CA Montpellier, 2e ch. civ., 23 octobre 2025, n° 25/00501
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Torrecillas
Conseillers :
Mme Herment, Mme Carlier
Avocats :
Me Auché, Me Nese, Me Salvignol, Me Redon, Me Richaud, Me Garrigue
EXPOSE DU LITIGE :
Un protocole de cessions d'actions de la société [8] a été signé de manière défintive le 21 janvier 2022 entre d'une part, l'Eurl [12], M. [W] [Z], Mme [S] [V] épouse [Z], Mme [P] [Z] et M. [K] [Z] en leurs qualités de cédants et d'autre part la SAS [11] représentée par M. [I] [H] moyennant le prix de 1. 000 070 euros payable à la signature à hauteur de 785 000 €, le solde du prix étant payable au moyen d'un crédit vendeur souscrit auprès de la banque [10]. Cet acte prévoit également la signature d'une convention de garantie d'actif et de passif consentie au cessionnaire et portant sur la totalité des actions cédées notamment en cas d'inexactitude ou omission des déclarations faites par les cédants au protocole de cession, en cas d'amoindrissement ou diminution de l'actif net de la société résultant de l'apparition de passifs imprévus non ou insuffisamment provisionnés et de toute imposition non ou insuffisamment provisionnée dans les comptes de référence.
Par lettre recommandée en date du 2 juillet 2024, le conseil de la société [11] a informé les cédants que celle-ci entendait mettre en oeuvre la garantie prévue au protocole de cession au vu de différentes anomalies confirmées par leur expert-comptable dans l'analyse du bilan clos au 31 décembre 2020 de la société [8], l'ensemble de ces anomalies portant sur une somme totale de 140 966 € et étant responsables de la dégradation financière de la société.
En l'absence d'accord amiable entre les parties, la société [11] et la SAS [8], par exploit en date du 13 août 2024,ont fait assigner les consorts [Z] et la société [12] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Perpignan afin de voir ordonner une mesure d'expertise comptable sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Le 25 novembre 2024, la société [11] a cédé les titres qu'elle détenait au sein de la société [8] à la société [9].
Par ordonnance en date du 20 janvier 2025, le président du tribunal de commerce de Perpignan a :
- déclaré les demandes de la SAS [11] irrecevables,
- renvoyé la SAS [11] à mieux se pourvoir
- condamné la SAS [11] aux dépens de l'instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux de greffe liquidés selon tarif en vigueur.
La SAS [8] s'est désistée de ses demandes à l'encontre de l'ensemble des défendeurs au cours de cette instance, .
Par acte reçu au greffe de la Cour le 23 janvier 2025. la SAS [11] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le le 30 mai 2025 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SAS [11] demande à la Cour de :
* déclarer recevable et bien fondé l'appel formalisé le 23 janvier 2025 ;
* A titre principal.
- Prononcer la nullité de l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de commerce de Perpignan le 20 janvier 2025 en raison de la violation du principe de la contradiction ;
* Pour les mêmes raisons, infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de commerce de Perpignan le 20 janvier 2025 ;
* A titre subsidiaire
- Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le Tribunal de commerce de Perpignan le 20 janvier 2025 ;
* En tout état de cause et statuant à nouveau.
