce but que vous me harcelez depuis des mois et que vous avez provoqué cette crise. Ce comportement constitue un manquement à votre obligation de loyauté et est une faute grave.
Votre comportement ne permet pas la poursuite du contrat de travail pendant le préavis et constitue une faute grave, privative du préavis et de l'indemnité de licenciement.
En conséquence, les jours de mise a pied conservatoire ne seront pas payés, ni aucun maintien de salaire assuré puisque l'arrêt de travail est postérieur à la mise à pied conservatoire.
[...] ».
Sur la prescription des demandes
24. La société GTI soutient que les demandes de M. [I] sont prescrites en application de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui dispose que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture, ces dispositions étant applicables aux prescriptions en cours à compter du 23 septembre 2017 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Elle considère que l'action de M. [I] a été engagée le 1er octobre 2018, date de la réinscription de l'affaire au rôle du conseil de prud'hommes en suite de sa radiation le 25 septembre 2018 pour défaut de diligences du demandeur, soit après le délai de prescription de douze mois expirant le 23 septembre 2018 en application de l'ordonnance du 22 septembre 2017.
25.M. [I] réplique qu'il a saisi le conseil de prud'hommes le 6 décembre 2017 et que la décision de radiation rendue le 25 septembre 2018 n'a pas mis fin à l'instance mais l'a seulement suspendue, de sorte que ses demandes ne sont pas prescrites.
Réponse de la cour
26. L'article 377 du code de procédure civile dispose que l'instance est suspendue par la décision qui radie l'affaire.
Il en résulte que la radiation n'emporte pas l'extinction de l'instance mais seulement sa suspension, et qu'elle est sans effet sur la poursuite de l'interruption de la prescription à la suite de l'introduction de l'instance.
27. M. [I] a été licencié par lettre du 20 juillet 2017. En application des dispositions de l'ordonnance du 22 septembre 2017, le délai de prescription de douze mois expirait le 23 septembre 2018.
Dès lors, le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes par requête reçue au greffe le 6 décembre 2017, son action n'est pas prescrite.
Sur la demande de sursis à statuer
28. La société GTI sollicite, au visa des articles 73 et 378 du code de procédure civile, qu'il soit sursis à statuer sur les demandes de M. [I] jusqu'à l'issue des plaintes pénales qu'elle a déposées à son encontre pour vol de données informatiques et faux, usage de faux et escroquerie, considérant que l'issue de celles-ci 'pourrait apporter un nouvel éclairage à la cour pour forger son opinion'.
29. M. [I] s'oppose à la demande, faisant valoir que la lettre de licenciement n'évoque aucun grief relatif à la destruction de données informatiques et que la plainte pour faux, qui concerne le bilan prévisionnel de l'opération Canopée signé de Mme [I] produit en 2019 dans la procédure commerciale opposant la société GTI à la société Groupe Pulsar, n'a pas de lien avec son licenciement prononcé 2 ans auparavant.
Il invoque en outre l'expertise graphologique qu'a fait réaliser la société Groupe Pulsar, qui a conclu de façon certaine que Mme [I] était bien la signataire du document litigieux, et relève que la chambre commerciale de la cour d'appel, dans son arrêt rendu le 26 septembre 2022, a retenu que la société GTI contestait vainement l'authenticité de la signature de Mme [I] au regard de cette expertise.
Réponse de la cour
30. La cour relève en premier lieu que si la société GTI produit sa plainte avec constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction de [Localité 7] en date du 28 juin 2019 pour vol de données informatiques et son courrier de plainte pour faux, usage de faux et escroquerie, adressé au procureur de la République de [Localité 7] le 21 janvier 2025, il ne ressort d'aucun élément versé par les parties que ces procédures pénales seraient toujours en cours.
31. En deuxième lieu, la cour constate d'une part, que la lettre de licenciement ne vise pas, au titre des griefs reprochés à M. [I] à l'appui de son licenciement, la destruction ou le vol de données informatiques et, d'autre part, que la plainte pour faux déposée le 21 janvier 2025 vise le bilan prévisionnel afférent à l'opération immobilière Canopée, pièce produite le 18 juillet 2019 par la société Groupe Pulsar à l'appui de sa demande indemnitaire formée devant la juridiction commerciale, demande à laquelle a fait droit la cour d'appel dans son arrêt rendu le 26 septembre 2022.
Le document concerne ainsi les relations d'affaires qu'ont pu entretenir les deux sociétés et la suite pénale qui pourrait être donnée à la plainte pour faux est sans influence sur l'appréciation par la cour du bien fondé du licenciement de M. [I].
En outre, ce dernier produit l'expertise en écritures réalisée à la demande de la société Groupe Pulsar par M. [W], expert honoraire près la cour d'appel de Bordeaux, qui a conclu que la signature figurant sur le document litigieux a bien été apposée par Mme [I]. La société intimée ne produit aucune pièce permettant de remettre en cause cette expertise.
32.Enfin, la bonne administration de la justice commande qu'il soit statué sur le bien-fondé du licenciement de M. [I] prononcé il y a plus de 8 ans, sans attendre le résultat hypothétique des plaintes déposées par la société GTI plusieurs mois, voire années, après la rupture du contrat de travail du salarié.
La demande de sursis à statuer sera en conséquence rejetée.
Sur le bien-fondé du licenciement
33. L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même temps à l'exercice de poursuites pénales.
34. L'appelant conteste l'ensemble des griefs invoqués à son encontre par l'employeur, dont certains selon lui sont prescrits, tandis que de leur côté, la société GTI et l'AGS les considèrent établis par les pièces versées par l'employeur et constitutifs d'une faute grave.
35.Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur invoque les griefs suivants :
- la signature par M. [I] d'un permis de construire pour le compte de la SCCV Coeur de Bastide
36. La société GTI reproche à M. [I] d'avoir signé une demande de permis de construire et un modificatif pour le compte de la SCCV Coeur de Bastide, alors que seule Mme [I], en sa qualité de gérante, pouvait signer.
Pour en justifier, elle vise dans ses conclusions ses pièces 34, 2, 8, 17 et J.
37. La cour constate que ne figure pas dans les pièces de la société de demande de permis de construire déposée pour le compte de la SCCV Coeur de Bastide ni le récépissé d'une telle demande.
En revanche, la société produit (pièce U) un tableau recensant ses programmes immobiliers mentionnant que la demande de permis de construire pour le programme Coeur de Bastide a été déposée le 26 octobre 2015 et le permis délivré à la SCCV le 18 janvier 2016.
Comme le fait valoir à juste titre le salarié, ce fait qui remonte à plus de 2 mois avant l'engagement de la procédure de licenciement est prescrit.
Ce grief doit être écarté.
- le non respect d'un protocole d'accord signé entre la SCCV Coeur de Bastide et M. [Z] le 21 septembre 2016
38. La société GTI reproche à M. [I] de ne pas avoir vérifié en sa qualité de responsable de programme le respect du protocole d'accord, M. [Z] s'étant plaint de l'inexécution des travaux convenus.
39. La cour constate que ce protocole d'accord a été conclu entre la SCCV Coeur de Bastide, maître d'ouvrage, et M. [Z], propriétaire voisin de l'immeuble devant être construit, la société s'engageant, en contrepartie de la renonciation de M. [Z] à tout recours contre le permis de construire, à poser une clôture en bois destinée à modérer les éventuelles vues entre la propriété de M. [Z] et le futur immeuble, à rénover un mur séparatif et à remplacer dans le projet les fenêtres de façade, visibles depuis le jardin de M. [Z], par des fenêtres de toit.
40.L'intimée n'explique pas et ne justifie pas en quoi M. [I], en sa qualité de responsable de programme salarié de la société GTI, aurait dû veiller à la bonne exécution des engagements souscrits par la SCCV Coeur de Bastide, société tierce.
Le grief ne peut être retenu.
- la plainte de la société Hades relatif au chantier C'ur de Bastide
41. Par mail du 30 juin 2017, la société Hades a informé la société GTI d'un dégât des eaux survenu dans ses locaux, en lien avec les travaux de construction en cours que la SCCV Coeur de Bastide, maître d'ouvrage, faisait réaliser.
42. La cour constate là encore que la société mise en cause est la SCCV Coeur de Bastide, l'employeur ne justifiant pas que M. [I] avait pour mission, dans le cadre de son contrat de travail, de veiller à la bonne réalisation des travaux diligentés par cette société.
Au surplus, le sinistre est survenu alors que le salarié était mis à pied à titre conservatoire.
Le grief ne peut être retenu.
- la violation de la mise à pied conservatoire
43. M. [I] justifie qu'il a été invité au repas de fin du chantier Coeur de Bastide en sa qualité de représentant de la société Groupe Pulsar par un courrier de l'entreprise Sima en date du 22 juin 2017 (pièce 13 de l'appelant). Il ne s'y est donc pas rendu en qualité de salarié de la société GTI.
Ce grief n'est pas établi.
- le détournement du dossier [D] au profit de la société Groupe Pulsar
44. L'employeur affirme que le projet aurait démarré auprès de la société GTI et aurait été détourné par M. [I] au profit de sa société.
45. M. [I] réplique que M. [O], dirigeant de la société Sogestran, apporteur d'affaires, a présenté le projet à sa société Groupe Pulsar, laquelle a sollicité la société GTI pour une éventuelle co-promotion mais que la société GTI n'a pas donné suite.
Il produit l'attestation de M. [O] en date du 24 juillet 2017, qui déclare :
'En raison de ma très grande proximité avec le représentant et le président de la société BORIE MANOUX, j'ai pris connaissance du projet de cession des chais de la société [A] [H], [Adresse 6] [Localité 7]. Au cours de l'année 2015, j'ai présenté, en tant qu'apporteur d'affaires, ce dossier aux représentants de la société Groupe PULSAR en raison de la confiance qu'ils m'inspiraient, pour avoir eu l'occasion de les voir s'exprimer en rendez-vous, sachant à mes yeux qu'ils étaient les seuls en raison de leur aptitude et leur sérieux à pouvoir convaincre le propriétaire des lieux. Je précise que cette représentation aux représentants de la société Groupe Pulsar a été faite à elle seule et non à la société GTI. Messieurs [Y] et [V] ont donc demandé sans délai à un architecte l'établissement d'une étude de faisabilité qui a permis alors de confirmer leur intérêt pour ce dossier.
Immédiatement après la réalisation de cette étude, Monsieur [Y] m'a demandé si je voyais un inconvénient à ce que ce dossier soit mené en association avec la société Groupe Triangle Investissement, représentée par Madame [Y], mère de [B] [S] motivation de Monsieur [Y] était alors parfaitement louable, puisqu'il s'agissait de faire profiter à la société dont sa mère était actionnaire majoritaire, d'un dossier au centre de [Localité 7].
J'ai donc rencontré la société GTI et sa représentante légale qui m'a fait part de son intérêt de principe pour ce dossier, puis dans un second temps à l'occasion d'une réunion au siège de la société GTI, m'a fait part qu'elle ne souhaitait pas donner suite en raison du manque de fonds propres de la société GTI.
Je précise que les travaux préparatoires aux études, avec la société Groupe Pulsar ont été réalisés exclusivement les vendredis après-midi, en raison des emplois du temps de Messieurs [V] et [Y] (...)'.
L'appelant produit également le justificatif de l'achat par la société Cristal Chartrons de l'ensemble immobilier appartenant à la société [D], par acte authentique du 27 juillet 2017.
