CA Angers, ch. com. A, 28 octobre 2025, n° 18/01409
ANGERS
Autre
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
MACHINES SPECIALES (SARL)
Défendeur :
Adocis (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Corbel
Conseillers :
M. Chappert, Mme Laurent
Avocats :
Me Barret, Me Poilane, Me Baboin, Me Ascencio
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 13 juillet 2010, après un avant-contrat signé le 5 juillet 2010 qui serait devenu caduc, la SAS Adocis conseil, devenue Adocis puis CSP BDO Economie et performance (Ci-après désignée Adocis), se présentant comme bénéficiaire d'un agrément gouvernemental OPQCM, en vertu d'un arrêté du 19 décembre 2000, pris en application de la loi du 31 décembre 1971 régissant l'activité de conseil juridique par les avocats et l'activité de conseil juridique pour les autres professions et d'un référencement de l'Etat a conclu avec la société (SARL) [E] machines spéciales (dite RMS), un contrat intitulé 'crédit impôt recherche', dont l'objet était, en substance, d'optimiser le dispositif fiscal applicable au crédit d'impôt recherche (CIR), ce pour une durée de quatre ans renouvelable automatiquement pour une même durée, et à effet au 1er janvier 2010. Le contrat prévoit que les honoraires hors taxes du consultant (la SAS Adocis conseil) sont calculés sur la base de 25% du montant du CIR déclaré à l'administration fiscale et sont facturés, pour chaque exercice, le jour du dépôt auprès de l'administration fiscale de la déclaration du CIR.
Courant 2012, la SAS Adocis conseil a fait l'objet d'une radiation au registre du commerce et des sociétés et a été absorbée par la société Adocis group, devenue la SAS Adocis.
Au 31 décembre 2013, le contrat a été tacitement reconduit pour une nouvelle durée de quatre ans, à effet du lendemain.
Le 20 février 2015, les parties ont régularisé un avenant au contrat du 13 juillet 2010 stipulant qu' 'en cas de remise en cause définitive des économies préconisées par le consultant, dans le cadre de l'audit défini par le contrat de recherche d'économie en matière de crédit impôt recherche, le consultant s'engage à reverser à son client les honoraires afférents aux économies rejetées par l'administration.'
La SARL RMS a obtenu un crédit d'impôt de 281 592 euros pour la période de 2008 à 2014.
A la suite d'un contrôle fiscal réalisé à compter du 24 juillet 2015 pour les déclarations n°2069A du CIR des années 2011, 2012 et 2014, une partie des sommes dont la SARL RMS avait pu bénéficier au titre du crédit d'impôt a été remise en cause au motif, selon la déclaration complémentaire de régularisation, que 'la société (RMS) a intégré à tort une rémunération du gérant aux dépenses du CIR. Or aucune rémunération de gérance n'est versée par la SARL (RMS) ; en effet le gérant rend ses prestations de recherche en tant qu'entrepreneur individuel.'
La SARL RMS expose avoir dû rembourser à l'administration fiscale une somme de 113 829 euros, somme sur laquelle elle aurait versé 28 847 euros d'honoraires à la société Adocis ; que le contrôle a révélé que la SAS Adocis conseil avait commis des erreurs de déclaration en ne prenant pas en compte des dépenses de personnel.
Par lettre du 4 janvier 2016, que la société Adocis affirme toutefois n'avoir jamais reçue, la SARL RMS aurait décidé de mettre un terme à la relation commerciale des parties.
Par lettre de son conseil du 1er mars 2016, la SARL RMS a demandé la nullité du contrat en considération de ce que la société Adocis a exercé une activité de conseil juridique en violation de la loi du 31 décembre 1971 régissant l'activité de conseil juridique par les avocats et l'activité de conseil juridique pour les autres professions et une indemnisation à hauteur de la somme de 113 829 euros, en sus de la restitution de l'intégralité des honoraires de résultat à concurrence de 67 569,55 euros.
Par lettre du 7 mars 2016, le représentant de la société Adocis a notamment répondu 'je vous rappelle que vous êtes contractuellement lié à la société Adocis pour les CIR 2015, 2016 pour les sociétés RMS (...)', et 'si vous entendez résilier unilatéralement les contrats nous unissant (...) nous vous saurions gré de nous l'indiquer sous quinze jours afin que nous puissions transférer votre dossier au service contentieux.' Elle a rappelé qu'il existait une clause de conciliation.
Le 4 avril 2016, la SARL RMS a assigné la SAS Adocis, devant le tribunal de commerce d'Angers, aux fins de voir, en vertu de ses dernières conclusions devant le tribunal, sur le fondement des articles 1131 et 1382 du code civil :
- constater que la convention qui lui a été proposée par la société Adocis conseil est illicite et en prononcer la nullité en application des dispositions de l'article 1131 du code civil,
- en conséquence de cette nullité, condamner la société Adocis conseil à lui rembourser la somme de 67 569,55 euros correspondant au montant des honoraires qu'elle a versés à la société Adocis conseil et la condamner également au paiement de la somme de 113 829 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant du redressement qui lui a été infligé,
- constater, dire et juger, en tout état de cause, que la société Adocis conseil doit restituer conformément aux clauses du contrat les honoraires perçus sur les sommes redressées, soit la somme de 28 457 euros (113 829 euros, montant du redressement x 25).
En réplique, la SAS Adocis a sollicité du tribunal, in limine litis, au vu des articles 74 et 75 du code de procédure civile, D. 442-3 du code de commerce et de l'annexe 4-2-1, qu'il se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes ; au vu des articles 73 et 74 du code de procédure civile, qu'il sursoie à statuer en attendant que le médiateur des entreprises rende sa décision dans le cadre de l'instance 171016-hh42k, qu'il sursoie à statuer en attendant que la société RMS produise les attestations des crédits impôt recherche obtenus pour les années 2015, 2016 et 2017 ; au vu des articles 122 du code de procédure civile, 1304 et 2224 du code civil, qu'il constate que l'action en nullité de la convention est prescrite depuis le 13 juillet 2015, et en conséquence, déclare la société RMS irrecevable dans l'ensemble de ses demandes, ce comprenant l'annulation de la convention, la restitution de la somme de 67 559,55 euros et le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 113 829 euros ; au vu de l'article 122 du code de procédure civile, qu'il constate que la SARL RMS se prévaut à la fois d'une résiliation du contrat et d'une nullité du contrat, et qu'en conséquence sa demande se heurte à un estoppel justifiant que soit prononcée l'irrecevabilité de l'ensemble de ses demandes ; au vu des articles 122 du code de procédure civile et 1134 du code civil, qu'il constate que la société RMS n'a pas respecté l'obligation de tentative de conciliation amiable avant la saisine du juge et en conséquence la déclare irrecevable dans l'ensemble de ses demandes ; que soit ordonnée avant dire droit une décision proposant une mesure de conciliation ou de médiation et ce afin de rester dans l'esprit du contrat la liant à la société RMS et dans l'esprit de l'article 56 du code de procédure civile. Au fond, la SAS Adocis a demandé au tribunal de juger que l'objet de la convention du 13 juillet 2010 est licite, au sens de l'article 1131 du code civil et en conséquence déclarer la société RMS mal fondée dans l'ensemble de ses demandes ; de dire que la demande de la société RMS sur le fondement de l'article 1382 du code civil est irrecevable et mal fondée car les parties sont liées par un lien contractuel, et la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes ; à titre subsidiaire, si la nullité du contrat était prononcée, de constater que la société RMS ne démontre pas l'existence d'une faute de sa part qui lui aurait causé directement un préjudice légitime, et en conséquence la débouter de l'ensemble de ses demandes.
