CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 23 octobre 2025, n° 24/10392
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025/419
Rôle N° RG 24/10392 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNSAG
[G] [Z] VEUVE [R] [A]
S.E.L.A.R.L. [O] [X]
C/
[M] [K]
[B] [K]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Florent LADOUCE
Me Patrick GIOVANNANGELI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de TOULON en date du 25 Juin 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 23/03219.
APPELANTES
Madame [G] [Z] veuve [R] [A]
née le [Date naissance 7] 1976 à [Localité 9]
demeurant chez Mme [V] [Z],[Adresse 6]
S.E.L.A.R.L. [O] [X], prise en la personne de Maître [W] [X], agissant en sa qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SBDF, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de Draguignan en date du 4 avril 2023,
domiciliée [Adresse 4]
Toutes deux représentées par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉS
Madame [M] [K]
née le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 2]
Monsieur [B] [K]
né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 2]
Tous deux représentés par Me Patrick GIOVANNANGELI de l'AARPI GIOVANNANGELI COLAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ambroise CATTEAU, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, conseiller
Mme Pascale BOYER, conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025
Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, prétentions :
Par acte du 17 juin 1981, Mme [N] [T] aux droits de laquelle vient Mme [E] [T] consentait à M. [F] [L] un bail emphytéotique d'une durée de 26 ans sur un terrain composé de plusieurs parcelles, situé sur la commune de [Localité 9] (Var), pour la création et l'exploitation d'un camping caravaning et d'un village de chalets de vacances.
Par acte du 11 août 1982, auquel intervenait Mme [T], M. [L] cédait ce bail, pour une partie de terrain, à M. [I] [R] [A], la durée étant prorogée à soixante ans à compter du 1er juillet 1982. Il est précisé à l'acte que le preneur ou ses ayants droits auront le droit de créer et d'exploiter sur le terrain loué, un camping caravaning, village de chalets de vacances, terrains de sport et de jeux, piscine et attractions diverses, les aménagements, constructions et routes nécessaires étant à la charge du preneur.
Par acte authentique du 18 septembre 2000, monsieur [R] [A] consentait aux consorts [K], un bail au titre d'une parcelle de ce terrain pour l'implantation d'une habitation légère de loisirs moyennant paiement d'une redevance annuelle de 2 464,64 € payable le 31 janvier de chaque année.
[I] [R] [A], marié à Mme [G] [Z] sous le régime de la communauté universelle de biens avec attribution de ladite communauté lors du décès du prémourant, décédait le [Date décès 1] 2007 laissant pour lui succéder son épouse.
Le 23 décembre 2012 celle-ci concluait un contrat de location-gérance du fonds de commerce « Parc de vacances village de chalet de vacances » avec la société SBDF dont elle est la présidente.
Un jugement du 5 mai 2017 du tribunal de grande instance de Draguignan saisi par Mme [T], rejetait la demande de résiliation du bail emphytéotique du 11 août 1982.
Par arrêt du 17 janvier 2019, la présente cour infirmait ce jugement et prononçait la résiliation du bail emphytéotique.
L'arrêt précité était cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 3 décembre 2020 qui renvoyait l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Lyon laquelle par arrêt du 22 septembre 2022 prononçait la résiliation du bail emphytéotique du 11 août 1982 et ordonnait l'expulsion de Mme [R] [A] et de tous occupants de son chef. Celle-ci formait un pourvoi contre cet arrêt.
Par jugement du 6 décembre 2022 la société SBDF était placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 4 avril 2023 qui désignait Me [W] [X] membre de la Selarl [O] [X], en qualité de liquidateur.
Le 14 avril 2023, la SASU SBDF représentée par sa présidente en exercice, madame [G] [R] [A] née [Z] et cette dernière à titre personnel, faisaient délivrer à la société CRCAM Provence Côte d'Azur, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte des époux [K] aux fins de paiement de la somme de 13 811,62 € sur le fondement :
- d'un contrat de location reçu le 27 septembre 2006 par maître [D], notaire à [Localité 8],
- d'un contrat de location-gérance du 23 décembre 2009 aux termes duquel la SASU SBDF exploite un fonds de commerce ' Parc de vacances village de chalets de vacances' situé à [Localité 9] et connu sous le nom de [12],
- d'un acte notarié du 18 septembre 2000 contenant cession de bail reçu par maître [U] [D].
La saisie intégralement fructueuse était dénoncée, le 21 avril suivant, aux époux [K].
Le 19 mai 2023, madame et monsieur [K] faisaient assigner madame [R] [A] et la Selarl [O]-[X] prise en la personne de maître [X], en qualité de mandataire liquidateur de la SASU SBDF, devant le juge de l'exécution de Toulon aux fins de nullité et de mainlevée de saisie-attribution du 14 avril 2023.
Par jugement du 25 juin 2024, le juge de l'exécution précité :
- prononçait la nullité de la saisie-attribution du 14 avril 2023,
- ordonnait la mainlevée de ladite saisie,
- condamnait in solidum madame [R] [A] et la Selarl [O]-[X] prise en la personne de maître [X] en qualité de mandataire-liquidateur de la SASU SBDF à payer à madame et monsieur [K], la somme unique de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens incluant les frais d'exécution et de mainlevée de la saisie litigieuse.
