Livv
Décisions

CA Montpellier, ch. com., 28 octobre 2025, n° 24/03911

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

M. Graffin, M. Vetu

Avocats :

Me Timmermans, Me Chopin, Me Pepin

T. com. Carcassonne, du 19 juin 2024, n°…

19 juin 2024

FAITS ET PROCEDURE :

La SARL [6] [Localité 2], dont M. [T] [S] et la société [8] ont été cogérants, par assemblées générales extraordinaires des 11 janvier 2021 et 2022 visant à approuver les comptes du 1er octobre 2019 au 30 octobre 2020 et du 1er octobre 2020 au 30 octobre 2021, a mis à l'ordre du jour les modalités relatives à la rémunération de la gérance.

Ces assemblées générales ont notamment décidé que la société prendrait en charge les cotisations obligatoires et facultatives assises sur la rémunération de M. [T] [S] du 1er octobre 2019 au 30 octobre 2020 pour un montant global de 20 030 euros et du 1er octobre 2020 au 30 octobre 2021 pour un montant global de 13 824 euros.

Le 9 juin 2022, M. [T] [S] a été révoqué de ses fonctions de cogérant et le 29 septembre 2022, l'intégralité de ses parts ont été cédées à la société [8] au prix de 130 000 euros.

Le 15 septembre 2022, l'URSSAF a notifié à M. [T] [S] un échéancier de paiement suite à la période de Covid-19 pour un montant total de 40 188 euros, avec remise d'office des pénalités couvrant les périodes d'octobre 2020 à août 2022.

Par lettre du 20 février 2023, M. [T] [S] a mis en demeure la société [6] [Localité 2] de régler les cotisations sociales dues à l'URSSAF au titre de ses rémunérations de cogérant.

Par lettre du 2 mars 2023, la société [6] [Localité 2] a contesté devoir quelques sommes que ce soit au titre des cotisations liées aux rémunérations de M. [T] [S], précisant qu'il était le seul débiteur de ces sommes tenant à son affiliation au régime social des travailleurs non-salariés (TNS).

Le 7 juin 2023, l'URSAFF a adressé un nouvel échéancier à M. [T] [S] pour un montant total de 47 495 euros.

Par exploit du 18 juillet 2023, M. [T] [S] a assigné la société [6] [Localité 2] aux fins de voir constater que les modalités de sa rémunération, votées en assemblées générales, comprenaient la prise en charge par la société [6] [Localité 2] de ses cotisations sociales obligatoires et facultatives à partir du 1er octobre 2019 et jusqu'au 9 juin 2022 et la voir condamner à régler la somme de 47 495 euros à ce titre à l'URSSAF.

Par jugement contradictoire du 19 juin 2024, le tribunal de commerce de Carcassonne a :

constaté que les résolutions 5 et 6 des assemblées générales du 11 janvier 2021 et du 11 janvier 2022 stipulent la prise en charge par la société [6] [Localité 2] des cotisations obligatoires et facultatives assises sur la rémunération de gérant de M. [T] [S] pour la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2021 ;

jugé que ces résolutions ont été valablement adoptées et ne sont pas privées d'effet par l'acte de cession qui ne constitue pas une « décision ultérieure » ;

constaté que l'acte de cession en date du 29 septembre 2022 stipule la prise en charge par la société [6] [Localité 2] desdites cotisations dues par M. [T] [S] jusqu'au 9 juin 2022 date de sa révocation et ce en complément des périodes de prise en charge contenues dans les procès-verbaux d'assemblées générales du 11 janvier 2021 et du 11 janvier 2022 ;

condamné la société [6] [Localité 2] à payer à M. [T] [S] la somme de 41 649 euros au titre des cotisations légalement dues par ce dernier à l'URSSAF ;

dit que cette somme sera versée à M. [T] [S] qui fera son affaire personnelle du règlement de l'échéancier accordé par l'URSAFF sans un quelconque recours à l'encontre de la société [6] [Localité 2] ;

condamné la société [6] [Localité 2] à payer la somme de 3 000 euros à M. [T] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

et confirmé l'exécution provisoire. »

