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Cass. crim., 29 octobre 2025, n° 23-83.550

COUR DE CASSATION

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Rejet

Cass. crim. n° 23-83.550

29 octobre 2025

N° R 23-83.550 F-B

N° 01374

SL2
29 OCTOBRE 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 OCTOBRE 2025

M. [G] [T], Mme [A] [C], épouse [T], et M. [B] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 17 mai 2023, qui a condamné le premier, pour fraude fiscale et blanchiment, à quatre ans d'emprisonnement et une confiscation, la deuxième, pour fraude fiscale, à dix-huit mois d'emprisonnement, le troisième, pour complicité de fraude fiscale, à un an d'emprisonnement et 50 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils et sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocats de M. [G] [T] et Mme [A] [C] épouse [T], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [B] [K], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des finances publiques, de la direction départementale des finances publiques des Alpes Maritimes et de l'Etat français, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.

2. A la suite d'une perquisition au domicile de M. [N] [F], salarié de la banque [5], effectuée sur la demande des autorités helvétiques, les données issues des fichiers informatiques saisis ont été communiquées par le procureur de la République à l'administration fiscale.

3. Après exploitation de ces données, l'administration fiscale a déposé plainte entre les mains du procureur de la République le 14 décembre 2010, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, contre M. [G] [T] et Mme [A] [C], épouse [T], pour fraude fiscale au titre des années 2006 à 2009, les soupçonnant d'avoir dissimulé des fonds sous le couvert d'un profil-client et d'une société dans les livres de l'établissement [6] [Localité 4].

4. A l'issue d'une information, M. et Mme [T] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs, notamment, de fraude fiscale et blanchiment, M. [B] [K], conseiller en gestion de patrimoine, étant renvoyé du chef de complicité de fraude fiscale.

5. Le tribunal correctionnel a rejeté l'exception de prescription de l'action publique et déclaré coupables M. [T] des chefs de fausses déclarations, fraude fiscale et blanchiment, Mme [T] des chefs de fraude fiscale et blanchiment, M. [K] du chef de complicité de fraude fiscale. Il a statué sur les intérêts civils et les demandes de l'administration fiscale, partie civile.

6. M. et Mme [T] et M. [K] ont interjeté appel du jugement. Le ministère public, l'Etat français et la direction générale des finances publiques ont formé appel incident.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens, pris en leur troisième branche, proposés pour M. et pour Mme [T], le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, proposé pour M. [T] et le second moyen proposé pour M. [K]

7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [T]

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné, à titre de peine complémentaire, la confiscation de la propriété de M. [T] saisie à [Adresse 7], outre les droits indivis qu'il détient sur les terrains, de la créance d'assurance-vie détenue au titre d'un contrat conclu auprès de la compagnie [2] et des sommes saisies le 5 mai 2012 sur son compte bancaire à la banque [1], alors :

« 1°/ que les dispositions du 6ème alinéa de l'article 131-21 du code pénal, tout comme celles du 12° de l'article 324-7 du même code, qui autorisent la saisie de tout ou partie des biens du condamnés, sans fixer ni condition ni limite, méconnaissent les principes de légalité des peines et d'égalité devant la loi ; que la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir privera l'arrêt attaqué de tout fondement légal. »

Réponse de la Cour

9. La Cour de cassation ayant, par arrêt du 7 février 2024, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, le moyen est devenu sans objet.

Sur le troisième moyen proposé pour M. [T], le second moyen proposé pour Mme [T] et le premier moyen proposé pour M. [K]

Enoncé des moyens

10. Le troisième moyen proposé pour M. [T] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique s'agissant des faits de fraude fiscale, alors « que le délai de prescription de l'action publique pour les faits de fraude fiscale est le délai de droit commun résultant de l'article 8 du code de procédure pénale et ne se confond pas avec le délai dont dispose l'administration fiscale pour déposer plainte, telle qu'il est fixé par l'article L. 230, al. 1er, du livre des procédures fiscales ; qu'en retenant que l'infraction de fraude fiscale, résultant en l'espèce de la non-déclaration en 2007 de revenus perçus à l'étranger en 2006, n'était prescrite qu'au 31 décembre 2010, en application de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, de telle sorte que le soit-transmis du parquet de Nice du 20 décembre 2010 avait interrompu la prescription, la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 8 du code de procédure pénale, par refus d'application, et l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, par fausse application. »

