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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 28 octobre 2025, n° 23/00256

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/00256

28 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2025

(n° / 2024 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00256 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG32F

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 6 octobre 2022 -Juge commissaire du Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2022M02890

APPELANTE

La société UNIBAIL-RODAMCO-WESTFIELD SE, société européenne, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 682 024 096 ,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Antoine PINEAU-BRAUDEL de la SAS CABINET PINEAU-BRAUDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0260,

INTIMÉS

Maître [L] [X], en qualité de mandataire judiciaire de la société SLIGHEUL, nommée par Jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 16 mars 2021,

Dont l'étude est située [Adresse 1]

[Localité 6]

S.A.R.L. SLIGHEUL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 505 104 620,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Adresse 8]

[Localité 7]

S.E.L.A.R.L. [T] ET ASSOCIES, prise en la personne de Maître [S] [T], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société SLIGHEUL, nommée en cette qualité par Jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny du 17 mai 2022,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 842 491 029,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentées par Me Jean-Laurent EMOD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN 242,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

Le 11 mars 2013, la SCI Aéroville, aux droits de laquelle est venue la société Unibail-Rodamco-Westfield SE pour la période du 1er avril au 30 juin 2020 par suite d'une cession de créance du 18 mai 2020, et la société Sligheul ont conclu un contrat de bail commercial portant sur un local exploité sous l'enseigne « Loding », dépendant du centre commercial « Aéroville » situé sur les communes de Tremblay-en-France et Roissy-en-France.

Par jugement 16 mars 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Sligheul, désigné la SELARL [T] et associés en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance du débiteur et Me [X] es-qualité de mandataire judiciaire. Le 5 juin 2024, la société Sligheul a été placée en liquidation judiciaire.

Par courrier du 21 avril 2021, la société Unibail-Rodamco-Westfield SE, bailleresse, a déclaré une créance d'un montant de 39.300,40 euros à titre privilégié dont 3.572,74 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et irrévocable au taux de 10%, entre les mains du mandataire judiciaire, qui a contesté cette créance à hauteur de 3.572,74 euros.

Par ordonnance du 6 octobre 2022, notifiée le 2 novembre 2022 à la société Unibail-Rodamco-Westfield SE, le juge commissaire, statuant sur le montant total de la créance déclarée de 39.300,40 euros, a rejeté la créance à hauteur de 3.573 euros, considérant que faute d'avoir été notifiée dans les conditions stipulées par l'article 26.2.1 du contrat de bail, l'indemnité forfaitaire de 10% résultant de l'application de la clause ne saurait être intégrée au montant dû par le débiteur.

Par déclaration du 16 décembre 2022, la société Unibail-Rodamco-Westfield SE a relevé appel de l'ordonnance du juge commissaire, intimant la SARL Sligheul, Me [X] es-qualité de mandataire judiciaire et la SELARL [T] et associés prise en la personne de Me [S] [T] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL Sligheul.

Le 7 juillet 2023, le conseiller de la mise en état a invité la société Unibail-Rodamco-Westfield SE à justifier du respect du délai d'appel et, le cas échéant, à faire des observations sur l'inobservation de ce délai.

Par ordonnance sur incident du 28 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel formé le 16 décembre par la société Unibail-Rodamco-Westfield SE.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 15 mars 2023, la société Unibail-Rodamco-Westfield SE demande à la cour de :

déclarer recevable et fondé son appel ,

confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné que la créance de la société Unibail-Rodamco-Westfield SE doit être admise à titre privilégié ;

l'infirmer en ce qu'elle a admis la créance de la société Unibail-Rodamco-Westfield SE à hauteur de 35.727,40 euros et rejetée pour le surplus, statuant à nouveau de ce chef, fixer au passif de la société Sligheul, à titre privilégié, la créance de la société Unibail-Rodamco-Westfield SE correspondant, au jour du jugement d'ouverture de sa procédure de redressement judiciaire, aux sommes exigibles suivantes : 35.727,40 euros pour les loyers, charges et accessoires impayés en principal et 3.572,74 euros pour l'indemnité forfaitaire et irrévocable de 10%, soit une somme totale de 39.300,40 euros ;

condamner la société Sligheul à payer à la société Unibail-Rodamco-Westfield SE une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement admettre au passif de la société Sligheul la créance additionnelle de la société Unibail-Rodamco-Westfield SE d'un montant de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Maître [X], en qualité de mandataire judiciaire, la SELARL [T] et Associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Sligheul, ainsi que la société Sligheul, ont constitué avocat, ont conclu sur incident, mais n'ont pas pris d'écritures au fond.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 avril 2024.

