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Décisions

CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 27 octobre 2025, n° 24/00290

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 24/00290

27 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 24/00290 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JCE4

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE D'AVIGNON

22 décembre 2023

RG:F 20/00411

Etablissement Public SYNDICAT DURANCE LUBERON

C/

[R]

Grosse délivrée le 27 OCTOBRE 2025 à :

- Me PEZET

- Me [Localité 6]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2025

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AVIGNON en date du 22 Décembre 2023, N°F 20/00411

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Octobre 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Etablissement Public SYNDICAT DURANCE LUBERON

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel PEZET de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS MICHEL PEZET ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

Monsieur [H] [R]

né le 02 Février 1965 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Bertrand BOUQUET, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 27 Octobre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [H] [R] a été engagé à compter du 1er octobre 2014 en qualité de directeur du service juridique par le syndicat Durance Luberon pour un horaire mensuel de 30,60 h et pour un salaire de 163,00 euros. Un nouveau contrat était signé le 22 février 2016.

Il était licencié pour faute grave par courrier du 12 mars 2020 aux motifs suivants :

«Nous avons à déplorer de votre part des comportements et agissements constitutifs d'une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien préalable du 2 mars 2020. En effet, vous nous avez adressé le 10 février 2020 un courriel dont la teneur a entraîné une perte de confiance de votre employeur pour les soupçons que vous émettez sur son honorabilité et pour les mauvaises relations que vous entretenez avec vos collègues. Lesdits soupçons qui prennent prétexte d'un document relatif à une procédure administrative dans laquelle vous n'êtes pas partie, n'ont aucun fondement. La confiance est inhérente à tout lien contractuel et en particulier à celle qui se doit de prévaloir dans les relations entre un employeur qui gère un service public et un cadre de votre niveau au sein d'une petite structure telle que la nôtre. Votre comportement nous interdit pour l'avenir de maintenir la relation de confiance inhérente à tout contrat de travail. Cette situation met en cause la bonne marche du service ; elle rend impossible votre maintien dans notre syndicat. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 2 mars 2020 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de ce sujet. En conséquence, après consultation du conseil d'exploitation de notre syndicat, sur l'engagement d'une procédure disciplinaire, et avis de celui-ci du 17 février 2020 rendu à l'unanimité, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. Votre licenciement prend donc effet immédiatement à compter du 12 mars 2020. Vous avez fait par ailleurs l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée par la lettre de convocation à l'entretien préalable du 19 février 2020. Dès lors, la période non travaillée, du 19 février 2020 au 12 mars 2020 date de la notification du licenciement, ne sera pas rémunérée. Votre solde de tout compte sera arrêté à la date du licenciement, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. Vous recevrez sous huit jours votre certificat de travail, votre attestation Pôle Emploi, votre solde du compte épargne temps et votre solde de tout compte. Les sommes vous restant dues au titre de salaire, de l'indemnité de congés payés acquise et du compte épargne temps seront versées par mandatement administratif»

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre M. [R] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 22 décembre 2023 :

DIT que le licenciement de Monsieur [H] [R] par le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON est dépourvu de cause réelle et

sérieuse

CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON

à payer à Monsieur [H] [R] les sommes suivantes :

- 23 085,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 308,50 euros au

titre des congés payés y afférents ;

- 6 744,00 euros bruts à titre de rappel de salaire sur période de mise à pied.

- 92 340,00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 60 000,00 nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 277 020,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de clause de garantie d'emploi

DIT que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2020

DIT que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la date du jugement

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière

DEBOUTE monsieur [H] [R] du surplus de ses demandes

DEBOUTE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON de

l'intégralité de ses demandes reconventionnelles

CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON

à payer à Monsieur [H] [R] la somme de 1 000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON

aux entiers dépens ; RAPPELLE que sont exécutoires de plein droit les condamnations ordonnant la délivrance des pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail) et celles ordonnant le paiement des sommes a titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus.

Par acte du 19 janvier 2024 le syndicat Durance Luberon a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 6 mars 2025, le syndicat Durance Luberon demande à la cour de :

INFIRMER le jugement de départage rendu par le Conseil de prud'hommes d'AVIGNON le 22

décembre 2023 (RG F 20/00411) en ce qu'il a :

- DIT que le licenciement de Monsieur [H] [R] par le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON à payer à Monsieur [H] [R] les sommes suivantes :

' 23 085,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 308,50 euros au titre des congés payés y afférents

' 6 744,00 euros bruts à titre de rappel de salaire sur période de mise à pied

' 92 340,00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

' 60 000,00 nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 277 020,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de clause de garantie d'emploi

- DIT que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2020

- DIT que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à

compter de la date du jugement

- ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière

- DEBOUTE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON

de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles

- CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON à payer à Monsieur [H] [R] la somme de 1 000,00€ au ti tre de

l'article 700 du code de procédure civile

- CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON aux entiers dépens

- RAPPELLE que sont exécutoires de plein droit les condamnations ordonnant la délivrance

des pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail) et celles ordonnant le paiement des sommes a titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454 -14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

ET STATUANT A NOUVEAU,

A titre principal,

- DIRE ET JUGER que le licenciement notifié le 12 mars 2023 est régulier et fondé sur une faute grave

- DEBOUTER Monsieur [H] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions

- PRONONCER la nullité de la clause de garantie d'emploi du contrat de travail daté du 22 février 2016

- CONSTATER l'absence de clause de reprise d'ancienneté au 1 er octobre 1989 au titre de la présence effective dans l'entreprise au sein du contrat de travail du 22 février 2016

A titre subsidiaire,

- REQUALIFIER le licenciement de Monsieur [R] en licenciement pour cause réelle et sérieuse