11. Le second moyen proposé pour Mme [T] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique s'agissant des faits de fraude fiscale, alors « que le délai de prescription de l'action publique pour les faits de fraude fiscale est le délai de droit commun résultant de l'article 8 du code de procédure pénale et ne se confond pas avec le délai dont dispose l'administration fiscale pour déposer plainte, telle qu'il est fixé par l'article L. 230, al. 1er, du livre des procédures fiscales ; qu'en retenant que l'infraction de fraude fiscale, résultant en l'espèce de la non-déclaration en 2007 de revenus perçus à l'étranger en 2006, n'était prescrite qu'au 31 décembre 2010, en application de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, de telle sorte que le soit-transmis du parquet de Nice du 20 décembre 2010 avait interrompu la prescription, la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 8 du code de procédure pénale, par refus d'application, et l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, par fausse application. »

12. Le premier moyen proposé pour M. [K] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription de l'action publique s'agissant du délit de fraude fiscale, alors « que le délai dont dispose l'administration fiscale pour déposer plainte, qui est fixé par l'article L. 230, alinéa 1er, du livre des procédures fiscales, ne se confond pas avec le délai de prescription de l'action publique du délit de fraude fiscale, qui est celui de droit commun prévu par l'article 8 du code de procédure pénale ; qu'en retenant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 230 du livre des procédure fiscales dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, le délai de prescription des faits de fraude fiscale s'agissant des revenus de l'année 2006 expirait en principe le 31 décembre 2010 à minuit, la cour d'appel a méconnu les articles 1741 du code général des impôts, L. 230 du livre des procédures fiscales, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

13. Les moyens sont réunis.

14. Selon l'article L. 230 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-117 du 6 décembre 2013, applicable à la cause, la plainte de l'administration fiscale peut être déposée jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise, et la prescription de l'action publique est suspendue pour une durée maximum de six mois entre la date de la saisine de la commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette commission émet son avis.

15. Il résulte de l'article 8, alinéa 1er, du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, applicable à la cause, que l'action publique du délit de fraude fiscale se prescrit par trois années révolues.

16. La Cour de cassation juge que la prescription spéciale de l'action publique du délit de fraude fiscale commence à courir du jour où l'infraction a été commise, soit, en cas d'omission de déclaration, le jour où celle-ci aurait dû être faite, et en cas de dissimulation de sommes sujettes à l'impôt, le jour où une déclaration inexacte est produite auprès des services fiscaux (Crim., 6 janvier 2021, pourvoi n° 18-84.570, publié au Bulletin).

17. Il résulte de ces principes que le délai de prescription de l'action publique pourrait expirer avant que le délai dont bénéficie l'administration fiscale pour déposer plainte ne soit lui-même expiré.

18. Selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation concilie les deux textes précités en jugeant que la prescription de l'action publique du délit de fraude fiscale n'est acquise qu'à l'expiration du délai fixé par l'article L. 230 du livre des procédures fiscales dont dispose l'administration fiscale pour déposer plainte (Crim., 9 septembre 2020, n° 19-83.148).

19. Cette solution, qui accorde le premier délai au second, constitue une dérogation au délai de droit commun de la prescription en matière délictuelle.

20. La solution inverse, qui consisterait en une application stricte du droit commun de la prescription, aboutirait à priver d'efficacité la répression, en ce qu'elle pourrait conduire à ce que l'action publique soit prescrite avant qu'il soit possible de la mettre en mouvement.

21. En effet, l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la cause, subordonne l'exercice de l'action publique du chef de fraude fiscale, sous peine d'irrecevabilité, au dépôt d'une plainte de l'administration fiscale, à laquelle la Cour de cassation dénie tout effet interruptif de la prescription (Crim., 23 février 2011, pourvoi n° 10-88.068, Bull. crim. 2011, n° 37).

22. Il résulte de ce qui précède que l'interprétation rappelée au paragraphe 18 doit être maintenue.

23. Pour écarter la prescription de l'action publique du délit de fraude fiscale, l'arrêt attaqué énonce que les faits les plus anciens reprochés aux prévenus sous cette qualification concernent leurs revenus de l'année 2006, dont il n'est pas contesté qu'ils ont fait l'objet d'une déclaration déposée fin mai 2007.

24. Les juges relèvent que le tribunal correctionnel a considéré à raison, au visa des dispositions de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales dans sa version en vigueur à l'époque des faits, que le délai de prescription des faits de fraude fiscale reprochés aux époux [T] s'agissant des revenus de l'année fiscale 2006 devait expirer le 31 décembre 2010 à minuit, mais qu'il avait été suspendu pendant neuf jours du 30 novembre au 8 décembre 2010 durant la procédure devant la commission des infractions fiscales et expirait donc le 9 janvier 2011 à minuit.

25. Ils en concluent que le soit-transmis du 20 décembre 2010 aux fins d'enquête sur les faits de fraude fiscale imputés aux époux [T] a interrompu la prescription de l'action publique avant le 9 janvier 2011.

26. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

27. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur les premiers moyens, pris en leurs première et deuxième branches, proposés pour M. et pour Mme [T]

Enoncé des moyens

28. Le premier moyen proposé pour M. [T] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a retenu à sa charge les infractions de fraude fiscale et blanchiment en se fondant sur les « synthèses » établies par l'administration fiscale à partir de fichiers qui auraient été saisis au domicile de M. [F] dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par les autorités helvétiques, alors :

« 1°/ que le droit à un procès pénal contradictoire et au respect des droits de la défense implique que le prévenu ait pu prendre connaissance de toutes les preuves matérielles à charge ou à décharge détenues par les autorités compétentes et en discuter utilement l'authenticité ; qu'en retenant que la réalité et l'importance de la fraude fiscale imputée à M. [T] pouvait se déduire des « synthèses » établies par l'administration fiscale à partir de fichiers informatiques qui auraient été saisis au domicile de M. [F] tout en constatant que ces fichiers, dont l'authenticité était contestée, n'étaient pas versés aux débats par les autorités de poursuite qui les détenaient, et sans répondre, au surplus, aux conclusions de M. [T] faisant valoir que la copie de la « synthèse » le concernant, telle que versée aux débats, était incomplète pour ne contenir que deux pages sur trois, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction, les droits de la défense, article 427 du code de procédure pénale, et l'article 6 § 1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 7 § 2 la directive n° 2012/13/UE du 22 mai 2012 ;

2°/ que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire ; que pour dire que les plaintes déposées par l'administration fiscale n'étaient pas fondées sur des preuves illicites, la chambre de l'instruction relève que les « synthèses » produites au soutien de ces plaintes ont été établies à partir des fichiers informatiques saisis au domicile de M. [F], lors d'une perquisition régulièrement effectuée dans le cadre d'une demande d'entraide internationale émanant des autorités suisses ; qu'en fondant ainsi sa décision sur des éléments contenus dans une procédure pénale distincte, non jointe à la procédure en cours, et qui n'avaient fait l'objet d'aucune communication à M. [T], de telle sorte que celui-ci n'avait pu ni prendre connaissance des opérations réalisées antérieurement et des fichiers informatiques saisis, ni contester utilement la régularité de ces opérations, la chambre de l'instruction a violé le principe de la contradiction, les droits de la défense et les articles 427 du code de procédure pénale, 6 § 1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 7 § 2 la directive n° 2012/13/UE du 22 mai 2012. »

29. Le premier moyen proposé pour Mme [T] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a retenu à sa charge les infractions de fraude fiscale en se fondant sur les « synthèses » établies par l'administration fiscale à partir de fichiers qui auraient été saisis au domicile de M. [F] dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par les autorités helvétiques, alors :

« 1°/ que le droit à un procès pénal contradictoire et au respect des droits de la défense implique que le prévenu ait pu prendre connaissance de toutes les preuves matérielles à charge ou à décharge détenues par les autorités compétentes et en discuter utilement l'authenticité ; qu'en retenant que la réalité et l'importance de la fraude fiscale imputée à M. [T] pouvait se déduire des « synthèses » établies par l'administration fiscale à partir de fichiers informatiques qui auraient été saisis au domicile de M. [F] tout en constatant que ces fichiers, dont l'authenticité était contestée, n'étaient pas versés aux débats par les autorités de poursuite qui les détenaient, et sans répondre, au surplus, aux conclusions de M. [T] faisant valoir que la copie de la « synthèse » le concernant, telle que versée aux débats, était incomplète pour ne contenir que deux pages sur trois, la cour d'appel a violé ensemble, le principe de la contradiction, les droits de la défense et les articles 427 du code de procédure pénale et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 7 § 2 la directive n° 2012/13/UE du 22 mai 2012 ;

2°/ que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire ; que pour dire que les plaintes déposées par l'administration fiscale n'étaient pas fondées sur des preuves illicites, la chambre de l'instruction relève que les « synthèses » produites au soutien de ces plaintes ont été établies à partir des fichiers informatiques saisis au domicile de M. [F], lors d'une perquisition régulièrement effectuée dans le cadre d'une demande d'entraide internationale émanant des autorités suisses ; qu'en fondant ainsi sa décision sur des éléments contenus dans une procédure pénale distincte, non jointe à la procédure en cours, et qui n'avaient fait l'objet d'aucune communication à M. [T], de telle sorte que celui-ci n'avait pu ni prendre connaissance des opérations réalisées antérieurement et des fichiers informatiques saisis, ni contester utilement la régularité de ces opérations, la chambre de l'instruction a violé, ensemble, le principe de la contradiction, les droits de la défense et les articles 427 du code de procédure pénale, 6 § 1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 7 § 2 la directive n° 2012/13/UE du 22 mai 2012. »

