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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 23 octobre 2025, n° 24/07344

VERSAILLES

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CA Versailles n° 24/07344

23 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-5

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 23 OCTOBRE 2025

N° RG 24/07344 - N° Portalis DBV3-V-B7I-W4LZ

AFFAIRE :

S.A.R.L. ALI

C/

Société civile SCI [Adresse 7]

...

S.E.L.A.R.L. BCM...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Octobre 2024 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 24/01237

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23.10.2025

à :

Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES (667)

Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES (628)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. ALI

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 - N° du dossier 24/197

Plaidant : Me Nadia ANDRE du barreau de Paris

APPELANTE

****************

SCI [Adresse 7]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

N° SIRET : 428 910 830

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 43462

Plaidant : Me Mylène MULQUIN du barreau de Paris

S.A.R.L. BAB AL FATH

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 789 62 5 0 19

[Adresse 2]

[Localité 4]

défaillante (PV 659 du 16 décembre 2024)

INTIMEES

****************

S.E.L.A.R.L. BCM

Représentée par Me [G] [T] es qualité d'admnistarteur judiciaire de la SARL ALI

[Adresse 1]

[Localité 5]

S.C.P. BTSG

Représentée par Me [I] [X] es qualité d'admnistarteur judiciaire de la SARL ALI

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 - N° du dossier 24/197

Plaidant : Me Nadia ANDRE du barreau de Paris

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ulysse PARODI, Vice président placé chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente,

Monsieur Ulysse PARODI, Vice président placé,

M. Bertrand MAUMONT, Conseiller,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 11 septembre 2019, la SCI [Adresse 7] a consenti à la SARL Bab Al Fath un renouvellement du bail commercial conclu entre elles portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 8], moyennant un loyer annuel en principal de 16 497,84 euros payable par trimestre et à terme échu et pour une durée de 9 années à compter du 2 mars 2017.

Par acte en date du 1er juillet 2021, la société Bab Al Fath a cédé à la SARL Ali son fonds de commerce, ainsi que son droit au bail.

Des loyers et charges sont demeurés impayés.

Par acte de commissaire de justice en date du 19 février 2024, la société [Adresse 7] a fait délivrer à la société Ali un commandement de payer visant la clause résolutoire stipulée dans le bail, pour une somme de 15 219,53 euros en principal au titre de l'arriéré locatif dû au 1er janvier 2024.

Le commandement de payer a par la suite été dénoncé à la société Bab Al Fath, par acte de commissaire de justice du 27 février 2024.

Par acte de commissaire de justice délivré les 8 avril et 2 mai 2024, la société [Adresse 7] a fait assigner en référé les sociétés Ali et Bab Al Fath aux fins d'obtenir principalement le constat de l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion de sa locataire et sa condamnation provisionnelle au paiement de l'arriéré locatif, outre une indemnité d'occupation.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 14 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige,

par provision, tous moyens des parties étant réservés,

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties sont réunies à la date du 19 mars 2024 à 24h,

- ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société Ali ou de tous occupants de son chef des locaux loués, dépendant de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 8],

- rappelé que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné solidairement, à titre provisionnel, les sociétés Ali et Bab Al Fath à payer à la société [Adresse 7] la somme de 17 522,51 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 1er juillet 2024 avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 19 février 2024 pour la somme de 15 219,53 euros et à compter de l'assignation pour le surplus,

- fixé, à titre provisionnel, l'indemnité d'occupation mensuelle, à compter du 20 mars 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux, à une somme égale au montant du loyer, augmenté des taxes et charges afférentes, que la société Ali aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié,

- condamné les sociétés Ali et Bab Al Fath à payer l'indemnité d'occupation mensuelle suscitée,

- condamné solidairement les sociétés Ali et Bab Al Fath aux dépens,

- condamné solidairement les sociétés Ali et Bab Al Fath à payer à la société [Adresse 7] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande des parties.

Par déclaration reçue au greffe le 22 novembre 2024, la société Ali a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :

- rappelé que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande des parties.