'' Débouter Mme [S] [Z], Mme [P] [Z], M. [W] [Z], M. [K] [Z] et la SAS [12] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
'' Ordonner une mesure d'expertise et désigne pour y procéder tel expert en expertise-comptable qu'il plaira avec mission de :
- Se faire cormnuniquer tous documents et pièces qu'il estime necessaires à l'accomplissement de sa mission ;
- Entendre les parties en leurs dires et observations ;
- Dire si les anomalies alléguées dans l'assignation et les pièces qui y sont jointes (notamment dans l'analyse réalisée le 22 juin 2024 par M. [A] [L]) existent et notamment :
0 si les dettes liées aux primes encaissées par la société [8] non encore reversées ont ete correctement enregistrées dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2020 et dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2021 et, dans le cas contraire, préciser le montant qui aurait dû être enregistré ;
0 s'il existe des clients à rembourser pour lesquels aucune dette n'aurait été enregistrées dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2020 ;
0 si les primes et versements réalisés au profit de Mme [S] [Z] et de Mme [P] [Z] lors de l'année 2021 auraient dû faire l'objet d'une provision dans les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2020 et, le cas échéant, préciser le montant des provisions qui auraient dû être enregistrées ;
0 si les frais enregistrés au bénéfice de M. [W] [Z] lors de l'exercice 2021 sont justifiés et, dans le cas contraire, préciser les conséquences de cette absence de justification sur les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2021 ;
0 si des frais personnels des cédants ont été pris en charge par la société et, le cas écheant, en préciser les conséquences sur les comptes des exercices clos le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2021.
- Evaluer les conséquences de ces anomalies comptables et de la distribution de dividendes opérée le 14 juin 2021 sur la valorisation des actions cédées ;
- Evaluer les préjudices de tous ordres subis par la SAS [11] ;
- d'une manière générale, donner tous éléments permettant au juge du fond, le cas échéant, de trancher les responsabilités et le litige ;
- établir un pre-rapport en impartissant aux parties un délai pour faire leurs observations avant dépôt du rapport.
* Condamner in solidum Mme [S] [Z], Mme [P] [Z], M. [W] [Z], M. [K] [Z] et la SAS [12] au paiement d'une somme de 6.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
* Réserver le sort des dépens en fin de cause.
Au dispositif de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 10 avril 2025, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [K] [Z], Mme [P] [Z], M. [W] [Z], Mme [S] [Z] née [V] et la SAS [12] demandent à la Cour de :
* Déclarer la SAS [11] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
* Confirmer, par substitution de motif, la décision entreprise en ce qu'elle a déclarée irrecevable la société SAS [11] en sa demande d'expertise.
* A titre subsidiaire, dire et juger que la mission de l'expert sera la suivante :
' L'examen des documents comptables, financiers et juridiques relatifs à la société cédée (bilan, comptes de résultat, annexes, rapports de gestion, statuts, contrats, etc.) sur la période précédant la cession.
' L'évaluation d'éventuelles manipulations comptables, erreurs ou omissions significatives qui auraient pu influencer la valorisation de la société lors de la cession.
' L'identification des flux financiers et opérations significatives (distribution de dividendes, cessions d'actifs, apports, etc.) susceptibles d'avoir un impact sur la valeur de la société et sur les droits ou obligations des parties.
* Dans tous les cas
- Condamner la société [11] à payer aux Consorts [Z] et à la société [12] la somme de 5.000 € en application d'article 700 du code de procédure civil ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 avril 2025 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SAS [8] SARL demande à la Cour de :
- Juger que la SAS [8] s'en remet à justice sur les demandes présentées par l'appelante et par les intimés.
- Juger que la SAS [8] SARL propose de tenir à disposition l'ensemble des éléments de comptabilité et le logiciel métier tels qu'elle les a recuperés à la suite de la cession de titres, notamment en cas d'expertise.
- Condamner tout succombant à payer à la SAS [8] SARL la somme de 2.000 € en application des dispositions de Particle 700 du CPC.