46. La société GTI ne produit aucune pièce qui démontrerait que le projet aurait 'démarré' auprès d'elle, son affirmation étant démentie par l'attestation de M. [O]. Elle ne justifie d'ailleurs d'aucune démarche dans ce projet, offre d'achat, étude de faisabilité ou demande de permis de construire, ni même d'un contact avec la société [D].
Le projet ayant été présenté directement à la société Groupe Pulsar, il ne peut dès lors être reproché à M. [I], en sa qualité de salarié de la société GTI, d'avoir détourné le projet au profit de sa société.
Le grief n'est pas établi.
- le détournement du projet [Adresse 19] à [Localité 16] (projet 'Canopée' ou 'Les balcons du Rempart')
47. En premier lieu, la cour constate que cette opération immobilière n'a pas été 'captée' par la société Groupe Pulsar puisque la société GTI en est le promoteur (pièce 29 de l'appelant) par le biais de la SCCV Les Balcons du Rempart qu'elle a créée le 14 février 2018.
En deuxième lieu, le différend opposant la société Groupe Pulsar à la société GTI quant à une co-promotion du projet a été tranché définitivement par la cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 26 septembre 2022, qui, retenant l'existence de la co-promotion, a jugé que la société GTI avait commis une faute en évinçant la société Groupe Pulsar de l'opération.
M. [I] produit en outre l'attestation de Mme [M], représentant l'agence immoblière, qui indique avoir présenté aux dirigeants de la société Groupe Pulsar, et en aucun cas à la société GTI, le terrain appartenant à EDF, et celle de l'architecte, M. [T], qui déclare avoir été contacté en 2015 par la société Groupe Pulsar pour réaliser une étude capacitaire dudit terrain.
Ces attestations, qu'aucun élément objectif ne permet de remettre en cause, prouvent que la société GTI n'était pas à l'origine du projet, et que M. [I] en avait eu connaissance en sa qualité de dirigeant et d'associé de sa société Groupe Pulsar.
48. Aucun détournement par le salarié au profit de sa société n'est en conséquence établi et la société GTI ne peut lui reprocher, au titre d'un manquement à l'obligation de loyauté découlant de son contrat de travail, le courrier qu'il lui a adressé le 15 mai 2017 en sa qualité de représentant de la société Groupe Pulsar lui proposant un protocole d'accord destiné à régler le différend opposant les deux sociétés.
Le grief n'est pas établi.
- son insubordination et la confusion permanente entre ses rôles de salarié et d'associé de la société Groupe Pulsar auprès des tiers
49. Pour justifier du grief d'insubordination, l'intimée produit :
- une attestation de M. [U] qui déclare 'avoir constaté qu'[X] [V] et [B] [I] avaient organisé leur travail pour empêcher tout contrôle de leur activité' (pièce 29),
- l'invitation de l'entreprise Sima au repas de fin du chantier Coeur de Bastide adressée à la société GTI par mail du 13 juin 2017 (pièce L),
- le courrier de M. [I] en date du 17 mai 2017 relatif aux cotisations cadre non versées par la société depuis le 1er janvier 2011(pièce 7).
50. L'attestation de M. [U] n'est pas probante dans la mesure où ce dernier, engagé en qualité de directeur de la société GTI à compter du 22 juin 2017, soit la veille de l'entretien préalable et 3 jours avant la mise à pied à titre conservatoire de M. [I], ne peut témoigner utilement du comportement du salarié au cours de la relation de travail.
Par ailleurs, comme il a été précédemment énoncé, M. [I] a été invité au repas de fin de chantier en qualité de représentant de la société Groupe Pulsar et n'avait ainsi aucune obligation d'avertir son employeur de sa présence à ce repas.
Enfin, la réclamation du salarié relative à son statut de cadre ne saurait constituer un acte d'insubordination.
Le grief d'insubordination n'est pas établi.
51. Concernant la confusion des rôles de salarié et d'associé que M. [I] aurait entretenue, elle ne ressort d'aucune des pièces produites par l'intimée.
Il convient au surplus de rappeler que la société Groupe Pulsar a été créée en accord avec la société GTI qui lui a confié une mission d'assistance à développement et maîtrise d'ouvrage et s'est associée avec elle dans des sociétés civiles de construction vente pour la réalisation des programmes immobiliers, ces montages étant en eux-mêmes source de confusion pour les tiers quant au rôle de chacune des sociétés.
Il ne peut en conséquence être reproché à M. [I] d'avoir sciemment entretenu la confusion entre ses qualités de salarié de la société GTI et d'associé et dirigeant de la société Groupe Pulsar.
Ce grief n'est pas établi.
- le chantage, la manipulation, les menaces, le manque de respect et l'abus de faiblesse envers Mme [I], dirigeante de La société GTI
52. Pour justifier de ce grief, la société GTI invoque les courriers que lui a adressés M. [I] les 17 mai 2017 (pièce 7 de l'intimée) et 22 juin 2017 (pièce X de l'intimée).
53. Toutefois, M. [I] produit une attestation datée du 25 juillet 2017 de M. [O] (pièce 9) qui déclare :
'Le 15 mai 2017, en fin de matinée, je me suis déplacé au siège de la société GTI [Adresse 4] aux fins de déjeuner avec Messieurs [V] et [I] pour leur présenter un nouveau projet immobilier.
J'ai alors attendu devant la porte d'entrée du bureau, Messieurs [V] et [I] étant en conversation avec leur employeur, Madame [I].
Le bureau de la direction étant à quelques mètres de la porte d'entrée, j'ai très distinctement entendu la conversation qui est devenue très animée.
Monsieur [V] demandait alors à Madame [I] de bien vouloir honorer les cotisations de son statut de cadre. J'ai alors compris qu'il existait entre eux un contentieux à cet égard.
Madame [I] a alors dit à Monsieur [V] et à Monsieur [I] qu'elle souhaitait que ceux-ci quittent l'entreprise, dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
Monsieur [V] a alors répliqué à Madame [I] qu'une rupture conventionnelle imposait nécessairement que la perte de leur statut cadre soit indemnisée ainsi que toutes les années pendant lesquelles Messieurs [V] et [I] prétendaient avoir été sur 2 postes.
Je n'ai pas compris ce que cela signifiait.
Madame [I] a alors indiqué à Monsieur [V] et à Monsieur [I] qu'ils devaient choisir entre une rupture conventionnelle et les frais de gestion de deux opérations qui se trouvaient à [Localité 16].
Monsieur [V] et Monsieur [I] se sont mis en colère en expliquant que
c'était tout simplement du chantage.
Madame [I] n'a pas répondu.
Monsieur [I] a alors interrogé Madame [I] sur un projet appelé '[DM]' en lui demandant si elle entendait poursuivre le projet de co-promotion.
Elle a répondu qu'elle n'entendait pas le réaliser mais qu'à défaut d'accord sur une rupture conventionnelle, elle pourrait le vendre à un concurrent (...)'.
54. Il apparaît ainsi que Mme [I] souhaitait le départ de MM. [I] et [V] de l'entreprise, conditionnant la conclusion d'une rupture conventionnelle et le versement d'une indemnité au salarié à l'abandon par la société Groupe Pulsar de ses réclamations dans les opérations immobilières menées conjointement.
Les courriers des 17 mai et 22 juin 2017 sont une réponse aux exigences formulées par la société GTI, MM. [I] et [V] les estimant injustifiées et posant leurs conditions pour accepter la rupture conventionnelle de leur contrat de travail.
Outre que ces courriers ne contiennent aucun propos irrespectueux ou menaçants, ils ne sauraient être qualifiés de chantage.
Par ailleurs, aucune pièce probante ne démontre que M. [I], en sa qualité de salarié, aurait abusé de la faiblesse de son employeur.
Il convient au demeurant de relever que l'état de faiblesse de la dirigeante de la société GTI, alléguée par l'intimée, ne l'a pas empêché de tenter d'évincer la société Groupe Pulsar des opérations de promotion immobilière menées en commun, agissements pour lesquels la société GTI a été condamnée par la chambre commerciale de la cour d'appel.
Enfin, les relations personnelles conflictuelles entretenues par Mme [I] avec son fils ne sauraient justifier son licenciement pour faute grave.
55. Aucun des griefs invoqués à l'appui du licenciement pour faute grave n'étant démontré, la cour, par infirmation du jugement déféré, dit que le licenciement de M. [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes financières de M. [I]
56. Les créances justifiées de M. [I] s'élèvent aux sommes suivantes :
- 3 153,32 euros brut au titre du salaire impayé pendant la mise à pied conservatoire,
- 11 824,98 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice du préavis de 3 mois, étant relevé que l'appelant ne réclame pas d'indemnité de congés payés sur ces sommes.
57. En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable au litige, M. [I] peut prétendre à une indemnité pour licenciement abusif correspondant au préjudice subi, la société GTI employant moins de 11 salariés.
L'appelant ne produit aucune pièce de nature à justifier l'étendue de son préjudice.
Au regard de son ancienneté dans l'entreprise, de son âge, des activités qu'il exerce par ailleurs dans le cadre de sa société, la cour estime son préjudice découlant de la rupture de son contrat de travail à la somme de 30 000 euros.
58. La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation sera rejetée, l'appelant n'apportant aucune preuve du préjudice qu'il allègue.
59.Les créances de M. [I], nées antérieurement au jugement prononçant le redressement judiciaire de la société GTI, seront fixées au passif de la société.
Sur la demande du salarié de régularisation des cotisations auprès de la caisse des cadres
60. La société intimée produit l'attestation de son expert-comptable (pièce SS) qui indique que la société est à jour du règlement des cotisations dues à la caisse de retraite des cadres pour MM. [V] et [I], les régularisations ayant été effectuées le 15 août 2017.
Elle produit également le bulletin de paie du salarié du mois de juillet 2017 mentionnant les cotisations régularisées.
Réponse de la cour
61.La demande formulée par M. [I] n'est dès lors pas fondée, et le jugement déféré qui l'a rejetée sera confirmé.
Sur les autres demandes
62. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la SCP Silvestri-Bauget en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan dans la mesure où aucune demande n'est formulée à son encontre.
63. Les dépens de l'instance seront fixés au passif de la société GTI, partie perdante et il sera alloué à M. [I] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés, sa créance, née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, devant être fixée au passif de la société GTI qui ne peut être condamnée à son paiement.
64. Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 7], dans les limites de sa garantie prévues aux articles L. 3253-8 et L. 3253-17 du code du travail, laquelle ne couvre pas les dépens et l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Se déclare valablement saisie,
Déclare recevables les demandes de M. [I],
Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave, l'a débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a laissé à la charge de chacune des parties les dépens qu'elles ont exposés,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [I] est sans cause réelle et sérieuse,
Fixe les créances de M. [I] au passif du redressement judiciaire de la société Groupe Triangle Investissements aux sommes suivantes :
- 3 153,32 euros brut à titre de rappel de salaire,
- 11 824,98 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Fixe les dépens de l'instance au passif du redressement judiciaire de la société Groupe Triangle Investissements,
Déclare le présent arrêt opposable à l'Association Garantie des Salaires-CGEA de [Localité 7] dans la limite de sa garantie, laquelle exclut les dépens et l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par Evelyne Gombaud, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Evelyne Gombaud Sylvie Hylaire
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
--------------------------
ARRÊT DU : 28 OCTOBRE 2025
PRUD'HOMMES
N° RG 22/00738 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRIR
Monsieur [B], [N], [J] [I]
c/
S.A.S. GROUPE TRIANGLE INVESTISSEMENTS
S.C.P. SILVESTRI - BAUJET en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Groupe Triangle Investissements
UNEDIC (DELEGATION AGS-CGEA DE [Localité 7])
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Philippe LECONTE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de PARIS
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 janvier 2022 (R.G. n°F 18/01519) par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 11 février 2022,
APPELANT :
Monsieur [B], [N], [J] [I]
né le 24 juillet 1976 à [Localité 23]
de nationalité française
demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Claire MORIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SAS Groupe Triangle Investissements, en redressement judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]
S.C.P. SILVESTRI - BAUJET en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Groupe Triangle Investissements prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité [Adresse 3]
représentées par Me Philippe LECONTE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de PARIS et assistés de Me Catherine LAUDOU, avocat au barreau de l'AVEYRON
INTERVENANT :
UNEDIC (DELEGATION AGS-CGEA DE [Localité 7]) prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité [Adresse 2]
N° SIRET : 775 67 1 8 78
représentée par Me MOREAU substituant Me Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 septembre 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Catherine Brisset, présidente
Madame Laure Quinet, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
1. La société Groupe Triangle Investissements, ci-après la société GTI, créée le 5 novembre 2001 et présidée par Mme [C] [E] épouse [I], née en 1948, est une société exerçant une activité de holding dans le secteur financier et immobilier (agent commercial, promoteur constructeur, marchand de biens, étude de marché et de faisabilité, conseil en urbanisme, construction et implantation commerciale, maîtrise d'ouvrage déléguée et conduite d'opérations déléguée en tous corps d'état, audit d'aménagement, activité commerciale).
