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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-6, 23 octobre 2025, n° 25/00675

VERSAILLES

Ordonnance

Autre

CA Versailles n° 25/00675

23 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-6

Minute n°

N° RG 25/00675 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W7TG

AFFAIRE : [S] C/ SOCIETE CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEE S GASCOGNE

ORDONNANCE D'INCIDENT

Prononcée le VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

par Madame Florence MICHON, conseiller de la mise en état de la Chambre civile 1-6, avons rendu l'ordonnance suivante, après que la cause en a été débattue en notre audience publique, le sept Octobre deux mille vingt cinq,

assisté de Mme Elisabeth TODINI, Greffière,

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DANS L'AFFAIRE ENTRE :

Monsieur [M] [S]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Jean-baptiste DEVYS de la SELARL LYVEAS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 271

APPELANT - DÉFENDEUR A L'INCIDENT

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEE S GASCOGNE

N° Siret : 776 983 546 (RCS Tarbes)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Adeline DASTE de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 023029

INTIMÉE - DEMANDERESSE A L'INCIDENT

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Expéditions exécutoires délivrées aux avocats le 23 octobre 2025

EXPOSÉ DU LITIGE

Saisi par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne d'une demande en paiement au titre de 4 prêts professionnels consentis à M. [S] entre le 30 août 2018 et le 19 février 2019, destinés à financer un projet d'activité agricole sis à [Localité 7] (Gers), et d'un solde débiteur de compte courant professionnel, le tribunal judiciaire de Versailles, par jugement rendu le 28 juin 2014, réputé contradictoire en l'absence de M. [S], rectifié par jugement du 6 décembre 2024 a :

condamné M. [S] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogn :

au titre du prêt n°00001094627, la somme de 33 058,89 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,16% sur la somme de 31 288,09 euros à compter du 1er novembre 2022 et sur les intérêts de retard dus sur une année entière,

au titre du prêt n°00001189277, la somme de 17 838,29 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,16% sur la somme de 16 984,96 euros à compter du 1er novembre 2022 et sur les intérêts de retard dus sur une année entière,

au titre du prêt n°00001252378, la somme de 16 885,01 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 5,16% sur la somme de 16 058,09 euros à compter du 1er novembre 2022 et sur les intérêts de retard dus sur une année entière,

au titre du prêt n°00001094461, la somme de 28 329,83 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 4,94% sur la somme de 27 069,43 euros à compter du 1er novembre 2022 et sur les intérêts de retard dus sur une année entière, conformément aux conditions générales du contrat de prêt,

condamné M. [S] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne la somme de 1 500 euros au titre des indemnités forfaitaires de recouvrement, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2023, avec capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne de sa demande au titre du solde débiteur du compte courant n°87023653395,

condamné M. [S] au paiement des dépens,

condamné M. [S] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rappelé que sa décision est exécutoire de plein droit.

Le jugement du 28 juin 2024 et le jugement rectificatif du 6 décembre 2024 ont été signifiés à M. [S] le 23 décembre 2024, et le 20 décembre 2024 à Maître [H] [O], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [S], ce dernier ayant, en cours de délibéré, été placé en liquidation judiciaire immédiate selon jugement du 23 mai 2024 du tribunal judiciaire d'Auch.

Le 23 janvier 2025, M. [S] a relevé appel du jugement du tribunal judiciaire de Versailles.

Par conclusions d'incident déposées le 18 juillet 2025, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne, intimée, a saisi le conseiller de la mise en état pour faire déclarer irrecevable l'appel de M. [S].

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 19 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, elle lui demande de :

déclarer irrecevable l'appel formé le 23 janvier 2025 par M. [S] seul sans la présence et sans appel en la cause de Maître [H] [O] ès qualités de liquidateur de M. [S], à l'encontre du jugement rendu le 28 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Versailles,