- Condamner tout succombant aux dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS :
Sur la demande de nullité de l'ordonnance
L'appelante fait grief au premier juge d'avoir relevé d'office et sans procéder à la réouverture des débats afin de solliciter les observations des parties à ce titre l'existence de contestations sérieuses ayant pour conséquence l'irrecevabilité de ses demandes alors qu'un tel moyen n'a jamais été soulevé par les parties dans le cadre des conclusions déposées en première instance et que l'absence de contestation sérieuse n'est pas une condition d'octroi d'une mesure d'expertise judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, l'argumentation des consorts [Z] étant fondée sur l'absence de motif légitime à la mesure d'instruction. Elle considère que le premier juge a donc méconnu le principe du contradictoire édictée par l'article 16 du code de procédure civile. Elle ajoute que les deux notions de contestations sérieuses et de motif légitime sont parfaitement différentes et qu'il n'appartient pas à la juridiction d'appel d'interpréter les intentions du juge des référés qui ne pouvait confondre ces deux notions
Les intimés s'opposent à cette demande de nullité, le grief fait au premier juge étant un motif d'éventuelle réformation de la décision et non d'annulation dans la mesure où il lui est reproché en réalité d'avoir commis une erreur d'interprétation des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile qu'il a bien visées dans sa motivation et alors qu'il a parfaitement répondu aux conclusions des concluants puisqu'il lui était demandé de déclarer irrecevables les demandes de la société [11] Ils font valoir que s'il est incontestable que la notion de contestation sérieuse n'est pas un critère d'application de l'article 145 du code de procédure civile, la cour peut parfaitement par substitution de motif confirmer le jugement en retenant l'absence d'intérêt légitime à la demande d'expertise.
Conformément à l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré, à son infirmation ou à son annulation par la cour d'appel.
Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
En l'espèce, il ressort des termes de l'ordonnance dont appel que le juge des référés, pour déclarer irrecevable la demande de la société [11] tendant à l'instauration d'une mesure d'expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile et renvoyé celle-ci à mieux se pourvoir a retenu que ' tous les éléments soulevés par la société [12] et les consorts [Z] pour s'opposer à la mesure d'expertise sont constitutifs d'une contestation sérieuse et que cette demande ne peut faire l'objet d'une décision de référé'.
Il est exact que l'existence ou non de contestations sérieuses n'a fait l'objet d'aucun débat entre les parties devant le premier juge alors même que l'absence de contestation sérieuse ne constitue pas une condition prévue à l'article 145 du code de procédure civile pour faire droit à une mesure d'expertise sur ce fondement, seule l'existence d'un motif légitime étant suffisante, ce qui a d'ailleurs fait l'objet des débats entre les parties devant le juge des référés.
Néanmoins, en retenant, de manière erronée, que les moyens débattus entre les parties devant lui devaient s'analyser en l'existence de contestations sérieuses faisant obstacle à la demande d'expertise, le premier juge qui a expressément et exclusivement visé les dispositions de l'article 145, n'a pas modifié le fondement juridique de la demande et donc l'objet du litige. Ainsi si le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les conditions prévues à cet article n'étaient pas réunies justifiant l'irrecevablité de cette demande, cette référence erronée à l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas pour autant une violation du principe du contradictoire susceptible de donner lieu à l'annulation de l'ordonnance dont appel.
Il convient, en conséquence, de rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise.
Sur la demande aux fins d'expertise
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéréssé sur requête ou en référé.
Il est constant que le motif visé par les dispositions précitées n'est légitime que si la mesure sollicitée peut être utile dans le cadre de l'action future au fond et une mesure d'instruction ne peut ainsi être ordonnée qu'à la condition que l'action au fond ne soit pas manifestement vouée à l'échec.
La SAS [11] fait valoir à l'appui de sa demande aux fins d'expertise qu'elle justifie conformément à l'article 145 du code de procédure civile d'un motif légitime à instaurer une telle mesure d'expertise alors que l'EURL [12] et les consorts [Z] en leurs qualités de cédants sont susceptibles dans le cadre des opérations de cession d'actions de la société [8] d'engager leurs responsabilités civiles à son égard à la fois sur le fondement de la réticence dolosive en application de l'article 1137 du code civil, sur le fondement de la violation des obligations précontractuelles d'informations renforcées par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et également au titre de la garantie du passif prévue dans l'acte de cession et ce, au regard des anomalies évoquées dans son courrier du 2 juillet 2024 concernant les comptes de référence, la situation intermédiaire au 30 juin 2021 et les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2021 de la société [8].