- DIRE que l'indemnité légale de licenciement est de 10.420,38€ pour une ancienneté au 1 er octobre 2014

- REDUIRE l'indemnisation au titre de la clause de garantie d'emploi à de plus juste proportions en fonction du préjudice qui sera rapporté par le salarié , et DIRE n'y avoir lieu à intégrer le rappel de salaire au titre de la mise à pied si cette condamnation était également prononcée

A titre infiniment subsidiaire,

- REDUIRE les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la limite de 3 mois de salaires

En tout état de cause,

- ECARTER la pièce n°29 produite par Monsieur [R] et ORDONNER la cancellation des écritures la retranscrivant compte tenu de la violation du secret professionnel et de l'atteinte aux droits de la défense

- DEBOUTER Monsieur [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions

- CONDAMNER Monsieur [R] à verser au SYNDICAT DURANCE LUBERON la somme de 7.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- CONDAMNER Monsieur [R] aux entiers dépens

Il soutient que :

- M. [R] prétend avoir été licencié en raison de son intention de déposer plainte pour dénonciation calomnieuse alors qu'il ne produit aucun élément pour l'établir,

- M. [R] a reçu rapidement les documents qu'il demandait (dès le 19 février 2020) et il les a lui-même produits lors d'une audition devant la gendarmerie en décembre 2020, cela contredit son affirmation selon laquelle il aurait été "sciemment empêché" de se défendre ou de déposer plainte,

- le licenciement pour faute grave est justifié par deux griefs principaux :

- les soupçons énoncés et réitérés par M. [R] sur l'honorabilité de son employeur (dénigrement) : il a envoyé des courriels les 10 et 17 février 2020, accusant son employeur (le Président du Syndicat, la Directrice Générale des Services, et le Directeur Technique) de potentielle "complicité" dans un dossier concernant une ancienne salariée, Mme [M], ces accusations sont graves, injustifiées, et outrageantes, d'autant plus qu'elles émanent d'un cadre supérieur (Directeur juridique) et déstabilisent l'exécutif du Syndicat,

- les mauvaises relations entretenues par M. [R] avec ses collègues et des tiers : des tensions relationnelles ont été signalées dès octobre 2017 par le Directeur technique, M. [U], qui évoquait un "harcèlement" de la part de M. [R] affectant sa santé, M. [R] a reçu un "rappel à l'ordre" en juillet 2018 pour son "attitude inacceptable", incluant la mise en cause publique de la DGS et des propos critiques envers la direction, que le Président avait qualifiés de "choquants" ; le compte rendu produit par M. [R] a été rédigé par lui-même, une conciliatrice de justice, Mme [I], a également décrit le comportement de M. [R] comme "inacceptable" et le dialogue "très difficile",

- l'ensemble de ces éléments démontre un comportement polémique, une opposition systématique et récurrente envers la direction et des difficultés relationnelles, rendant impossible le maintien de M. [R] dans l'entreprise, y compris pendant le préavis,

- la clause de garantie d'emploi de 7 ans (jusqu'au 21 février 2023) figurant dans le contrat de travail du 22 février 2016 doit être déclarée nulle ; sa demande de nullité est recevable car elle est soulevée par voie d'exception, laquelle est "perpétuelle" et non soumise au délai de prescription de 5 ans applicable à l'action en nullité, la clause n'a pas eu de commencement d'exécution ; le contrat de travail de M. [R] est considéré comme un contrat d'adhésion rédigé par ses soins et à ses conditions, créant un déséquilibre significatif au détriment de l'employeur, la contrepartie pour le Syndicat est illusoire ou dérisoire, M. [R] a orchestré son recrutement en 2014, prévoyant une clause de garantie d'emploi et un salaire horaire de 163 euros pour 7 heures de travail par semaine, soit 54 768 euros par an, et jusqu'à 463 401 euros annuels au dernier état de la relation contractuelle, ces conditions "exorbitantes" ont rapidement interpellé le comptable public et le procureur financier, entraînant le rejet systématique des mandats de paiement des salaires de M. [R] de fin 2014 à mars 2016 ; un nouveau contrat de travail a été rédigé par M. [R] lui-même en février 2016 pour tenter de régulariser la situation et permettre le paiement de ses salaires, M. [R] n'a jamais cessé son activité libérale parallèle, remettant en cause toute justification de la clause de garantie d'emploi par une prétendue difficulté de retour à l'emploi, il lui est d'ailleurs sommé de produire des relevés d'imposition complets pour justifier ses revenus réels.

' À titre subsidiaire, sur l'indemnité due au titre de la clause de garantie d'emploi :

si la nullité de la clause n'est pas prononcée, il demande une réduction du montant de l'indemnité allouée à M. [R] (277 020 euros par le premier juge), arguant qu'elle est manifestement excessive et disproportionnée, surtout compte tenu de son activité libérale parallèle, le juge devrait avoir le pouvoir de modérer ce montant, même si la jurisprudence actuelle est contestable sur ce point.