Reconventionnellement, la SAS Adocis a sollicité, au vu des articles 1113 et 1147 anciens du code civil, 1382 du code civil et L. 422-6-1-5 du code de commerce, à titre principal, le paiement d'une provision de 50 677,16 euros en attendant la production des factures à venir correspondant aux honoraires dus pour les CIR 2015, 2016 et 2017, ou subsidiairement, des dommages et intérêts évalués à 50 677,16 euros et correspondant à la perte d'une chance de gain à cause de la résiliation illégale du contrat, outre le paiement d'une somme de 44 040 euros au titre de dommages et intérêts complémentaires causés par la rupture brutale des relations commerciales et par l'exécution de mauvaise foi du contrat et le paiement d'une somme de 15 000 euros au titre de recours abusif.
Par jugement du 11 avril 2018, le tribunal de commerce d'Angers :
- s'est déclaré compétent pour connaître du litige concernant la validité ou non du contrat,
- a rejeté les demandes de sursis à statuer de la société Adocis en attendant d'une part la décision de conciliation et de médiation et d'autre part la production des CIR obtenus par les RMS et RET pour les années 2015, 2016 et 2017,
- a dit que la prescription n'est pas acquise et a débouté la société Adocis de ses demandes à ce titre,
- a rejeté la demande de fin de non recevoir consécutive à la règle de l'estoppel,
- a dit que la convention du 5 juillet 2010 qui a été régularisée par les sociétés RMS et Adocis n'est pas contraire à la loi du 31 décembre 1971 ; dit que cette convention est licite et a débouté la société RMS de la demande de nullité dudit contrat et de sa demande de remboursement des honoraires ainsi que des dommages et intérêts,
- a débouté la société RMS de sa demande de dommages et intérêts correspondant au montant du redressement qui lui a été infligé,
- a condamné la société Adocis à payer à la société RMS la somme de 28 457 euros,
sur la demande reconventionnelle de la société Adocis,
- a débouté la société Adocis de toutes ses demandes au titre des factures d'honoraires au titre des années 2015, 2016 et 2017,
- a condamné la société Adocis aux entiers dépens dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 78,04 euros,
- a condamné la société Adocis à payer à la société RMS la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- n'a pas ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 2 juillet 2018, la SARL RMS a formé appel de ce jugement en ce qu'il a dit que la convention du 5 juillet 2010 qui a été régularisée par elle et la société Adocis n'est pas contraire à la loi du 31 décembre 1971, dit que cette convention est licite et l'a déboutée de la demande de nullité dudit contrat et de sa demande de remboursement des honoraires ainsi que des dommages et intérêts ; et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts correspondant au montant du redressement qui lui a été infligé ; intimant la SAS Adocis conseil.
La SAS Adocis qui s'est vu signifier la déclaration d'appel par acte d'huissier du 22 octobre 2018 et qui a constitué avocat le 15 novembre 2018, a formé appel incident.
Les parties ont conclu au fond.
Par ordonnance du 31 décembre 2019, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d'appel d'Angers a débouté la société Adocis de ses demandes en nullité de la déclaration d'appel, de la signification de la déclaration d'appel et des conclusions signifiées le 22 octobre 2018, et de caducité des mêmes actes, a dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état de statuer sur la recevabilité des demandes formées par voie de conclusions devant la cour, a déclaré irrecevables les conclusions de la société RMS prise en la personne de son représentant légal déposées au greffe le 17 mai 2019 mais uniquement dans leurs mentions répondant à l'appel incident de la société Adocis, a débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'incident, a dit que les dépens d'incident suivront le sort des dépens d'appel.
Par arrêt du 21 octobre 2021, sur déféré de la précédente ordonnance, la cour d'appel d'Angers a dit qu'elle n'est pas régulièrement saisie pour se prononcer sur la recevabilité des conclusions au fond déposées le 25 janvier 2021 par la société RMS, a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 31 décembre 2019 ; y ajoutant, a condamné la société Adocis à payer à la société RMS la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté la société Adocis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné la société Adocis aux entiers dépens de la procédure de déféré.
La société RMS et la société (SAS) CSP BDO économie et performance (anciennement Adocis) ont de nouveau conclu au fond.
L'affaire a été clôturée le 18 août 2025, conformément à l'avis de clôture et de fixation adressé aux parties le 4 avril 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société RMS demande à la cour de :
vu les articles 74, 114 et 122 du code de procédure civile,
vu les dispositions des articles 1131 et 1382 (anciens) du code civil,
vu l'article 1162 du code civil,
vu l'article L. 442-6-1 devenu l'article L. 442-1 du code de commerce,
vu la loi du 31 décembre 1971,
vu l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* reconnu sa compétence pour connaître du litige concernant la validité ou non du contrat,
* rejeté les demandes de sursis à statuer de la société Adocis en attendant d'une part la décision de conciliation et de médiation et d'autre part la production des CIR obtenus par les sociétés RMS et RET pour les années 2015, 2016 et 2017,
* dit que la prescription n'était pas acquise et a débouté la société Adocis de ses demandes à ce titre,
* rejeté la demande de fin de non-recevoir consécutive à la règle de l'estoppel,
* condamné la société Adocis à payer à la SARL RMS la somme de 28 457 euros au titre du remboursement des honoraires indus,
* débouté la société Adocis de toutes ses demandes au titre des factures d'honoraires au titre des années 2015, 2016 et 2017 ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit que la convention du 5 juillet 2010 comme celle du 13 juillet 2001, et celle du 1er janvier 2014 qui a été régularisé par les sociétés RMS et Adocis n'est pas contraire à la loi du 31 décembre 1971 ; dit que cette convention est licite et débouté la société RMS de la demande de nullité dudit contrat et de la demande de remboursement des honoraires ainsi que des dommages et intérêts,
* débouté la société RMS de sa demande de dommages et intérêts correspondant au montant du redressement qui lui a été infligé,
y ajouter,
- déclarer irrecevables, les demandes de la société Adocis tendant à voir :
* juger que seul le tribunal de commerce de Rennes était compétent en première instance,
* infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Angers en ce qu'il a retenu sa compétence et renvoyer le dossier devant la cour d'appel de Paris,
* juger la déclaration d'appel du 2 juillet 2018 de la société RMS, les conclusions notifiées le 22 octobre 2018, les conclusions notifiées le 17 mai 2019, les conclusions notifiées le 25 janvier 2021 et toute future conclusion de la société RMS comme étant irrecevable,
* juger que les demandes sont formées tant en première instance qu'en appel contre les sociétés Adocis conseil signataire du contrat du 5 juillet 2010 et en conséquence les déclarer irrecevables contre la société CSP BDO économie et performance,
* juger que la société CSP BDO économie et performance était liée à la société RMS par le contrat du 13 juillet 2010 et en conséquence déclarer la société RMS irrecevable, et subsidiairement mal fondée dans toutes ses demandes fondées sur le contrat du 5 juillet 2010,