Le jugement précité était notifié à madame [R] [A] par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 13 août 2024. Par déclaration du 13 août 2024 au greffe de la cour, madame [R] [A] et la Sarl [H]-[X] en qualité de liquidateur de la société SBDF formaient appel du jugement précité.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, madame [R] [A] et la Sarl [H]-[X] en qualité de liquidateur de la société SBDF demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau,
- débouter les consorts [K] de toutes leurs demandes,
- valider la saisie-attribution réalisée,
- condamner solidairement les consorts [K] à leur payer une indemnité de 4 000 € pour frais irrépétibles et aux dépens.
Au titre de sa qualité à agir, madame [R] [A] soutient que le contrat de location-gérance est un contrat de louage qui permet au locataire-gérant d'exploiter un fonds de commerce et qu'il n'a pas pour effet de transférer le bénéfice de son titre exécutoire. Elle reste créancière des loyers dont l'identité du bénéficiaire effectif est modifié. De plus, les intimés reconnaissent qu'elle reste leur unique contractante.
Au titre de la qualité à agir de la société SBDF, elle n'est pas titulaire de l'acte notarié et ne pouvait donc délivrer seule la saisie-attribution mais dans ses rapports avec madame [R] [A], le contrat de location-gérance implique qu'elle doit percevoir le montant des loyers des années 2019 à 2022. Elle rappelle que les époux [K] ont payé entre 2013 et 2018 les loyers entre ses mains de sorte qu'ils ne peuvent contester sa qualité de créancière des loyers.
Elle rappelle le monopole du liquidateur pour se prévaloir des règles du dessaisissement de sorte que les intimés ne peuvent s'en prévaloir puisque cette règle a été édictée dans le seul intérêt des créanciers et qu'en l'espèce, le liquidateur sollicite la validation de la saisie.
Au titre de la régularité de la saisie, madame [R] [A] est titulaire du titre exécutoire et la présence de la société SBDF s'explique par le nécessaire respect des termes du contrat de location-gérance alors qu'aucun texte ne prévoit une nullité en présence d'un tiers à coté du bénéficiaire du titre exécutoire sur le procès-verbal de saisie.
Au titre de l'exigibilité de la créance, le bail notarié du 18 septembre 2020 confère à madame [R] [A] une créance de loyer annuel exigible le 31 janvier de 2 464,64 € avec indexation sur l'indice ICC, soit 13 613,67 francs.
Elle invoque l'absence d'inexécution fautive entre l'arrêt de résiliation du bail du 17 janvier 2019 et l'arrêt de cassation du 3 décembre 2020 et rappelle l'obligation des époux [K], résultant de l'article 1728 du code civil, de payer les loyers en l'absence d'impossibilité totale de jouir de la parcelle de terre louée.
Ainsi, l'exception d'inexécution de l'article 1219 du code civil ne peut leur être opposées en l'absence d'inexécution rétroactive.
Ils affirment avoir été diligents après l'arrêt de cassation du 3 décembre 2020 pour engager des travaux, souscrire un contrat de nettoyage et de sécurité incendie...
A titre subsidiaire, ils invoquent l'exception d'inexécution des obligations des époux [K] au motif que son obligation d'entretien a été suspendue du fait du défaut de paiement des loyers par ces derniers.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 6 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, les époux [K] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
- prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-attribution du 14 avril 2023 et du procès-verbal de dénonciation de saisie-attribution du 21 avril 2023 en raison du défaut de qualité à agir de la SASU SBDF et de madame [R] [A],
À titre subsidiaire,
- les dire et juger en outre bien fondés en leur moyen tiré de l'inexécution par madame [R] [A] et de la SASU SBDF de leurs obligations contractuelles,
- dire et juger la créance alléguée par les parties défenderesses non certaines, en l'état de cette exception d'inexécution,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 14 avril 2023 à la requête de madame [R] [A] et de la SASU SBDF,
- débouter madame [R] [A] et Maître [W] [X] ès qualités de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions.
- condamner madame [R] [A] et maître [W] [X] au paiement de la somme de 3000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
- condamner madame [R] [A] et Maître [W] [X] es qualité au paiement d'une indemnité de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 CPC.
- condamner madame [R] [A] aux entiers dépens de l'appel ainsi ceux afférents à la procédure de saisie attribution du 14 avril 2023, au procès-verbal de dénonciation de saisie-attribution du 21 avril 2023, aux frais bancaires qui en ont été la conséquence, et aux frais de main levée.
Ils rappellent que le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur l'exception d'inexécution qu'ils opposent à la seule madame [R] [A].
Ils affirment que seule la société SBDF est en liquidation judiciaire de sorte que leur défaut de déclaration de créance est sans incidence sur l'exception d'inexécution opposée à madame [R] [A].
Ils considèrent que le dessaisissement de la société SBDF du fait de sa liquidation judiciaire est opposable par le créancier, objet d'une mesure d'exécution forcée, différente de la ratification d'un acte juridique, dès lors que le liquidateur ne peut ratifier a posteriori une saisie.