- il demande également de retrancher la somme de 6 744 euros correspondant à la mise à pied conservatoire de toute condamnation au titre de la clause de garantie d'emploi, pour éviter une double indemnisation,

- il conteste l'ancienneté retenue par le juge départiteur (30 ans et 5 mois depuis le 1er octobre 1989), le nouveau contrat de travail du 22 février 2016, rédigé par M. [R], a exclu la mention de la "reprise d'ancienneté comme présence effective dans l'entreprise" à compter du 1er octobre 1989, cette modification visait à régulariser des irrégularités soulevées par les autorités financières concernant les conditions "exorbitantes" de l'embauche initiale, par conséquent, l'ancienneté à retenir doit être celle depuis le début de son contrat de travail salarié, soit le 1er octobre 2014, ce qui correspond à 5 ans et 5 mois,

- l'indemnité légale de licenciement ne devrait pas dépasser 10 420,38 euros (contre 92 340 euros alloués par le premier juge), M. [R] tente de doubler sa demande en appel en se fondant sur une interprétation abusive d'un accord d'entreprise,

- les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne devraient pas dépasser 3 mois de salaire, soit 23 085 euros (contre 60 000 euros alloués),

- il demande la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [R] de plusieurs de ses demandes et demande également le rejet de nouvelles demandes présentées en appel :

- demande d'indemnité pour préjudice moral suite à modification unilatérale du contrat (20 000 euros) : il n'y a eu aucune modification unilatérale du contrat de travail, la demande de ne pas intervenir dans un dossier conflictuel (affaire [M]) était justifiée par l'évitement d'un conflit d'intérêts et ne constitue pas un retrait de délégation de signature, laquelle n'est pas une clause du contrat de travail,

- indemnité pour licenciement vexatoire (15 000 euros ) : M. [R] ne prouve ni les conditions vexatoires, ni un préjudice distinct,

- indemnité pour perte de la participation de l'employeur au ticket CESU (1 040 euros) : M. [R] n'apporte aucune pièce justificative de cette indemnité.

- nouvelles demandes en appel concernant l'indemnité compensatrice de perte de l'indemnité repas (604 euros) et l'indemnité compensatrice de liquidation du compte épargne temps (1 231 euros), elles sont infondées et mal justifiées.

- il conclut au rejet de la pièce adverse n°29 produite par M. [R] et demande de canceller les écritures s'y rapportant, au motif qu'elle constitue une violation du secret professionnel entre l'avocat et son client, il n'a jamais donné son accord clair et non équivoque à la levée de ce secret, même si la pièce a été transmise dans le cadre d'une enquête pénale.

En l'état de ses dernières écritures en date du 10 février 2025 contenant appel incident M. [R] demande à la cour de :

INFIRMER le Jugement de départage rendu par le Conseil de Prud'hommes d'AVIGNON le

22 décembre 2023 (RG F 20/00411) en ce qu'il :

- DIT que le licenciement de Monsieur [H] [R] par le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON à payer à Monsieur [H] [R] les sommes suivantes :

' 92 340,00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

' 60 000,00 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 277 020,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de clause de garantie d'emploi,

- DEBOUTE monsieur [H] [R] du surplus de ses demandes.

CONFIRMER le Jugement de départage rendu par le Conseil de Prud'hommes d'AVIGNON le 22 décembre 2023 (RG F 20/00411) en ce qu'il :

- CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON à payer à Monsieur [H] [R] les sommes suivantes :

' 23 085,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 308,50 euros au

titre des congés payés y afférents,

' 6 744,00 euros bruts à titre de rappel de salaire sur période de mise à pied,

- DIT que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 13

décembre 2020,

- DIT que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter

de la date du jugement,

- ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

- DEBOUTE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON

de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles,

- CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON à payer à Monsieur [H] [R] la somme de 1 000,00€ au titre de

l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON aux entiers dépens.

ET STATUANT A NOUVEAU

Principalement,

PRONONCER la nullité du licenciement de Monsieur [H] [R],

A titre subsidiaire,

DECLARER dépourvu de toute cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur [H] [R],

En conséquence, et en toute hypothèse,

DEBOUTER le Syndicat DURANCE LUBERON de l'ensemble de ses demandes fins et

conclusions,

A l'inverse,

CONDAMNER le Syndicat DURANCE LUBERON à porter et payer à Monsieur [H]

[R] les sommes suivantes :

- Indemnité compensatrice de clause de garantie d'emploi : 286 703 €,

- Indemnité légale de licenciement (Article 2.5 de l'accord d'entreprise) : 179 550 €,

- Indemnité compensatrice de préavis (3 mois) selon l'article 2.4.2.1 de la convention collective) : 23 085 €,

- Indemnité de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis (10%) : 2308,50 €,

- Indemnité pour licenciement illégitime : 20 mois brut de salaires : 153 900 €,

- Préjudice moral pour modification unilatérale, dans des conditions vexatoires, du contrat de

travail au cours de son exécution : 20 000 €,

- Indemnité pour mise à pied injustifiée : 6 744 €,

- Indemnité pour Licenciement vexatoire : 15 000 €,

- Indemnité pour perte de la participation de l'employeur au ticket CESU sur la période de

garantie d'emploi (2020 à 2023) : 4 x 100 x 2,60 € = 1144 €,

- Indemnité compensatrice de la perte de l'indemnité repas : 604 €,

- Indemnité compensatrice de liquidation du compte épargne temps : 1231 €, ORDONNER que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2020,

ORDONNER que les sommes allouées à titre indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

ORDONNER la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

CONDAMNER le Syndicat DURANCE LUBERON à porter et payer à Monsieur [H]

[R] une somme de 7000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de

Procédure Civile.

CONDAMNER le Syndicat DURANCE LUBERON aux entiers dépens.

Il fait valoir que :

- une enquête pénale pour "escroquerie" a été ouverte à son encontre suite à une lettre de M. [W] [P] (président du Syndicat depuis septembre 2018) au procureur de la République d'[Localité 5] fin 2019, cette procédure a été classée sans suite le 21 décembre 2020 par le procureur de la République pour "infraction insuffisamment caractérisée", moins de 20 jours après son audition, les mêmes accusations que celles portées devant le procureur sont désormais la base de la défense du Syndicat dans la procédure prud'homale, les pièces de l'enquête pénale, obtenues avec l'autorisation du procureur, prouvent la véracité de ses propos et la légitimité de ses demandes, ces pièces démontrent qu'aucune man'uvre frauduleuse n'est à lui reprocher concernant sa relation contractuelle ou sa rémunération, son contrat était un "Forfait/Heures" à temps partiel, avec des heures de télétravail documentées, la réalité de son travail hors locaux a été confirmée par le directeur des services techniques du Syndicat, il n'a eu aucune influence sur la signature du contrat, le président de l'époque étant pleinement compétent et la validation ayant été faite par les organes internes du Syndicat et même par le procureur financier de la Cour des Comptes, sa rémunération n'était pas excessive compte tenu de ses compétences et de sa disponibilité, la "reprise d'ancienneté" correspondait à une pratique institutionnalisée au sein du Syndicat.