* juger que le contrat a été résilié illégalement en mars 2016 par la société RMS alors que le contrat devait se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2017,
* juger que la résiliation du contrat était brutale,
* juger que la procédure intentée par la société RMS est abusive,
* condamner la société RMS à payer à la société CSP BDO économie et performance des dommages et intérêts d'un montant de 117 031,16 euros ;
- dire et juger que la convention que lui a proposée la société Adocis conseil (devenue Adocis) est illicite et en prononcer la nullité par application des dispositions de l'article 1131 ancien du code civil et de la loi de 1971 sur l'exercice du droit,
- condamner en conséquence la société Adocis à lui rembourser la somme de 67 569,55 euros correspondant au montant des honoraires qu'elle a versés à la société Adocis conseil et à la société Adocis,
- condamner la société Adocis à lui verser la somme de 113 829 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au montant du redressement qui lui a été infligé,
- rejeter la demande de la société Adocis de condamnation à son égard à une indemnité de 50 677,16 euros pour perte de chance de gain,
- condamner la société Adocis au paiement d'une indemnité de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société CSP BDO économie et performance (anciennement Adocis) prie la cour de :
vu les dispositions de l'article 122, 564, 910, 910-4, 905-2, 908, 909, 910 et 916 du code de procédure civile et tous autres à suppléer ou à rajouter si besoin d'office, ,
vu les dispositions des articles 1134, 1147, 1304, 1331, 1382 et 2224 du code civil dans leur rédaction avant la réforme du droit des obligations du 1er octobre 2016,
vu l'article L. 442-6-I 5°, D. 442-3 et l'annexe 4-2-1 du code de commerce,
vu l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971,
vu l'agrément OPQCM de la société Adocis,
vu le référencement gouvernemental de la société Adocis pour les dossiers CIR,
vu l'article 5 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005,
vu le règlement (UE) n°623/2012 de la Commission, du 11 juillet 2012,
vu l'article 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur,
vu l'article 56 TFUE,
vu l'arrêt de la CJUE, 4ème chambre, arrêt 17 déc 2005, aff. C -342/14, X-Steuerberatungsgesellschaft,
vu les pièces du dossier,
in limine litis,
- juger que seul le tribunal de commerce de Rennes était compétent en première instance,
- infirmer le jugement du 11 avril 2018 du tribunal de commerce d'Angers en ce qu'il a retenu sa compétence et renvoyer le dossier devant la cour d'appel de Paris ;
sur l'irrecevabilité et subsidiairement le mal fondé des demandes de la société RMS,
- juger la déclaration d'appel du 2 juillet 2018 de la société RMS, les conclusions notifiées le 22 octobre 2018, les conclusions notifiées le 17 mai 2019, les conclusions notifiées le 25 janvier 2021 et toutes futures conclusions de la société RMS comme étant irrecevables,
- juger que les demandes sont formées tant en première instance qu'en appel contre la société Adocis conseil signataire du contrat du 5 juillet 2010 et en conséquence les déclarer irrecevables contre elle-même,
- juger qu'elle était liée à la société RMS par le contrat du 13 juillet 2010 et en conséquence déclarer la société RMS irrecevable, et subsidiairement mal fondée dans toutes ses demandes fondées sur le contrat du 5 juillet 2010,
- juger qu'en tout état de cause la demande aux fins de nullité du contrat du 13 juillet 2010 est irrecevable car présentée pour la première fois en cause d'appel et ce dans les conclusions responsives du 17 mai 2019 à l'appel incident du 20 janvier 2019,
- juger que l'action aux fins de nullité du contrat du 5 juillet 2010 comme celui du 13 juillet 2010 est prescrite depuis les 5 et 13 juillet 2015 et a fortiori au moment de l'assignation du 4 avril 2016 par devant le tribunal de commerce d'Angers,
- juger qu'elle n'a pas commis de faute en lien de causalité avec le préjudice dont se prévaut la société RMS,
- juger qu'elle ne doit rien rembourser à la société RMS en sus des avoirs déjà émis suite au redressement fiscal,
en conséquence,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
- débouter la société RMS de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
sur son appel incident,
- la juger recevable et bien fondée en son appel incident,
- juger les conclusions de l'intimé sur l'appel incident irrecevables,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
* juger que le contrat a été résilié illégalement en mars 2016 par la société RMS alors que le contrat devait se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2017,
* juger que la résiliation du contrat a été brutale,
* juger que la procédure intentée par la société RMS est abusive,
en conséquence,
- la condamner à lui payer des dommages et intérêts d'un montant de 117 031,16 euros ;
sur les frais irrépétibles et les dépens,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- condamner la société RMS à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, ainsi qu'aux entiers dépens,
- débouter la société RMS de l'ensemble de ses demandes à ce titre tant en appel qu'en première instance.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 28 juillet 2025 pour la SARL RMS,
- le 11 juillet 2025 pour la société CSP BDO économie et performance.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur l'exception d'incompétence
La société Adocis entend finalement reprendre l'exception d'incompétence du tribunal de commerce d'Angers au profit du tribunal de commerce de Rennes pour statuer sur les demandes formées au titre d'une rupture brutale des relations commerciales, qui sert de fondement à sa demande reconventionnelle, qu'elle avait présentée en première instance.
La société RMS soulève l'irrecevabilité de cette exception et, sur le fond, fait valoir que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce sont applicables aux seules relations commerciales, nature que n'ont pas eue les relations entre les parties, exclusivement civiles s'agissant de consultations juridiques, prestations de nature purement intellectuelle. Elle invoque aussi la divisibilité de ses demandes (annulation du contrat-indemnisation du préjudice consécutif à un manquement) de la demande reconventionnelle (indemnisation de la rupture du contrat).
Sur la recevabilité de cette exception
L'exception d'incompétence au profit de la juridiction spécialisée et qui avait été soulevée devant le tribunal de commerce n'a pas été reprise dans les premières conclusions de l'intimé et de ce fait, n'a pas été soulevée in limine litis en cause d'appel.
Or, il est désormais jugé que les règles relatives aux juridictions désignées pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 du code de commerce, devenues l'article L. 442-1, sont des règles de compétence d'attribution exclusive. S'appliquent, en conséquence, les règles relatives à l'exception d'incompétence lorsque ces textes sont invoqués, en particulier, l'article 74 du code de procédure civile qui dispose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir et ce, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception sont d'ordre public.
Il s'ensuit que l'exception dl'incompétence du tribunal saisi au regard des dispositions de l'article'L.'442-6 ancien, doit être soulevée avant toute défense au fond, dès que le moyen fondé sur ce droit est soulevé. Si la demande initiale est fondée sur le droit commun mais est suivie d'une demande reconventionnelle invoquant les dispositions de l'article'L.'442-6 ancien ou L. 442-1 I ou II nouveau du code de commerce, l'incompétence doit être soulevée dès que la demande reconventionnelle est formée.