La société GTI a engagé :
- M. [B] [I], né en 1976, fils de Mme [I], en qualité de responsable de programme, statut cadre, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2002 ;
- M. [X] [V], né en 1975, en qualité de juriste d'entreprise par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2005, ayant accédé en 2006 au statut de cadre.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la promotion immobilière.
Par avenant du 15 décembre 2008, M. [I] a accepté une diminution de sa rémunération et a renoncé à bénéficier du statut de cadre pendant une période de deux années à compter du 1er janvier 2009.
2. Le 2 avril 2015, M. [I] et M. [V] ont créé la société par actions simplifiée Groupe Pulsar ayant une activité similaire à celle de la société GTI (prise de participation au sein de sociétés à vocation immobilière, promoteur, constructeur, marchand de biens, commercialisation de produits immobiliers, achat, vente, location de bâtiments neufs et anciens, industriels et privés).
M. [I] en est le président et M. [V] le directeur général.
Par convention signée le 1er octobre 2015, la société GTI a confié à la société Groupe Pulsar une mission d'assistance au développement et à la maîtrise d'ouvrage pour un projet immobilier dénommé ' la [Localité 10] Voile' situé sur le site de la vallée du [Localité 15] à [Localité 22] (86) ; pour la réalisation de ce projet, elles ont constitué entre elles le 19 novembre 2015, une société civile de construction vente, la SCCV Le Gréement, Mme [C] [I] en étant la gérante.
Elles ont également crée le 22 août 2015, une société civile de construction vente, la SCCV Coeur de Bastide, pour la réalisation d'un programme immobilier à [Localité 7], Mme [I] en étant aussi la gérante.
3. Par courrier daté du 5 mai 2017 remis en main propre le 15 mai, la société Groupe Pulsar, représentée par M. [B] [I], a soumis à la société GTI un protocole d'accord portant sur la cession d'un projet immobilier situé [Adresse 20], dénommé opération Canopée, projet pour lequel La société GTI était bénéficiaire d'une promesse de vente du terrain appartenant à EDF et avait déposé une demande de permis de construire.
Par courrier recommandé du 17 mai 2017, M. [I] a signalé à son employeur que les cotisations sociales versées par ce dernier ne correspondaient pas à son statut de cadre qui devait lui être à nouveau octroyé à compter du 1er janvier 2011 en vertu de l'avenant conclu le 15 décembre 2008.
Par lettre datée du 9 juin 2017, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 juin 2017.
Par courrier remis en main propre le 26 juin 2017, l'employeur lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
M. [I] a été placé en arrêt de travail pour maladie le 29 juin 2017.
Il a ensuite été licencié pour faute grave par lettre recommandée en date du 20 juillet 2017, la société GTI lui reprochant en substance de mélanger volontairement ses qualités de salarié de GTI et d'associé de la société Groupe Pulsar pour s'affranchir de tout lien de subordination, la violation de son obligation de loyauté par le détournement de dossiers au profit de sa société Groupe Pulsar, des menaces et chantage à l'égard de Mme [I] constitutives de harcèlement moral et d'abus de faiblesse et des manquements dans l'exécution de ses fonctions de responsable de programme.
M. [V] a également été licencié pour faute grave par lettre du 20 juillet 2017 pour des motifs similaires.
Les procédures commerciales initiées par la société Groupe Pulsar
4. Le 19 janvier 2018, la société Groupe Pulsar a fait assigner la société GTI, la société Le Gréement et la société Coeur de Bastide devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d'obtenir la nullité de plusieurs conventions de maîtrise d'ouvrage déléguée conclues entre les sociétés assignées, la nullité des conventions de 'management fees' passées entre la société GTI et les sociétés Le Gréement et Coeur de Bastide ainsi que leur condamnation au paiement des prestations exécutées par elle en vertu de conventions de gestion.
Par arrêt rendu le 13 décembre 2021, la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux a fait droit pour l'essentiel aux prétentions de la société Groupe Pulsar et a condamné :
- la société Le Gréement au paiement de la somme de 30 900 euros HT au titre des prestations accomplies par la société Groupe Pulsar,
- la société Coeur de Bastide au paiement de la somme de 41 655 euros HT au titre des prestations accomplies par la société Groupe Pulsar,
- la société GTI au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt rendu le 20 septembre
2023 par la Cour de cassation.
Le 5 janvier 2017 la société GTI a conclu une promesse de vente avec EDF portant sur un terrain situé [Adresse 8] à [Localité 16], en vue de la réalisation d'un programme immobilier dénommé opération Canopée.
Un permis de construire a été sollicité par la société GTI le 13 février 2017.
Par contrat conclu le 24 avril 2017, la société Groupe Pulsar a confié à la société d'architectes Ateliers [T] & Associés, une mission complète de conception et exécution portant sur ce programme immobilier.
Le permis de construire a été accordé à la société GTI le 10 août 2017.
En février 2018, la société GTI et la société Le Deck, dont la première est l'unique associée, ont créé une société civile de construction vente (SCCV) dénommée Les Balcons du Rempart qui a acquis le terrain cédé par EDF.
Le 26 novembre 2018, la société Groupe Pulsar a fait assigner la société GTI, la société Le Deck et la société Les Balcons du Rempart devant le tribunal de commerce de Bordeaux. Soutenant que le projet Canopée devait être réalisé en co-promotion et invoquant la faute commise par les sociétés assignées qui l'auraient écartée de l'opération, elle sollicitait l'indemnisation de la perte subie.
Par arrêt rendu le 26 septembre 2022 par la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux, les trois sociétés ont été condamnées in solidum à payer à la société Groupe Pulsar la somme de 327 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt rendu le 20 juin 2024 par la Cour de cassation.
Les plaintes pénales de la société GTI et de Mme [I]
5. Le 26 juin 2017, Mme [I] a déposé plainte contre son fils [B] [I] pour 'entrée ou maintien irrégulier dans un système informatique et fraude industrielle et commerciale', plainte classée sans suite le 16 janvier 2019.
Le 18 septembre 2017, elle a déposé plainte contre son fils pour des faits de violences, plainte classée sans suite le 12 juillet 2018.
Le 5 février 2018, la société GTI a déposé plainte auprès du commissariat de police de [Localité 7] contre M.[I] et M. [V] pour suppression frauduleuse de données contenues dans des ordinateurs de la société.
En l'absence de suite donnée à sa plainte par le procureur de la République, la société GTI a déposée plainte avec constitution de partie civile le 28 juin 2019 auprès du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Bordeaux pour vol de données informatiques à l'encontre de MM. [I] et [V].
Le 25 juillet 2019, la société GTI a déposé plainte auprès du commissariat de police de [Localité 7] pour faux et usage de faux à l'encontre de la société Groupe Pulsar au sujet de pièces produites par celle-ci le 18 juillet 2019 dans la procédure commerciale relative à l'opération Canopée, notamment un bilan financier prévisionnel relatif à l'opération que Mme [I] contestait avoir signé.
Le 21 janvier 2025, la société GTI et Mme [I] ont déposé plainte entre les mains du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bordeaux à l'encontre de M.[I] et de M. [V] pour faux et usage, escroquerie, tentative d'escroquerie, recel, blanchiment et tous autres, les plaignantes arguant de faux le bilan financier produit par la société Groupe Pulsar dans l'instance ayant abouti à la condamnation de la société GTI par arrêt du 26 septembre 2022 de la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux.
La procédure prud'homale
6. Par requête reçue le 6 décembre 2017, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail, des dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation, et la régularisation des cotisations relatives à son statut de cadre.
L'affaire a été radiée le 25 septembre 2018 puis réinscrite au rôle le 1er octobre 2018.
Par jugement rendu le 28 janvier 2022 le conseil de prud'hommes a :
- rejeté l'exception d'incompétence présentée par la société Groupe Triangle Investissements,
- rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société Groupe Triangle Investissements,
- dit que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave,
- rejeté la demande de régularisation du paiement des cotisations cadre,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés,
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
7. Par déclaration du 11 février 2022, M. [I] a relevé appel de cette décision.
8. Par jugement rendu le 9 novembre 2022 par le tribunal de commerce de Bordeaux,
la société GTI a été placée en redressement judiciaire et la SCP Silvestri-Baujet désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 7 février 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a adopté le plan de redressement de la société GTI et nommé la SCP Silvestri-Baujet en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Sur la tierce opposition formée par la société Groupe Pulsar, le tribunal de commerce a, par jugement rendu le 16 octobre 2024, maintenu le plan de redressement, sauf à dire que celui-ci n'est pas opposable à la société Groupe Pulsar et a débouté celle-ci de sa demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société GTI.
Par arrêt du 2 juin 2025, la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux a infirmé le jugement rendu le 16 octobre 2024 par le tribunal de commerce de Bordeaux, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la tierce opposition de la société Groupe Pulsar et en ce qu'il a débouté cette société de sa demande de mise en liquidation judiciaire de la société GTI, et a débouté la société Groupe Pulsar de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable le plan de redressement de la société GTI.
9. Par avis adressé par le greffe de la chambre sociale le 20 juin 2024, les parties ont été informées de la fixation de l'affaire à l'audience du 7 octobre 2024, date à laquelle l'affaire a été renvoyée à l'audience du 10 février 2025, faute pour les parties d'avoir pris en compte l'évolution de la situation de la société au regard de la procédure collective dont elle était l'objet.
Par acte de commissaire de justice délivré à personne habilitée le 15 octobre 2024,
M. [I] a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à l'Association Garantie des Salaires-CGEA de [Localité 7] et a assigné cette dernière à l'audience du 10 février 2025.
Par conclusions du 27 janvier 2025, la société GTI et la SCP Silvestri-Baujet, invoquant la nouvelle plainte déposée le 21 janvier 2025 à l'encontre de Messieurs [I] et [V] pour faux et usage de faux, escroquerie, tentative d'escroquerie, recel, blanchiment, ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de cette procédure pénale, de nature selon la société, à influer sur le sort du litige.
A l'audience du 10 février 2025, l'affaire n'a pas pu être retenue compte tenu de la saisine du conseiller de la mise en état.
Par ordonnance rendue le 28 mars 2025, le conseiller de la mise en état a dit qu'il n'était pas compétent pour statuer sur la demande de sursis présentée par la société GTI, et a fixé à nouveau la procédure à l'audience de plaidoirie du 15 septembre 2025 à 14 heures, l'ordonnance de clôture étant prévue au 8 août 2025.