- son licenciement était prémédité et décidé de longue date, l'audition de M. [W] [P] révèle que le précédent président regrettait d'avoir recruté M. [R] et avait déjà consulté un avocat pour un éventuel licenciement, découragé par le coût de la clause de garantie d'emploi, M. [P] lui-même a consulté un avocat, Maître [J] [C], dès le 23 janvier 2019 (soit plus d'un an avant le licenciement), qui estimait le coût d'un licenciement à 443 120 euros, cette consultation juridique est la "pièce n°39" du dossier pénal et est décisive, Maître [C] a confirmé la conformité de sa rémunération et de son temps de travail aux dispositions légales et conventionnelles, elle a validé la clause de garantie d'emploi, précisant qu'elle ne comportait pas d'exception pour faute grave, et que sa violation entraînait une indemnisation forfaitaire égale au solde des salaires restants dus jusqu'au terme de la période garantie (estimée à 310 844,84 euros), elle a également souligné que cette indemnisation est distincte et cumulable avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- les motifs invoqués par le Syndicat ("perte de confiance" due à un courriel et "mauvaises relations") sont des prétextes inopérants au regard de cette préméditation,

- il s'oppose à la demande du Syndicat d'écarter la consultation de Maître [J] [C] des débats, arguant que la confidentialité avocat-client lie l'avocat mais pas le client, qui peut la divulguer, ce que le président du Syndicat a fait volontairement aux enquêteurs,

- la véritable cause du licenciement est sa découverte d'une "dénonciation calomnieuse" à son encontre et son intention de déposer plainte, exprimée par courriel le 10 février 2020, il a été sciemment empêché d'obtenir les éléments pour se défendre et déposer plainte, le droit d'agir en justice est une liberté fondamentale, dont la violation entraîne la nullité du licenciement, même si l'action n'est qu'envisagée, la chronologie des événements (demande d'information/intention de plainte le 10 février, annulation de rendez-vous le 14 février, convocation à entretien préalable et mise à pied conservatoire le 19 février) démontre une mesure de rétorsion, bien que la nullité permette la réintégration, il sollicite une juste indemnisation du préjudice.

- il n'y a ni "faute grave" ni "motif légitime" pour justifier le licenciement, la lettre de licenciement du 12 mars 2020 ne mentionne que deux motifs : son courriel du 10 février 2020 et ses "mauvaises relations" avec ses collègues :

- concernant le courriel du 10 février 2020:

- il ne contient aucun excès de langage, caractère injurieux, diffamatoire ou accusation contre l'employeur, il s'agissait d'une demande légitime d'explications après avoir été mis en cause personnellement dans une procédure administrative,

- la "perte de confiance" ne peut être une cause de licenciement en soi, seuls des éléments objectifs le peuvent,

- le premier juge a justement constaté que le courriel ne faisait pas apparaître de soupçons sur l'honorabilité de M. [P] ni de remise en cause de son autorité,

- concernant les "mauvaises relations" avec les collègues :

- le Syndicat a la charge de la preuve et les pièces qu'il a produites ne démontrent rien d'utile,

- les documents sont anciens (plus de deux ans avant le licenciement) ou ne concernent que de "simples tensions relationnelles",

- un "rappel à l'ordre" de juillet 2018 portait sur un épisode unique et isolé, ne pouvant justifier un comportement prolongé, et a d'ailleurs été fermement contesté,

- il produit des échanges de courriels montrant des relations professionnelles normales, une lettre de l'ancien président du Syndicat, M. [T] [A], le félicitait chaleureusement en 2018, le premier juge a constaté que ce grief n'était pas établi, et que le licenciement n'était donc justifié par aucune faute grave ni cause réelle et sérieuse,

- sur la prescription de l'exception de nullité de la clause de garantie d'emploi soulevée par le Syndicat Durance Luberon et sur la clause de reprise d'ancienneté :

- l'action en nullité de la clause de garantie d'emploi, incorporée aux contrats de 2014 et 2016, est prescrite, le contrat de travail a été exécuté, ce qui rend l'exception de nullité irrecevable selon l'article 1185 du code civil, la clause est parfaitement valide et relève de la liberté contractuelle des parties, elle était essentielle pour lui, sans laquelle il n'aurait pas contracté, l'argument du Syndicat sur le "dol" ou un "déséquilibre significatif" est infondé, la conclusion du contrat ayant été le fruit de longues négociations (12 mois) et signée par un président expérimenté et pleinement consentant, la jurisprudence de la Cour de cassation, qui stipule que la violation d'une clause de garantie d'emploi donne droit à une indemnité forfaitaire égale au solde des salaires restants dus, n'est pas "contestable" et la clause n'est pas une "clause pénale",

- le Syndicat a abandonné la nullité de la clause de reprise d'ancienneté en appel, cette clause relève de la liberté contractuelle et n'est pas subordonnée à l'existence d'une relation de travail antérieure au sein de la même structure ; elle valorise un savoir-faire et une expérience, l'argument d'un "nouveau contrat de travail" sans cette clause est faux ; il s'agissait d'un simple "avenant", son ancienneté a toujours été reconnue par le Syndicat, figurant sur tous ses bulletins de paie,