Il résulte du courrier recommandé en date du 2 juillet 2024 adressé aux cédants par le conseil de la société [11] que celle-ci a entendu mettre en oeuvre la garantie prévue au protocole de cession au vu de différentes anomalies confirmées par leur expert-comptable dans l'analyse du bilan clos au 31 décembre 2020 de la société [8] et mettant en évidence :
- l'existence de dettes liées aux primes encaissées par la société [8] non encore reversées et non enregistrées comptablement dans les comptes de référence arrêtées au 31 décembre 2020, ni dans ceux arrêtés au 31 décembre 2021,
- l'existence d'une distribution de dividendes réalisée le 14 juin 2021 au profit des associés de la société [8] pour une somme de 45 000 € ,
- l'existence d'un client à rembourser non provisionné pour une somme de 1 332, 44 €
- l'existence de primes versées à Mme [S] [Z] et de versements réalisés au profit de Mme [S] [Z] et de Mme [P] [Z] lors de l'exercice 2021 n'ayant pas fait l'objet d'une provision enregistrée au bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2020
- l'existence de frais important (12 121 € au titre d'indemnités kilométriques et 12 011 € au titre de frais divers) enregistrés au profit de M. [W] [Z] sans justificatif probant, l'ensemble de ces anomalies portant sur une somme totale de 140 966 € et étant responsables selon elle de la dégradation financière de la société.
Les intimés s'opposent à cette demande aux motifs que l'action de la société [11] au titre de la garantie du passif est manifestement vouée à l'échec en raison de sa mise en oeuvre tardive, à défaut pour la société [11] d'avoir respecté la formalité prévue par la clause de garantie du passif contenue dans l'acte de cession et selon laquelle le bénéficiaire de la garantie n'est recevable à demander des comptes aux vendeurs que s'il a adressé à chacun d'eux une lettre recommandée dans les 15 jours de la connaissance par lui de l'évènement susceptible de fonder sa demande de garantie accompagnant des pièces justificatives et que cette clause qui inclut également l'action pour dol en aménage de même conventionnellement les conditions d'exercice.
Ils contestent également le bien fondé des griefs invoqués et ajoutent que la mesure d'expertise ne présente aucun intérêt concernant celui tiré de la distribution des dividendes au titre de l'exercice 2020 qui ne relève pas de la mission d'un expert, que le grief tiré de l'existence de dettes liées aux primes encaissées par la société non encore reversées et non enregistées dans les comptes au 31 décembre 2020 ne constitue en rien une anomalie de nature à impacter la valeur de la société et que les griefs tirés tant de l'absence de provision d'un compte client et du versement des primes à Mmes [Z] que des indemnités kilométriques sont soulevés tardivement alors qu'à ce titre, les bilans, comptes de résultat et comptabilité de la société, objet de la cession avaient été portés à la connaissance de la société [11] au moment de la cession.
L'acte de cession en cause contient d'une part rappel de l'obligation précontractuelle d'information du cédant à l'égard du cessionnaire concernant les informations ayant une importance déterminante sur le consentement donné par ce dernier à l'acte et particulièrement sur les informations nécessaires à l'évaluation de la société [8] notamment quant à sa situation financière, commerciale et à son exploitation de gestion, tout manquement à cette obligation étant susceptible de donner lieu à une action en responsabilité civile fondée sur l'article 1112-1 du code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Il est rappelé également que le manquement à ce devoir d'information peut entrainer la nullité du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du même code relatifs aux vices du consentement, dont le dol. Indépendamment de la nullité de l'acte, le demandeur à l'action pour dol peut se limiter à solliciter des dommages et intérêts en application de l'article 1178 du code civil dans les conditions de la responsabilité extracontractuelle de droit commun.