10. Dans ses dernières conclusions (conclusions n°9) adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 août 2025, M. [I] demande à la cour de :
'- confirmer le jugement du 28 janvier 2022 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et les demandes de sursis à statuer de la société GTI,
- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, section encadrement le 28 janvier 2022 en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [I] reposait sur une faute grave et l'a débouté de ses prétentions,
Et statuant à nouveau,
- juger que l'action de M. [I] n'était pas prescrite et débouter la société GTI de cette exception,
- juger que le licenciement de M. [I] est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires et pour des motifs ne présentant aucun caractère de réalité et de sérieux,
En conséquence,
- fixer au passif de la société GTI les sommes ci-dessus précisées :
* au titre des salaires dus pour la mise à pied conservatoire : 3 067,75 euros bruts,
* au titre du préavis : 11 821,92 euros bruts,
* à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation : 30 000 euros,
* à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 120 000 euros,
- condamner la société GTI à régulariser le paiement des cotisations dues au titre du contrat de travail de M. [I] auprès de la caisse des cadres, et ce sous peine d'une astreinte définitive de 1 000 euros par mois de retard qui courra à compter de l'expiration du second mois suivant la notification de la décision à intervenir,
- juger la décision à intervenir opposable au CGEA, et dire que celui-ci devra intervenir alors dans les limites réglementaires de son intervention et de ses garanties,
Subsidiairement,
- condamner la société GTI à payer à M. [I] :
* au titre des salaires dus pour la mise à pied conservatoire : 3 067,75 euros bruts,
* au titre du préavis : 11 821,92 euros bruts,
* à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation : 30 000 euros,
* à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 120 000 euros,
- condamner la société GTI à payer à M. [I] une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société GTI aux dépens de première instance et d'appel.'
11. Aux termes de leurs dernières conclusions (conclusions n°5) adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 août 2025, la société Groupe Triangle Investissement et la SCP Silvestri Baujet ès qualités demandent à la cour de :
'Vu le jugement du 9 novembre 2022 du tribunal de commerce de BORDEAUX par lequel la société GTI a été placée en redressement judiciaire,
Mettre hors de cause la SCP SILVESTRI BAUJET es qualité de commissaire à l'exécution du plan en intervention forcée,
REFORMER LE JUGEMENT SUR APPEL INCIDENT
A titre principal : Sur l'exception d'incompétence au profit du Tribunal de Commerce de Bordeaux
- Requalifier le contrat de travail apparent de Monsieur [I],
- Déclarer M. [I] dirigeant de fait de la société GTI depuis avril 2015,
En conséquence
- Infirmer le jugement en ce que le Conseil de prud'homme de [Localité 7] a retenu sa compétence materiae,
- Déclarer le tribunal de commerce de Bordeaux compétent (article L1411-1 du Code du Travail),
A titre subsidiaire : sur la prescription de l'action de contestation du licenciement
- Acter que l'affaire prud'homale de Monsieur [I] a été réinscrite le 1er octobre 2018, alors même que son licenciement a été notifié le 20 juillet 2017;
En conséquence
- Déclarer l'action de Monsieur [I] prescrite (article L1471-1 du Code du Travail),
A titre infiniment subsidiaire : sur le sursis à statuer
- Acter les actions pénales en cours pour vol de données informatiques, production de faux et escroquerie à jugement,
En conséquence
- Prononcer le sursis à statuer de l'actuelle procédure (articles 73,74 et 378 du Code de procédure civile),
CONFIRMER LE JUGEMENT
- Prononcer le licenciement de Monsieur [I] fondé par une faute grave,
- Acter l'absence de préjudice moral et de réputation de M. [I],
- Acter la régularisation des cotisations cadres de M. [I] de 2014 à 2017,
En conséquence,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [I] en ses demandes,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Acter l'usage de faux documents par Monsieur [I] afin de tenter une escroquerie à jugement au détriment de la société GTI,
- Débouter M. [I] en l'intégralité de ses demandes,
- Condamner M. [I] à verser à la société GTI la somme de 5.000 euros (article 700 du Code de Procédure Civile),
- Condamner Monsieur [I] aux entiers dépens'.
12. Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 janvier 2025, l'AGS-CGEA de [Localité 7] demande à la cour :
'A TITRE PRINCIPAL : SUR L'ABSENCE DE SAISINE VALABLE DE LA COUR ET
SUR L'ABSENCE DE SON POUVOIR DE JUGER
Juger que la Cour n'a pas été valablement saisie tant par l'appel principal que par l'appel provoqué de M. [I].
Juger que la Cour est dépourvue du pouvoir de juger les demandes soutenues par M. [I] en général et en particulier celles qu'il a dirigé à l'encontre de l'UNEDIC
DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7], lesquelles sont au surplus nouvelles au regard de ce qui a été jugé en 1ère instance et irrecevables.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Réformer le chef du jugement entrepris ayant débouté la SAS GTI du surplus de ses
demandes et donc de celle ayant trait à l'absence et / ou à la disparition du lien de subordination.
Y faisant droit, juger faute de réalité de l'existence de la relation de travail et du lien de subordination, notamment au moment de sa rupture, M. [I] sera jugé mal fondé en ses demandes, lesquelles ne peuvent pas être garanties par l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7].
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
Confirmer les chefs du jugement entrepris en ce qu'il :
- Dit et juge que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave.
- Déboute les parties sur la demande de régularisation du paiement des cotisations
cadres.
- Déboute M. [I] du surplus de leurs demandes.
- Dit et juge que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.
- Dit et juge qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 CPC.
Juger mal fondé M. [I] en sa demande tendant à voir infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 28 janvier 2022.
Juger mal fondé M. [I] en sa demande tendant à juger que son licenciement serait intervenu dans des conditions brutales et vexatoires et pour des motifs ne présentant aucun caractère de réalité et de sérieux.
Juger mal fondé M. [I] en sa demande tendant à fixer au passif de la société GTI les sommes auxquelles celle-ci sera condamnée à son profit :
* Au titre des salaires dus pour la mise à pied conservatoire 3.153,32€ bruts. * Au titre du préavis 11.824,98€ bruts.
* A titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation 30.000€.
* A titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 180.000 €.
Juger mal fondé M. [I] en sa demande tendant à condamner la SAS GTI à
régulariser le paiement des cotisations dues au titre de son contrat de travail auprès de la Caisse des cadres, et ce sous peine d'une astreinte définitive de 1.000€ par mois de retard qui courra à compter de l'expiration de second mois suivant la notification de la décision à intervenir.
Juger irrecevable et mal fondé M. [I] en ses demandes et l'en débouter.
Juger que la garantie de l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7] ne peut pas être recherchée de ces chefs.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- Juger que la mise en cause de l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7] dans la présente instance ne peut avoir pour objet que de lui rendre opposable le jugement à intervenir et non d'obtenir une condamnation au paiement qui serait dirigée à son encontre et ce à défaut de droit direct de M. [I] à agir contre lui.
- Juger que la garantie de l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7] est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi et ce dans les limites des articles L 3253-8 et L. 3253-17 CT et des textes règlementaires édictés pour son application.
SUR L'ARTICLE 700 CPC ET LES DEPENS
Juger que la demandes M. [I] sur le fondement de l'article 700 CPC et au titre des dépens ne sont pas garantis par l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 7]'.
13. L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 août 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience du15 septembre 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le moyen tiré de l'absence de saisine valable de la cour et de l'irrecevabilité des demandes de M. [I], soulevé par l'AGS
14. L'AGS, rappelant qu'elle n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu au jugement du 28 janvier 2022, fait valoir qu'en application de l'article 542 du code de procédure civile, l'objet d'un appel provoqué ne peut tendre qu'à la réformation ou à l'annulation des chefs du jugement entrepris et ce, à l'égard d'une partie à l'instance ayant donné lieu à cette décision et qu'outre la circonstance que le délai de 3 mois des articles 909 et 910 code de procédure civile n'a pas été respecté par M. [I] pour former un appel provoqué, sa déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués, y compris à l'égard de l'AGS.
Elle prétend que la cour n'a pas été valablement saisie tant par l'appel principal que par l'appel provoqué et qu'elle est dépourvue du pouvoir de juger les demandes soutenues par M. [I], en particulier celles qu'il a dirigées à l'encontre de l'AGS, lesquelles, selon elle, seraient irrecevables comme nouvelles au regard de ce qui a été jugé en première instance.
Réponse de la cour
15. L'article 331 du code de procédure civile dispose qu'un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
En application des articles 554 et 555 du code de procédure civile, les personnes qui n'ont pas été parties en première instance peuvent être appelées devant la cour quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
16. Il est constant que l'AGS n'était pas partie au jugement rendu le 28 janvier 2022, le redressement judiciaire de la société GTI n'ayant été prononcé que le 9 novembre 2022.
En raison de l'ouverture de la procédure collective intervenue en cause d'appel, M. [I] a appelé en cause l'AGS devant la cour par acte du 15 octobre 2024 pour lui rendre commun et opposable l'arrêt à intervenir.
Cet appel en cause ne s'analyse pas en un appel provoqué, nonobstant la mention erronée 'assignation en appel provoqué' figurant en entête de l'acte du 15 octobre 2024, mais constitue une demande d'intervention forcée.
L'AGS ne peut donc utilement exciper du non-respect des articles 542, 909 et 910 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la demande de M. [I] tendant à voir déclarer opposable à l'AGS l'arrêt à intervenir est recevable en application de l'article 564 du code de procédure civile selon lequel les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers.
Enfin, la cour est valablement saisie par la déclaration d'appel de M. [I] en date du 11 février 2022 aux termes de laquelle il sollicite ' la réformation du jugement en ce qu'il a :
- retenu que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave
- débouté M. [I] de sa demande tendant à voir juger que le licenciement dont il a fait l'objet est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires et pour des motifs ne présentant aucun caractère de réalité et de sérieux,
- débouté Monsieur [I] de ses demandes subséquentes, savoir la condamnation de la société GROUPE TRIANGLE INVESTISSEMENT à lui payer :
* Au titre des salaires dus pour la mise à pied conservatoire : 3.153,32 € bruts
* Au titre du préavis : 11.824,98€ bruts
* A titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation : 30.000€
* A titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 180.000€
- débouté Monsieur [I] de ses demandes de régularisation du paiement des cotisations dues au titre du contrat de son travail auprès de la Caisse des cadres, et ce sous peine d'une astreinte définitive de 1.000€ par mois de retard,
- débouté Monsieur [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de
procédure civile et jugé que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposé'.
Le moyen de l'AGS tiré de l'absence de saisine valable de la cour et de l'irrecevabilité des demandes de M. [I] n'est ainsi pas fondé.
Sur la contestation de la qualité de salarié de M. [I]
17. La société GTI et l'AGS arguent du caractère fictif du contrat de travail de M. [I], au motif que ce dernier se serait comporté en réalité comme un dirigeant de fait, et en concluent que seul le tribunal de commerce est compétent pour connaître des demandes de M. [I].