- il demande la réformation des sommes allouées (basée sur une attestation d'expert-comptable, M. [N] [K]) :

- indemnité légale de licenciement de 179 550 euros (contre 92 340 euros alloués) conformément à l'accord d'entreprise,

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 153 900 euros (20 mois de salaire brut, montant maximal du barème Macron) au lieu de 60 000 euros nets alloués, cette somme est nécessaire pour couvrir le préjudice considérable subi, ayant fermé sa propre société pour ce poste, et étant âgé de plus de 55 ans sans avoir retrouvé d'emploi salarié,

- indemnité compensatrice de clause de garantie d'emploi 286 703 euros (contre 277 020 euros alloués),

- l'employeur a modifié unilatéralement son contrat en lui interdisant de gérer un dossier juridique ( Mme [M]), alors que c'était l'essence de sa fonction de directeur juridique et qu'une telle modification nécessitait un nouvel arrêté,

- il demande 15 000 euros en réparation du préjudice pour licenciement vexatoire, il met en avant la brutalité et les circonstances vexatoires de son licenciement : fermeture de sa société, poste clé de directeur juridique, motif de "faute grave" présumant d'une faute sévère, mise à pied immédiate, refus d'explications et découverte d'une éviction envisagée de longue date, et surtout, l'absence de faute prouvée, la consultation du Conseil d'exploitation du Syndicat avant l'entretien préalable au licenciement prouve une violation manifeste du code du travail et une précipitation,

- il sollicite la réparation de la perte de participation employeur au ticket CESU et demande 1 144 euros (contre 1 040 euros initialement),

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 21 novembre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 10 mars 2025.

MOTIFS

Sur la demande de rejet de la pièce n°29 de l'intimé

Le syndicat Durance Luberon demande le rejet de la pièce n° 29 de l'intimé s'agissant d'un courrier du 23 janvier 2019 adressé par Me Laura Tetti, avocat du syndicat, faisant le point sur la régularité du contrat de travail de M. [H] [L] et les conséquences de son éventuel licenciement au motif que la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client est protégée par l'article 66 -5 de la loi du 31 décembre 1971 et par l'article 8 de la convention européenne des Droits de l'Homme.

M. [H] [R] soutient que ce courrier a été annexé à la procédure pénale qui lui a été communiquée par le procureur de la République.

En effet, d'une part M. [H] [R] n'est pas tenu par les règles de confidentialité s'imposant au seul avocat, d'autre part ce document est sorti du champ des règles rappelées par le syndicat Durance Luberon pour constituer une pièce de la procédure pénale dont M. [H] [L] a régulièrement obtenu la communication.

Cette pièce peut donc être produite dans le cadre de la présente procédure.

La demande est en voie de rejet.

Sur la nullité du licenciement

Il résulte de l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur.

M. [H] [S] soutient que son licenciement serait nul pour constituer une atteinte à une liberté fondamentale et considère que la vraie raison de son éviction réside dans la découverte de la dénonciation calomnieuse dont il a fait l'objet et de l'annonce au président du syndicat de sa volonté de déposer plainte le 10 févier 2020.

Il se fonde sur un courriel adressé à M. [P] le 10 février 2020 rédigé en ces termes : « j'ai découvert lundi dernier, avec effarement, en téléchargeant la requête déposée par Mme [E] sur le site télérecours les allégations de Mme [E] à mon encontre.

Je n'ai eu, à aucun moment la possibilité d'être informé, auditionné, entendu ou mis en capacité de me défendre.

Cela est d'autant plus surprenant vu les incohérences de sa déclaration sur l'honneur datée du 19 mars 2019 (Pièce 22 de sa requête).

Cela est d'autant plus regrettable, à l'évidence, que cela aurait permis de démontrer l'incohérence de tels propos, évitez de maintenir cet agent dans ces propos et la divulgation en dehors du syndicat Durance Luberon de tel propos qualifiables au sens du code pénal de dénonciation calomnieuse.

Mon honneur et ma réputation ont été atteints par un tel silence de ma hiérarchie.

Afin de pouvoir me défendre je vous demande la communication de tous les éléments en possession de Durance Luberon renfermant des allégations mon encontre. Je vous précise que la communication de ces éventuels documents est une obligation de l'employeur ( C. Cass 3 octobre 2018 -17-20802).

Afin de pouvoir apprécier les éventuelles complicités dont Mme [M] aurait pu bénéficier au sein de Du rance Lubéron dans la diffusion de ces propos qualifiables au sens du code pénal de dénonciation calomnieuse.

je vous remercie de me communiquer tous documents de transmission de ces propos.

Je vous informe souhaiter déposer plainte.

Je souhaite vous rencontrer...»

M. [P] lui répondait aussitôt pour lui fixer un rendez-vous le lundi suivant.

En effet, Mme [M], ancien adjoint administratif au sein du syndicat depuis 20 ans, avait déposé une demande de reconnaissance d'accident de service le 19 mars 2019 par laquelle elle mettait en cause M. [H] [S], elle avait saisi le tribunal administratif de Nîmes par requête en date du 20 janvier 2020 d'une demande d'annulation de la décision du 7 novembre 2019 par laquelle le président du syndicat l'a placée en retraite pour invalidité non imputable au service.

Le 17 février 2020, M. [H] [S] a adressé un nouveau courriel au président du syndicat et à sa directrice générale des services :

« Je vous renouvelle ma demande afin de pouvoir apprécier les éventuelles complicités dont Madame [M] aurait pu bénéficier au sein de DURANCE LUBERON dans la diffusion des propos qualifiables au sens du code pénal de dénonciation calomnieuse figurant dans sa requête devant le tribunal administratif de Nîmes, de me communiquer tous documents de transmission de ces propos.