Réponse de la Cour

30. Les moyens sont réunis.

31. Pour rejeter les demandes tendant à écarter des débats les pièces issues de l'exploitation des fichiers dits [F] et entrer en voie de condamnation des chefs de fraude fiscale et blanchiment, l'arrêt attaqué énonce, notamment, qu'outre leur exploitation par l'administration fiscale avant son dépôt de plainte, les fichiers informatiques dits [F] ont été exploités dans le cadre de l'enquête préliminaire qui a précédé l'ouverture de l'information puis dans le cadre de celle-ci, les enquêteurs ayant notamment relevé des éléments concernant Mme [T] qui ne figuraient pas dans les synthèses jointes à la plainte du fisc.

32. Les juges relèvent que la synthèse des éléments concernant M. [T] établie par l'administration fiscale et les procès-verbaux d'exploitation par les enquêteurs des autres données issues des fichiers informatiques dits [F] constituent dès lors des moyens de preuve dont le contenu a été soumis, pendant l'instruction, devant le tribunal correctionnel puis à nouveau devant la cour d'appel, au débat contradictoire.

33. Ils observent que l'accusation ne se fonde pas exclusivement sur cette synthèse, de très nombreux actes d'instruction, notamment une commission rogatoire au Luxembourg, des écoutes téléphoniques et diverses auditions, effectués par le magistrat instructeur, ayant permis non seulement de confirmer certaines des données extraites des fichiers dits [F], mais aussi de recueillir des éléments complémentaires.

34. Ils en concluent que si le document de synthèse critiqué ne saurait, à lui seul, suffire à établir la preuve des faits reprochés aux prévenus, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats.

35. Les juges soulignent encore, s'agissant de l'argument selon lequel ce document aurait été fabriqué par l'administration fiscale, que les fichiers informatiques [F] contenaient également des données personnelles et bancaires concernant de nombreuses autres personnes non visées par l'instruction, et que si la synthèse contestée est constituée d'éléments compilés par l'administration fiscale à partir des données contenues dans différents fichiers saisis, rien ne permet de considérer que ces données aient été fabriquées ou falsifiées.

36. Ils ajoutent que la défense ne produit aucun élément de nature à établir ou même seulement à faire suspecter que les données informatiques auraient été falsifiées ou altérées lors de leur extraction par l'administration fiscale et qu'au contraire, elle produit un courrier du 19 novembre 2021 de [6] [Localité 4] adressé à Mme [T], qui confirme non seulement l'exactitude des éléments mentionnés concernant le profil-client « [3] » utilisé par M. [T] jusqu'en 2005, à savoir l'identité du titulaire, le nom et le numéro du profil, sa date de création et sa date de clôture, mais aussi le lien entre ce profil-client et Mme [T], tel que mentionné dans la synthèse individuelle la concernant, Mme [T] ayant été titulaire d'une procuration sur ce compte.

37. Les juges en concluent que, compte tenu non seulement de cette pièce, mais également des pièces d'exécution de la commission rogatoire au Luxembourg, qui établissent, notamment, l'existence d'un virement de 55 000 euros ordonné par M. [T] début mai 2005 depuis l'un de ses comptes luxembourgeois vers le compte suisse [6] [Localité 4], qui apparaissait déjà en lien avec M. [T] et le client « [8] » dans la fiche de synthèse de l'administration fiscale, tous éléments qui confirment avec exactitude et précision plusieurs des données extraites des fichiers [F] concernant les époux [T] et les profils-clients « [3] » et « [8] » et qui n'en contredisent aucune, les données extraites de ces fichiers doivent être considérées comme probantes.

38. En l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués.

39. En effet, les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel s'est fondée sur des éléments tirés de fichiers informatiques ne figurant pas au dossier de la procédure.

40. D'une part, ces éléments étant versés dans une procédure pénale distincte, il appartenait aux demandeurs, soit de saisir le juge d'instruction d'une demande tendant à l'obtention et au versement de ces pièces, soit de solliciter du tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article 463 du code de procédure pénale, qu'il ordonne un supplément d'information à ces mêmes fins.

41. D'autre part, les juges, loin de se fonder uniquement sur la fiche de synthèse contestée, ont vérifié la véracité des informations incriminantes qui y étaient contenues en les comparant avec les preuves indépendamment recueillies au cours des investigations ainsi qu'avec celles fournies par la propre défense de M. et Mme [T].

42. Ainsi, les moyens doivent être écartés.

43. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [G] [T], Mme [A] [C], épouse [T], et M. [B] [K] devront payer au directeur général des finances publiques, au directeur départemental des finances publiques des Alpes maritimes et à l'Etat français en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille vingt-cinq.

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