débouter M. [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

prononcer l'extinction de la présente instance,

condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne fait valoir que M. [S], alors même qu'il soulève in limine litis, dans ses conclusions d'appelant, la nullité du jugement au motif de la suspension ou de l'interdiction des actions en justice des créanciers tendant à obtenir le paiement d'une somme d'argent ou la résolution d'un contrat pour défaut de paiement, résultant de l'ouverture d'une procédure collective, et de l'absence de mise en cause des organes de la procédure, alors pourtant que l'ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2024 et que l'audience de plaidoirie devant le tribunal s'est tenue le 22 avril 2024, avant le prononcé de la liquidation judiciaire, ne peut pas interjeter appel, seul, du jugement du 28 juin 2024. En vertu de l'article L.641-9 du code de commerce, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur, et en application de ce texte, le débiteur seul ne peut pas exercer une voie de recours, et s'il peut cependant faire appel d'un jugement défavorable, c'est seulement à titre purement conservatoire, et sous réserve qu'ultérieurement le mandataire liquidateur s'associe à cet appel. En conséquence, l'appel formé par M. [S], seul, le 23 janvier 2025, et sans même appel en la cause de son liquidateur, est irrecevable. En réponse à l'argumentation de l'appelant, l'intimée souligne que les prêts qu'elle a octroyés à M. [S] sont des prêts professionnels, destinés à financer son projet d'activité agricole, et qu'elle n'a à ce jour engagé aucune procédure d'exécution forcée, ni pris de sûretés ou mesures conservatoires sur le patrimoine de son débiteur, qu'elle a pris le soin de signifier le jugement de condamnation rendu par le tribunal judiciaire non seulement à M. [S] mais aussi à son liquidateur, et qu'enfin, elle a régulièrement déclaré ses créances entre les mains du liquidateur, par courrier recommandé AR en date du 19 juin 2024, en sorte qu'il n'est aucunement possible d'affirmer qu'elle aurait choisi d'agir sur le patrimoine personnel de M. [S].

Aux termes de ses dernières conclusions en réponse, déposées le 15 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [S], appelant, défendeur à l'incident, demande au conseiller de la mise en état de :

déclarer l'appel par lui interjeté le 23 janvier 2025 recevable à l'encontre du jugement rendu le 28 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Versailles,

le déclarer recevables et bien fondé en ses demandes,

débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne de l'ensemble de ses demandes à son égard,

laisser les dépens à la charge de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne,

condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

M. [S] fait valoir que le principe de dessaisissement posé par l'article L.641-9 du code de commerce ne s'étend pas aux droits personnels et aux droits propres, et que le texte ne vise que les biens et droits compris dans la procédure collective, c'est à dire le patrimoine engagé par l'activité professionnelle soumis à la liquidation judiciaire, et non le patrimoine personnel, expressément exclu par le statut de l'entrepreneur individuel ; que le patrimoine personnel est expressément exclu du gage des créanciers professionnels, et donc étranger à la liquidation judiciaire ; qu'ainsi, il disposait d'une parfaite qualité pour interjeter appel ; qu'en lui signifiant personnellement la décision de première instance, la banque a nécessairement entendu agir à l'encontre de son patrimoine personnel, seul concerné par cette signification ; que dans ces conditions, elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L.641-9 du code de commerce.

L'affaire, après un renvoi accordé à l'appelant, a été plaidée à l'audience du 7 octobre 2025, et mise en délibéré au 23 octobre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu de l'article L.641-9 du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime. Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

Sont exclus du dessaisissement, aux termes de ce texte, les droits extra-patrimoniaux du débiteur, de même que les droits attachés à sa personne.

Par ailleurs, le débiteur en liquidation judiciaire dispose de droits propres, lui permettant de faire valoir son point de vue dans le cours de la liquidation judiciaire le concernant, et il est à ce titre recevable à intenter un recours contre des décisions qui lui font grief à la condition de l'exercer contre le liquidateur ou en sa présence.

Ainsi, même dessaisi de ses droits par l'effet de la liquidation judiciaire, le débiteur conserve le droit propre de contester en appel une décision le condamnant au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture.

A la condition, toutefois, d'exercer ce droit en présence du liquidateur.

En l'espèce, M. [S] a relevé seul appel du jugement qui l'a condamné au remboursement de prêts souscrits avant son placement en liquidation judiciaire, au titre de l'exercice de son activité professionnelle, et le liquidateur ni ne s'est associé à son appel, a fortiori avant l'expiration du délai de l'appel, ni n'a été appelé en la cause par l'appelant.

C'est par ailleurs vainement que M. [S] se prévaut de la séparation de ses patrimoines professionnel et personnel : il ressort des pièces versées aux débats que les prêts objet de la demande en paiement sont des prêts de nature professionnelle, et la Caisse de Crédit Agricole ne poursuit pas la réalisation du patrimoine de M. [S], mais seulement l'obtention d'un titre exécutoire, en sorte que la question du gage du créancier ne se pose pas à ce stade.

L'appel relevé par M. [S] sera déclaré irrecevable.

Il n'y a pas lieu de constater l'extinction de l'instance.

Il convient en revanche de condamner M. [S] aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le conseiller de la mise en état, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe, par décision susceptible de recours dans les conditions de l'article 913-8 du code de procédure civile,

Déclare l'appel formé le 23 janvier 2025 par M. [S] à l'encontre du jugement rendu le 28 juin 2024, rectifié le 6 décembre 2024, par le tribunal judiciaire de Versailles, irrecevable ;

Condamne M. [S] aux dépens, et à régler à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Conseillère

Elisabeth TODINI, Florence MICHON

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