Ils invoquent le défaut de qualité à agir de madame [R] [A] pour recouvrer les loyers dus au titre de l'exécution du bail notarié et la redevance au titre de l'exécution du contrat de location-gérance. Ils soutiennent que la société SBDF ne peut être privée d'un actif constitué par les loyers et charges qu'elle est seule habilitée à percevoir en vertu du contrat de location-gérance.
Ils opposent à madame [R] [A] l'exception d'inexécution de ses obligations d'assurer les charges stipulées en page 5 du bail enlèvement des ordures, élagage, entretien voirie...) et les services annexes (locaux administratifs, centres sportif dont piscine, commerces), en l'état d'une auto-gestion du parc entre le 17 janvier 2019 et le 3 décembre 2020. De plus, le constat d'huissier du 28 juin 2021 et les photographies produites établissent selon eux que madame [R] [A] n'a pas repris l'exécution de ses obligations après le 3 décembre 2020. Une procédure de référé a été nécessaire pour obtenir sa condamnation à souscrire des contrats d'eau et d'électricité.
En outre, ils contestent le décompte des charges réclamées en l'état d'un jugement du 6 mai 2021 portant condamnation de madame [R] [A] à fournir des comptes de charges comprenant les factures d'eau (notamment pour la piscine) et d'électricité.
L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 12 août 2025.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
- Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 14 avril 2023,
Selon les dispositions de l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.
En l'espèce, la saisie contestée a été délivrée à la demande de la SASU SBDF et de madame [G] [Z] veuve [R] [A] en vertu d'un contrat de location du 18 septembre 2000 reçu par maître [D], notaire à [Localité 8], d'un contrat de location-gérance du 23 décembre 2009 ayant pour objet un fonds de commerce connu sous le nom de [12].
Le contrat de location-gérance du 23 décembre 2009 conclu entre madame [R] [A] et la société SBDF est un acte sous seing privé. Il ne constitue donc pas un titre exécutoire au sens de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution.
La Société SBDF ne justifie donc pas de sa qualité de créancière bénéficiaire d'un titre exécutoire, condition préalable imposée par l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Par contre, madame [R] [A] poursuit l'exécution forcée de l'acte notarié du 18 septembre 2000 revêtu de la formule exécutoire, portant bail consenti par monsieur [R] [A] à monsieur [K].
L'attestation du 10 octobre 2007 de maître [D], notaire associé à [Localité 8], établit que les époux [R] [A] étaient mariés sous le régime de la communauté universelle de biens avec attribution intégrale de ladite communauté au décès du prémourant des époux. Suite au décès de son mari, intervenu le [Date décès 1] 2007, madame [R] [A] a donc hérité de l'intégralité du patrimoine conjugal dans lequel se trouve notamment le bail consenti le 18 septembre 2000 à monsieur [K] par son mari défunt.
Ledit bail stipule notamment (p 9) que le locataire est débiteur d'une redevance d'un montant annuel de 2 464,64 € (16 167 francs ) indexée sur l'indice national du coût de la construction. L'acte notarié précité revêtu de la formule exécutoire, constitue un titre exécutoire au titre de l'article L 111-3 4 ° du code des procédures civiles d'exécution.
Le contrat de location-gérance du 23 décembre 2009 ne contient aucune clause ayant pour objet de transférer le recouvrement des redevances et charges à la société SBDF ou de subroger cette dernière dans les droits de madame [R] [A], notamment ceux conférés par le bail notarié du 18 septembre 2000.
Cette dernière, propriétaire du fonds, a donc qualité pour procéder au recouvrement forcé des redevances dues par les époux [K] sur le fondement de l'exécution du bail notarié. Dans les rapports entre madame [R] [A] et la société SBDF, il appartiendra à cette dernière d'exercer ses droits conférés par le contrat de location-gérance.
Par ailleurs, il est jugé que la règle du dessaisissement de l'article L 641-9 du code de commerce étant édictée dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur peut se prévaloir de l'inopposabilité d'un acte juridique accompli par le débiteur au mépris de cette règle, à condition que l'acte concerne les droits et actions inhérents à l'administration et à la disposition des biens dont le débiteur est dessaisi par l'effet du jugement de liquidation judiciaire (Civ 3ème 2 mars 2022 n° 20-16.787), les intimés sont en conséquence irrecevables à soulever ce moyen à l'appui de leur demande de nullité de la saisie. Etant en outre observé que Me [X] ès-qualités ratifie la saisie-attribution contestée qui est un acte de procédure d'exécution forcée et non un acte de procédure.
- Sur l'existence d'une créance liquide et exigible conférée par le bail notarié du 18 septembre 2000,
L'article 1219 du code civil, issu de l'ordonnance du 10 février 2016, invoqué par l'appelant dispose notamment qu'une ' partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et cette inexécution est suffisamment grave'. L'article 9 alinéa 2 de l'ordonnance précitée dispose que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.
Le droit antérieur imposait un manquement d'un degré de gravité suffisant notamment en matière de bail où le preneur n'est fondé à suspendre le paiement des loyers que lorsqu'il se trouve dans l'impossibilité d'user des lieux loués conformément à leur destination contractuelle.