SUR CE

Sur la créance

La contestation de la créance déclarée par la bailleresse ne porte que sur l'indemnité forfaitaire de 10% d'un montant de 3.572,74 euros.

Le mandataire judiciaire a contesté cette créance au motif que l'indemnité forfaitaire de 10%, étant assimilable à une clause pénale, pouvait être modérée par le juge et que son taux de 10% était manifestement excessif. Le créancier a maintenu les termes de sa déclaration.

La société Unibail-Rodamco-Westfield SE soutient que cette indemnité lui est pleinement due. Elle souligne liminairement au visa des articles L.624-2 et L.622-25-1 du code de commerce, que sa déclaration de créance, valant acte de poursuite, la dispensait de l'envoi d'une lettre de mise en demeure. Elle fait ensuite valoir que les conditions d'application de l'article 26.2.1 du contrat de bail commercial sont remplies, que cette clause ne souffre aucune interprétation, qu'elle permet d'organiser à l'avance l'indemnité due en cas de manquement, qu'il ne relève pas de l'office du juge commissaire de statuer sur le caractère manifestement excessif ou non de cette indemnité forfaitaire, qu'elle n'a pas à prouver un quelconque préjudice pour obtenir réparation et qu'en tout état de cause cette indemnité est bien fondée eu égard aux préjudices financiers et administratifs qu'elle subit, s'étant trouvée privée de trésorerie pour faire face à ses propres charges et devant exposer des frais de procédure et de traitement interne excédant cette indemnité conventionnelle.

L'article 26.2.1figurant dans les conditions générales du bail, au chapitre Clause résolutoire- sanctions générales, stipule :

« Indemnités forfaitaires.

A défaut de paiement de toutes sommes dues par le Preneur en vertu du Bail, et notamment des loyers et accessoires à leur échéance, et du seul fait de l'envoi par le Bailleur d'une lettre consécutive à cette défaillance, restée infructueuse pendant quarante-huit heures après sa première présentation, comme en toute hypothèse en cas de notification d'un commandement ou d'une mise en demeure, le montant des sommes dues sera majoré de plein droit de 10% à titre d'indemnité forfaitaire et irrévocable.

Cette pénalité sera due indépendamment des intérêts de retard dont le règlement est prévu par l'article 8 du Titre II. »

L'indemnité forfaitaire litigieuse s'analyse en une clause pénale en ce qu'elle prévoit une indemnisation forfaitaire du préjudice découlant d'un retard de paiement des loyers. Elle est donc susceptible de modération ou de majoration par le juge en vertu de l'article 1231-5 du code civil si la pénalité convenue est manifestement excessive ou dérisoire.

Dès lors que, ni l'existence de cette clause ni son application aux relations contractuelles entre les parties ne font en l'espèce sérieusement débat, il entre dans les pouvoirs du juge commissaire saisi de la contestation de la créance, et à sa suite de la cour d'appel, d'apprécier si l'indemnité présente ou non un caractère manifestement excessif.

Il n'est pas contesté que la société Sligheul n'a pas réglé les loyers charges et accessoires du 2ème trimestre 2020 pour un montant de 35.727,40 euros. Cette absence de règlement a nécessairement eu une incidence sur la gestion de la trésorerie de la bailleresse. Dans ces circonstances, l'indemnité contractuelle de 10% représentant un montant de 3.572,74 euros n'apparaît pas manifestement excessive et doit être admise.

A ces motifs, l'ordonnance sera infirmée et il y a lieu d'admettre à titre privilégié la créance de la société Unibail-Rodamco-Westfield SE, venant aux droits de la société Aéroville, pour un montant total de 39.300,14 euros, après rectification d'une erreur de calcul (principal 35.727,40 euros + indemnité 3.572,74 euros).

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Infirme l'ordonnance,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Admet à titre privilégié la créance de la société Unibail-Rodamco-Westfield SE, venant aux droits de la société Aéroville, au passif de la société Sligheul pour un montant total de 39.300,14 euros,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective,

Déboute la société Unibail-Rodamco-Westfield SE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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