Par déclaration du 24 juillet 2024, la société [6] [Localité 2] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 21 septembre 2024, la SARL [6] [Localité 2] demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, des articles L. 311-2, L. 311-3 11°, L. 611-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 223-18 du code de commerce, de :

infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

À titre principal,

juger son action recevable et bien fondé en toutes ses demandes ;

juger que l'acte de cession de parts sociales signés par les parties le 29 septembre 2022 constitue un accord unanime des parties pour mettre fin rétroactivement à l'obligation de paiement des charges sociales TNS assises sur la rémunération de M. [T] [S], la société étant d'ailleurs partie à l'acte pour lui donner pleine efficacité ;

juger en conséquence que l'action qu'il a initiée devant le tribunal de commerce de Carcassonne est infondée ;

juger qu'elle n'est redevable d'aucune somme à son égard et qu'il devra régler les cotisations sociales qui lui sont réclamées par l'URSSAF ;

À titre subsidiaire,

juger que si elle est responsable du paiement des cotisations sociales assises sur la rémunération de gérant de M. [T] [S], elle ne s'est pour autant engagée au terme des assemblées générales des 11 janvier 2021 et 11 janvier 2022 qu'à régler le montant des cotisations dues sur cette rémunération au titre des exercices 2019/2020 et 2020/2021, qu'ainsi elle ne s'est jamais engagée à régler le montant des cotisations sociales assises sur la rémunération du gérant correspondant à la période postérieure au 1er octobre 2021 ;

juger que, contrairement à ce qui a été retenu en première instance, l'article 14 de l'acte de cession de parts sociales du 29 septembre 2022 ne prévoit pas de prise en charge par la société des cotisations sociales assises sur la rémunération de M. [T] [S] jusqu'au 9 juin 2022, la société précisant seulement être à jour du règlement des cotisations sociales dues par le gérant à la date du 9 juin 2022 sur la base du document URSSAF transmis par ce dernier ;

juger en conséquence qu'elle n'est débitrice des cotisations sociales assises sur la rémunération du gérant que jusqu'au 30 septembre 2021, à savoir pour un montant total et maximum de 17 196 euros ;

À titre infiniment subsidiaire,

juger son action recevable et bien fondé en toutes ses demandes ;

juger que le tribunal de commerce de Carcassonne a commis une double erreur au terme du jugement rendu le 19 juin 2024 en ce qu'il a, à tort, pris pour base un relevé de cotisations sociales mentionnant une somme totale de 47 495 euros alors même qu'un second relevé arrêté lui au mois de juin 2022, mentionne une somme totale due au titre de ses cotisations sociales à hauteur de 30 177 euros et inclus dans le montant total des sommes mises à la charge de la société des cotisations sociales correspondant à la période postérieure au 9 juin 2022, date du départ du gérant ;

juger en conséquence qu'elle n'est débitrice des cotisations sociales assises sur la rémunération du gérant que jusqu'au 9 juin 2022 et non jusqu'à la date de signature de l'acte de cessions de parts sociales ;

juger qu'elle n'est débitrice des cotisations sociales assises sur la rémunération du gérant qu'à hauteur d'un montant maximum de 30 177 euros ;

En tout état de cause,

débouter M. [T] [S] de l'ensemble de ses demandes ;

juger que les majorations qui seraient remises par l'URSSAF par suite du paiement des sommes dues devront lui être remboursées par M. [T] [S] ;

et le condamner à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 6 décembre 2024, M. [T] [S] demande à la cour, au visa de l'article 1103 du code civil et des articles L. 223-18 et L. 223-27 du code de commerce, de :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

débouter la société [6] [Localité 2] de l'ensemble de ses demandes ;

et la condamner à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 26 août 2025.

MOTIFS

1. La SARL [6] [Localité 2] fait valoir à titre principal qu'elle n'est redevable d'aucune somme à l'égard de M. [T] [S] au titre de ses cotisations sociales au regard de l'article 14 de l'acte de cession aux termes duquel la société [8], M. [T] [S] et elle même se seraient accordés sur l'annulation rétroactive de la prise en charge des cotisations sociales assises sur la rémunération de l'intimé.

2. A titre subsidiaire, elle soutient que si elle s'est engagée à régler le montant des cotisations dues au titre des exercices 2019/2020 et 2020/2021, elle ne s'est jamais engagée à régler le montant des cotisations sociales sur la période postérieure au 1er octobre 2021, dès lors qu'aucune disposition spéciale prise en assemblée générale n'a actée ce dispositif.