Dans le cas présent, la société Adocis ayant formé en première instance à titre reconventionnel une demande indemnitaire contre la société RMS en raison d'une rupture brutale des relations commerciales sur le fondement des dispositions de l'article L 442-6-I-5° du code de commerce, avait soulevé in limine litis une exception d'incompétence du tribunal de commerce d'Angers au profit du tribunal de commerce de Rennes, en vertu de la règle spéciale de compétence prévue à l'article D. 442-3 du code de commerce, que le tribunal a rejetée. La société Adocis n'a pas repris dans ses premières conclusions d'appel, remises au greffe le 20 janvier 2019, cette exception d'incompétence, n'ayant alors soulevé que diverses fins de non recevoir non tirées des dispositions de l'article L 442-6-I-5°, des défenses au fond et repris sa demande reconventionnelle. Elle ne l'a fait, pour la première fois en appel, que dans ses conclusions remises au greffe le 11 juillet 2025. De ce fait, l'appelante lui oppose l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence pour ne pas avoir été soulevée in limine litis en cause d'appel. La société Adocis fait néanmoins valoir qu'entre le jugement de première instance et la procédure devant la cour, la jurisprudence a évolué en ce qu'elle permettait au tribunal de droit commun saisi de retenir sa compétence ce y compris si une demande pour rupture brutale des relations commerciales était formulée à titre reconventionnelle, ce qui, explique-t-elle l'aurait conduite à s'abstenir de soulever abusivement l'incompétence de la juridiction saisie mais que par un arrêt de principe du 18 octobre 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation est revenue à 'l'ancienne jurisprudence' en opérant un nouveau revirement de jurisprudence. Elle demande ainsi, au vu de ce revirement, à pouvoir tirer profit de la règle de droit qui en résulte et bénéficier d'un procès équitable. Elle invoque également l'intérêt d'une bonne administration de la justice et de l'uniformisation de la règle de droit
Mais en premier lieu, l'article 75 du code de procédure civile impose à la partie qui soulève l'incompétence de la juridiction saisie en première instance ou en appel, à peine d'irrecevabilité, de motiver son exception et de faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée. En application de l'article 90 du code de procédure civile, si elle n'est pas juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, la cour, en infirmant du chef de la compétence la décision attaquée, renvoie l'affaire devant la cour qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance. Il en résulte que la cour ne peut en aucun cas renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Rennes, comme le lui demande la société Adocis.
En second lieu, le revirement de jurisprudence résultant de l'arrêt du 18 octobre 2023 ne porte que sur la nature de la règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2 du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, devenues l'article L. 442-1, en retenant désormais qu'il s'agit d'une règle de compétence d'attribution exclusive et non d'une fin de non-recevoir. La Cour de cassation a ainsi jugé que lorsqu'un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 précité, la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 précité, doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l'interdépendance des demandes, soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée.
Avant ce revirement, il était jugé que les juridictions spécialisées étaient les seules à avoir le pouvoir juridictionnel de statuer sur le contentieux relatif à l'application de articles L. 442-6, III, ce qui a été affirmé dès un arrêt du 24 septembre 2013 (Com 24 septembre 2013,n°12-21.089, Bull n° 138), l'amendement de cette jurisprudence depuis le prononcé du jugement entrepris ( Com., 31 mars 2021, pourvoi n° 19-14.094) n'avait trait qu'au pouvoir juridictionnel de la cour d'appel de Paris seule à détenir le pouvoir juridictionnel pour connaître des recours en ce domaine, pour retenir que dans certains cas, les cours d'appel du ressort restent compétentes et doivent déclarer l'appel recevable.
Dans ses premières conclusions d'appel, la société Adocis ne s'est pas prévalue des dispositions précitées pour invoquer, ce qui était alors analysé comme une fin de non-recevoir. Elle ne peut donc prendre prétexte de l'évolution de la sanction applicable à la méconnaissance de la spécialisation des juridictions pour prétendre que cela l'autoriserait à soulever tardivement l'exception d'incompétence.
L'exception d'incompétence soulevée devant la cour par la société Adocis est irrecevable.
II - Sur les diverses fins de non recevoir autres que la prescription
La société Adocis est irrecevable à demander à la cour 'l'irrecevabilité' de la déclaration d'appel, prétention déjà rejetée par l'ordonnance du conseiller de mise en état, confirmée par un arrêt de cette cour.
La société Adocis expose qu'en 2012, la Société Adocis groupe a absorbé la société Adocis conseil par le biais d'une opération juridique de transmission universelle de patrimoine ; que la société Adocis groupe (devenue société Adocis) a continué de travailler avec la société RMS aux lieu et place de la société Adocis conseil en exécution du contrat du 13 juillet 2010 et non de l'avant-contrat du 5 juillet 2010, devenu caduc. Un avenant a été formalisé à cet effet entre la société Adocis groupe et la société RMS, lequel précise qu'il porte sur le contrat du 13 juillet 2010. De-là, la société Adocis tire plusieurs irrecevabilités tenant à ce que les demandes de la société RMS ont été initialement formées contre la société Adocis conseil alors que cette société n'avait plus d'existence légale et à ce que la demande d'annulation du contrat portait initialement sur un contrat du 5 juillet 2010 qui n'était qu'un avant-contrat devenu caduc, et non sur le contrat du 13 juillet 2010.
Sur les moyens d'irrecevabilité de la demande d'annulation du contrat conclu le 13 juillet 2010 tirés de la nouveauté de cette demande et de la règle de la concentration des prétentions en appel :
La société Adocis, constatant qu'en première instance, la société RMS invoquait un contrat du 5 juillet 2010 et non pas celui du 13 juillet 2010, que le jugement, dans son dispositif, statue sur la validité de la convention du 5 juillet 2010, que ce dispositif est repris dans la déclaration d'appel par la société RMS, que dans ses premières conclusions du 28 octobre 2018, la société RMS confirmait que l'appel portait sur la nullité du contrat du 5 juillet 2010, en déduit que la demande de nullité du contrat du 13 juillet 2010 n'a jamais été présentée en première instance, et ne l'a pas été en appel dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile, de sorte que cette demande serait irrecevable comme étant invoquée par l'appelante pour la première fois en appel et au-delà du délai qu'il lui était imparti pour former ses prétentions, en conséquence de quoi, la cour ne pourrait statuer sur la demande de nullité d'un autre acte juridique que celui du 5 juillet 2010 alors que les parties ne sont liées que par le contrat du 13 juillet 2010.
La société RMS soulève l'irrecevabilité de ces fins de non recevoir comme n'ayant pas été elles-mêmes soulevées dans le délai prévu à l'article 909 du code civil et, comme tel, se heurtant à la règle de la concentration des prétentions édictée à l'article 910-4 du code de procédure civile.
Mais ce texte prévoit seulement, qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Cette règle ne s'applique donc qu'aux prétentions au fond qui sont émises après le délai imparti et non aux fins de non-recevoir comme dans le cas présent.
La société RMS ne conteste pas que le contrat du 5 juillet 2010 est devenu caduc. Elle fait valoir qu'il n'existe entre les parties qu'une seule convention, tacitement reconduite et accompagnée d'avenants, que la société ADOCIS, qui cherche à tirer profit d'erreurs de plume, ne pouvait ignorer de laquelle il s'agissait puisque de son propre aveu, il n'en a existé qu'une seule, et qu'elle a précisément demandé la nullité de 'la convention' en demandant au tribunal de 'constater que la convention proposée par la société Adocis conseil à la société [E] machines spéciales est illicite et en prononcer la nullité par application des dispositions de l'article 1131 du code civil', prétention qu'elle a reprise en appel dans ses premières conclusions.