Cet acte de cession contient d'autre part une clause de garantie d'actif et de passif aux termes de laquelle 'Le Garant s'engage irrévocablement à indemniser le Bénéficiaire de 100 % de tout Préjudice Indemnisable que le Bénéficiaire ou la Société pourrait supporter ou encourir du fait :
(a) d'une inexactitude ou d'une omission, totale ou partielle, dans les déclarations faites par les Cédants au Protocole de Cession et par lui dans les Déclarations; et/ou
.....
(c) de tout amoindrissement ou diminution de l'actif net de la Société résultant de l'apparition de passifs imprévus, non provisionnés ou insufisamment provisionnés ou de la diminution d'éléments d'actifs figurant dans les Comptes de Référence, qui aurait pour origine ou sa cause dans tous faits, circonstances, évènements ou omissions antérieurs à la date d'arrêté des Comptes de Référence, étant précisé toutefois que la Garantie ne s'appliquera pas à toute dépréciation de la valorisation des éléments de l'actif immobilisé figurant aux Comptes de Référence, seule étant garantie l'existence de ces éléments ; et/ou
(d) de toute imposition non provisionnée ou insuffisament provisionnée dans les Comptes de Référence dont la Société serait redevable, pour autant que son fait générateur soit antérieur à la date d'arrêté des Comptes de Référence
......'
A supposer même respectés les délais de mise en oeuvre des actions précitées susceptibles d'être intentées à l'encontre des cédants (délai de prescription quinquennale pour l'action pour dol et délai de 15 jours pour dénoncer ses réclamations au titre de la garantie du passif) et quand bien même ces actions ne seraient pas manifestement vouées à l'échec, encore faut-il également que la société [11] démontre que la mesure d'expertise sollicitée va être utile, adaptée et pertinente pour la solution du litige.
Or, s'agissant du grief relatif à la distribution de dividendes aux associés, les intimés ne contestent pas qu'elle a bien été réalisée le 14 juin 2021 au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2020 et font valoir seulement que cette distribution étant survenue postérieurement à la clôture de l'exercice par une décision de l'assemblée générale du 14 juin 2021, elle ne contrevient pas aux dispositions stipulées en page 14 de la convention de cession selon lesquelles la société [8] déclare n'avoir procédé à aucune distribution de dividendes depuis la la clôture du bilan du dernier exercice, ce dernier étant à la date de la cession celui de l'exercice clos au 31 décembre 2021, les parties divergeant sur l'interprétation de la convention concernant la date du bilan de référénce à retenir à cet égard. Dés lors, et comme le font valoir justement les intimés, il n'appartient pas à un expert mais au juge du fond d'interpréter les termes deladite convention pour déterminer s'il y a eu ou non une violation de ceux-ci sur cette question, la matérialité des écritures comptables concernant cette opération n'étant pas contestée. Une expertise comptable est donc inutile et il appartiendra au juge du fond d'apprécier si une telle mesure est nécessaire pour établir éventuellement les conséquences de cette violation, s'il estime que celle-ci est établie.
De même, s'agissant du grief tiré de l'existence de dettes liées aux primes encaissées par la société non encore reversées et n'ayant pas été enregistrées dans les comptes au 31 décembre 2020, la société [11] ne le conteste pas et fait valoir que ces primes versées par les clients à la société [8], en sa qualité de courtier et qui sont reversées ensuite à la société [7] sous déduction des commissions prises par le courtier dans le cadre d'opérations de transfert dites de "topage" n'ont à être enregistrées qu'au moment du transfert de fonds à la compagnie d'assurance selon le calendrier établi par celle-ci et que leur montant figure bien sur le compte de la société au 31 décembre 2021, la partie adverse ayant d'ailleurs perçu les commissions afférentes à ces opérations le 22 janvier 2022. L'appelante considère quant à elle que la dette correspondante aux primes encaissées par la société [8] mais non encore reversées aurait dû figurer à la fin de l'exercice 2020 et produit à cet égard une analyse de ce bilan établi par un cabinet d'expertise comptable qui relève une dette supplémentaire de 30 001 € qui aurait dû être enregistrée à ce titre, ce rapport joignant un tableau très précis des dettes concernées avec leurs références, la date de règlement des primes par les clients et de leur reversement aux compagnies selon le logiciel métier de la société, tableau à l'encontre duquel les intimés ne formulent aucune contestation quant à ces éléments purement factuels. La société [11] dispose donc de l'ensemble des documents nécessaires sur les griefs formés à ce titre aux cédants. Une expertise comptable afin de déterminer, comme elle le demande, si les dettes en cause ont été enregistrées dans les comptes clos au 31 décembre 2020 et au 31 décembre 2021 est donc parfaitement inutile, la simple lecture des bilans concernés dont elle est déjà en possession lui permettant de disposer des renseignements nécessaires à ce titre.