Par jugement du 18 décembre 2024, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la société Ali en redressement judiciaire. Il a désigné la SELARL Bcm en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP Btsg en qualité de mandataire judiciaire.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 25 juin 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Ali, la société Bcm prise en la personne de Maître [G] [T] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Ali, et la société Btsg prise en la personne de Maître [I] [X] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Ali, intervenantes volontaires, demandent à la cour, au visa des articles L. 145-41 et L. 622-21 du code de commerce, 700 du code de procédure civile, de :

'In limine litis :

- rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevé in limine litis par la SCI [Adresse 7] comme infondé en fait et en droit ;

- constater la régularité des conclusions déposées par la SARL Ali et les organes de la procédure collective ;

sur le fond :

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 14 octobre 2024 (24/01237) ;

et, statuant à nouveau :

à titre principal :

- déclarer la société SCI [Adresse 7] irrecevable en ses demandes tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial du 2 décembre 2020 ;

- déclarer la société [Adresse 7] irrecevable en ses demandes tendant à voir condamner la SARL Ali à payer des dettes échues antérieurement au jugement d'ouverture ;

- débouter la société SCI [Adresse 7] de l'intégralité des demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société SCI [Adresse 7] à payer à la SARL Ali la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.'

Au soutien de leurs prétentions, elles font valoir que la société [Adresse 7] est irrecevable à voir constater l'acquisition de la cause résolutoire compte tenu de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'endroit de la société Ali qui suspend les effets du commandement de payer lorsqu'aucune décision passée en force de chose jugée ne constate la résiliation du bail antérieurement au jour du jugement d'ouverture ; et que l'ordonnance querellée n'est pas passée en force de chose jugée car elle fait l'objet du présent appel.

Sur la caducité de la déclaration d'appel soulevée par l'intimé, leur conseil fait valoir qu'il ressort de la lecture des conclusions d'appelant et d'intervenants volontaires qu'elles présentent un dispositif qui sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance entreprise, expose expressément les demandes nouvelles au fond, et énonce les chefs d'infirmation demandés et leurs fondements juridiques de sorte qu'aucune incertitude ne subsiste sur le périmètre de l'appel ni sur l'effet dévolutif et que le formalisme procédural exigé à l'article 954 du CPC a été respecté.

Elle ajoute qu'invoquer une irrecevabilité fondée sur une prétendue imprécision formelle du dispositif revient à ériger un obstacle excessif à l'accès au juge, alors même que l'intimée elle-même a répondu au fond dans ses conclusions et que cela constitue un formalisme excessif au sens de la jurisprudence constante de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme.

Dans ses dernières conclusions déposées le 1er avril 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société [Adresse 7] demande à la cour, au visa des articles 954 et 915-2 du code de procédure civile, de :

'in limine litis

- constater que les chefs du dispositif de l'ordonnance du 14/10/2024 critiqués par la SARL Ali la SELARL Bcm et la SCP Btsg ne sont pas repris dans le dispositif de leurs premières conclusions,

- dire que la SARL Ali, la SELARL Bcm et la SCP Btsg ont abandonné la demande d'infirmation des chefs du dispositif de l'ordonnance mentionnés dans la déclaration d'appel,

- dire que la cour n'est saisie de l'infirmation d'aucun chef du dispositif de l'ordonnance de référé du 14/10/2024,

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance du 14/10/2024 en toutes ses dispositions,

subsidiairement au fond,

- confirmer dans toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé entreprise,

- débouter la SARL Ali, la SELARL Bcm et la SCP Btsg de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

plus subsidiairement,

- prendre acte que la SCI [Adresse 7] s'en rapport à justice concernant l'infirmation de l'ordonnance des chefs de :

- constatons que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties sont réunies à la date du 19 mars 2024 à 24h,

- ordonnons, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société Ali ou de tous occupants de son chef des locaux loués, dépendant de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 8],

- rappelons que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamnons solidairement, à titre provisionnel, les sociétés Ali et Bab Al Fath à payer à la société [Adresse 7] la somme de 17 522,51 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 1er juillet 2024 avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 19 février 2024 pour la somme de 15 219,53 euros et à compter de l'assignation pour le surplus,

- fixons, à titre provisionnel, l'indemnité d'occupation mensuelle, à compter du 20 mars 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux, à une somme égale au montant du loyer, augmenté des taxes et charges afférentes, que la société Ali aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié,

- condamnons les sociétés Ali et Bab Al Fath à payer l'indemnité d'occupation mensuelle sus-citée,

- confirmer, à l'égard de la caution, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé entreprise,

- confirmer les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

y ajoutant,

- condamner in solidum la SARL Ali, la SELARL Bcm et la SCP Btsg à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile d'appel ainsi que les dépens d'appel,

- condamner in solidum la SARL Ali, la SELARL Bcm et la SCP Btsg aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, de sa dénonciation, de l'assignation, de la signification de l'ordonnance et de celle de l'arrêt à intervenir.'