C'est effectivement cette prétention sur 'la convention' qui est reprise dans l'exposé du litige figurant dans le jugement et celle qui figure au dispositif des premières conclusions d'appelant, étant rappelé que la cour ne statue que sur les prétentions figurant au dispositif des conclusions. La déclaration d'appel qui opère la dévolution du litige à la cour d'appel, en ce qu'elle vise le chef du jugement déclarant avoir statué sur la licéité de la convention du 5 juillet 2010, n'a pas pour effet de limiter les prétentions de l'appelante à cette seule convention. Il est, certes, exact que dans le corps de ses premières conclusions, la société RMS datait le contrat liant les parties au 5 juillet 2010, manifestement par erreur dès lors qu'il ne fait aucun doute que le contrat dont elle demandait et demande toujours l'annulation est celui qui a été exécuté et donc soit celui qui a été initialement conclu le13 juillet 2010 soit celui qui a été tacitement renouvelé par la suite.
La question de savoir de quel contrat il est demandé l'annulation n'est donc pas en réalité celle de savoir s'il s'agit de l'avant-contrat du 5 juillet ou du contrat du 13 juillet 2010 mais celle de savoir s'il s'agit de ce contrat du 13 juillet 2010 ou du contrat renouvelé le 1er janvier 2014, dès lors que le terme employé au dispositif des conclusions d'appelante de 'convention' ne renseigne pas sur point alors que la date du contrat en cause est pourtant déterminante pour fixer le point de départ de la prescription. Mais il s'agit-là d'un débat de fond.
Sur les moyens d'irrecevabilité des demandes formées contre la société Adocis tirés de la nouveauté de ces demandes et de la règle de la concentration des prétentions en appel
La société Adocis invoque une erreur de 'débiteur' de la part de la société RMS qui, en première instance et jusque dans ses premières conclusions d'appel, a agi contre la société Adocis conseil et non contre la société Adocis.
Il est exact que la société RMS a dirigé son action en première instance contre la société Adocis conseil, qui n'avait alors déjà plus d'existence légale, qu'elle a intimé cette société sur sa déclaration d'appel et a conclu seulement contre cette société dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile. Ce n'est que dans ses conclusions postérieures, plus de trois mois après la déclaration d'appel, qu'elle a dirigé son action contre la société Adocis. Néanmoins, Il est tout aussi constant que c'est la société Adocis, dont le nom est seul mentionné sur l'en-tête du jugement, qui a exercé la défense à cette action en première instance mais aussi en appel.
La société RMS soulève l'irrecevabilité de ces fins de non-recevoir, d'abord, pour ne pas avoir été soulevées dans le délai prévu à l'article 909 du code civil, ce qui ne peut être retenu pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, ensuite, comme ne relevant pas de la 'compétence' de la formation de jugement mais de celle du conseiller de la mise en état et qui ont, d'ailleurs été tranchées par lui.
Mais la cour a seule le pouvoir de statuer sur la recevabilité des demandes nouvelles au regard de l'article 954 du code de procédure et le conseiller de la mise en état ne s'est d'ailleurs prononcé que sur la validité de la déclaration d'appel visant la société Adocis conseil et de l'acte de signification des conclusions d'appelante à cette même société qui n'avait plus d'existence légale à la suite de son absorption par la société Adocis groupe devenue la société Adocis, pour retenir qu'il ne s'agissait-là que d'un vice de forme et plus exactement que d'une erreur matérielle de dénomination de l'intimée. Il n'a pas statué sur la recevabilité des demandes au fond présentées à la cour dans les conclusions au fond, ayant retenu qu'il n'entrait pas dans ses pouvoirs de statuer sur ce point.
La cour retient, comme le conseiller de la mise en état, que ne c'est que par une erreur matérielle sur la dénomination de la société Adocis que la société RMS a visé la société Adocis conseil, et que cette erreur n'a d'ailleurs pas induit en erreur la société Adocis qui s'est défendue en première instance et n'a invoqué ce moyen qu'après avoir conclu une première fois en appel. Ainsi, il sera retenu que les demandes ont été portées contre la société Adocis dès l'introduction de l'instance, de sorte que les demandes formées contre elle sont recevables.
III - Sur la prescription
Il faut distinguer selon qu'il s'agit de l'action en nullité du contrat ou de l'action en responsabilité engagée par la société RMS.
Néanmoins, dans les deux cas, s'applique l'article 2224 du code civil aux termes duquel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Sur la prescription de l'action en nullité
La société RMS agit en nullité de la convention ayant lié les parties sur le fondement de l'article 1131, ancien, du code civil ainsi que, par voie de conséquence, en restitution des rémunérations perçues en application de cette convention qu'elle considère illicite.
Les parties s'opposent sur le point de départ du délai de prescription de cette action.
Selon la société Adocis, il s'agit de la date de la signature du contrat, quand bien même ce contrat a été tacitement reconduit et a pu faire l'objet d'un avenant, et non pas de la date du contrat reconduit, en l'espèce, le 1er janvier 2014, pour une durée de quatre années, conformément aux stipulations contractuelles. Elle en déduit que l'action est prescrite et ce d'autant plus que les honoraires dont il lui est demandé la restitution comprennent ceux qui ont été payés en exécution du contrat avant sa tacite reconduction.
Pour la société RMS, s'appuyant sur les dispositions de l'article 2224 du code civil précitées, la prescription n'aurait commencé à courir qu'à compter du jour où elle a été mise en mesure de connaître le caractère illicite de l'objet du contrat, qu'elle situe au jour où elle a consulté un avocat à la suite du redressement fiscal opéré, en faisant valoir qu'étant profane en la matière, elle ignorait que la société Adocis avait l'interdiction d'exercer une activité de consultation juridique à titre principal, à tout le moins, avant que l'inexactitude de ses conseils ne soit révélée par le contrôle fiscal de 2015 et que jusque-là, elle ignorait que la loi lui ouvrait la possibilité de demander la nullité du contrat. Cette position est combattue par la société Adocis pour qui l'article 2224 du code civil ne vise que les faits qui sont cachés à la partie et non pas leur qualification juridique.
Force est de constater que s'il est acquis que le contrat dont il est demandé de prononcer la nullité n'est pas l'avant-contrat du 5 juillet 2010, la société RMS entretient un flou sur le point de savoir si elle entend invoquer la nullité du contrat initial du 13 février 2010 ou du contrat tacitement renouvelé, le 1er janvier 2014, alors portant qu'elle indique elle-même qu'il s'agit d'un nouveau contrat. Elle apparaît vouloir se prévaloir du renouvellement du contrat initial pour voir fixer le point de départ du délai de prescription au 1er janvier 2014, comme l'ont fait les premiers juges, tout en recherchant également l'annulation du contrat initial puisqu'elle demande la restitution, en conséquence de l'annulation, des honoraires versés notamment en exécution de ce premier contrat, au titre des années 2008 à 2014.
Or, il résulte de la combinaison de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 2224 du même code que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet, de sorte que la prescription quinquennale de l'action en nullité d'une telle obligation pour cause illicite commence à courir au jour de l'acte et non pas au jour de la connaissance du fait illicite. La reconduction tacite donne naissance à un nouveau contrat, ce dont il résulte que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en nullité pour cause illicite du contrat reconduit se situe à la date de sa reconduction.
Il s'ensuit que l'action en nullité, engagée le 4 avril 2016 est prescrite concernant le contrat signé le 13 juillet 2010 mais n'est pas prescrite s'agissant du contrat tacitement renouvelé le 1er janvier 2014.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré l'action recevable, sans faire de distinction selon les contrats qui se sont succédés dans le temps.