Elles font valoir les éléments suivants :
- M. [I] conduisait les affaires de la société avec la complicité de M. [V], s'immisçait dans la gestion et a pris le pouvoir au détriment de la dirigeante ;
- il agissait de manière totalement indépendante sans lien de subordination ni délégation formelle, sans contrôle, consigne ou directive ;
- il disposait d'une totale autonomie de gestion des projets immobiliers, mélangeant volontairement ceux destinés à GTI et ceux détournés au profit de sa société Groupe Pulsar, empiétant sur les fonctions de Mme [I], dirigeante de droit, en sortant de son rôle de salarié ;
- il ne dépendait plus d'aucun lien de subordination, mettant Mme [I] sous emprise en abusant de sa vulnérabilité et de sa faiblesse ;
- il ne respectait pas les obligations prévues à son contrat de travail selon lequel il devait exercer ses fonctions de responsable de programme sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par la gérante de la société GTI et devait communiquer hebdomadairement à cette dernière un rapport écrit sur l'avancement des opérations ;
- il percevait des rémunérations liées à sa qualité d'associé de la société Groupe Pulsar, ce qui serait, selon la société et l'AGS, exclusif de la qualité de salarié.
18. M. [I] réplique qu'indépendamment de son rôle de dirigeant de la société Pulsar, il n'a jamais assuré la gestion de fait de la société GTI, seule Mme [I] en ayant toujours exercé la gérance sans le moindre partage.
Il fait valoir qu'aucun élément n'est versé aux débats par l'intimée qui permettrait d'établir qu' il aurait exercé une activité positive de gestion et de direction de la société en lieu et place de Mme [I].
Il fait observer que dans le différend commercial opposant sa société Groupe Pulsar à la société GTI, cette dernière a toujours soutenu qu'il avait agi en qualité de salarié de la société GTI et que Mme [I] n'a cessé d'affirmer qu'elle seule négociait les financements bancaires, signait les mandats de commercialisation, les contrats d'architecte, pour le compte de sa société.
Réponse de la cour
19. En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.
Le caractère fictif du contrat de travail est avéré s'il est démontré que le salarié se comporte comme un dirigeant de fait, situation exclusive d'une relation de subordination.
Est dirigeant de fait celui qui exerce une activité positive de gestion et de direction de la société en toute indépendance.
20. En l'espèce, l'existence d'un contrat de travail apparent résulte des pièces suivantes produites aux débats :
- le contrat de travail écrit par lequel M. [I] a été engagé au poste de responsable de programme à compter du 1er juin 2002 et l'avenant au contrat de travail en date du 15 décembre 2008 ;
- les bulletins de paie de M. [I] établis par la société GTI pour la période de juin 2016 à mai 2017 et celui du mois de juillet 2017 portant régularisation par l'employeur des cotisations sociales auprès de l'organisme de retraite des cadres ;
- le courrier de mise à pied à titre conservatoire remis à M. [I] le 26 juin 2017 lui interdisant de se présenter à l'entreprise et d'exercer ses fonctions en quelque lieu que ce soit, lui demandant de restituer les clés des bureaux, divers matériels ainsi qu'un scooter constituant un véhicule de service et non un avantage en nature, et lui indiquant que la violation de la mise à pied conservatoire serait constitutive d'une faute susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire ;
- la lettre de licenciement en date du 20 juillet 2017, dans laquelle il est en particulier reproché à M. [I] des manquements fautifs dans l'exécution de ses missions techniques de responsable de programme, son insubordination, la confusion qu'il entretiendrait entre ses qualités de salarié de GTI et d'associé de la société Groupe Pulsar, ses menaces pour forcer la conclusion d'une rupture conventionnelle.
La société GTI y indique notamment : 'Vous êtes employé par La société GTI depuis le 1er janvier 1997; Vous occupez aujourd'hui le poste de responsable de programme (...) En qualité de responsable de programme, vous avez la responsabilité de suivre les programmes en cours sur le plan technique, du début à la fin, et d'en rendre compte régulièrement à la Direction en la personne de Madame [I]. Depuis plusieurs mois, j'ai eu à déplorer des manquements dans le cadre de l'exécution de vos fonctions ainsi que des manquements à votre obligation de loyauté à l'égard de la société GTI (...)' ;
- la convention d'assistance au développement et à la maîtrise d'ouvrage conclue entre la société GTI et la société Groupe Pulsar qui rappelle que MM. [I] et [V] sont également salariés de la société GTI au titre de contrats de travail à durée indéterminée pour des missions strictement étrangères à celles mentionnées dans la convention.
La société GTI ne peut ainsi sérieusement soutenir que M. [I] exerçait ses fonctions de responsable de programme hors de tout lien de subordination, dans la mesure où elle lui reproche au contraire son insubordination et le sanctionne pour ce motif.
21. Pour dénier la qualité de salarié à M. [I], la société GTI prétend que ce dernier se comportait comme un dirigeant de fait de la société.
Toutefois, les éléments qu'elle avance concernent en réalité l'activité de M. [I] dans les opérations immobilières en sa qualité de dirigeant de sa société Groupe Pulsar.
Aucune des pièces versées n'apporte la preuve de la réalisation effective par M. [I] d'actes de gestion et de direction de la société GTI en toute indépendance et il n'est pas non plus démontré que M. [I] se serait présenté auprès des tiers ou était considéré par eux comme le dirigeant de la société GTI.
22. Le caractère fictif du contrat de travail n'étant pas démontré, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société GTI et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes de M. [I] au titre de la rupture de son contrat de travail
23.La lettre de licenciement adressée le 20 juillet 2017 à M. [I] est ainsi rédigée :
« Vous êtes employé par la société GROUPE TRIANGLE INVESTISSEMENTS (GTI) depuis le 1er janvier 1997. Vous occupez aujourd'hui le poste de responsable de programme.
Vous êtes également et en premier lieu le fils de Madame [C] [I], présidente et actionnaire majoritaire de la SAS GTI.
Outre vous-même, la SAS GTI emploie également une assistante, Mme [L] [R], ainsi qu'un juriste, Monsieur [X] [V] lequel est par ailleurs votre associé égalitaire au sein de la SAS GROUPE PULSAR.
Le caractère familial de la société GTI est évident et les relations de confiance en découlaient.
En qualité de Responsable de programme, vous avez la responsabilité de suivre les programmes en cours sur le plan technique, du début à la fin, et d'en rendre compte régulièrement à la Direction en la personne de Madame [I].
Depuis plusieurs mois, i'ai eu à déplorer des manquements dans le cadre de l'exécution de vos fonctions ainsi que des manquements à votre obligation de loyauté à l'égard de la société GTI.
Je vous ai exposé mes griefs lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 23 juin dernier dans des conditions sur lesquelles je reviendrai.
Vos explications ne m'ayant toutefois pas permis de modifier mon appréciation des faits, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave.
Avant de rappeler les motifs justifiant ce licenciement, je reviens sur les faits du 23 juin 2017, jour fixé pour l'entretien préalable à votre éventuel licenciement.
Espionnant la messagerie de la direction ([Courriel 9]) vous avez découvert l'embauche temporaire en CDD d'un Directeur chargé de me seconder dans la période difficile que traverse la société en raison de votre comportement et afin notamment de m'assister lors de votre entretien préalable prévu le 23 juin 2017 à 9H00.
Or en arrivant au bureau ce matin-là, j'ai eu la surprise de découvrir dans la salle d'attente une personne qui s'est présentée comme Inspectrice du travail, Mme [G] [K] et a aussitôt demandé à voir le registre du personnel, les contrats de travail des personnes travaillant dans l'entreprise.
J'ai alors expliqué que je devais tenir deux entretiens préalables successivement à 9H et 10H, mais l'Inspectrice a insisté pour que je lui fournisse sur le champ les documents demandés et en particulier le contrat de travail du nouveau directeur ainsi que sa déclaration d'embauche. Ce que j'ai fait sans difficulté et qui n'a pas manqué de la surprendre, tant il est évident qu'elle s'attendait à trouver un salarié non déclaré.
Son insistance à passer avant les entretiens préalables, comme s'il y avait un péril imminent, ne s'explique que par l'objectif d'évincer le nouveau directeur avant le démarrage des entretiens. Il ne peut pas y avoir de coïncidence à un tel contrôle qui est évidemment le fruit d'une dénonciation aussi opportuniste que mal fondée et mal intentionnée. L'inspectrice du travail est d'ailleurs totalement sortie de son rôle en m'interrogeant sur la cause de ces deux convocations et m'incitant à ne pas vous licencier, alors qu'elle n'a aucune compétence en la matière puisque, à ma connaissance, vous n'êtes pas un salarié protégé. Même si je ne peux évidemment pas prouver que vous êtes à l'initiative de ce contrôle, personne n'est dupe.
Alors que vous aviez la possibilité de vous faire assister par un Conseiller du salarié comme c'est mentionné dans la lettre de convocation que vous avez reçue, vous avez choisi une stratégie pour me déstabiliser le jour de l'entretien préalable afin de m'isoler en évinçant le Directeur que j'ai recruté pour m'assister, et pouvoir faire pression sur moi en vous assistant mutuellement et vous trouvant ainsi à deux face à moi seule.
C'est précisément ce que j'ai voulu éviter et je vois que mon intuition était bonne.
Si vous étiez de bonne foi et moins sûr de pouvoir me déstabiliser et me manipuler pour parvenir à vos fins comme vous le faites depuis des mois voire des années, vous auriez choisi de vous faire assister par un Conseiller du salarié, qui connaît parfaitement son rôle et le déroulement de ce type d'entretien.
Mais votre but n'était pas de vous défendre à cet entretien, dont vous connaissiez parfaitement le bien-fondé des griefs, ni même d'avoir un témoin. Votre but était de m'isoler pour tenter une nouvelle manoeuvre déloyale. C'est éminemment regrettable de découvrir son propre fils sous un tel jour.
Vous ne faites que persister dans votre comportement de refus de toute hiérarchie qui est précisément à l'origine de la procédure engagée à votre encontre. L'inspectrice du travail est repartie comme elle est venue, mais il est évident que j'en ai été perturbée.
Votre entretien préalable s'est ensuite déroulé conformément à la loi et vous vous êtes bien sûr fait assister par Monsieur [V], votre collègue et surtout votre associé.
Je vous ai exposé mes griefs et reçu vos explications.
Lors de cet entretien, vous vous êtes montré extrêmement agressif et grossier à l'égard du nouveau directeur dont vous n'acceptiez pas la présence et vous lui avez manqué de respect à plusieurs reprises, avec une volonté manifeste de provoquer un incident. Votre collègue et associé [X] [V], y est parvenu ensuite, puisque vous aviez préparé le terrain. Cette attitude reflète bien votre état d'esprit d'insubordination.
Après l'inspection du travail, vous et votre collègue et associé n'avait reculé devant aucune limite en faisant venir la police dans la même matinée, le jour même de votre entretien préalable. Les policiers ont évidemment constaté qu'ils s'étaient déplacés pour rien. Finalement, ces événements mettent en évidence votre véritable personnalité incontrôlable et refusant toute hiérarchie.
Voici la liste difficilement exhaustive des nombreux griefs que je formule à votre encontre. Certains sont communs avec Monsieur [X] [V] car vous avez agi conjointement et êtes donc co-responsables tandis que d'autres vous sont strictement personnels :
- Depuis la création avec Monsieur [X] [V] de votre société GROUPE
PULSAR, en date du 22 avril 2015, dont l'objet social est directement concurrentiel de l'activité de GTI, vous n'avez cessé de détourner progressivement les dossiers de GTI vers PULSAR. Vous avez abusé de ma confiance car malgré tous les reproches dont vous m'accablez dans votre pluie de courriers recommandés AR de ces derniers mois, j'avais pourtant choisi de vous aider dans votre création d'entreprise en acceptant de signer au nom de GTI, avec votre société GROUPE PULSAR, une convention d'assistance au développement et à la maitrise d'ouvrage, en date du 01/10/2015 (opération SB1). Cette convention vous a permis de percevoir via votre société la somme de 150.000 € H.T. à titre d'honoraires, versée au mois de Janvier 2017, non sans mettre en difficulté la trésorerie de GTI.