En l'espèce, l'article 1219 nouveau du code civil n'est pas applicable au bail du 18 septembre 2000 mais il appartient aux époux [K], en application du droit ancien précité, de justifier de l'impossibilité d'user du bien loué conformément à sa destination contractuelle pour fonder le non-paiement des loyers recouvrés au moyen de la saisie-attribution contestée.
Le bail précité porte sur une parcelle de terre ne pouvant être utilisée que pour 'l'implantation d'une habitation légère de loisirs', 'la parcelle louée et l'habitation légère de loisirs ne pourront donc être utilisées à l'usage d'habitation, de commerce, industrie ou d'une profession quelconque.
Au titre des charges dont le montant est compris dans le prix de la redevance annuelle due par le preneur, le bail stipule que ' le bailleur assurera l'enlèvement des ordures, le défrichage et le nettoyage des parties communes ou des parcelles non attribuées et l'élagage des arbres dans ces parties.
L'entretien de la voirie et des diverses canalisations, le curage des caniveaux, l'entretien des extincteurs et du service incendie ainsi que l'éclairage public et des parties communes et le gardiennage, le bailleur ou ses locataires assureront l'entretien et le fonctionnement des services annexes'.
Il résulte du décompte annexé à la saisie contestée qu'elle a pour objet de recouvrer les redevances des années 2019, 2020, 2021 et 2022.
Au titre de la redevance des années 2019 et 2020 exigibles le 31 janvier de chaque année, madame [R] [A] et la société SBDF se trouvaient dans l'impossibilité juridique d'exécuter leurs obligations contractuelles par l'effet d'un arrêt du 17 janvier 2019, portant résiliation du bail emphytéotique consenti à [I] [R] [A] et expulsion de madame [R] [A], jusqu' à l'arrêt de cassation du 3 décembre 2020.
Pour les redevances des années 2021 et 2022, les époux [K] doivent établir une impossibilité totale d'utiliser les lieux loués, seule cause susceptible de fonder le non-paiement des redevances.
Les photographies versées au débat (pièces n°11 et 12) portent une date manuscrite et ne revêtent donc aucune valeur probante.
Le constat d'huissier du 28 juin 2021 mentionne une absence de débroussaillage, un défaut d'entretien d'une petite jardinerie, la fermeture du snack à 12h15, de la piscine et de la maison du gardien, ainsi qu'une fuite de la canalisation des eaux usées de l'atelier. Cependant ces constatations n'établissent pas une impossibilité absolue pour les époux [K] de bénéficier de la jouissance de leur parcelle de terre à destination d'habitation légère de loisirs.
L'absence de fourniture de services annexes à la charge de madame [R] [A] et de la société SBDF, suffisamment établis par l'arrêt du 22 septembre 2022 statuant sur renvoi après cassation et prononçant la résiliation du bail, ne saurait suffire à établir une privation de la jouissance de la parcelle des intimés pendant cette période malgré le défaut d'entretien du domaine de [12].
Ainsi, les époux [K] ne produisent aucune pièce de nature à établir une impossibilité d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination contractuelle et à les dispenser d'exécuter leur obligation de payer les redevances et charges de 2019 à 2022 pour un montant total restant du de 13 811,62 € .
Enfin, le procès-verbal de saisie contient un décompte des charges dues pour un montant de 2 550,90 € qui porte mention des date et montant des factures (10 576,75 €) et des paiements partiels (8025,63 €) ainsi que leur imputation, soit un solde de 2 550,90 €.
Le jugement du 6 mai 2021 versé au débat (pièce n°7) réserve les demandes et ne condamne pas madame [R] [A] à fournir des comptes de charges ni aux époux [K], ni à l'association des résidents. De plus, les intimés ne justifient pas avoir répondu et contesté les mises en demeure des 15 et 31 janvier 2021, 31 janvier et 15 février 2022, de payer les loyers et charges impayés. Ainsi, les éléments précités sont suffisants pour établir l'existence d'une créance de 2 550,90 € au titre des charges dues.
Par conséquent, madame [R] [A] justifie d'un titre exécutoire lui conférant une créance liquide et exigible de redevances et charges impayés d'un montant de 13 528,96 € outre 90,16 € de frais de dénonce, soit 13 619,12 €. Les autres frais relatifs au certificat de non contestation et à la mainlevée ne sont pas dus en l'état de la contestation. Le jugement déféré sera donc infirmé et la saisie contestée sera validée pour le montant précité de 13 619,12 €.
- Sur les demandes accessoires,
En l'état de l'infirmation, la demande de dommages et intérêts des époux [K] pour procédure abusive n'est pas fondée et sera rejetée.
Les époux [K], parties perdantes, supporteront les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande d'allouer aux appelants une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
STATUANT à nouveau,
VALIDE la saisie-attribution du 14 avril 2023 pour un montant de 13 619,12 €.
Y AJOUTANT,
REJETTE la demande de dommages et intérêts de monsieur [B] [K] et madame [M] [Y] épouse [K],
CONDAMNE in solidum monsieur [B] [K] et madame [M] [Y] épouse [K] à payer à madame [G] [Z] veuve [R] [A] et maître [W] [X] en qualité de liquidateur de la société SBDF, ensemble, une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum monsieur [B] [K] et madame [M] [Y] épouse [K] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2025
N° 2025/419
Rôle N° RG 24/10392 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNSAG
[G] [Z] VEUVE [R] [A]
S.E.L.A.R.L. [O] [X]
C/
[M] [K]
[B] [K]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Florent LADOUCE
Me Patrick GIOVANNANGELI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de TOULON en date du 25 Juin 2024 enregistré au répertoire général sous le n° 23/03219.