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'alors qu'elles concluent à l'infirmation de l'ordonnance dont appel, les appelantes n'énoncent pas dans le dispositif de leurs premières conclusions, les chefs du dispositif de l'ordonnance qu'elles entendent critiquer et dont elles sollicitent l'infirmation ; et que dans ces conditions, en application des dispositions de l'article 915-2 du code de procédure civile, les appelantes sont réputées avoir abandonné les chefs du dispositif de l'ordonnance critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel de telle sorte que la cour n'est saisie de l'infirmation d'aucun chef du dispositif de l'ordonnance dont appel.

Au fond, elle fait valoir qu'à la date de la déclaration d'appel régularisée le 22 novembre 2024, la société Ali ne faisait pas l'objet d'une procédure de redressement judiciaire de sorte qu'elle est mal fondée à solliciter l'infirmation de l'ordonnance rendue le 14 octobre 2024 et sera déboutée de ses demandes.

La société Bab Al Fath, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées, selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, respectivement le 16 décembre 2024 et le 13 février 2025, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la fin de non-recevoir des demandes de la société Ali, la société BCM et la société BTSG tirée de l'irrégularité de ses conclusions

A titre liminaire, il convient de relever que les demandes de la société [Adresse 7] de « dire que la SARL ALI, la SELARL BCM et la SCP BTSG ont abandonné la demande d'infirmation des chefs du dispositif de l'ordonnance mentionnés dans la déclaration d'appel » et de « dire que la Cour n'est saisie de l'infirmation d'aucun chef du dispositif de l'ordonnance de référé du 14/10/2024 » s'analysent comme une fin de non-recevoir des demandes de la société Ali, la société BCM et la société BTSG, ces dernières les ayant traitées comme telle, de sorte que ces demandes seront requalifiées en ce sens en application de 12 du code de procédure civile.

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile « l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Toutefois, la dévolution opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement. »

D'autre part, l'article 901 du même code prévoit que « la déclaration d'appel, qui peut comporter une annexe, est faite par un acte contenant, à peine de nullité : (...)

6° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou à l'annulation du jugement ;

7° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est, sans préjudice du premier alinéa de l'article 915-2, limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement. »

L'article 954 du code de procédure civile, dans sa version applicable à compter du 1er septembre 2024, dispose ensuite que : « Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues aux deuxième à quatrième alinéas de l'article 960. Elles formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement et énonce, s'il conclut à l'infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l'ensemble des parties récapitule leurs prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes conclusions sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. »

L'article 915-2 précise enfin que « l'appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l'article 906-2 et à l'article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel. La cour est saisie des chefs du dispositif du jugement ainsi déterminés et de ceux qui en dépendent. »

Il se déduit de ces textes que la déclaration d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement et que l'effet dévolutif peut être modifié par les premières conclusions de l'appelant.

En l'espèce, la déclaration d'appel contient la mention suivante :

« Objet/Portée de l'appel : La SARL ALI sollicite l'annulation, la réformation ou l'infirmation de l'ordonnance de référé rendue le 14 octobre 2024 par le Tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'elle a :

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties sont réunies à la date du 19 mars 2024 à 24h

- ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société Ali ou de tous occupants de son chef des locaux loués, dépendant de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 8]

- condamné solidairement à titre provisionnel les sociétés ALI et BAB AL FATH à payer à la société [Adresse 7] la somme de 17.522,51 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 1er juillet 2024 avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 19 février 2024 pour la somme de 15.219,53 euros et à compter de l'assignation pour le surplus

- fixé à titre provisionnel, l'indemnité d'occupation mensuelle à compter du 20 mars 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux à une somme égale au montant du loyer augmenté des taxes et charges afférentes que la société Ali aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié,

- Condamné les sociétés ALI et BAB AL FATH à payer l'indemnité d'occupation mensuelle sus-citée,