- Nous avons aussi constitué deux sociétés civiles de construction vente dont je suis seule gérante puisque j'apporte la caution de GTI sur ces programmes :
* la SCCV COEUR DE BASTIDE, composée de 3 associés : 48,70% GTI (fonds propres + caution), 5% ANAXAGO (fonds propres) et 46,30% PULSAR (ni caution, ni fonds propres), relative à un programme immobilier situé dans le [Adresse 17] a [Localité 7],
* la SCCV LE GREEMENT : 51% GTI (fonds propres + caution) et 49% PULSAR (ni caution, ni fonds propres), relative à un programme immobilier situé à [Localité 16] (opération SB2).
Des conventions de 'Management Fees' ont de surcroît été conclues entre GTI et ces deux SCCV. La caution de GTI a permis d'obtenir les concours bancaires.
Alors que je suis seule, vous agissez sans me consulter en outrepassant en permanence la gérance. Vous utilisez en permanence votre qualité d'associé de PULSAR pour vous affranchir du lien de subordination qui demeure entre vous et GTI. Ainsi, alors que GTI vous paie pour le suivi et le bon avancement de ces deux opérations GTI, vous vous positionnez systématiquement en qualité d'associé de PULSAR dès qu'il s'agit de respecter mon autorité. Vous ne supportez plus le statut de salarié. Je l'ai compris et j'ai d'ailleurs tout fait pour m'effacer afin de jouer le jeu et vous laisser prendre votre envol. Mais je n'imaginais pas que vous n'auriez de cesse de me critiquer, d'abuser de ma confiance en travaillant dans les locaux de GTI et sur le matériel informatique de GTI pour votre propre compte, en verrouillant vos ordinateurs par des mots de passe inconnus de moi, en utilisant sans scrupules le logiciel comptable de GTI pour tenir la comptabilité de PULSAR, en me court-circuitant et en m'écartant des dossiers dont vous avez le culot d'affirmer qu''ils seraient désormais les vôtres, bref en voulant me pousser vers la sortie ce que j'ai refusé. Votre attitude a beaucoup changé depuis que vous n'êtes plus seulement des salariés de GTI et pour parler familièrement, 'vous avez pris la grosse tête mais sans en avoir les épaules' en particulier sur le plan financier. C'est pourquoi vous avez essayé de me faire signer toute sorte de contrats et protocoles que j'ai repoussés. C'est mon droit, ne vous en déplaise. Votre comportement est absolument intolérable et caractérise l'insubordination.
- Signature de Permis de Construire sans avoir la qualité de gérant : sur le dossier COEUR DE BASTIDE, vous avez signé la demande de PC et le modificatif pour le compte de la SSCV alors que seule Mme [C] [I] en est gérante et peut signer un tel document essentiel. C'est une faute et un acte d'insubordination puisque
vous outrepassez vos fonctions.
- Violation de la mise à pied conservatoire : vous vous êtes présenté pendant votre mise à pied conservatoire sur le chantier COEUR DE BASTIDE pour le 'méchoui de
fin de gros oeuvre' organisé par l'entreprise générale. Vous ne pouviez pas y aller au
titre de la SCCV alors que j'en suis la seule gérante. Il vous appartenait de m'en avertir. Cela prouve la confusion des rôles que vous jouez en permanence pour vous affranchir des règles lorsque cela vous arrange, alors que vous ne cessez de me donner des leçons de droit à coup de lettres recommandées AR. Commencez donc
par vous appliquer vos propres principes.
- Dossier [P] : manquement à l'obligation de loyauté : ce dossier a démarré chez GTI avant de se retrouver chez PULSAR. De nombreux plans sont dans
les dossiers conservés dans les locaux de GTI. Ce dossier a été présenté à GTI par
un apporteur d'affaires qui ne connaissait pas PULSAR mais bien GTI. Si vous avez
pu travailler sur ce dossier, c'est uniquement en votre qualité de collaborateurs de GTI. PULSAR étant trop jeune et avec un capital ridiculement faible, vous avez été obligé de vous rapprocher de MARIGNAN, gros acteur de la promotion immobilière qui s'implante à [Localité 7], afin de monter le projet sans GTI. Les contacts avec MARIGNAN avaient été initiés par GTI comme le prouvent plusieurs documents en notre possession. C'est un détournement de dossier manifeste doublé d'un manquement à votre obligation de loyauté, constituant une faute grave.
- Opération immobilière [Adresse 11], appelé dossier [DM] : ce dossier est arrivé chez GTI qui a fait la promesse d'achat avec levée d'option avec versement d'un séquestre de 12.500€ entre les mains du notaire du vendeur. C'est encore GTI qui a déposé la demande de permis de construire, le 8/02/2017, signée par [B] [I] sans aucune qualité pour agir. Depuis, il m'est impossible d'obtenir de la part d'aucun de vous deux la copie de ce permis de construire. De nombreux modificatifs ont été déposés qui ne figurent pas au dossier de GTI. Tout comme l'ensemble du dossier papier et le dossier informatique qui ont totalement disparu des locaux et des ordinateurs de GTI. Rien d'étonnant quand on voit l'ardeur que vous déployez pour récupérer ce dossier au profit exclusif de PULSAR depuis des
semaines.
Vous m'avez ainsi adressé par courrier en date du 5 mai 2017 un protocole d'accord
portant sur la cession d'un projet immobilier, avec des conditions financières inacceptables sans un minimum de réflexion, en exerçant sur moi une pression terrible
afin que je le signe sans délai. J'ai demandé à réfléchir le temps de consulter mon conseil et vous vous êtes alors déchainés par une pluie de menaces et de lettres recommandées AR aussi excessives qu'ineptes. Je comprends votre empressement
car vous avez été un peu vite en besogne puisque la facture de l'architecte a été adressée à votre société PULSAR et non pas à GTI ! C'est la preuve là encore que vous avez annoncé aux tiers la reprise du dossier par PULSAR alors qu'il n'en est rien.
Ce comportement constitue un détournement de dossier doublé d'un manquement à votre obligation de loyauté, ce qui constitue une faute grave.
- Non-respect du protocole SCCV COEUR DE BASTIDE et M. [Z] Mme [F] en date du 21/09/2016 : vous n'avez pas suivi ce protocole qui prévoyait le remplacement de fenêtres avec vue directe par des fenêtres de toit (type vélux). Les bénéficiaires de l'engagement se sont plaints récemment de l'existence d'une fenêtre de façade visible en violation du protocole. Ces manquements dont certains sont irrattrapables vont générer des frais d'indemnisations supplémentaire. En qualité de responsable de programme, il vous appartenait de veiller au respect de ce protocole qui engage GTI.
- Chantier COEUR DE BASTIDE : un puits recueillant l'écoulement des eaux pluviales du voisin, la société HADES a été bouché. La société HADES avait pourtant écrit et proposé à GTI de faire des travaux pour dévier l'écoulement des eaux sur son propre terrain, mais vous n'en avez pas tenu compte. Conséquence : le voisin vient de se plaindre d'une importante inondation de son entrepôt. Il s'agit d'une faute grossière pour un responsable de programme.
- Menaces et chantage par vos multiples lettres recommandées AR constitutives d'un véritable harcèlement moral à l'égard de votre employeur à travers ma personne, [C] [I], en ma qualité de représentante légale de la société GTI, en tentant d'abuser de ma faiblesse découlant de plusieurs facteurs : le lien de filiation qui vous unit à moi et dont vous avez cru qu'il vous autorisait tout, la fatigue physique et nerveuse liée à mon âge et à la pression des affaires en cours, la santé fragile de votre père (multiples AVC), et mes propres soucis de santé ayant nécessité mon hospitalisation du 14 au 22 juin 2017, ce que vous saviez parfaitement et qui rend encore plus inacceptable votre stratégie du 23 juin 2017.
- Confusion permanente des rôles en mélangeant volontairement vos qualités de salariés de GTI et associés de PULSAR pour vous affranchir de tout lien de subordination et vous autoriser un comportement inadmissible au sein de GTI. C'est ainsi que vous travaillez depuis plus de 2 ans au développement de votre propre société GROUPE PULSAR tout en étant rémunérés par GTI, en transférant sans vergogne les dossiers de GTI vers PULSAR. Et vous n'hésitez pas à me dire droit dans les yeux avec un cynisme inouï que vous quitterez GTI lorsque PULSAR aura les moyens de vous payer.
C'est donc GTI qui assume le risque économique de votre création d'entreprise tout en se faisant dépouiller !
- Ainsi, par deux autres lettres recommandées AR quasiment identiques en date du
17/05/2017 encore (objet : contrat de travail, 8 pages) vous semblez vous plaindre d'avoir été dans la nécessité de participer au développement de l'activité de ma société / de 'ramener du travail' dans l'intérêt de I'emploi. Vous oubliez que vous êtes payé pour cela, que c'est le rôle normal d'un collaborateur de votre niveau, cadre de surcroît puisque c'est votre statut et que vous le revendiquez à juste titre malgré la suspension temporaire de votre statut cadre qui s'est prolongée à mon insu par la faute de Monsieur [V], juriste qui n'a pas assuré le suivi de vos propres dossiers, trop occupé par ses ambitions personnelles plus que par GTI. Vous faites état de 'votre réseau d'architectes, d'apporteurs fonciers et autres entrepreneurs du bâtiment' / 'd'anciens étudiants de l'Université'. Vous oubliez encore que ce réseau est d'abord le mien et celui de ma société, et donc celui que vous avez pu développer en votre qualité de collaborateur de GTI.
Vous écrivez avec une prétention ahurissante : 'Nous avons été à l'origine des projets suivants :
* Opération de [Localité 12], '[Localité 14]' 2010.
* Opération 'LES MAGNOLIAS', [Adresse 21].
* Opération 'LA VOILE BLANCHE', [Adresse 18] (17).
* Opération '[Adresse 13]', [Adresse 18] (17).
Alors que GTI est une petite entreprise familiale, comment pouvez-vous prétendre être à l'origine de ces projets alors que vous travaillez et êtes rémunérés par GTI. Vous faisiez votre travail, à moins que vous vous considériez comme des travailleurs indépendants.
C'est original et très révélateur.
- Vous poursuivez en me faisant le reproche suivant en page 2 : '(...) aucun projet n'a été développé directement ou indirectement par vos soins en qualité de gérante de la structure'. Ainsi, oubliant définitivement le lien de subordination, vous vous posez en censeurs du représentant légal de votre employeur, évaluant trop faible son implication en tant que gérant et le ravalant au rôle de simple actionnaire. De quel droit portez-vous un tel jugement' Depuis quand un salarié évalue-t-il le travail du gérant de la société qui l'emploie ' A moins que ce salarié ne se considère plus salarié et s'exonère en permanence du lien de subordination. Auquel cas, I'employeur peut en tirer les conséquences et vous sanctionner pour insubordination caractérisée. C'est un des principaux griefs que je vous fais et que vous assumez conjointement par vos deux courriers parallèles et identiques à mon attention.