APPELANTES
Madame [G] [Z] veuve [R] [A]
née le [Date naissance 7] 1976 à [Localité 9]
demeurant chez Mme [V] [Z],[Adresse 6]
S.E.L.A.R.L. [O] [X], prise en la personne de Maître [W] [X], agissant en sa qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SBDF, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de Draguignan en date du 4 avril 2023,
domiciliée [Adresse 4]
Toutes deux représentées par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉS
Madame [M] [K]
née le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 2]
Monsieur [B] [K]
né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 2]
Tous deux représentés par Me Patrick GIOVANNANGELI de l'AARPI GIOVANNANGELI COLAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ambroise CATTEAU, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, conseiller
Mme Pascale BOYER, conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2025
Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, prétentions :
Par acte du 17 juin 1981, Mme [N] [T] aux droits de laquelle vient Mme [E] [T] consentait à M. [F] [L] un bail emphytéotique d'une durée de 26 ans sur un terrain composé de plusieurs parcelles, situé sur la commune de [Localité 9] (Var), pour la création et l'exploitation d'un camping caravaning et d'un village de chalets de vacances.
Par acte du 11 août 1982, auquel intervenait Mme [T], M. [L] cédait ce bail, pour une partie de terrain, à M. [I] [R] [A], la durée étant prorogée à soixante ans à compter du 1er juillet 1982. Il est précisé à l'acte que le preneur ou ses ayants droits auront le droit de créer et d'exploiter sur le terrain loué, un camping caravaning, village de chalets de vacances, terrains de sport et de jeux, piscine et attractions diverses, les aménagements, constructions et routes nécessaires étant à la charge du preneur.
Par acte authentique du 18 septembre 2000, monsieur [R] [A] consentait aux consorts [K], un bail au titre d'une parcelle de ce terrain pour l'implantation d'une habitation légère de loisirs moyennant paiement d'une redevance annuelle de 2 464,64 € payable le 31 janvier de chaque année.
[I] [R] [A], marié à Mme [G] [Z] sous le régime de la communauté universelle de biens avec attribution de ladite communauté lors du décès du prémourant, décédait le [Date décès 1] 2007 laissant pour lui succéder son épouse.
Le 23 décembre 2012 celle-ci concluait un contrat de location-gérance du fonds de commerce « Parc de vacances village de chalet de vacances » avec la société SBDF dont elle est la présidente.
Un jugement du 5 mai 2017 du tribunal de grande instance de Draguignan saisi par Mme [T], rejetait la demande de résiliation du bail emphytéotique du 11 août 1982.
Par arrêt du 17 janvier 2019, la présente cour infirmait ce jugement et prononçait la résiliation du bail emphytéotique.
L'arrêt précité était cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 3 décembre 2020 qui renvoyait l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Lyon laquelle par arrêt du 22 septembre 2022 prononçait la résiliation du bail emphytéotique du 11 août 1982 et ordonnait l'expulsion de Mme [R] [A] et de tous occupants de son chef. Celle-ci formait un pourvoi contre cet arrêt.
Par jugement du 6 décembre 2022 la société SBDF était placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 4 avril 2023 qui désignait Me [W] [X] membre de la Selarl [O] [X], en qualité de liquidateur.
Le 14 avril 2023, la SASU SBDF représentée par sa présidente en exercice, madame [G] [R] [A] née [Z] et cette dernière à titre personnel, faisaient délivrer à la société CRCAM Provence Côte d'Azur, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte des époux [K] aux fins de paiement de la somme de 13 811,62 € sur le fondement :
- d'un contrat de location reçu le 27 septembre 2006 par maître [D], notaire à [Localité 8],
- d'un contrat de location-gérance du 23 décembre 2009 aux termes duquel la SASU SBDF exploite un fonds de commerce ' Parc de vacances village de chalets de vacances' situé à [Localité 9] et connu sous le nom de [12],
- d'un acte notarié du 18 septembre 2000 contenant cession de bail reçu par maître [U] [D].
La saisie intégralement fructueuse était dénoncée, le 21 avril suivant, aux époux [K].
Le 19 mai 2023, madame et monsieur [K] faisaient assigner madame [R] [A] et la Selarl [O]-[X] prise en la personne de maître [X], en qualité de mandataire liquidateur de la SASU SBDF, devant le juge de l'exécution de Toulon aux fins de nullité et de mainlevée de saisie-attribution du 14 avril 2023.
Par jugement du 25 juin 2024, le juge de l'exécution précité :
- prononçait la nullité de la saisie-attribution du 14 avril 2023,
- ordonnait la mainlevée de ladite saisie,
- condamnait in solidum madame [R] [A] et la Selarl [O]-[X] prise en la personne de maître [X] en qualité de mandataire-liquidateur de la SASU SBDF à payer à madame et monsieur [K], la somme unique de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens incluant les frais d'exécution et de mainlevée de la saisie litigieuse.