- Condamné solidairement les sociétés ALI et BAB AL FATH aux dépens,

- Condamné solidairement les sociétés ALI et BAB AL FATH à payer à la société [Adresse 7] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile Plus généralement, l'appel porte sur toute disposition non visée au dispositif, faisant grief à l'appelante, selon les moyens qui seront développés dans ses conclusions. »

Dès lors, la dévolution a opéré par l'effet de cette déclaration d'appel, la circonstance que les premières conclusions de la société Ali, la société BCM et la société BTSG, notifiées à la cour le 5 février 2025, ne contiennent pas dans leur dispositif les chefs du jugement critiqués étant sans incidence, la formule « INFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le Président du tribunal de judiciaire de NANTERRE en date du 14 octobre 2024 (24/01237) » étant suffisante pour que la cour soit saisie de la demande d'infirmation de la décision querellée.

Par conséquent, la fin de non-recevoir des demandes de la société Ali, la société BCM et la société BTSG tirée de l'irrégularité de ses conclusions soulevée par la société [Adresse 7] sera rejetée.

II. Sur les demandes de résiliation du bail et de paiement des loyers par provision dirigées contre la société Ali, la société BCM et la société BTSG

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

L'article L. 622-21 I du code de commerce, applicable en redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14, dispose que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action introduite par le bailleur, avant le placement en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement. (Cass, 3e civ. 13 avril 2022 n° 21-15.336)

Il résulte donc de ces dispositions que la bailleresse ne peut pas poursuivre en justice le constat de l'acquisition de la clause résolutoire pour des loyers et des charges impayés échus avant l'ouverture de la procédure collective une fois le redressement prononcé compte tenu de l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers.

Au cas présent, la décision dont appel date du 14 octobre 2024 et l'appel a été interjeté le 22 novembre 2024, tandis que la procédure de redressement judiciaire de la société Ali a été ouverte par décision du 18 décembre 2024.

En vertu des dispositions de l'article 500 du code de procédure civile, a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai.

L'article 501 précise que le jugement est exécutoire, sous les conditions qui suivent, à partir du moment où il passe en force de chose jugée à moins que le débiteur ne bénéficie d'un délai de grâce ou le créancier de l'exécution provisoire.

La décision du 14 octobre 2024 rendue en premier ressort et régulièrement frappée d'appel, n'était en conséquence pas passée en force de chose jugée au 18 décembre 2024, même si elle était exécutoire car elle bénéficiait de l'exécution provisoire.

En application des textes susvisés, à défaut de décision passée en force de chose jugée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, une demande tendant à la constatation en référé de l'acquisition d'une clause résolutoire d'un bail commercial pour défaut de paiement de loyers échus avant l'ouverture de la procédure collective se heurte à l'interdiction des poursuites et doit être déclarée irrecevable.

Il est par ailleurs constant que seules les condamnations prononcées par le juge du fond peuvent faire l'objet d'une fixation au passif d'une société en redressement judiciaire et qu'une provision susceptible d'être accordée par le juge des référés n'étant par nature qu'une créance provisoire, ne peut faire l'objet d'une telle fixation, la demande concernant cette créance devant être soumise au juge-commissaire dans le cadre de la procédure de vérification des créances.

Par voie d'infirmation, il convient dès lors de déclarer la société [Adresse 7] irrecevable en toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Ali.

III. Sur la demande de paiement des loyers par provision dirigée contre la société Bab Al Fath

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application de ce texte, le montant de la provision qui peut être allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, il résulte des éléments contractuels versés au débat par la société [Adresse 7] que l'engagement de garant de la société Bab Al Fath est établi.

Aussi, ce chef de l'ordonnance querellée sera confirmé.

IV. Sur les demandes accessoires

Au regard de la nature de la présente décision, l'infirmation relevant pour l'essentiel de l'ouverture d'une procédure collective au profit de la société Ali, la décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Pour le même motif, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir des demandes de la société Ali, la société BCM et la société BTSG tirée de l'irrégularité de leurs conclusions soulevée par la société [Adresse 7] ;

Vu le jugement d'ouverture de la procédure collective rendu le 14 octobre 2024 par le tribunal de commerce de Nanterre intéressant la société Ali ;

Infirme l'ordonnance entreprise à l'exception de ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale et en ce qu'elle a condamné la société BAB AL FATH ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société [Adresse 7] irrecevable en sa demande d'acquisition de la clause résolutoire ainsi qu'en ses demandes en paiement formées à l'encontre de la société Ali ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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