Je vous renouvelle ma demande d'entretien à ce sujet.

Je vous précise être en récupération lundi prochain mais je peux annuler cette récupération si vous souhaitez me recevoir le 24. »

Si la pièce numéro 36 du syndicat Durance Luberon démontre que les documents sollicités par M. [H] [S] lui ont été transmis pour avoir été produits dans le cadre de l'enquête pénale pour escroquerie menée à l'encontre de M. [H] [S] sur dénonciation du syndicat Durance Luberon ce que confirme également le courrier adressé par l'employeur à M. [H] [S] le 19 février 2020, il est cependant incontournable que la lettre de licenciement fait expressément référence aux faits dénoncés par M. [H] [S] : «... vous nous avez adressé le 10 février 2020 un courriel dont la teneur a entraîné une perte de confiance de votre employeur pour les soupçons que vous émettez sur son honorabilité et pour les mauvaises relations que vous entretenez avec vos collègues...»

En effet, dès le 19 février 2020 la lettre de convocation à entretien préalable à une mesure de licenciement mentionnait :

« Nous vous informons que nous envisageons de prendre à votre encontre une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, compte tenu de la perte de confiance de votre employeur, des soupçons sur son honorabilité et des mauvaises relations que vous entretenez avec vos collègues.

(')

Nous vous informons que les faits que nous vous reprochons ne nous permettent pas de vous maintenir au sein de notre organisme pendant la durée de la procédure.

Aussi, pour les motifs que nous évoquons ci-dessus et leurs répercussions néfastes sur le fonctionnement du syndicat, nous vous notifions par la présente lettre votre mise à pied conservatoire jusqu' à décision définitive. »

Il apparaît ainsi que la mesure de licenciement est une réaction à la menace formulée par M. [H] [S] de déposer plainte pour dénonciation calomnieuse, le droit d'agir en justice constituant une liberté fondamentale.

C'est parce que le salarié a menacé de déposer une plainte, bien que celle-ci pouvait ne pas être dirigée à l'encontre de l'employeur lui-même mais à l'encontre de Mme [M], que le syndicat s'est prévalu d'une perte de confiance dans la mesure où le salarié faisait part de ses soupçons sur l'honnêteté de son employeur.

D'ailleurs l'employeur en convient en mentionnant dans ses écritures «L'évocation par [H] [R], à deux reprises par ses écrits des 10 et 17 février 2020 de l'éventuelle complicité de l'employeur et des cadres de l'exécutif du SYNDICAT DURANCE LUBERON concernant un dossier de reconnaissance d'accident de travail d'une salariée ayant travaillé sous son lien hiérarchique constitue une accusation grave de [H] [R] laquelle a motivé son licenciement pour faute grave».

Il n'est pas allégué que la menace de plainte constituerait un abus et procéderait d'une intention malveillante. Les courriels de M. [H] [S], même s'ils expriment des propos polémiques et emphatiques, ne comportent aucune connotation diffamatoire ou injurieuse, le salarié s'offusquait des propos jugés mensongers tenus par Mme [E] le mettant en cause dans la survenance de l'accident de service, il s'inquiétait à juste titre de la position de sa hiérarchie qui lui avait à l'évidence dissimulé le recours exercé Mme [E] n'étant pas discuté que le 3 février 2020 le président du syndicat avait informé M. [H] [S] que « Lors de notre entrevue de fin de matinée, vous m'avez communiqué ce mémoire et les pièces récupérées auprès du TA. Après consultation et compte tenu des circonstances, évoquées dans ce mémoire je ne souhaite pas que dossier soit étudié par la Direction Juridique.

Cette décision dérogatoire et ponctuelle est prise uniquement dans le but de préserver le syndicat. Comptant sur votre compréhension. » Le dossier de Mme [E] était ainsi soustrait à la connaissance de M. [H] [S] ce qui constituait un procédé singulier.

Il en résulte que le licenciement prononcé à l'encontre de M. [H] [S] est nul et par voie de conséquence le jugement qui a dit que le licenciement de M. [H] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse est en voie de réformation.

Sur l'indemnisation du licenciement nul

M. [H] [S] peut prétendre à une indemnité de licenciement selon la Convention collective nationale Eau et Assainissement qui prévoit en son article 2.4.4.1 :

« Les salariés licenciés comptant au moins deux ans d'ancienneté ininterrompue dans

la même entreprise ont droit sauf en cas de faute grave ou lourde à une indemnité égale

:

- entre 2 et 5 ans inclus, à 2/10 e de mois par année de présence depuis l'embauche,

- entre 6 et 10 ans inclus, à 3/10 e de mois par année de présence comprise dans cette tranche,

- à partir de 11 ans, à 5/10 e de mois par année de présence comprise dans cette tranche. »

Le contrat de travail du 1er octobre 2014 prévoyait une clause de reprise d'ancienneté à compter du 1er octobre 1989.

Le syndicat Durance Luberon fait observer qu'un nouveau contrat de travail a été signé le 22 février 2016 suite à une contestation du comptable public avec saisine de la DGFIP et du procureur financier de la chambre régionale des comptes notamment en ce qui concerne la clause exorbitante de droit commun de reprise d'ancienneté, les salaires de M. [H] [S] n'étaient donc pas versés en raison de cette obstruction.

Ce nouveau contrat fixait la garantie d'emploi à 7 ans, soit jusqu'au 21 février 2023 et ne comportait plus de mention de reprise d'ancienneté comme présence effective dans l'entreprise, l'article 7 du contrat de travail stipulait : « Ce contrat de travail venant aux droits et obligations du contrat de travail initial signé le 17 septembre 2014 et à son avenant du 30 novembre2015, il entrera en vigueur à la date de sa signature ».