3. Enfin, à titre infiniment subsidiaire, l'appelante fait valoir que le tribunal de commerce aurait commis une erreur en retenant des cotisations sociales dues sur la période postérieure au 9 juin 2022. En conséquence, elle ne serait débitrice que de la seule somme de 30 177 euros au titre des cotisations sociales assises sur la rémunération de M. [T] [S].

4. Sur ces points, les intimés objectent que :

les décision prises en assemblée s'imposent aux membres de la société et à la société elle-même, conformément à l'article L. 223-27 du code de commerce, et aucune disposition de l'acte de cession ne vient annuler les décisions contenues aux deux assemblées ;

les sommes réclamées par l'URSSAF étaient en principe provisionnées dans le bilan (ligne 43865) mais la SARL [6] a durant la COVID aurait sollicité un échéancier aux fins de ne plus régler pendant cette période les cotisations attachées à sa rémunération, ceci, sans l'informer.

SUR CE, LA COUR

5. Il ressort des productions que par assemblées générales des 11 janvier 2021 et 11 janvier 2002, les associés ont approuvé à l'unanimité la prise en charge par la SARL [7] (à présent appelante) des cotisations obligatoires et facultatives assises sur la rémunération préalablement approuvée de M. [T] [S] pour les exercices allant du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020 (pour un montant de 20 030 euros) et du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021 (pour un montant de 13 824 euros).

6. Par ailleurs, l'article 14 de l'acte de cession de parts sociales daté du 29 septembre 2022 expose :

« ARTICLE 14 - COTISATIONS SOCIALES LIEES A LA REMUNERATION DES

FONCTIONS DE COGERANT DU CEDANT

Il est rappelé que le Cédant a exercé ses fonctions de cogérant dans la Société jusqu'au 09 juin 2022. Aux termes des présentes la Société confirme être à jour du règlement de l'ensemble des cotisations sociales légalement dues par la Société et afférentes à la rémunération de cogérant de M. [S], et ce, jusqu'au 09 juin 2022. Une attestation émise par l'URSSAF est annexée aux présentes.

Il est convenu que le Cédant ne sera pas responsable financièrement du règlement de toute(s) cotisation(s) sociale(s) légalement due(s) par la Société et liée(s) à sa rémunération de cogérant jusqu'au 09 juin 2022.

Il est par ailleurs convenu entre les Parties que dans l'éventualité où des cotisations ou appels de cotisations réglés par la Société et liés à la rémunération des fonctions de cogérant de M. [S], seraient remboursés par tout organisme social au profit de M. [S] (par virement/ chèque ou tout autre procédé de paiement), ce dernier s'engage expressément à les reverser, à première demande de la Société, par virement sur le compte bancaire de la Société. »

7. Cette disposition conventionnelle vient confirmer le principe de la prise en charge des cotisations obligatoires et facultatives assises sur la rémunération de l'intimé, préalablement approuvée, et n'évoque aucune possibilité de résiliation des décisions prises en assemblée.

8. En outre, il vient étendre le mécanisme de cette prise en charge jusqu'au 9 juin 2022 et indique d'ailleurs, en contrepartie, que toute restitution d'un trop-perçu par les organismes sociaux, pourra directement être réalisée entre les mains M. [T] [S], lequel s'engage à restituer ces éventuels trop-perçus à première demande.

9. Cette extension qui a été approuvée par le pôle [6] qui devient, aux termes de l'acte, l'unique propriétaire des 2000 parts sociales et cette décision de l'associé unique de la structure nouvellement nommée « [6] [Localité 2] » ne souffre dès lors aucune contestation et engage cette dernière, étant précisé que la constitution d'une assemblée générale préalablement à l'acte de cession n'était pas nécessaire et n'a, en tout état de cause, pas été provoquée par l'associé majoritaire de l'époque, désormais appelant.

10. Il s'ensuit que la décision sera confirmée, en ce compris, la restitution de 1 146 euros, le tribunal ayant exactement retenu par des motifs développés pertinents qui méritent adoption, que le montant total dû s'élevait à 41 649 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL [6] [Localité 2] aux dépens d'appel,

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SARL [6] [Localité 2], et la condamne à payer à M. [T] [S] la somme de 3 000 euros.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site