- Menaces et chantage pour forcer la conclusion de la rupture conventionnelle de votre contrat de travail : vous avez déposé sur mon bureau la veille de l'entretien préalable un courrier de 2 pages m'exposant vos conditions financières pour sortir à l'amiable du litige qui nous oppose au plan du droit social et au plan du droit commercial, en soulignant que votre volonté initiale (remontant au 5 mai 2017) portait sur une somme de 50 000 euros chacun, que vous avez ramenée à 20 000 euros chacun dans le dernier document remis, la différence devant être versée à PULSAR, en sollicitant une rupture conventionnelle dans le cadre de laquelle vous projetiez une fin des contrat de travail au 15 septembre 2017, avec de nombreuses conditions et avantages à votre profit sur le plan du matériel conservé et des dossiers en cours transférés. Ceci révèle tout simplement votre volonté déterminée de quitter GTI pour vous consacrer à votre société GROUPE PULSAR, sans vouloir démissionner. C'est dans ce but que vous me harcelez depuis des mois et que vous avez provoqué cette crise. Ce comportement constitue un manquement à votre obligation de loyauté et est une faute grave.
Votre comportement ne permet pas la poursuite du contrat de travail pendant le préavis et constitue une faute grave, privative du préavis et de l'indemnité de licenciement.
En conséquence, les jours de mise a pied conservatoire ne seront pas payés, ni aucun maintien de salaire assuré puisque l'arrêt de travail est postérieur à la mise à pied conservatoire.
[...] ».
Sur la prescription des demandes
24. La société GTI soutient que les demandes de M. [I] sont prescrites en application de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui dispose que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture, ces dispositions étant applicables aux prescriptions en cours à compter du 23 septembre 2017 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Elle considère que l'action de M. [I] a été engagée le 1er octobre 2018, date de la réinscription de l'affaire au rôle du conseil de prud'hommes en suite de sa radiation le 25 septembre 2018 pour défaut de diligences du demandeur, soit après le délai de prescription de douze mois expirant le 23 septembre 2018 en application de l'ordonnance du 22 septembre 2017.
25.M. [I] réplique qu'il a saisi le conseil de prud'hommes le 6 décembre 2017 et que la décision de radiation rendue le 25 septembre 2018 n'a pas mis fin à l'instance mais l'a seulement suspendue, de sorte que ses demandes ne sont pas prescrites.
Réponse de la cour
26. L'article 377 du code de procédure civile dispose que l'instance est suspendue par la décision qui radie l'affaire.
Il en résulte que la radiation n'emporte pas l'extinction de l'instance mais seulement sa suspension, et qu'elle est sans effet sur la poursuite de l'interruption de la prescription à la suite de l'introduction de l'instance.
27. M. [I] a été licencié par lettre du 20 juillet 2017. En application des dispositions de l'ordonnance du 22 septembre 2017, le délai de prescription de douze mois expirait le 23 septembre 2018.
Dès lors, le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes par requête reçue au greffe le 6 décembre 2017, son action n'est pas prescrite.
Sur la demande de sursis à statuer
28. La société GTI sollicite, au visa des articles 73 et 378 du code de procédure civile, qu'il soit sursis à statuer sur les demandes de M. [I] jusqu'à l'issue des plaintes pénales qu'elle a déposées à son encontre pour vol de données informatiques et faux, usage de faux et escroquerie, considérant que l'issue de celles-ci 'pourrait apporter un nouvel éclairage à la cour pour forger son opinion'.
29. M. [I] s'oppose à la demande, faisant valoir que la lettre de licenciement n'évoque aucun grief relatif à la destruction de données informatiques et que la plainte pour faux, qui concerne le bilan prévisionnel de l'opération Canopée signé de Mme [I] produit en 2019 dans la procédure commerciale opposant la société GTI à la société Groupe Pulsar, n'a pas de lien avec son licenciement prononcé 2 ans auparavant.
Il invoque en outre l'expertise graphologique qu'a fait réaliser la société Groupe Pulsar, qui a conclu de façon certaine que Mme [I] était bien la signataire du document litigieux, et relève que la chambre commerciale de la cour d'appel, dans son arrêt rendu le 26 septembre 2022, a retenu que la société GTI contestait vainement l'authenticité de la signature de Mme [I] au regard de cette expertise.
Réponse de la cour
30. La cour relève en premier lieu que si la société GTI produit sa plainte avec constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction de [Localité 7] en date du 28 juin 2019 pour vol de données informatiques et son courrier de plainte pour faux, usage de faux et escroquerie, adressé au procureur de la République de [Localité 7] le 21 janvier 2025, il ne ressort d'aucun élément versé par les parties que ces procédures pénales seraient toujours en cours.
31. En deuxième lieu, la cour constate d'une part, que la lettre de licenciement ne vise pas, au titre des griefs reprochés à M. [I] à l'appui de son licenciement, la destruction ou le vol de données informatiques et, d'autre part, que la plainte pour faux déposée le 21 janvier 2025 vise le bilan prévisionnel afférent à l'opération immobilière Canopée, pièce produite le 18 juillet 2019 par la société Groupe Pulsar à l'appui de sa demande indemnitaire formée devant la juridiction commerciale, demande à laquelle a fait droit la cour d'appel dans son arrêt rendu le 26 septembre 2022.
Le document concerne ainsi les relations d'affaires qu'ont pu entretenir les deux sociétés et la suite pénale qui pourrait être donnée à la plainte pour faux est sans influence sur l'appréciation par la cour du bien fondé du licenciement de M. [I].
En outre, ce dernier produit l'expertise en écritures réalisée à la demande de la société Groupe Pulsar par M. [W], expert honoraire près la cour d'appel de Bordeaux, qui a conclu que la signature figurant sur le document litigieux a bien été apposée par Mme [I]. La société intimée ne produit aucune pièce permettant de remettre en cause cette expertise.
32.Enfin, la bonne administration de la justice commande qu'il soit statué sur le bien-fondé du licenciement de M. [I] prononcé il y a plus de 8 ans, sans attendre le résultat hypothétique des plaintes déposées par la société GTI plusieurs mois, voire années, après la rupture du contrat de travail du salarié.
La demande de sursis à statuer sera en conséquence rejetée.
Sur le bien-fondé du licenciement
33. L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même temps à l'exercice de poursuites pénales.
34. L'appelant conteste l'ensemble des griefs invoqués à son encontre par l'employeur, dont certains selon lui sont prescrits, tandis que de leur côté, la société GTI et l'AGS les considèrent établis par les pièces versées par l'employeur et constitutifs d'une faute grave.
35.Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur invoque les griefs suivants :
- la signature par M. [I] d'un permis de construire pour le compte de la SCCV Coeur de Bastide
36. La société GTI reproche à M. [I] d'avoir signé une demande de permis de construire et un modificatif pour le compte de la SCCV Coeur de Bastide, alors que seule Mme [I], en sa qualité de gérante, pouvait signer.
Pour en justifier, elle vise dans ses conclusions ses pièces 34, 2, 8, 17 et J.
37. La cour constate que ne figure pas dans les pièces de la société de demande de permis de construire déposée pour le compte de la SCCV Coeur de Bastide ni le récépissé d'une telle demande.
En revanche, la société produit (pièce U) un tableau recensant ses programmes immobiliers mentionnant que la demande de permis de construire pour le programme Coeur de Bastide a été déposée le 26 octobre 2015 et le permis délivré à la SCCV le 18 janvier 2016.
Comme le fait valoir à juste titre le salarié, ce fait qui remonte à plus de 2 mois avant l'engagement de la procédure de licenciement est prescrit.
Ce grief doit être écarté.
- le non respect d'un protocole d'accord signé entre la SCCV Coeur de Bastide et M. [Z] le 21 septembre 2016
38. La société GTI reproche à M. [I] de ne pas avoir vérifié en sa qualité de responsable de programme le respect du protocole d'accord, M. [Z] s'étant plaint de l'inexécution des travaux convenus.
39. La cour constate que ce protocole d'accord a été conclu entre la SCCV Coeur de Bastide, maître d'ouvrage, et M. [Z], propriétaire voisin de l'immeuble devant être construit, la société s'engageant, en contrepartie de la renonciation de M. [Z] à tout recours contre le permis de construire, à poser une clôture en bois destinée à modérer les éventuelles vues entre la propriété de M. [Z] et le futur immeuble, à rénover un mur séparatif et à remplacer dans le projet les fenêtres de façade, visibles depuis le jardin de M. [Z], par des fenêtres de toit.
40.L'intimée n'explique pas et ne justifie pas en quoi M. [I], en sa qualité de responsable de programme salarié de la société GTI, aurait dû veiller à la bonne exécution des engagements souscrits par la SCCV Coeur de Bastide, société tierce.
Le grief ne peut être retenu.
- la plainte de la société Hades relatif au chantier C'ur de Bastide
41. Par mail du 30 juin 2017, la société Hades a informé la société GTI d'un dégât des eaux survenu dans ses locaux, en lien avec les travaux de construction en cours que la SCCV Coeur de Bastide, maître d'ouvrage, faisait réaliser.
42. La cour constate là encore que la société mise en cause est la SCCV Coeur de Bastide, l'employeur ne justifiant pas que M. [I] avait pour mission, dans le cadre de son contrat de travail, de veiller à la bonne réalisation des travaux diligentés par cette société.
Au surplus, le sinistre est survenu alors que le salarié était mis à pied à titre conservatoire.
Le grief ne peut être retenu.
- la violation de la mise à pied conservatoire
43. M. [I] justifie qu'il a été invité au repas de fin du chantier Coeur de Bastide en sa qualité de représentant de la société Groupe Pulsar par un courrier de l'entreprise Sima en date du 22 juin 2017 (pièce 13 de l'appelant). Il ne s'y est donc pas rendu en qualité de salarié de la société GTI.
Ce grief n'est pas établi.
- le détournement du dossier [D] au profit de la société Groupe Pulsar
44. L'employeur affirme que le projet aurait démarré auprès de la société GTI et aurait été détourné par M. [I] au profit de sa société.
45. M. [I] réplique que M. [O], dirigeant de la société Sogestran, apporteur d'affaires, a présenté le projet à sa société Groupe Pulsar, laquelle a sollicité la société GTI pour une éventuelle co-promotion mais que la société GTI n'a pas donné suite.
Il produit l'attestation de M. [O] en date du 24 juillet 2017, qui déclare :
'En raison de ma très grande proximité avec le représentant et le président de la société BORIE MANOUX, j'ai pris connaissance du projet de cession des chais de la société [A] [H], [Adresse 6] [Localité 7]. Au cours de l'année 2015, j'ai présenté, en tant qu'apporteur d'affaires, ce dossier aux représentants de la société Groupe PULSAR en raison de la confiance qu'ils m'inspiraient, pour avoir eu l'occasion de les voir s'exprimer en rendez-vous, sachant à mes yeux qu'ils étaient les seuls en raison de leur aptitude et leur sérieux à pouvoir convaincre le propriétaire des lieux. Je précise que cette représentation aux représentants de la société Groupe Pulsar a été faite à elle seule et non à la société GTI. Messieurs [Y] et [V] ont donc demandé sans délai à un architecte l'établissement d'une étude de faisabilité qui a permis alors de confirmer leur intérêt pour ce dossier.
Immédiatement après la réalisation de cette étude, Monsieur [Y] m'a demandé si je voyais un inconvénient à ce que ce dossier soit mené en association avec la société Groupe Triangle Investissement, représentée par Madame [Y], mère de [B] [S] motivation de Monsieur [Y] était alors parfaitement louable, puisqu'il s'agissait de faire profiter à la société dont sa mère était actionnaire majoritaire, d'un dossier au centre de [Localité 7].
J'ai donc rencontré la société GTI et sa représentante légale qui m'a fait part de son intérêt de principe pour ce dossier, puis dans un second temps à l'occasion d'une réunion au siège de la société GTI, m'a fait part qu'elle ne souhaitait pas donner suite en raison du manque de fonds propres de la société GTI.