Dès lors que la clause de reprise d'ancienneté n'a pas été reproduite dans le nouveau contrat, l'ancienneté de M. [H] [S] doit être fixée au 1er octobre 2014.

L'indemnité de licenciement s'établit ainsi :

- indemnité conventionnelle (majorée de 10% : + 55 ans) : 9.168,74 euros

- indemnité légale : 10.420,38 euros .

l'indemnité légale étant plus favorable, M. [H] [S] ne peut prétendre à une indemnité supérieure à 10.420,38 euros bruts.

Le licenciement étant déclaré nul, les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail ne s'appliquent pas.

Sur la base d'un salaire brut moyen de 7.695,00 euros il sera alloué à M. [H] [S] la somme de 50.000,00 euros au titre de son indemnisation pour licenciement nul. En effet, la clause de garantie d'emploi avait pour objet de l'indemniser d'un licenciement prématuré dans l'attente qu'il puisse faire valoir ses droits à retraite. Il s'ensuit qu'aucun préjudice spécifique n'est rapporté.

Sur la clause de garantie d'emploi

Le contrat de travail du 22 février 2016 de M. [H] [S] prévoyait en son article 6 : « L'employeur s'interdit de vous licencier pendant une période de 7 ans. »

Le syndicat soulève la nullité de cette clause en visant les articles suivants du code civil :

- 1184 : « Lorsque la cause de nullité n'affecte qu'une ou plusieurs clauses du contrat, elle n'emporte nullité de l'acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elles. »

- 1169 : « un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie

convenue au profit de ce lui qui s'engage est illusoire ou dérisoire. »

- 1171 : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur

l'adéquation du prix à la prestation. » .

Le syndicat Durance Luberon faisant état des manoeuvres malhonnêtes de M. [H] [S] invoque en réalité l'existence d'un dol.

- Sur la prescription :

M. [H] [S] soutient que la demande est irrecevable au visa de l'article 2224 du code civil qui prévoit une prescription quinquennale.

Le syndicat Durance Luberon rétorque qu'il soulève la nullité de la clause litigieuse par voie d'exception laquelle est perpétuelle contrairement à l'action qui se prescrit par 5 ans et que selon l'article 1185 du code civil : « L'exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution », la clause n'ayant pas reçu exécution lors de la demande.

M. [H] [S] fait observer que le contrat de travail a nécessairement reçu exécution, ce qui est exact, et qu'une clause de garantie d'emploi ne peut (sauf accord des parties, faute grave du salarié ou cas de force majeure) être rompue pendant la période couverte par la garantie, que la période couverte par la garantie (soit l'exécution de l'obligation) débute nécessairement à la date de la signature du contrat.

C'est à bon droit que le premier juge a estimé que « Conformément à l'article 2244 du Code Civil, l'action en nullité des clauses de reprise d'ancienneté et de garantie d'emploi contenues dans la lettre d'embauche à durée indéterminée de monsieur [H] [R] du 17 septembre 2014 était prescrite à compter du 17 septembre 2019. L'action en nullité des clauses de reprise d'ancienneté et de garantie d'emploi contenues dans le contrat de travail à durée indéterminée de monsieur [H] [R] en date du 22 février 2016 était quant à elle prescrite à compter du 22 février 2021. Les demandes d'annulation des clauses litigieuses n'ayant été présentées pour la première fois par le syndicat DURANCE LUBERON qu'à l'audience du 15 février 2022, elles seraient donc irrecevables car prescrites ».

Le jugement qui a retenu la prescription, sans le préciser dans son dispositif, mérite confirmation par réparation de l'omission.

- Sur l'indemnité revenant à M. [H] [S] :

La violation d'une clause de garantie d'emploi donne droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant égal au solde des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'au terme de cette période de garantie.

La période de garantie s'étendant sur 36 mois, M. [H] [S] est en droit de prétendre à la somme de 7.695,00 x 36 = 277.020 euros.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur la réparation du préjudice moral occasionné par la modification unilatérale du contrat de travail

M. [H] [S] soutient, au motif que son l'employeur lui a interdit de gérer le dossier de Mme [Y], que son contrat de travail a été modifié, il demande la somme de 20.000,00 euros à ce titre.

Or c'est par une saine appréciation des faits de l'espèce que le premier juge a relevé « A supposer que la demande faite par le président du syndicat DURANCE LUBERON à monsieur [R] de ne pas intervenir dans la gestion juridique de la procédure [M], puisse s'analyser comme le soutient le demandeur en un retrait partiel ou une suspension de la délégation de pouvoirs consentie à monsieur [H] [R] par arrêté du 10 octobre 2018, elle ne constitue en tout état de cause qu'une modification de ses conditions de travail, cette modification étant justifiée par l'employeur par la nécessité d'éviter tout risque de conflit d'intérêt dans un dossier où monsieur [R] était mis en cause personnellement par la requérante.

Dès lors, en l'absence de modification unilatérale par son employeur des éléments essentiels

du contrat de travail de monsieur [R], celui-ci sera débouté de sa demande afférente

d'indemnité de 20 000 euros pour préjudice moral ».

En effet, la simple circonstance que, ponctuellement, l'employeur ait retiré de la gestion suivie par M. [H] [S] le dossier concernant Mme [Y] dans lequel il s'estimait impliqué et «calomnieusement dénoncé» ne peut s'analyser en une modification unilatérale de son contrat de travail mais relève du pouvoir de direction de l'employeur exercé dans l'intérêt de l'entreprise afin d'éviter tout conflit d'intérêt.

En outre, M. [H] [S] bénéficiait d'une délégation de signature, et non de pouvoir, en application des dispositions de l'article L5211 -9 du code général des collectivités territoriales qui dispose :

« Le Président, ('), il peut également donner, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature (') ». Pour autant le président n'est pas dépossédé de ses prérogatives qu'il peut exercer directement.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer de ce chef le jugement déféré.