En conséquence de la prescription retenue, l'action en restitution des factures réglées en exécution du contrat du 13 juillet 2010 en conséquence de la nullité de ce contrat ne peut prospérer.
Sur la prescription de l'action en responsabilité
La société RMS recherche la responsabilité délictuelle de la société Adocis pour obtenir réparation du préjudice consécutif au redressement fiscal sur le fondement de l'article 1382, ancien, du code civil.
En application de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription de l'action en responsabilité contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance.
Dans le cas présent, le dommage s'est réalisé lorsque l'administration a fait le contrôle fiscal, le 24 juillet 2015, ainsi que le fait apparaître une lettre du 8 juillet 2015. L'action engagée le 4 avril 2016 n'est donc pas prescrite.
IV- Sur la nullité du contrat renouvelé le 1er janvier 2014
La société RMS invoque la nullité du contrat pour objet illicite comme ayant porté sur des prestations juridiques que la société Adocis, non professionnelle du droit, avait l'interdiction de fournir en vertu de la loi du 31 décembre 1971 qui réserve aux seuls professionnels du droit le droit d'exercer une activité de conseil juridique à titre principal. Les autres professionnels ne peuvent exercer une telle activité qu'à titre accessoire et à condition de justifier d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agrée, conformément à l'article 60 de cette loi qui dispose que 'Les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité'.
Dans le cas présent, le contrat stipule qu'il a pour objet la 'prestation administrative' suivante :
'- état des lieux préalable permettant de situer le client par rapport au dispositif du crédit impôt recherche qu'il peut obtenir. Le consultant délimitera la frontière de la recherche et développement avec le concours des services techniques du client et, le cas échéant, au vu des demandes de crédit impôt recherche déjà déposées par le client.
- audit et collecte des documents er informations relatifs à l'exécution de la mesure.
- préconisation des mesures à prendre par le client afin de bénéficier du crédit impôt recherche ou d'un complément de crédit impôt recherche et d'optimiser ce dispositif fiscal (éligibilité des prestataires du client à l'agrément du ministère de la recherche, opportunité d'une structure juridique spécialisée en recherche et développement, refacturations internes entre sociétés...).
- préparation et assistance à la rédaction des déclarations fiscales n° 2069A du client sur la base des préconisations du consultant acceptées par le client en vue de leur dépôt auprès de l'administration fiscale. Pour les années antérieures à l'année en cours, le consultant préparera si nécessaires des déclarations rectificatives.
- pour les clients ayant un excédent de crédit d'impôt recherche non encore imputé sur l'impôt sur les sociétés, préparation et assistance à la rédaction de la déclaration fiscale n° 2574 SD du client, transmise le cas échéant au partenaire financier du client.
- rédaction et suivi des dossiers d'éligibilité, ainsi que des demandes d'agréments pour les travaux de recherches éventuellement sous-traitées.'
La société Adocis produit un document sur la méthodologie qu'elle présente comme avoir été celle proposée à la société RMS, définie comme suit :
'notre démarche vise à établir un diagnostic d'éligibilité de vos dépenses, de manière transversale, dans tous les domaines de l'entreprise, calculer les montants à reporter sur vos formulaires 2069 A, justifier par des dossiers financiers, scientifiques et techniques la réalité de ces montants.
Préparation du crédit impôt recherche :
1-interview des principaux responsables R&D
2- définition des projets de recherche
3-définition des équipes de 'chercheurs/techniciens de recherche'
4- estimation des temps passés par projet et par équipe
5- estimation des dépenses éligibles 'périphériques'
6- vérification des agréments des sous-traitants et rédaction des demandes d'agrément pour les organismes qui n'en disposent pas et qui peuvent y prétendre
7- évaluation des enjeux
Finalisation du dossier crédit impôt recherche :
1- chiffrage définitif des dépenses éligibles
- 2 rédaction de la déclaration 2069 A
3-collecte des données et informations (administratifs, scientifiques, techniques,...°
4- recherche sur l'état de l'art,
5- rédaction du dossier d'éligibilité des projets de recherche
6- constitution des feuilles d'attachement pour le dossier d'éligibilité
7- assistance, le cas échéant, à la procédure de remboursement de la créance de CIR'.
En premier lieu, les parties sont en désaccord sur la nature des prestations prévues au contrat. La société RMS, après avoir rappelé que la consultation juridique est communément définie comme une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d'un avis ou d'un conseil fondé sur une règle de droit en vue notamment d'une éventuelle prise de décision, prétend que la prestation accomplie par la société Adocis avait un caractère juridique dès lors qu'elle devait analyser au préalable les critères d'éligibilité du client au régime du crédit impôt recherche, au regard de la législation fiscale applicable, collecter les éléments factuels en conséquence, rédiger les actes qui lui permettront d'en bénéficier, et formuler 'des préconisations des mesures à prendre' afin de bénéficier du crédit d'impôt recherche, et 'd'optimiser ce dispositif fiscal', ce qui implique nécessairement une analyse des textes fiscaux et de leur application à la situation concrète de la société cliente, de sorte que l'activité juridique n'était pas l'accessoire d'une prestation technique principale mais le c'ur même de la prestation proposée, quand la société Adocis prétend qu'elle a, d'abord, apporté une assistance purement technique et administrative et ensuite, seulement, et dans une infime mesure, un conseil juridique consistant en une aide au montage du dossier technique. Elle insiste pour dire que sa prestation technique était préalable à la délivrance de la consultation juridique, et qu'il s'agissait plus précisément de préparer un dossier technique d'évaluation des avancées internes de l'entreprise au regard d'innovation scientifique (état de l'art, définition des projets de développements, rédaction et saisie des données et leurs ajustements techniques pour être éligibles au CIR, sélection des dépenses 'etc), ce qui impliquait, en premier lieu, des investigations sur places sur les modèles innovants concernés, se traduisant ensuite par l'établissement des relevés techniques et leur analyse, suivi par la récolte des pièces, des saisies administratives et enfin la composition administrative du dossier. Elle définit et quantifie précisément ses travaux comme suit :
* une première phase purement technique qui constitue son activité principale (95% des prestations vendues), ayant pour finalité de traiter les données techniques, consistant en :
- la délimitation de la frontière de la Recherche et Développement avec les concours des services techniques (50% de la mission vendue),
- l'audit et collecte des documents et informations « saisie » (10% de la mission vendue),
- la rédaction des dossiers d'éligibilité « synthèse des innovations scientifiques envisagées » (35% de la mission vendue),
* un seconde phase (activité accessoire) consultation juridique accessoire autorisée par l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971 aux entreprises jouissant de l'agrément gouvernemental OPQCM :
- préconisation de mesures à prendre « conseil juridique accessoire en vertu de l'agrément OPQCM » (4% de la mission vendue)
- préparation et assistance à la rédaction des déclarations fiscales CERFA N°2069A et N°2574 SD « saisies des données (1 jour de travail par an soit de 2010 à 2014, 4 jours de saisies en 4 ans soit moins de 1% des services vendus).