Le jugement précité était notifié à madame [R] [A] par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 13 août 2024. Par déclaration du 13 août 2024 au greffe de la cour, madame [R] [A] et la Sarl [H]-[X] en qualité de liquidateur de la société SBDF formaient appel du jugement précité.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 février 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, madame [R] [A] et la Sarl [H]-[X] en qualité de liquidateur de la société SBDF demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau,
- débouter les consorts [K] de toutes leurs demandes,
- valider la saisie-attribution réalisée,
- condamner solidairement les consorts [K] à leur payer une indemnité de 4 000 € pour frais irrépétibles et aux dépens.
Au titre de sa qualité à agir, madame [R] [A] soutient que le contrat de location-gérance est un contrat de louage qui permet au locataire-gérant d'exploiter un fonds de commerce et qu'il n'a pas pour effet de transférer le bénéfice de son titre exécutoire. Elle reste créancière des loyers dont l'identité du bénéficiaire effectif est modifié. De plus, les intimés reconnaissent qu'elle reste leur unique contractante.
Au titre de la qualité à agir de la société SBDF, elle n'est pas titulaire de l'acte notarié et ne pouvait donc délivrer seule la saisie-attribution mais dans ses rapports avec madame [R] [A], le contrat de location-gérance implique qu'elle doit percevoir le montant des loyers des années 2019 à 2022. Elle rappelle que les époux [K] ont payé entre 2013 et 2018 les loyers entre ses mains de sorte qu'ils ne peuvent contester sa qualité de créancière des loyers.
Elle rappelle le monopole du liquidateur pour se prévaloir des règles du dessaisissement de sorte que les intimés ne peuvent s'en prévaloir puisque cette règle a été édictée dans le seul intérêt des créanciers et qu'en l'espèce, le liquidateur sollicite la validation de la saisie.
Au titre de la régularité de la saisie, madame [R] [A] est titulaire du titre exécutoire et la présence de la société SBDF s'explique par le nécessaire respect des termes du contrat de location-gérance alors qu'aucun texte ne prévoit une nullité en présence d'un tiers à coté du bénéficiaire du titre exécutoire sur le procès-verbal de saisie.
Au titre de l'exigibilité de la créance, le bail notarié du 18 septembre 2020 confère à madame [R] [A] une créance de loyer annuel exigible le 31 janvier de 2 464,64 € avec indexation sur l'indice ICC, soit 13 613,67 francs.
Elle invoque l'absence d'inexécution fautive entre l'arrêt de résiliation du bail du 17 janvier 2019 et l'arrêt de cassation du 3 décembre 2020 et rappelle l'obligation des époux [K], résultant de l'article 1728 du code civil, de payer les loyers en l'absence d'impossibilité totale de jouir de la parcelle de terre louée.
Ainsi, l'exception d'inexécution de l'article 1219 du code civil ne peut leur être opposées en l'absence d'inexécution rétroactive.
Ils affirment avoir été diligents après l'arrêt de cassation du 3 décembre 2020 pour engager des travaux, souscrire un contrat de nettoyage et de sécurité incendie...
A titre subsidiaire, ils invoquent l'exception d'inexécution des obligations des époux [K] au motif que son obligation d'entretien a été suspendue du fait du défaut de paiement des loyers par ces derniers.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 6 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, les époux [K] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
- prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-attribution du 14 avril 2023 et du procès-verbal de dénonciation de saisie-attribution du 21 avril 2023 en raison du défaut de qualité à agir de la SASU SBDF et de madame [R] [A],
À titre subsidiaire,
- les dire et juger en outre bien fondés en leur moyen tiré de l'inexécution par madame [R] [A] et de la SASU SBDF de leurs obligations contractuelles,
- dire et juger la créance alléguée par les parties défenderesses non certaines, en l'état de cette exception d'inexécution,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 14 avril 2023 à la requête de madame [R] [A] et de la SASU SBDF,
- débouter madame [R] [A] et Maître [W] [X] ès qualités de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions.
- condamner madame [R] [A] et maître [W] [X] au paiement de la somme de 3000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
- condamner madame [R] [A] et Maître [W] [X] es qualité au paiement d'une indemnité de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 CPC.
- condamner madame [R] [A] aux entiers dépens de l'appel ainsi ceux afférents à la procédure de saisie attribution du 14 avril 2023, au procès-verbal de dénonciation de saisie-attribution du 21 avril 2023, aux frais bancaires qui en ont été la conséquence, et aux frais de main levée.
Ils rappellent que le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur l'exception d'inexécution qu'ils opposent à la seule madame [R] [A].
Ils affirment que seule la société SBDF est en liquidation judiciaire de sorte que leur défaut de déclaration de créance est sans incidence sur l'exception d'inexécution opposée à madame [R] [A].
Ils considèrent que le dessaisissement de la société SBDF du fait de sa liquidation judiciaire est opposable par le créancier, objet d'une mesure d'exécution forcée, différente de la ratification d'un acte juridique, dès lors que le liquidateur ne peut ratifier a posteriori une saisie.