Sur la réparation du préjudice pour licenciement vexatoire

Comme l'a justement relevé le premier juge, le licenciement de M. [H] [S] est intervenu conformément à la procédure applicable en matière de licenciement prononcé pour faute grave.

M. [H] [S] fait valoir que :

- il a quitté ses fonctions de dirigeant de sociétés pour s'engager dans une relation de travail salariée avec le syndicat,

- il occupait le poste clef de « Directeur Juridique » au sein du syndicat,

- le motif de licenciement reproché (« faute grave ») présume aux yeux des personnels et tiers à l'établissement d'une faute d'une particulière sévérité (soit par exemple : harcèlement, abandon de poste, insubordination),

- une mise à pied a été immédiatement décidée,

- aucune explication sur les causes de son licenciement ne lui a été fournie malgré sa demande écrite,

- il a découvert que son éviction de la structure était de longue date envisagée,

- aucun des faits qui lui ont été reprochés n'est avéré,

- le conseil d'exploitation du syndicat Durance Luberon a donné un avis favorable le 17 février 2020 sur un « projet de licenciement de Monsieur [H] [R] » avant même la tenue de « l'entretien préalable au licenciement » lequel n'a eu lieu que le 2 mars 2020.

Or aucun de ces éléments n'est de nature à démontrer que le licenciement de M. [H] [S] est intervenu dans des circonstances particulièrement vexatoires. La nature de la faute invoquée justifiait la mesure de mise à pied conservatoire, l'entretien préalable et la lettre de licenciement ont permis à M. [H] [S] de prendre connaissances des causes de son licenciement.

En outre, comme le rappelle justement le syndicat Durance Luberon, le conseil d'exploitation ne s'est pas prononcé pour le licenciement mais sur la procédure en vue d'une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer de ce chef le jugement déféré.

Sur la demande d'indemnité pour perte de la participation de l'employeur au ticket CESU sur la période de garantie (l'emploi (2020 à 2023).

M. [H] [S] sollicite la somme de 1040 euros à ce titre se fondant exclusivement sur l'étude de l'expert comptable qu'il a mandaté mais qui ne précise pas le fondement de cette demande. La pièce n°43 ( formulaire extrait du site internet du CNAS) ne démontre nullement que M. [H] [S] bénéficiait d'un tel avantage.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer de ce chef le jugement déféré.

Sur l'indemnité compensatrice de perte de l'indemnité repas

Le syndicat Durance Luberon observe que cette demande est formulée pour la première fois en appel. Cette demande tendant à l'indemnisation que cause la rupture du contrat de travail est une demande tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

M. [H] [S] sollicite la somme de 604 euros en se fondant sur un coût à charge de l'employeur de 4,20 euros pour 36 mois sur une base de 4 tickets par mois.

Le syndicat Durance Luberon rétorque que la lecture des bulletins de paie produit aux débats ainsi que de l'accord d'entreprise permet de mettre en évidence que cet avantage en nature est attribué au prorata des jours travaillés, de telle sorte que les congés payés doivent être déduits.

Cette observation étant parfaitement fondée, il convient donc d'attribuer la somme de 554,40 euros à ce titre à M. [H] [S].

Sur l'indemnité compensatrice de liquidation du compte épargne temps

M. [H] [S] bénéficiait de quatre jours sur son compte épargne temps. Il sollicite le paiement de la somme de 1835 euros alors que l'expert comptable qu'il a mandaté fixe à la somme de 1231 euros correspondant à la valeur de ces journées.

Aucun détail du calcul n'est proposé alors que le bulletin de paie du mois de mars 2020 fait état du paiement de la somme de 48,42 euros au titre du solde du CET.

La demande est en voie de rejet.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la syndicat Durance Luberon à payer à M. [H] [S] la somme de 2.000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Déboute le syndicat Durance Luberon de sa demande de rejet de la pièce n° 29 de l'intimé,

Répare l'omission de statuer et dit prescrite l'action en nullité de la clause de garantie d'emploi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il :

CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON à payer à Monsieur [H] [R] les sommes suivantes :

- 23 085,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 308,50 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 6 744,00 euros bruts à titre de rappel de salaire sur période de mise à pied.

- 277 020,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de clause de garantie d'emploi

DIT que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2020

DIT que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter

de la date du jugement

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière

DEBOUTE monsieur [H] [R] du surplus de ses demandes ( à savoir la réparation du préjudice moral occasionné par la modification unilatérale du contrat de travail au cours de son exécution, la réparation du préjudice pour licenciement vexatoire, la demande d'indemnité pour perte de la participation de l'employeur au ticket CESU sur la période de garantie (l'emploi (2020 à 2023) et l'indemnité compensatrice de liquidation du compte épargne temps)

DEBOUTE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles

CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON à payer à Monsieur [H] [R] la somme de 1 000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE le syndicat mixte intercommunal eau et assainissement DURANCE LUBERON aux entiers dépens ; RAPPELLE que sont exécutoires de plein droit les condamnations ordonnant la délivrance des pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail) et celles ordonnant le paiement des sommes a titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus.

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [H] [S] nul,

Condamne le syndicat Durance Luberon à payer à M. [H] [S] les sommes suivantes :

- 10.420,38 euros bruts d'indemnité de licenciement

- 50.000,00 euros d'indemnité pour licenciement nul

- 277.020 euros au titre de la clause de garantie d'emploi

- 554,40 euros au titre de la perte sur les indemnités repas

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail,

Condamne le syndicat Durance Luberon à payer à M. [H] [S] la somme de 2.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat Durance Luberon aux dépens d'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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