Elle fait valoir que les diligences qu'elle a accomplies ont permis à la société RMS de se décharger de la partie technique du dossier CIR (état de l'art, définition des projets de développements, rédaction et saisie des données et leurs ajustements techniques pour être éligibles au CIR, sélection des dépenses 'etc), que nul avocat ne saurait réaliser un tel travail sans le travail préalable des ingénieurs et spécialistes techniques des activités de la société RMS et que ce n'est qu'après avoir réalisé ce travail essentiel qu'elle prodigue un conseil juridique accessoire qui s'inscrit dans la continuité logique du travail fourni préalablement, à savoir, quel imprimé remplir et dans quel délai pour pouvoir prétendre au bénéfice du CIR, quel futur développement technique envisagé pour pouvoir prétendre à un nouveau CIR pour l'année n+1.
Le crédit d'impôt recherche (CIR) est une mesure fiscale qui a pour objectif d'encourager les entreprises à mener des activités de recherche et développement (R&D) en couvrant une partie des dépenses engagées. Parmi les activités éligibles au CIR figurent les travaux basés sur la recherche fondamentale et appliquée, visant à concevoir de nouveaux produits ou procédés ou à améliorer des produits ou procédés existants. Selon la plaquette d'information produite par la société Adocis, les dépenses qui sont éligibles au CIR sont principalement les dépenses de personnel, les dotations aux amortissements du matériel de recherche, les frais de sous-traitance R&D externalisés, de protection de la propriété industrielle, de normalisation et de veille technologique.
Il est constant que les travaux de la société Adocis consistaient, en premier lieu, à préparer des dossiers techniques permettant de présenter une demande au titre du crédit d'impôt recherche et que ces dossiers reposaient sur des relevés techniques. Il n'en reste pas moins que pour parvenir à l'élaboration de ces dossiers et recueillir les éléments justificatifs utiles, il était nécessaire de procéder, à travers l'analyse technique et scientifique des opérations de recherche et développement réalisées par la société RMS, à une appréciation de celles-ci au regard des critères posés par les textes juridiques applicables, afin de pouvoir déterminer si elles étaient ou non éligibles, et à quel titre, au crédit impôt recherche, ce qui supposait d'apprécier une situation de fait au regard de la règle de droit et par-là même d'exercer une activité juridique. En effet, l'audit réalisé n'est que le support technique de l'analyse juridique que la société de conseil a faite des activités de recherche et développement de la société RMS au regard de la législation fiscale en vigueur. Ainsi, l'activité juridique qui est vue par la société Adocis comme accessoire à une activité technique recouvre, en réalité, toute la prestation fournie. Elle n'est pas limitée à la préconisation de mesures à prendre pour l'optimisation fiscale, à la préparation et à l'assistance à la rédaction des déclarations fiscales.
En second lieu, la société Adocis fait valoir que ce type d'activité exercée par des non-professionnels du droit est reconnue en droit européen qui s'oppose au monopole des avocats. Elle invoque le principe de primauté du droit de l'UE sur le droit national, l'article 56 TFUE, l'article 5 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, vu le règlement (UE) n°623/2012 de la Commission, du 11 juillet 2012,vu l'article 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, et plus particulièrement la directive 2006/123/CE du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, qui inclut le conseil juridique, et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui a eu à se prononcer sur la légalité des restrictions posées aux sociétés de conseil fiscal Britanniques, Belges et Hollandaises par des législations nationales allemandes protectrices du monopole des avocats (CJUE, 4e chambre, arrêt du 17 déc. 2015, aff.C-342/14, X-Steuerberatungsgesellschaft). Elle en tire la conclusion qu'elle doit se voir garantir son droit à la libre assistance en matière fiscale et même son pouvoir d'écarter la loi du 31 décembre 1971, si besoin il y avait, au même titre qu'une société de conseil concurrente dont le siège social serait établi dans un autre état membre de l'Union européenne. Elle estime qu'une solution contraire serait injustifiée d'un point de vue de l'égalité de traitement et de la libre concurrence des entreprises au sein de l'Union européenne, ce qui est contesté par la société RMS qui oppose que les restrictions à l'exercice d'une activité juridique sont justifiées au regard de l'impératif de protection des destinataires des services juridiques, en permettant d'assurer une compétence, une formation et le respect d'une déontologie par les professions juridiques.
Mais les sociétés en litige ont toutes deux leur siège social en France, où elles exerçaient leurs activités. Le contrat litigieux a été conclu et exécuté uniquement sur le territoire national et il concerne la mise en 'uvre de dispositions législatives et réglementaires nationales. Tous les éléments du litige concernent donc le droit interne de sorte que l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'applique pas à ce litige, dont tous les éléments sont cantonnés à l'intérieur du territoire national et ne se rattachent pas à l'une des situations envisagées par le droit de l'Union dans le domaine de la libre prestation de service.
Il y a donc lieu de prononcer la nullité du contrat renouvelé le 1er janvier 2014 sur le fondement de l'article 1131, ancien, du code civil, pour avoir porté sur une prestation à caractère juridique exercée par la société Adocis au mépris de l'interdiction qui lui était faite par les articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971.
La nullité de ce contrat entraîne son anéantissement et l'obligation pour la société Adocis de restituer les honoraires perçus.
La société RMS affirme avoir réglé en exécution de ce contrat des honoraires d'un montant de 11 314 euros HT au titre du CIR 2014, objet de la facture n° 15.05.0425 du 5 mai 2015, sans en rapporter la preuve qui lui incombe dès lors que la société Adocis conteste en avoir reçu le paiement. La société RMS ne peut donc en obtenir la restitution.
La société Adocis ne peut valablement prétendre au paiement de cette facture.
V- Sur l'action en responsabilité engagée par la société RMS
La société RMS rappelle qu'en cas de nullité du contrat, une partie peut engager la responsabilité de son cocontractant sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, raison pour laquelle elle fonde sa demande sur les dispositions de l'article 1382, ancien, du code civil.
Sur la faute
Il ressort de la déclaration complémentaire de régularisation établie le 12 novembre 2015 par la direction générale des finances publiques que le redressement fiscal a été opéré en considération de ce que les rémunérations de M. [E], gérant de la RMS, n'auraient pas dû être déclarées comme telles parce qu'elles n'étaient pas versées par la société RMS.
Selon les explications des parties, M. [E] était rémunéré par la société [E] études techniques (dite RET) dont il était également le gérant propriétaire et administrateur.
La société RMS démontre par un message électronique du 16 septembre 2015, qu'en reprenant les dossiers CIR en vue du contrôle fiscal, la société Adocis a attiré l'attention de M. [E] sur le problème lié à la valorisation de son temps de travail dans le CIR de RMS en indiquant 'votre rémunération est prise en charge par votre entreprise individuelle RET. Vous refacturez des prestations de service à RMS, qui couvre l'intégralité de votre rémunération avec une marge. Vous avez une convention de collaboration entre vos deux entreprises qui ne correspond pas à une convention de mise à disposition de personnel pour des projets de R&D. De plus, les factures correspondent à des prestations forfaitaires non basées sur des temps d'études techniques et R&D. Ce mode de fonctionnement ne respecte pas rigoureusement la forme actuelle demandée pour prendre en considération des dépenses dans le CIR. Il y a donc un risque de rejet de vos dépenses dans le RMS. Dans le dossier justificatif du CIR 2014, nous avons intégré l'attestation de votre comptable sur votre rémunération qui ne précise pas qu'il y a refacturation (...)'.