Pour le grief tiré de l'absence de mention dans l'exercice clos au 31 décembre 2020 d'une dette envers un client qui n'a fait l'objet d'un remboursement qu'en 2021 et de l'absence de provision enregistrée dans le même exercice au titre des des primes de rupture de leurs contrats versées à Mmes [Z] en 2021, les intimés ne contestent pas davantage l'absence d'enregistrement de ces sommes, les parties divergeant sur l'obligation de provisionnement de ces sommes dans le bilan clos au 31 décembre 2020. La société [11] qui produit également à ce titre une analyse du cabinet d'expertise comptable précité est ainsi en possession de l'ensemble des éléments de preuve nécessaires relatifs à ces opérations pour rechercher la responsabilité des cédants rendant ainsi inutile la désignation d'un expert.
Enfin, s'agissant du grief relatif aux frais et indemnités kilométriques 2021 ayant fait l'objet d'un remboursement à M. [Z] sans justificatif, les intimés ne contestent pas davantage l'existence de ce remboursement tel que détaillé dans l'analyse comptable précitée, le différend opposant les parties à ce sujet étant limité à la justification de ces frais. Il n'est nul besoin à cet égard de l'organisation d'une mesure d'expertise comptable pour permettre à la société [11] de contester ces frais dont la justification peut être sollicitée par voie de communication de pièces et pour déterminer si le montant retenu a ou non un impact sur la valeur de la société à prendre en considération au jour de la cession.
En conséquence, si c'est à tort que le premier juge a déclaré irrecevable la demande d'expertise formée par la société [11] et l'a renvoyée à mieux se pourvoir en se fondant sur l'existence de contestations sérieuses, notion indifférente pour apprécier cette demande dans le cadre de l'article 145 du code de procédure civile, justifiant donc l'infirmation de la décision entreprise, il convient, statuant à nouveau, de rejeter ladite demande, la société [11] n'apportant pas la preuve de l'utilité d'une telle mesure.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il est inéquitable de laisser à la charge de la société [12] et des consorts [Z] les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens. Elle sera condamnée à leur payer ensemble la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire bénéficier la société [8] de ces mêmes dispositions. Sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
La société [11] succombant en cause d'appel, sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Pour les mêmes motifs, elle supportera les dépens de l'instance d'appel, la décision entreprise devant être confirmée ence qu'elle l'a condamnée aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- rejette la demande formée par la SAS [11] aux fins d'annulation de l'ordonnance entreprise pour violation du principe du contradictoire ;
- infirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a condamné la société [11] aux dépens de première instance ;
Statuant à nouveau des chefs d'infirmation,
- Rejette la demande d'expertise formée par la SAS [11] ;
Y ajoutant,
- condamne la SAS [11] à payer à . [K] [Z], Mme [P] [Z], M. [W] [Z], Mme [S] [Z] née [V] et à la SAS [12] ensemble la somme de 1500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejette les demandes formées par les SAS [11] et [8] SARL au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la SAS [11] aux dépens de l'instance d'appel.