Je précise que les travaux préparatoires aux études, avec la société Groupe Pulsar ont été réalisés exclusivement les vendredis après-midi, en raison des emplois du temps de Messieurs [V] et [Y] (...)'.
L'appelant produit également le justificatif de l'achat par la société Cristal Chartrons de l'ensemble immobilier appartenant à la société [D], par acte authentique du 27 juillet 2017.
46. La société GTI ne produit aucune pièce qui démontrerait que le projet aurait 'démarré' auprès d'elle, son affirmation étant démentie par l'attestation de M. [O]. Elle ne justifie d'ailleurs d'aucune démarche dans ce projet, offre d'achat, étude de faisabilité ou demande de permis de construire, ni même d'un contact avec la société [D].
Le projet ayant été présenté directement à la société Groupe Pulsar, il ne peut dès lors être reproché à M. [I], en sa qualité de salarié de la société GTI, d'avoir détourné le projet au profit de sa société.
Le grief n'est pas établi.
- le détournement du projet [Adresse 19] à [Localité 16] (projet 'Canopée' ou 'Les balcons du Rempart')
47. En premier lieu, la cour constate que cette opération immobilière n'a pas été 'captée' par la société Groupe Pulsar puisque la société GTI en est le promoteur (pièce 29 de l'appelant) par le biais de la SCCV Les Balcons du Rempart qu'elle a créée le 14 février 2018.
En deuxième lieu, le différend opposant la société Groupe Pulsar à la société GTI quant à une co-promotion du projet a été tranché définitivement par la cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 26 septembre 2022, qui, retenant l'existence de la co-promotion, a jugé que la société GTI avait commis une faute en évinçant la société Groupe Pulsar de l'opération.
M. [I] produit en outre l'attestation de Mme [M], représentant l'agence immoblière, qui indique avoir présenté aux dirigeants de la société Groupe Pulsar, et en aucun cas à la société GTI, le terrain appartenant à EDF, et celle de l'architecte, M. [T], qui déclare avoir été contacté en 2015 par la société Groupe Pulsar pour réaliser une étude capacitaire dudit terrain.
Ces attestations, qu'aucun élément objectif ne permet de remettre en cause, prouvent que la société GTI n'était pas à l'origine du projet, et que M. [I] en avait eu connaissance en sa qualité de dirigeant et d'associé de sa société Groupe Pulsar.
48. Aucun détournement par le salarié au profit de sa société n'est en conséquence établi et la société GTI ne peut lui reprocher, au titre d'un manquement à l'obligation de loyauté découlant de son contrat de travail, le courrier qu'il lui a adressé le 15 mai 2017 en sa qualité de représentant de la société Groupe Pulsar lui proposant un protocole d'accord destiné à régler le différend opposant les deux sociétés.
Le grief n'est pas établi.
- son insubordination et la confusion permanente entre ses rôles de salarié et d'associé de la société Groupe Pulsar auprès des tiers
49. Pour justifier du grief d'insubordination, l'intimée produit :
- une attestation de M. [U] qui déclare 'avoir constaté qu'[X] [V] et [B] [I] avaient organisé leur travail pour empêcher tout contrôle de leur activité' (pièce 29),
- l'invitation de l'entreprise Sima au repas de fin du chantier Coeur de Bastide adressée à la société GTI par mail du 13 juin 2017 (pièce L),
- le courrier de M. [I] en date du 17 mai 2017 relatif aux cotisations cadre non versées par la société depuis le 1er janvier 2011(pièce 7).
50. L'attestation de M. [U] n'est pas probante dans la mesure où ce dernier, engagé en qualité de directeur de la société GTI à compter du 22 juin 2017, soit la veille de l'entretien préalable et 3 jours avant la mise à pied à titre conservatoire de M. [I], ne peut témoigner utilement du comportement du salarié au cours de la relation de travail.
Par ailleurs, comme il a été précédemment énoncé, M. [I] a été invité au repas de fin de chantier en qualité de représentant de la société Groupe Pulsar et n'avait ainsi aucune obligation d'avertir son employeur de sa présence à ce repas.
Enfin, la réclamation du salarié relative à son statut de cadre ne saurait constituer un acte d'insubordination.
Le grief d'insubordination n'est pas établi.
51. Concernant la confusion des rôles de salarié et d'associé que M. [I] aurait entretenue, elle ne ressort d'aucune des pièces produites par l'intimée.
Il convient au surplus de rappeler que la société Groupe Pulsar a été créée en accord avec la société GTI qui lui a confié une mission d'assistance à développement et maîtrise d'ouvrage et s'est associée avec elle dans des sociétés civiles de construction vente pour la réalisation des programmes immobiliers, ces montages étant en eux-mêmes source de confusion pour les tiers quant au rôle de chacune des sociétés.
Il ne peut en conséquence être reproché à M. [I] d'avoir sciemment entretenu la confusion entre ses qualités de salarié de la société GTI et d'associé et dirigeant de la société Groupe Pulsar.
Ce grief n'est pas établi.
- le chantage, la manipulation, les menaces, le manque de respect et l'abus de faiblesse envers Mme [I], dirigeante de La société GTI
52. Pour justifier de ce grief, la société GTI invoque les courriers que lui a adressés M. [I] les 17 mai 2017 (pièce 7 de l'intimée) et 22 juin 2017 (pièce X de l'intimée).
53. Toutefois, M. [I] produit une attestation datée du 25 juillet 2017 de M. [O] (pièce 9) qui déclare :
'Le 15 mai 2017, en fin de matinée, je me suis déplacé au siège de la société GTI [Adresse 4] aux fins de déjeuner avec Messieurs [V] et [I] pour leur présenter un nouveau projet immobilier.
J'ai alors attendu devant la porte d'entrée du bureau, Messieurs [V] et [I] étant en conversation avec leur employeur, Madame [I].
Le bureau de la direction étant à quelques mètres de la porte d'entrée, j'ai très distinctement entendu la conversation qui est devenue très animée.
Monsieur [V] demandait alors à Madame [I] de bien vouloir honorer les cotisations de son statut de cadre. J'ai alors compris qu'il existait entre eux un contentieux à cet égard.
Madame [I] a alors dit à Monsieur [V] et à Monsieur [I] qu'elle souhaitait que ceux-ci quittent l'entreprise, dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
Monsieur [V] a alors répliqué à Madame [I] qu'une rupture conventionnelle imposait nécessairement que la perte de leur statut cadre soit indemnisée ainsi que toutes les années pendant lesquelles Messieurs [V] et [I] prétendaient avoir été sur 2 postes.
Je n'ai pas compris ce que cela signifiait.
Madame [I] a alors indiqué à Monsieur [V] et à Monsieur [I] qu'ils devaient choisir entre une rupture conventionnelle et les frais de gestion de deux opérations qui se trouvaient à [Localité 16].
Monsieur [V] et Monsieur [I] se sont mis en colère en expliquant que
c'était tout simplement du chantage.
Madame [I] n'a pas répondu.
Monsieur [I] a alors interrogé Madame [I] sur un projet appelé '[DM]' en lui demandant si elle entendait poursuivre le projet de co-promotion.
Elle a répondu qu'elle n'entendait pas le réaliser mais qu'à défaut d'accord sur une rupture conventionnelle, elle pourrait le vendre à un concurrent (...)'.
54. Il apparaît ainsi que Mme [I] souhaitait le départ de MM. [I] et [V] de l'entreprise, conditionnant la conclusion d'une rupture conventionnelle et le versement d'une indemnité au salarié à l'abandon par la société Groupe Pulsar de ses réclamations dans les opérations immobilières menées conjointement.
Les courriers des 17 mai et 22 juin 2017 sont une réponse aux exigences formulées par la société GTI, MM. [I] et [V] les estimant injustifiées et posant leurs conditions pour accepter la rupture conventionnelle de leur contrat de travail.
Outre que ces courriers ne contiennent aucun propos irrespectueux ou menaçants, ils ne sauraient être qualifiés de chantage.
Par ailleurs, aucune pièce probante ne démontre que M. [I], en sa qualité de salarié, aurait abusé de la faiblesse de son employeur.
Il convient au demeurant de relever que l'état de faiblesse de la dirigeante de la société GTI, alléguée par l'intimée, ne l'a pas empêché de tenter d'évincer la société Groupe Pulsar des opérations de promotion immobilière menées en commun, agissements pour lesquels la société GTI a été condamnée par la chambre commerciale de la cour d'appel.
Enfin, les relations personnelles conflictuelles entretenues par Mme [I] avec son fils ne sauraient justifier son licenciement pour faute grave.
55. Aucun des griefs invoqués à l'appui du licenciement pour faute grave n'étant démontré, la cour, par infirmation du jugement déféré, dit que le licenciement de M. [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes financières de M. [I]
56. Les créances justifiées de M. [I] s'élèvent aux sommes suivantes :
- 3 153,32 euros brut au titre du salaire impayé pendant la mise à pied conservatoire,
- 11 824,98 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice du préavis de 3 mois, étant relevé que l'appelant ne réclame pas d'indemnité de congés payés sur ces sommes.
57. En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable au litige, M. [I] peut prétendre à une indemnité pour licenciement abusif correspondant au préjudice subi, la société GTI employant moins de 11 salariés.
L'appelant ne produit aucune pièce de nature à justifier l'étendue de son préjudice.
Au regard de son ancienneté dans l'entreprise, de son âge, des activités qu'il exerce par ailleurs dans le cadre de sa société, la cour estime son préjudice découlant de la rupture de son contrat de travail à la somme de 30 000 euros.
58. La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation sera rejetée, l'appelant n'apportant aucune preuve du préjudice qu'il allègue.
59.Les créances de M. [I], nées antérieurement au jugement prononçant le redressement judiciaire de la société GTI, seront fixées au passif de la société.
Sur la demande du salarié de régularisation des cotisations auprès de la caisse des cadres
60. La société intimée produit l'attestation de son expert-comptable (pièce SS) qui indique que la société est à jour du règlement des cotisations dues à la caisse de retraite des cadres pour MM. [V] et [I], les régularisations ayant été effectuées le 15 août 2017.
Elle produit également le bulletin de paie du salarié du mois de juillet 2017 mentionnant les cotisations régularisées.
Réponse de la cour
61.La demande formulée par M. [I] n'est dès lors pas fondée, et le jugement déféré qui l'a rejetée sera confirmé.
Sur les autres demandes
62. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la SCP Silvestri-Bauget en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan dans la mesure où aucune demande n'est formulée à son encontre.
63. Les dépens de l'instance seront fixés au passif de la société GTI, partie perdante et il sera alloué à M. [I] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés, sa créance, née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, devant être fixée au passif de la société GTI qui ne peut être condamnée à son paiement.
64. Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 7], dans les limites de sa garantie prévues aux articles L. 3253-8 et L. 3253-17 du code du travail, laquelle ne couvre pas les dépens et l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Se déclare valablement saisie,
Déclare recevables les demandes de M. [I],
Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave, l'a débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a laissé à la charge de chacune des parties les dépens qu'elles ont exposés,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [I] est sans cause réelle et sérieuse,
Fixe les créances de M. [I] au passif du redressement judiciaire de la société Groupe Triangle Investissements aux sommes suivantes :
- 3 153,32 euros brut à titre de rappel de salaire,
- 11 824,98 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Fixe les dépens de l'instance au passif du redressement judiciaire de la société Groupe Triangle Investissements,
Déclare le présent arrêt opposable à l'Association Garantie des Salaires-CGEA de [Localité 7] dans la limite de sa garantie, laquelle exclut les dépens et l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par Evelyne Gombaud, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Evelyne Gombaud Sylvie Hylaire