Il est par ailleurs établi par un courriel de sa part du 24 septembre 2010, que la société Adocis, non seulement avait connaissance de la convention qui liait RMS et RET mais qu'elle l'estimait correcte parce qu'elle mentionne le rôle technique de M. [E] et qu'elle lui avait demandé d'établir une facture entre ces deux sociétés selon un modèle qu'elle lui joignait.
La société Adocis ne peut donc se défendre de toute faute en se retranchant derrière le fait que l'expert-comptable de la société RMS, sur la base des déclarations du gérant, lui a indiqué sous forme d'attestation que ce dernier avait obtenu une rémunération personnelle de 233 908 euros en 2014 dans le cadre de la société RMS alors que non seulement, elle avait une parfaite connaissance de la situation mais qu'elle avait conseillé la société RMS en ce sens.
En faisant croire à la société RMS que la convention conclue entre les sociétés RMS et RTE permettait de comptabiliser les rémunérations de son gérant dans le CIR de la société RMS en préconisant de faire établir par la société RET des factures en ce sens, ce qui n'est pas conforme à la réglementation fiscale, la société Adocis a fourni à la société RMS un conseil erroné qui l'a induite en erreur et qui est la cause du redressement fiscal, ce qui est de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382, ancien, du code civil.
Sur le préjudice
Le redressement fiscal qui affecte les CIR 2011, 2012 et 2014, s'élève à 113 829 euros incluant des pénalités de 7 215 euros.
La société Adonis soutient, comme l'a retenu le tribunal, que ce redressement ne constitue pas un préjudice pour la société RMS parce qu'il correspond à un crédit d'impôt auquel elle n'avait pas droit.
Il est certes constant que la société RMS n'avait pas le droit d'intégrer les sommes réglées à la société RTE comme rémunération de son gérant.
Mais la société RMS fait valoir que si elle avait été autrement conseillée, elle n'aurait pas fait l'objet d'un redressement, en affirmant que si les frais relatifs à la rémunération de M. [E] avaient été comptabilisés dans la société RMS, et non fait l'objet d'une facturation d'une société extérieure, elle aurait pu bénéficier de tout le CIR.
La société Adocis ne le conteste pas formellement. D'ailleurs, dans son message électronique précité du 16 septembre 2015, elle indiquait que pour éviter ce risque dans l'avenir, 'l'idéal' serait que le dirigeant soit rémunéré directement par RMS.
Le conseil erroné de la société Adocis a donc empêché la société RMS de prendre les mesures nécessaires pour pouvoir effectivement comptabiliser les rémunérations de son gérant et éviter le redressement.
Le fait que la société RMS a accepté, en contrepartie de la non-contestation du redressement fiscal de la SARL RMS, de rendre un trop-perçu à l'administration fiscale en échange d'une compensation de CIR de 28 928 euros supplémentaire au profit de la société RET ne peut conduire à minorer son propre préjudice ou l'indemnisation de son préjudice.
En conséquence de quoi, la société RMS est bien fondée à réclamer l'indemnisation du montant total du redressement, soit la somme de 113 829 euros.
VI - Sur le montant des honoraires devant être restitués du fait du redressement fiscal.
Il a été convenu entre les parties qu'en cas de remise en cause définitive des économies préconisées par le consultant, dans le cadre de l'audit défini par le contrat de recherche d'économie en matière de crédit impôt recherche, le consultant s'engage à reverser à son client les honoraires afférents aux économies rejetées par l'administration.
La société Adocis indique que dès lors que l'administration fiscale a baissé le montant d'allégements fiscaux définitifs à 167 763 euros, elle a immédiatement, comme le prévoit le contrat, établi les avoirs pour ramener sa facture initiale au montant correspondant au résultat définitif de 167 763 euros, de sorte que la société RMS n'a rien payé de plus que ce que prévoit le contrat du 13 juillet 2010.
Toutefois, il ressort des pièces qu'elle produit, qu'elle n'a établi que des avoirs à déduire des prochains règlements. Or, aucun règlement n'a eu lieu postérieurement aux avoirs établis le 3 décembre 2015. Elle reste donc devoir la somme de 7 869,60 euros TTC au titre du CIR 2012 et de 9 644,40 euros TTC, soit un total de 17 514 euros TTC.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Adocis à payer à la société RMS la somme de 28 457 euros calculée en intégrant les honoraires facturés au titre du CIR 2014, ce qu'il n'y a pas lieu d'être en l'absence de règlement de ces honoraires.
VII- Sur les demandes reconventionnelles de la société CSP BDO économie et performance
Le contrat renouvelé étant nul pour cause illicite, il ne peut avoir aucun effet en application de l'article 1131, ancien, du code civil et ne peut donc servir de fondement à une action en indemnisation pour rupture fautive ou rupture brutale des relations contractuelles, d'autant moins que la société RMS démontre que son refus de poursuivre l'exécution du contrat résulte à la fois de sa cause illicite et de ce que le redressement fiscal a pour origine un défaut de conseil de la société Adocis sur la prise en compte des rémunérations de son gérant. Cette société n'est donc pas en droit de réclamer une indemnisation à ce titre, ce qui conduit à la confirmation du jugement de ce chef.
VIII- Sur les frais et dépens
La société CSP BDO économie et performance, partie perdante sur la validité du contrat, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société RMS la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande de condamnation de l'appelante au titre d'une procédure abusive ne peut qu'être rejetée compte tenu de la solution apportée au litige.
PAR CES MOTIFS :
la cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée en appel par la société CSP BDO économie et performance.
Déclare irrecevable la contestation sur le 'recevabilité' de la déclaration d'appel du 2 juillet 2018 de la société RMS.
Déclare recevable la fin de non-recevoir tenant à l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé mais la rejette.
Déclare recevables les fins de non recevoir tirées de la tardiveté des demandes formées par la société RMS contre la société Adocis au titre du contrat du 13 juillet 2010 et du contrat renouvelé le 1er janvier 2014 mais les rejette.
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action engagée par la société RMS en nullité de la convention du 5 juillet 2010, en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat du 1er janvier 2014, en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire au titre du redressement fiscal et en ce qu'il a condamné la société Adocis à payer à la société RMS la somme de 28 457 euros.
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déclare prescrite l'action en nullité du contrat signé le 13 juillet 2010 et en restitution des factures réglées en exécution de ce contrat.
Déclare recevable l'action en nullité du contrat tacitement renouvelé le 1er janvier 2014.
Prononce la nullité du contrat du 1er janvier 2014.
Rejette la demande de la société RMS de restitution des honoraires facturés dans le cadre de ce contrat.
Déclare recevable l'action de la société RMS en indemnisation de son préjudice consécutif au redressement fiscal.
Déclare la société CSP BDO économie et performance responsable du redressement fiscal subi par la société RMS.
Condamne, en conséquence, la société CSP BDO économie et performance à payer à la société RMS la somme de 113 829 euros euros à titre d'indemnisation du préjudice consécutif à ce redressement fiscal.
Condamne la société CSP BDO économie et performance à payer à la société RMS la somme de 17 514 euros TTC au titre de la restitution d'honoraires due du fait du redressement fiscal.
Rejette toutes les demandes de la société CSP BDO économie et performance.
Condamne la société CSP BDO économie et performance à payer à la société RMS la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société CSP BDO économie et performance aux dépens d'appel.