Ils invoquent le défaut de qualité à agir de madame [R] [A] pour recouvrer les loyers dus au titre de l'exécution du bail notarié et la redevance au titre de l'exécution du contrat de location-gérance. Ils soutiennent que la société SBDF ne peut être privée d'un actif constitué par les loyers et charges qu'elle est seule habilitée à percevoir en vertu du contrat de location-gérance.
Ils opposent à madame [R] [A] l'exception d'inexécution de ses obligations d'assurer les charges stipulées en page 5 du bail enlèvement des ordures, élagage, entretien voirie...) et les services annexes (locaux administratifs, centres sportif dont piscine, commerces), en l'état d'une auto-gestion du parc entre le 17 janvier 2019 et le 3 décembre 2020. De plus, le constat d'huissier du 28 juin 2021 et les photographies produites établissent selon eux que madame [R] [A] n'a pas repris l'exécution de ses obligations après le 3 décembre 2020. Une procédure de référé a été nécessaire pour obtenir sa condamnation à souscrire des contrats d'eau et d'électricité.
En outre, ils contestent le décompte des charges réclamées en l'état d'un jugement du 6 mai 2021 portant condamnation de madame [R] [A] à fournir des comptes de charges comprenant les factures d'eau (notamment pour la piscine) et d'électricité.
L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 12 août 2025.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
- Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 14 avril 2023,
Selon les dispositions de l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.
En l'espèce, la saisie contestée a été délivrée à la demande de la SASU SBDF et de madame [G] [Z] veuve [R] [A] en vertu d'un contrat de location du 18 septembre 2000 reçu par maître [D], notaire à [Localité 8], d'un contrat de location-gérance du 23 décembre 2009 ayant pour objet un fonds de commerce connu sous le nom de [12].
Le contrat de location-gérance du 23 décembre 2009 conclu entre madame [R] [A] et la société SBDF est un acte sous seing privé. Il ne constitue donc pas un titre exécutoire au sens de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution.
La Société SBDF ne justifie donc pas de sa qualité de créancière bénéficiaire d'un titre exécutoire, condition préalable imposée par l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Par contre, madame [R] [A] poursuit l'exécution forcée de l'acte notarié du 18 septembre 2000 revêtu de la formule exécutoire, portant bail consenti par monsieur [R] [A] à monsieur [K].
L'attestation du 10 octobre 2007 de maître [D], notaire associé à [Localité 8], établit que les époux [R] [A] étaient mariés sous le régime de la communauté universelle de biens avec attribution intégrale de ladite communauté au décès du prémourant des époux. Suite au décès de son mari, intervenu le [Date décès 1] 2007, madame [R] [A] a donc hérité de l'intégralité du patrimoine conjugal dans lequel se trouve notamment le bail consenti le 18 septembre 2000 à monsieur [K] par son mari défunt.
Ledit bail stipule notamment (p 9) que le locataire est débiteur d'une redevance d'un montant annuel de 2 464,64 € (16 167 francs ) indexée sur l'indice national du coût de la construction. L'acte notarié précité revêtu de la formule exécutoire, constitue un titre exécutoire au titre de l'article L 111-3 4 ° du code des procédures civiles d'exécution.
Le contrat de location-gérance du 23 décembre 2009 ne contient aucune clause ayant pour objet de transférer le recouvrement des redevances et charges à la société SBDF ou de subroger cette dernière dans les droits de madame [R] [A], notamment ceux conférés par le bail notarié du 18 septembre 2000.
Cette dernière, propriétaire du fonds, a donc qualité pour procéder au recouvrement forcé des redevances dues par les époux [K] sur le fondement de l'exécution du bail notarié. Dans les rapports entre madame [R] [A] et la société SBDF, il appartiendra à cette dernière d'exercer ses droits conférés par le contrat de location-gérance.
Par ailleurs, il est jugé que la règle du dessaisissement de l'article L 641-9 du code de commerce étant édictée dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur peut se prévaloir de l'inopposabilité d'un acte juridique accompli par le débiteur au mépris de cette règle, à condition que l'acte concerne les droits et actions inhérents à l'administration et à la disposition des biens dont le débiteur est dessaisi par l'effet du jugement de liquidation judiciaire (Civ 3ème 2 mars 2022 n° 20-16.787), les intimés sont en conséquence irrecevables à soulever ce moyen à l'appui de leur demande de nullité de la saisie. Etant en outre observé que Me [X] ès-qualités ratifie la saisie-attribution contestée qui est un acte de procédure d'exécution forcée et non un acte de procédure.
- Sur l'existence d'une créance liquide et exigible conférée par le bail notarié du 18 septembre 2000,
L'article 1219 du code civil, issu de l'ordonnance du 10 février 2016, invoqué par l'appelant dispose notamment qu'une ' partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et cette inexécution est suffisamment grave'. L'article 9 alinéa 2 de l'ordonnance précitée dispose que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.
Le droit antérieur imposait un manquement d'un degré de gravité suffisant notamment en matière de bail où le preneur n'est fondé à suspendre le paiement des loyers que lorsqu'il se trouve dans l'impossibilité d'user des lieux loués conformément à leur destination contractuelle.
En l'espèce, l'article 1219 nouveau du code civil n'est pas applicable au bail du 18 septembre 2000 mais il appartient aux époux [K], en application du droit ancien précité, de justifier de l'impossibilité d'user du bien loué conformément à sa destination contractuelle pour fonder le non-paiement des loyers recouvrés au moyen de la saisie-attribution contestée.
Le bail précité porte sur une parcelle de terre ne pouvant être utilisée que pour 'l'implantation d'une habitation légère de loisirs', 'la parcelle louée et l'habitation légère de loisirs ne pourront donc être utilisées à l'usage d'habitation, de commerce, industrie ou d'une profession quelconque.
Au titre des charges dont le montant est compris dans le prix de la redevance annuelle due par le preneur, le bail stipule que ' le bailleur assurera l'enlèvement des ordures, le défrichage et le nettoyage des parties communes ou des parcelles non attribuées et l'élagage des arbres dans ces parties.
L'entretien de la voirie et des diverses canalisations, le curage des caniveaux, l'entretien des extincteurs et du service incendie ainsi que l'éclairage public et des parties communes et le gardiennage, le bailleur ou ses locataires assureront l'entretien et le fonctionnement des services annexes'.
Il résulte du décompte annexé à la saisie contestée qu'elle a pour objet de recouvrer les redevances des années 2019, 2020, 2021 et 2022.
Au titre de la redevance des années 2019 et 2020 exigibles le 31 janvier de chaque année, madame [R] [A] et la société SBDF se trouvaient dans l'impossibilité juridique d'exécuter leurs obligations contractuelles par l'effet d'un arrêt du 17 janvier 2019, portant résiliation du bail emphytéotique consenti à [I] [R] [A] et expulsion de madame [R] [A], jusqu' à l'arrêt de cassation du 3 décembre 2020.
Pour les redevances des années 2021 et 2022, les époux [K] doivent établir une impossibilité totale d'utiliser les lieux loués, seule cause susceptible de fonder le non-paiement des redevances.
Les photographies versées au débat (pièces n°11 et 12) portent une date manuscrite et ne revêtent donc aucune valeur probante.
Le constat d'huissier du 28 juin 2021 mentionne une absence de débroussaillage, un défaut d'entretien d'une petite jardinerie, la fermeture du snack à 12h15, de la piscine et de la maison du gardien, ainsi qu'une fuite de la canalisation des eaux usées de l'atelier. Cependant ces constatations n'établissent pas une impossibilité absolue pour les époux [K] de bénéficier de la jouissance de leur parcelle de terre à destination d'habitation légère de loisirs.
L'absence de fourniture de services annexes à la charge de madame [R] [A] et de la société SBDF, suffisamment établis par l'arrêt du 22 septembre 2022 statuant sur renvoi après cassation et prononçant la résiliation du bail, ne saurait suffire à établir une privation de la jouissance de la parcelle des intimés pendant cette période malgré le défaut d'entretien du domaine de [12].
Ainsi, les époux [K] ne produisent aucune pièce de nature à établir une impossibilité d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination contractuelle et à les dispenser d'exécuter leur obligation de payer les redevances et charges de 2019 à 2022 pour un montant total restant du de 13 811,62 € .
Enfin, le procès-verbal de saisie contient un décompte des charges dues pour un montant de 2 550,90 € qui porte mention des date et montant des factures (10 576,75 €) et des paiements partiels (8025,63 €) ainsi que leur imputation, soit un solde de 2 550,90 €.
Le jugement du 6 mai 2021 versé au débat (pièce n°7) réserve les demandes et ne condamne pas madame [R] [A] à fournir des comptes de charges ni aux époux [K], ni à l'association des résidents. De plus, les intimés ne justifient pas avoir répondu et contesté les mises en demeure des 15 et 31 janvier 2021, 31 janvier et 15 février 2022, de payer les loyers et charges impayés. Ainsi, les éléments précités sont suffisants pour établir l'existence d'une créance de 2 550,90 € au titre des charges dues.
Par conséquent, madame [R] [A] justifie d'un titre exécutoire lui conférant une créance liquide et exigible de redevances et charges impayés d'un montant de 13 528,96 € outre 90,16 € de frais de dénonce, soit 13 619,12 €. Les autres frais relatifs au certificat de non contestation et à la mainlevée ne sont pas dus en l'état de la contestation. Le jugement déféré sera donc infirmé et la saisie contestée sera validée pour le montant précité de 13 619,12 €.
- Sur les demandes accessoires,
En l'état de l'infirmation, la demande de dommages et intérêts des époux [K] pour procédure abusive n'est pas fondée et sera rejetée.
Les époux [K], parties perdantes, supporteront les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande d'allouer aux appelants une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
STATUANT à nouveau,
VALIDE la saisie-attribution du 14 avril 2023 pour un montant de 13 619,12 €.
Y AJOUTANT,
REJETTE la demande de dommages et intérêts de monsieur [B] [K] et madame [M] [Y] épouse [K],
CONDAMNE in solidum monsieur [B] [K] et madame [M] [Y] épouse [K] à payer à madame [G] [Z] veuve [R] [A] et maître [W] [X] en qualité de liquidateur de la société SBDF, ensemble, une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum monsieur [B] [K] et madame [M] [Y] épouse [K] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE